Titre : Blind

                                                                                                                            Auteur : Aakanee

                                                                                                                          Genre : romance

                                                                                                                  Base : FF8

Blind

Vingt et unième partie

  Laguna passa doucement une main dans les cheveux de Eike, prenant garde à ne pas réveiller l'enfant endormi près de lui et soupira doucement.

   _ Ca va aller ? Demanda soudain une voix à ses côtés.

  Il se tourna pour faire face à Quistis, assise à sa droite sur une des nombreuses chaises de la salle d'attente, les cheveux légèrement en bataille et son regard azurite et concerné, tourné vers lui. Sa robe, cérulée et légèrement trop serrée à la taille, retombait gracieusement sur ses cuisses, ondulant le fin tissu transparent qui la bordait. Elle ne portait plus ses lunettes, remplacées, après moult négociations, par des lentilles qui lui donnaient un visage plus jeune, plus radieux et beaucoup moins sérieux.

  Elle lui semblait toujours plus rayonnante.

  Il lui sourit faiblement avant de prendre délicatement sa main et la serrer.

  _ Non, dit-il avec sincérité. Cette situation va poser énormément de problèmes politiques auxquels il sera difficile de faire face.

  _ Laguna, soupira Quistis. Ce n'est pas de ça dont je voulais parler.

  _ Je sais.

  _ Alors ?

  Le président se pencha légèrement en avant pour venir embrasser la base de sa nuque et se perdre un instant dans la flagrance délicate de jasmin de sa peau, avant de se redresser et fermer les yeux.

  Il se sentait… vidé. Trop de choses, trop vite, il ne savait plus quoi penser.

  Sentant qu'elle attendait sa réponse, il rouvrit son regard de béryl pour le plonger dans le sien.

  _ Alors ? Dit-il d'un ton fatigué. Alors mon meilleur ami vient de me mettre dans une position délicate pour un garçon dont je ne sais rien sinon qu'il a tué et failli tuer des milliers de gens. Que je n'avais pas le droit de lui refuser cet appel à l'aide. Que maintenant Squall me déteste pour une raison que je n'arrive pas à saisir.

  Il secoua tristement la tête.

  _ Si tu l'avais vu, il y avait tellement de haine en lui, un tel venin dans ses paroles. Je ne sais pas ce qu'il s'est réellement passé entre lui et Seifer, mais cela va plus loin que de la simple torture. Il le veut sa mort, quelques en soient les conséquences pour lui et pour tous ceux qui l'entourent. Je ne sais pas ce qu'il a. Je ne le comprends pas. Je… je crois que cette fois, je l'ai définitivement perdu.

  Voyant les larmes perler dans son regard, Quistis resserra doucement sa prise sur sa main, mêlant ses doigts aux siens avant de répondre gentiment.

  _ Je ne prétends connaître Kyros, tu sais. Mais je crois avoir suffisamment cerné sa personnalité pour savoir qu'il n'aurait jamais aimé Seifer s'il n'avait pas vu quelque chose en lui qui méritait ces sentiments. De plus, tu oublies que je connais ce grand zouave blond depuis très longtemps.

  Son sourire apparut quelques secondes plus tôt, se fana presque immédiatement.

  _ Seifer a fait… beaucoup d'erreurs, Laguna. Beaucoup d'erreurs pour la seule raison de n'avoir jamais su gérer ses sentiments. Il s'est toujours comporté en animal blessé, même enfant, rejetant tout le monde, incapable de nous laisser le toucher, incapable de faire montre de ses peines et de ses peurs. Seul Squall est arrivé à le faire sortir un peu de sa coquille de faux-semblants… avec Edéa, mais l'arrivée d'Ellone à tout bouleverser. Je pense que cela à même empirer la situation et il semblerait que seul Kyros, depuis, soit parvenu à percer à nouveau son masque.

  _ Irvine m'a plus ou moins dit la même chose, sourit Laguna.

  _ Ne jamais contrarier les instances supérieures, s'amusa Quistis. Mais ne va jamais le répéter au Cow-boy où il serrait bien capable de ne plus pouvoir enfiler ses bottes.

  _ Entendu, ce sera un secret bien gardé, chuchota sa moitié d'un signe conspirateur.

  Puis, plus haut :

  _ De toute façon, je ne vois pas qui pourrait me croire.

  _ Laguna…

  _ Hn ?

  _ Niquedouille !

  Le président lui tira la langue, avant de l'embrasser rapidement sur la joue et d'éclater de rire, soudain plus détendu. Que Quistis partage l'avis d'Irvine le rassurait plus qu'il ne voulait se l'avouer, sur l'avenir de Kyros et ses propres décisions.

  Consciente de l'aboutissement de ses efforts, la jeune femme roula des yeux, faussement fâchée, mais tout sourire, avant de lui rendre de son étreinte, mais de manière beaucoup moins chaste, faisant gagner à ses joues un beau carmin.

  _ Quistis, souffla-t-il presque indigné, lorsqu'elle s'écarta pour lui laisser reprendre son souffle.

  _ Oui ?

  _ Dépravée !

  _ Toujours ! Sourit la jeune femme, provocatrice. Mais c'est bien pour ça que tu m'aimes.

  _ Misère !

  _ Eheh !

  Il abandonna finalement la partie, certain de perdre une fois de plus contre cette femme au caractère étonnant qu'il ne regrettait pas d'avoir décidé d'épouser. Il la détailla alors encore un long moment avant de froncer légèrement un sourcil.

  _ Quoi ? Demanda-t-elle consciente de cette inspection, serrant légèrement les lèvres et se dandinant sur sa chaise un peu mal à l'aise.

  Ce pouvait-il que… ?

  _ C'est bizarre, lui dit Laguna en frôlant sa hanche. J'étais pourtant sûr d'avoir choisi la bonne taille.

  Quistis jeta un rapide coup d'œil à sa robe, avant de reporter son attention sur son compagnon, prenant son air le plus vexé, mais secrètement amusé et heureuse.

  _ Dit tout de suite que j'ai grossi ! Souffla-t-elle horrifié, mais morte de rire de le voir instantanément se décomposer.

  Laguna sursauta presque sous cette accusation, sentant venir une discussion aux conséquences tragiques qu'il préférait, au grand dieu, éviter.

  _ Non, non ! Dit-il rapidement. C'est juste que… tu vois… en fait… euh… je… enfin le couturier m'avait dit… mais il a du se tromper, parce que… le… enfin… ça ne devrait pas… et… et puis zut ! Soupira-t-il en se sentant s'embourber. Moi et mon grand clapet.

  Décidément, il ne saurait jamais y faire avec les femmes ! Il se disait parfois que pour ce qui était de la gente féminine, le mot « subtilité » avait du être effacé de son vocabulaire. Une tare de naissance en quelque sorte.

  Il se renfrogna sur lui-même, attendant que l'orage éclate et leva un sourcil surpris en direction de sa compagne lorsque aucune brimade, ni coup sur le crâne, ne vint le punir pour son manque de finesse. Il craint d'ailleurs presque un instant de l'avoir définitivement vexée avant de voir le grand sourire qui éclairait son visage.

  _ Quistis ? Demanda-t-il alors prudemment. Tu es sûre que ça va ?

  Sa compagne aurait presque éclaté de rire à sa mine apeurée et déconcertée, mais parvint miraculeusement à garder son sérieux.

  _ Alors comme ça, tu trouves que j'ai grossi, dit-elle plus doucement, plus tendrement cette fois, chamboulant encore un peu plus son esprit.

  Il fut incapable de lui répondre.

  Une minute, peut-être deux passa ainsi, lui, la dévisageant sans plus rien comprendre, elle, plus radieuse que jamais, avant qu'un petit clic ne se fasse enfin dans son esprit et que les roulements de ses neurones ne veuillent se remettre en marche, fonctionnant soudain à plein régime.

  Ce sourire malicieux et heureux, il l'avait déjà vu quelque part. Oui, il se souvenait maintenant,  accroché au visage de Raine le jour où… où… non, ce… ce n'était pas possible.  Ce…

  _ Quistis… souffla-t-il en écarquillant de grands yeux. Tu… tu ne… tu es… TU ?

  _ Gros bêta ! Sourit la jeune femme avant de lui picorer rapidement le bout des lèvres. Que crois-tu ?

  Laguna avala péniblement sa salive, ayant soudain beaucoup de mal à se rappeler combien faisait un plus un, son esprit lui flashant irrémédiablement le nombre « trois ». Il cligna plusieurs fois des paupières, se forçant à respirer et former une phrase cohérente avant d'oser à nouveau parler. Mais le seul mot qui pu franchir ses lèvres fut :

  _ Enceinte ?!?

  La jeune femme se contenta de lui sourire et il lui fallut encore plusieurs instants pour digérer la nouvelle, avant qu'il ne se lève soudain et ne la prenne dans ses bras, à sa plus grande surprise, pour la soulever et la faire tourner dans les airs, riant aux anges.

  Quistis éclata, elle aussi, de rire avant de le supplier de la reposer par terre, quelque peu gênée devant tous les regards braqués maintenant sur eux.

  Laguna s'exécuta doucement, comme s'il s'agissait désormais d'une figure de porcelaine, avant de l'embrasser et de crier à nouveau sa joie.

  _ Enceinte ?!? Mais c'est merveilleux !!!!

  Si Quistis avait eu les moindres craintes, elles étaient désormais toutes envolées et elle rougit un peu plus quand un éclat d'applaudissements et de joie se fit soudain entendre autour d'eux. Aucun doute que la nouvelle serait dans toutes les éditions spéciales des journaux d'Esthar une heure plus tard.

  La jeune femme, en toute bonne compagne du président, sourit à la petite population près d'elle avant de se tourner vers son cher et tendre et pousser un petit soupire qui lui promettait quelques ennuis.

  Laguna se gratta l'arrière de la nuque d'un air faussement contrit, démenti par l'immense sourire qui ne voulait plus quitter son visage, toutes inquiétudes un instant oubliées.

  Ils se rassirent finalement après avoir serrer quelques mains et reçus moult félicitations et s'apprêtaient à nouveau à s'embrasser lorsqu'ils furent interrompus par une voix.

  _ Excuser-moi, demanda un petit bout de femme de quarante ans, efflanquée d'un compagnon de presque deux fois sa taille. Nous cherchons la chambre de monsieur Almasy.

***

  Hyman regarda Irvine s'asseoir avec précaution sur le bord du lit, froissant légèrement le drap blanc et l'alèse turquoise qui le recouvrait, pour prendre délicatement la main qui reposait, inerte, dessus.

  Le corps de Zell, nu jusqu'à la taille et à peine recouvert par ces tissus, semblait étrangement minuscule et pâle dans ce lit pourtant simple. Presque un enfant. Sa peau, quelques heures plus tôt parfaitement ambrée, était désormais fantomatique, presque transparente. Ses lèvres commençaient tout juste à retrouver leur couleur, mais demeuraient craquelées, comme déshydratées et ses cheveux, trempés de sueur, retombaient, collant, sur la peau de son front.

  Une perfusion d'une quelconque solution glucosée perçait son bras droit pour lui amener le liquide nécessaire et plusieurs électrodes avaient été installées sur son torse pour surveiller sa fonction cardiaque. Il y avait aussi cette petite pince plastique, un oxymètre,  qui recouvrait l'un de ses doigts et servait à vérifier que son sang était toujours bien oxygéné. Enfin un brassard se gonflait toutes les cinq minutes environs pour prendre sa tension, brisant le silence de la pièce de son bip sonore.

  L'arrière du lit était entouré de toutes les machineries nécessaires, indiquant les informations recueillies par ses gadgets, tous plus ou moins bruyants ou brillants et assurant un parfaite surveillance du patient.

  Hyman soupira lourdement. Il n'avait pas besoin de tous ses bidules pour savoir comment se portait le jeune homme, c'est à dire bien étant donné la situation. Il était complètement sorti d'affaire, les drogues ayant été en grande partie purgées de son corps par un lavage d'estomac un peu plus tôt, le reste étant peu à peu nettoyé par son organisme lui-même et les quelques aides que les médecins lui avaient offerts pour le seconder.

  Physiquement, tout serrait rentrer dans l'ordre au plus tard le lendemain, psychologiquement maintenant, c'était une autre histoire. Zell allait devoir affronter ses démons intérieurs sans aucune chance d'y échapper cette fois, mais heureusement soutenu.

  Il ne s'inquiétait pas trop.

  Il n'y avait qu'à voir comment Irvine semblait incapable de le lâcher des yeux. Il avait probablement plus à craindre du jeune homme et de sa colère motivée par sa peur maintenant, que des ombres d'un passé qu'il pourrait sous peu oublier. Du moins l'espérait-il. Il n'avait que trop souffert.

  Il ne put s'empêcher de sourire en voyant le grand blond passer doucement une main dans la crinière dorée du jeune homme endormi, écartant doucement les mèches qui retombaient sur son regard, avant de descendre sur sa joue, tracer son tatouage.

  Il ne pouvait voir son visage, mais devinait aisément l'expression soulagée et terrifiée qui devait encore le peindre.

  Oh oui, cette fois, il ne le laisserait plus partir.

  Finalement, Irvine se pencha légèrement pour venir lui embrasser le front avant de s'étendre près de lui, calant sa tête au creux de son épaule, prenant bien garde à ne pas débrancher de fils et ferma les yeux.

  Hyman le regarda faire, avant de sortir doucement de la pièce et refermer la porte derrière lui, laissant les deux jeunes gens tranquilles jusqu'au réveil de Zell. Il s'appuya alors dessus et s'étira comme un chat, tout en souplesse et en agilité malgré son « grand âge », s'attirant les regards surpris et admiratifs des quelques médecins et infirmières qui passèrent à cet instant et qui le firent glousser intérieurement.

  Enfin, une chose de réglée. Restait l'autre grand dadais. Encore heureux qu'il s'en soit sorti. Mais on avait pas idée aussi, aller se jeter droit dans la gueule du loup, je vous jure, à croire qu'il n'avait rien appris.

  _ Ces jeunes ! Grimaça-t-il doucement. Tout dans le cœur et rien dans la tête.

  Il n'aurait plus manqué qu'il meurt et il aurait fait quoi, lui !Il se serrait retrouver bien bête, surtout avec l'autre zozios qui avait décidé de faire également des siennes. A croire qu'ils s'étaient donnés le mot. Non mais c'est vrai, le même jour, deux crises de conscience pas loin de mettre la pagaille dans ses dossiers. Comme s'il n'avait pas assez de travail comme ça !

  Screugneugneu !

  Enfin, cela lui avait donné une leçon, un plan, aussi bien préparé soit-il, partait toujours à vaux de l'eau à un moment ou à un autre. Le problème étant que rien n'était parfait dans cette histoire. Rien n'était sûr. Il ne faisait que pousser un peu les choses en espérant jouer sur la bonne corde. Il n'en avait pas vraiment le droit, mais parfois, il fallait savoir passer outre. Seul avantage, il n'y aurait personne d'autre que lui pour lui passer un savon si jamais son petit plan échouait.

  Ouai, autant dire que ça reviendrait au même.

  Alàlà et aller savoir ce qu'ils allaient encore lui réserver comme surprises. Parfois sa situation avait vraiment des inconvénients frustrants, mais il n'avait plus le choix en la matière, alors autant faire avec.

  Ce qui lui rappelait d'ailleurs qu'il lui restait un certain blondinet à qui il devait remonter les bretelles. Enfin, si Elly, qu'il s'était empressé de prévenir, lui en laissait un petit bout, ce dont il doutait sérieusement.

  Pauvre Seifer ! Avec un peu de chance Kyros saurait le protéger… un temps.

  Sur ces bonnes pensées et intérieurement très amusé, il se dirigea rapidement vers les ascenseurs dans l'espoir de ne pas manquer un seul instant de cette rencontre croustillante.

***

   Sentant un tracé de plume jouer sur sa peau, il ronchonna quelque peu, se laissant tirer lentement et bien malgré lui, d'un sommeil qu'il aurait voulu prolonger. Il avait la sensation de ne pas avoir dormi depuis des semaines, ce qui n'était pas totalement faux. « Des mois » aurait même été un terme plus juste tant il était harassé.

  Oui, il voulait juste dormir.

  Malgré tout, le contact demeura, chaud et agréable dans un sens, et il crut presque entendre un petit rire raisonner à ses oreilles.

  Il battit plusieurs fois des paupières, soudain tout à fait réveillé. Il ne pouvait pas… sauf si…

  Il ouvrit aussitôt les yeux pour distinguer le mur blanc de la chambre et le signe des nombreux instruments qui trônait près du lit, tout à fait conscient du lieu où il se trouvait et redressa rapidement la tête. Il rattrapa tout juste la main qui en tomba, par pur réflexe, peinant, pendant quelques instants encore, à croire ce qu'il voyait.

  Il ne pouvait pourtant pas nier le regard aveugle, mais bien ouvert, posé sur lui, pas plus que l'expression incertaine qui jouait sur les traits du jeune homme alité. Il serra aussitôt la main qu'il avait rattrapée, pressant délicatement ses doigts, incapables presque de contenir soulagement et joie.

  _ Bienvenu dans le monde des vivants, souffla-t-il finalement, encore un peu groggy mais plus heureux qu'il n'aurait su le dire.

  Seifer ouvrit la bouche pour parler, avant de la refermer, incertain de ce qu'il pouvait dire, incertain de ce qu'il y avait à dire. Certes Kyros semblait heureux de le revoir, mais il craignait aussi la colère et le rejet. Il savait qui il était désormais. Il le savait et bien que ses dernières paroles venaient encore jouer dans sa mémoire, il n'était pas tout à fait sûr de pouvoir les croire, de pouvoir les accepter. Il aurait tout aussi bien pu les imaginer dans un instant de délire.

  Il tourna légèrement la tête vers ce qu'il jugea être le plafond, mais n'était pour lui que ténèbres et resserra légèrement ses doigts sur la main qui les emprisonnait, désespérant presque de sentir leur chaleur. Ce contact qu'il n'avait pu oublier.

  _ Kyros ? Demanda-t-il finalement.

  C'était pure rhétorique, mais il ne savait pas quoi dire d'autre.

  Il sentit le guerrier bouger, déplacement visiblement sa chaise au bruit grinçant du carrelage, avant qu'un nouveau poids ne vienne faire pencher doucement son matelas vers la droite, changeant légèrement son point de gravité et le forçant un instant à se raccrocher aux draps parfaitement tirés.

  Un souffle chaud vint alors jouer quelques instant sur sa peau et il ferma les yeux, laissant un tremblement soulagé le parcourir lorsque deux lèvres chaudes se posèrent finalement sur les siennes pour les effleurer.

  Il n'avait pas rêvé.

  Il n'avait pas rêvé. Il en aurait presque pleuré.

  Une pensée contraire passa au même instant dans l'esprit de Kyros qui peinait encore à croire que le jeune homme ait pu se réveiller. Il avait été si proche de le perdre, si proche de ne jamais pouvoir le revoir ou le toucher qu'il était difficile de réaliser qu'il était désormais dans ses bras, répondant à son étreinte.

  Un sourire étira ses lèvres alors qu'il continuait à le dévorer, incapable désormais de le lâcher, qui se transforma bientôt en rire de joie.

  _ Kyros, marmonna Seifer sans réellement chercher à se dégager, soupirant même de frustration lorsque son aîné consentit finalement à s'écarter de quelques centimètres.

  _ Hn ?

  _ Je suis désolé.

  Deux doigts se posèrent sur ses lèvres pour les sceller.

  _ Je sais.

  _ Non, je…

  _ Seifer, shhh, je sais. Je sais. Et puis, dit-il en souriant malicieusement, je te ferais payer bien assez tôt ces lonnnnnngs jours d'abstinence forcée.

  Sentant l'amusement dans la voix de son aîné, le jeune homme sourit à son tour et se détendit complètement.

  _ Je ne crois pas que je pourrais y échapper, hein ?

  _ Certainement pas !

  _ Hyne me vienne en aide !

  Kyros éclata réellement de rire cette fois devant sa mine faussement désespérée et gourmande.

  _ Je suis sûr que tu te débrouilleras bien tout seul, dit-il en l'embrassant à nouveau

  _ J'ai eu un bon professeur… heureusement, marmonna Seifer en le laissant ouvrir ses lèvres et encerclant son cou pour ne pas le laisser échapper cette fois.

  _ Je sais !

  _ Flatteur !

  _ Toujours !

  Et sur ce, Kyros l'empêcha de prononcer encore une seule parole, les perdant mutuellement dans ce qu'ils leur avaient échappé depuis bien trop longtemps. Désirs et envie.

  Lorsqu'il le relâcha enfin, le guerrier allongea sa tête sur sa poitrine, laissant le jeune homme le réconforter silencieusement d'un mouvement régulier dans ses longues mèches.

  _ Seifer ?

  _ Hum ?

  Il tourna légèrement la tête, fixant son regard voilé, regrettant peut-être réellement pour la première fois de ne pas pouvoir se plonger dans leurs profondeurs océanes.

  _ Ne part plus.

  Le jeune homme sourit doucement.

  _ Jamais.

  Kyros allait lui répondre, lorsque le charme de l'instant fut irrémédiablement perdu par l'ouverture fracassante d'une porte et un cri qui fit grincer les deux hommes. L'un de peur pour lui-même et l'autre de peur pour son pauvre mamour qu'il venait juste de retrouver.

  _ ELLAN ALDAN ! Ou devrais-je dire SEIFER ALMASY ! Résonna clairement la voix d'Elly dans l'encadrement de la porte.

  _ Oups, oups, oups ! Grimaça le jeune homme en la reconnaissant et se planquant aussitôt sous ses couvertures. Chuis pas là ! Chuis pas là !

  Puis en l'entendant approcher.

  _ Cette fois, je suis vraiment mort ! O'scour !!!!

  Encore un peu surpris, mais mort de rire, Kyros se dressa devant lui, faible protection devant la colère amusée de Lel qui comptait bien faire payer au jeune homme les innombrables nuits sans sommeil qu'il lui avait fait passer depuis sa disparition.

  Elle était immédiatement suivit de Daren, portant Eike, qui lui adressa un petit clin d'œil entendu, sachant pertinemment que personne n'échappait au courroux Lelien et l'invitant silencieusement à ne défendre sa princesse que le temps nécessaire à sa survie. Derrière lui, suivait Laguna et Quistis qui ne savaient pas trop comment réagir face à ce petit morceau de femme impressionnante, hésitant entre appeler les secours ou laisser faire. Voyant l'expression amusée de Kyros, ils décidèrent simplement d'assister aux évènements, désormais curieux. Quant à Eike, ayant déjà rencontré Elly et connaissant son tempérament de feu, il savait qu'il n'avait pas grand chose à craindre pour la survie de Seifer et attendit, tout sourire, dans les bras de Daren que la tempête ne passe.

  Finalement, la dame se planta devant Kyros qui écarta légèrement les jambes et croisa les bras, en tout bon garde du corps, pour lui bloquer le passage, une expression résolue et un peu menaçante sur le visage. Malheureusement, et il le savait, il en fallait beaucoup plus pour impressionner cette femme qui avait bien réussi à apprivoiser Seifer et elle lui dédia un regard tout aussi féroce, uniquement démenti par le sourire soulagé qui éclairaient ses lèvres.

  _ Kyros… grogna-t-elle.

  _ Elly !

  _ GRRR !

  _ Kai !

  Prenant un air effrayé, qui fit éclater de rire Daren et Laguna, Seagill fit un bon sur le côté, pour laisser le passage à Elly, la suppliant doucement :

  _ Ne me l'abîme pas trop quand même Lel, il pourrait encore servir. Pour moi au moins.

  _ Mouai… grimaça la restauratrice, on verra ça.

  Et sans attendre, elle souleva le drap sous lequel Seifer s'était planqué, pour se retrouver face à l'oreiller qu'il avait dressé entre elle et lui en maigre protection.

  _ Traite, souffla le jeune homme dans la direction qu'il supposa être celle de Kyros.

  _ Chuis trop jeune pour mourir, gloussa ce dernier en voyant son expression.

  _ Et moi donc, soupira Seifer avant de se taire en entendant Elly taper du pied par terre. Oh, misère !

  _ Tient, tient, tient, mais qui vois-je ? Susurra-t-elle. Notre lézard national !

  _ LEL ! S'indigna le jeune homme à l'hilarité générale.

  _ Oui, Seifer ? Aurais-tu quelque chose à dire ?

  Le pauvre blessé secoua piteusement la tête, se brassant contre la tempête, que dire, la tornade qui ne manquerait pas d'arriver.

  _ Non ? Questionna la dame d'un ton moqueur. C'est pitié.

  Elle soupira lourdement, comme le ferait une mère face à son enfant attrapé à faire une bêtise, avant de saisir l'oreiller qu'il tenait et lui arracher pour mieux le regarder.

  _ Très bien, alors c'est moi qui vais parler. Ca, dit-elle en lui envoyant le carré de plume dans la tête dans un « outch » étouffé, c'est pour être parti sans rien nous dire.

  _ Ca, poursuivit-elle en appuyant vicieusement, mais doucement sur son flanc blessé, pour ne pas trop le faire souffrir, mais le faisant néanmoins grimacer de douleur, c'est pour nous avoir fait passer, je ne sais combien de nuit sans sommeil à nous inquiéter.

  Kyros lui aurait presque sauté dessus à cet instant, tout amusement évanoui face à son geste, mais elle avait déjà retiré sa main pour s'asseoir sur le bord du lit et attirer le jeune homme à elle.

  _ Et ça, dit-elle enfin, le prenant dans ses bras et laissant ses larmes couler pour la première fois, c'est pour être toujours en vie.

  Bien qu'encore sensible à la peine infligée à son côté et conscient qu'il la méritait, Seifer lui rendit aussitôt son étreinte murmurant son pardon au creux de son cou. Elly hocha tout juste la tête et le laissa finalement aller, l'aidant à se recoucher avant de tirer les draps sur son torse et ébouriffer rapidement ses cheveux.

  _ Excuses acceptées, sourit-elle.

  _ Merci.

  _ Mouai, mais ne te crois pas encore sorti d'affaire pour autant mon grand.

  _ Pôa juste, soupira le jeune homme dans une moue adorable, tout le monde est contre moi.

  _ Meuuuuh non, répliqua joyeusement Elly, seulement ceux qui t'aiment… et ceux qui t'aiment un peu moins… et ceux qui t'aiment pas du tout. Donc ça fait…  t'as raison, tout le monde.

  _ Grumph.

  _ Oh c'est mignon, il crachouille ses flammes.

  _ LEL !

  La quadragénaire échappa tout juste à son assaut, sautant hors du lit derrière Seagill et laissant le jeune homme frustré mais tout sourire. Ce dernier se réinstalla alors confortablement dans ses draps, attentif à ses mouvements, profitant enfin de ce bref moment de répit pour explorer son univers et manager son flanc, aider aussitôt de Kyros. Il sourit lorsqu'il sentit la main du guerrier se refermer sur la sienne, réconforté de le savoir à ses côtés, bien que toujours mal à l'aise dans cette chambre qu'il ne connaissait pas.

  Laguna, désormais adossé au mur face au lit, remarqua pour la première fois son regard voilé lorsqu'il le tourna involontairement vers lui et ravala un hoquet de surprise. Il laissa cependant échapper un petit son qui suffit à attirer l'attention du jeune homme.

  Seifer se figea instantanément, s'ouvrant à ses sens pour découvrir les présences auxquelles ils n'avaient pas prêté attention jusqu'à présent et frissonna légèrement.

  _ Qui est là ? Demanda-t-il faiblement à Kyros, refermant un peu plus ses doigts sur sa main, crispé. Où suis-je ?

  Seagill tourna la tête vers l'assemblée, devinant son malaise et répondit gentiment :

  _ Et bien, tu es à Esthar et pour ce qui est des personnes présente, nous avons Lel et Daren, sans oublier Eike…

  Il le sentit se tendre un peu plus à ce nom et lui caressa gentiment le bras pour le rassurer avant de poursuivre.

  _ … et également Laguna à qui tu dois la vie et Quistis, sa fiancée.

  A peine ces mots passés les lèvres du guerrier, le jeune homme se recula inconsciemment dans son lit, butant contre son montant, terrifié.

  Il semblait n'être sorti d'un piège que pour tomber dans un autre et d'une ombre de mort pour une prison. Car il ne doutait pas que ce serait là que le mèneraient ses pas une fois sorti de ce lit, Kyros ou pas. Après tout, il avait torturé Squall, le fils de Laguna Loire, actuel président d'Esthar. Le même président qui l'observait sans aucun doute à cet instant.

  Et Quistis… Il bénit pour la première fois sa cécité qui l'empêchait de voir son regard probablement haineux.

  _ Seifer ? Souffla Kyros à ses côtés.

  Le jeune homme secoua finalement la tête et se laissa aller contre son oreiller, titillant inconsciemment la perfusion qui gênait son bras. S'affoler ne servait à rien. Il avait toujours su qu'un jour où l'autre, il devrait passer par-là et peut-être… non… il valait mieux même finir dans les cachots d'Esthar que dans la catacombe de Galbadia.

  Il était temps de payer pour ses crimes.

  Semblant deviner ses pensées, Laguna lâcha la main de sa fiancée pour s'approcher du lit.

  _ Tu es désormais sous le protectorat d'Esthar, Seifer, dit-il gentiment. En tant que réfugier politique. Rien ne sera tenté contre toi tant que tu resteras dans l'enceinte de la ville.

  Le visage du blond se peignit aussitôt d'une expression surprise et il balbutia :

   _ Que… quoi… pourquoi ?

   _ Disons, sourit le président, que tu as des amis qui savent être convaincants.

  Seifer serra un peu plus la main de Kyros et se tourna vers lui.

  _ Oh, mais ce n'est pas moi qu'il faut remercier, répondit Seagill, j'étais bien trop occupé à paniquer pour toi pour le convaincre.

  _ Mais… qui ?

  _ Irvine et Quistis, répondit Laguna.

  _ Par… pardon ?

  _ Il te reste plus d'amis que tu le crois, Seifer, dit soudain Quistis en rejoignant son compagnon. Des amis qui t'ont pardonné depuis longtemps.

  La chaleur dans la voix de la jeune femme fit rougir Seifer qui balbutia un remerciement.

  _ Oh, regarder moi ça, si c'est pas mignon, s'exclama Elly, voilà qu'il devient tout timide maintenant.

  _ Arrête Lel, la réprimanda gentiment Daren, tu vas finir par le traumatiser.

  Il s'avança alors jusqu'au lit, ignorant le « pôve 'tite chose en sucre » murmurer par sa femme pour déposer Eike sur le drap.

  _ Content de te revoir Seifer, dit-il de son ton toujours quelque peu bourru mais heureux. J'ai là quelqu'un qui a hâte de te prendre dans ses bras.

  Et avant même que Seifer ait pu dire quoique ce soit, Eike était déjà dans son giron, se boudinant littéralement comme un chaton contre son torse. Le jeune homme l'engouffra immédiatement dans ses bras et sourit lorsqu'il l'entendit murmurer.

  _ Tu m'as manqué.

  _ Toi aussi poussin.

  _ J'ai cru que tu m'avais aussi abandonné, souffla alors l'enfant d'une voix cassée, au bord des larmes.

  _ Jamais Eike, je te promets. Jamais.

  _ Je te crois.

  Seifer sourit un peu plus, plus heureux qu'il ne l'aurait cru possible.

  Tout le monde s'extasiait devant cette scène touchante lorsque le moment fut une nouvelle fois brisé par l'ouverture de la porte et l'entrée tonitruante du dernier larron de cette petite réunion.

  _ Coucou ! S'exclama Hyman tout sourire, avant de faire la moue en les voyant tous rassemblés autour du lit. Mince, on dirait que j'ai raté le plus marrant.

  Tous les regards se tournèrent vers lui, y compris celui de Seifer qui demanda, surpris :

  _ Hy… Hyman ?

  _ Salut, Seif, ça faisait longtemps !

à suivre…