Un petit OS sans prétention, avec à mon goût beaucoup trop de fois les mots tendresse et affection, mais en même temps je me dis que... parfois ça fait du bien. Alors bon, voilà tout de même. Bonne lecture !


La mer était calme.

Après l'agitation des derniers jours et les variations météorologiques qu'ils avaient traversées, une soirée de répit n'était pas de refus. Et ils l'avaient tous bien senti alors que le soleil commençait tout juste à décliner dans le ciel : Sanji s'était lancé dans la préparation de nombreux petits plats à partager, plus délicieux les uns que les autres, pour une fois Zoro avait mis la main à la pâte en cuisine avec Usopp et Robin et tous trois s'étaient appliqués à préparer un énorme bol de punch, parfumé aux nombreuses épices, comme un mélange d'odeurs et de saveurs des îles qu'ils avaient parcourues ensemble, traçant une carte olfactive de leurs aventures. Chopper découpait des fruits en morceaux, Franky faisait le tour du Sunny pour vérifier que tout allait bien, Brook, assis dans un coin grattait une guitare en chantonnant doucement -eh oui, il était également capable de s'adapter au calme dont tout le monde, à cet instant précis, avait grand besoin-. Nami s'était retirée dans la salle de bain et essayait de chasser toute la tension des derniers jours à grand renfort d'eau chaude. Luffy était assis sur la figure de proue, et contemplait les premiers rougeoiements de l'horizon. Un instant de calme avant une agitation toute différente de celle qu'ils venaient de quitter. Appuyé contre l'encadrure de la porte de la cuisine, ouverte et facilitant la circulation d'un air doux digne d'une île printanière, Law regardait tout ce petit monde avec un air mêlant méfiance, étonnement et attendrissement. Bepo lui manquait. Tout son équipage lui manquait. Il avait hâte de les retrouver et avec eux les moments doux, et cette fraternité qui cimentait si solidement les équipages pirates arrivés si loin sur le plus grand océan du monde.

Kin et Momo étaient assis à l'ombre des mandariniers et discutaient, les yeux humides, comme s'ils ne s'étaient pas vus depuis des dizaines d'années.

L'ambiance était sereine. La tendresse qui flottait dans l'air aurait réchauffé le cœur de la personne la plus solitaire au monde. À bord de ce navire, il était certain que jamais personne ne resterait égaré bien longtemps.

Tout cela, c'était le calme avant le souffle d'une nouvelle tornade. Un vent de joie, cette fois-ci, qui souffla toute la soirée. On partagea la nourriture, on apprit à un peu mieux se connaître, on rit, on chanta, on parla sans discontinuer. Des blagues, des éclats de voix, des chants inharmonieux, de joyeux borborygmes, des danses au delà du loufoque, et une fois de plus les membres de cette famille se retrouvaient avec, ça n'était pas si rare, de nouveaux membres éphémères. Compagnons d'un jour, d'une aventure ou d'une vie, chacun, chacune était bienvenue à bord du Thousand Sunny. C'était bien là la philosophie de vie du Capitaine, qui illuminait leur monde à grand coup de sourires ensoleillés et d'idioties sans cesse renouvelées.

Et puis peu à peu, les rires s'étaient mus en doux ronronnements, ou en ronflements sonores. Chaque membre d'équipage avait regagné sa couche. Sanji avait abandonné à la cuisine les deux derniers buveurs, un sourire attendri aux lèvres, pour monter prendre son tour de garde à la vigie.

Zoro avait le front écrasé sur la grande table qui trônait au centre de l'immense cabine commune, la main sur sa choppe à moitié vide, ou à moitié pleine, c'est selon.

À ses côtés, sa comparse de boisson, le voyant en si mauvaise posture et fière de se trouver en cette heure tardive être la dernière en posture verticale, clama haut et fort : «Cette fois ça y est, j'ai gagné !» avant d'avaler une nouvelle rasade de rhum, chaud et caramélisé, les yeux brillants de malice et d'ébriété.

« Je fais une pause, j'ai pas abandonné ! Marmonna le bretteur avec la conviction intime d'être parfaitement audible.

- Pardon ? Hurla Nami dans son oreille en se penchant beaucoup plus prêt que nécessaire. J'ai rien compris à ce que t'as dit, Monsieur j'ai-perdu-mais-je-l'assumerai-jamais.

-Arrête de crier, je suis pas sourd !

- Ça c'est toi qui le dis !» Beugla sa comparse en se levant d'un bond de sa chaise, dieu seul savait pourquoi. La mer était pourtant calme, mais l'alcool aidant, elle eut un vertige tel qu'elle serait tombée à la renverse si les réflexes de son compagnon aux cheveux verts, dont on aurait pourtant pu jurer qu'il les avait totalement perdus, ne l'avaient pas poussé à tendre le bras assez réactivement pour saisir celui de Nami et la tirer violemment vers la table afin qu'elle n'y soit projetée et ne s'y rattrape in extremis, se demandant si elle allait finir par vomir ou non.

Décidant visiblement que non, et sans remercier celui qui lui avait peut-être permis d'éviter une fracture ridicule du coccyx, elle s'empara d'une bouteille pleine, délaissant son verre vide, se releva à nouveau -plus doucement cette fois-ci- en prenant solidement appui sur le plateau de cette bonne vieille table à manger, et pivota vers la porte pour entamer résolument un trajet digne du parcours du combattant. Relevant doucement la tête, Zoro la regarda tanguer, pour ne pas dire galérer, de la table à la poignée circulaire qui maintenait fermée son dernier obstacle vers l'air frais de la nuit. Lui, malgré ce qu'un nouvel arrivé aurait pu croire au premier coup d'œil, était capable de marcher droit, et se leva calmement en regardant ce qui aurait pu ressembler à l'ascension de Zunesha, tant cela demandait d'efforts à leur navigatrice. Il marcha tranquillement dans la même direction, au rythme parfait qui lui permit de placer sa main sur la poignée une fraction de seconde avant elle, et de lui ouvrir la porte avec un sourire narquois. Elle se figea, la main tendue vers son objectif à présent dérobé, tourna très lentement le visage vers lui, et le sang du sabreur se figea dans ses veines devant l'air assassin qu'elle lui présentait. Probablement aurait-elle pu le tuer, là, tout de suite, sur le balcon du Sunny, pour une simple poignée de porte. Pour une petite boutade amicale. Il évita de la défier du regard, qu'il eut plutôt fuyant même s'il avait envie de pouffer de rire devant le ridicule de la situation, et franchit le seuil sans jeter un œil à sa comparse, avant de poser ses deux mains sur la rambarde du balcon, bientôt imité par Nami.

Et tous deux restèrent un instant là, face au pont verdoyant de leur maison flottante, les quatre mains se suivant sur la barre de bois, la dernière tenant toujours tant bien que mal la précieuse bouteille de rhum. Les paupières closes, ils humèrent l'air marin de la douce nuit qui les enveloppait, jusqu'à ce que Zoro réouvre un œil, jette l'autre à la rouquine, et constate qu'elle avait toujours les yeux fermés. Il en profita pour tendre très lentement la main vers la bouteille qu'elle tenait fermement, et pour la subtiliser. Sobre, Nami la chatte voleuse n'aurait jamais laissé disparaître un trésor si important. Mais il y avait longtemps qu'elle avait commencé à boire, longtemps que tous deux s'étaient défiés du regard l'air de dire «je tiendrai plus longtemps que toi», comme avant, et qu'elle avait perdu la notion du temps. Depuis qu'ils se connaissaient, et il y avait longtemps qu'ils n'avaient plus eu l'occasion de s'adonner à ce stupide plaisir adolescent, ils adoraient se défier l'un l'autre en concours de boisson. Même si le monde dans lequel ils évoluaient quotidiennement était cruel et sans pitié, ils restaient joueurs et aimaient s'enivrer. Tous ensemble, c'était encore meilleur. Et l'esprit de compétition en plus, rien n'égalait alors ces soirées calmes, ces moments où ce monde dans lequel guerres de pouvoir et discriminations abjectes régnaient en maîtresses n'était plus rien à côté de leur éternelle complicité.

À côté de leur équipage.

De leur famille.

Nami sentit la bouteille lui filer entre les doigts, beugla en rouvrant les yeux, le temps que la netteté se fasse, les cheveux verts de son acolyte étaient déjà quelques mètres devant elle. Elle se précipita à la suite de «cet espèce de traitre qui avait gâché son unique instant de paix intérieur si précieux sur ce navire de dégénérés», tanguant un peu, mais pas tant -fallait pas non plus la prendre pour une petite joueuse, ce petit moment de faiblesse passé elle pétait le feu-, et lui tomba presque dessus dans l'escalier alors que lui-même descendait vers le gazon fraîchi par la nuit. Il buvait largement au goulot en traversant le pont avec nonchalance et suffisance, et déposa ses avant bras, assez lourdement il fallait bien l'avouer, sur le bastingage dans une posture qu'il espérait encore assez digne.

« Dis donc, tu manques pas d'air Monsieur l'alcool-ne-m'a-jamais-atteint ! s'écria Nami en éclatant sèchement ses paumes sur le rebord de bois vernis, aux côté de son camarade nocturne.

- Arrête de hurler, je suis à côté de toi je t'entends, sorcière !

- Pardon ? S'insurgea la susnommée, qui n'eut pas le temps d'en dire davantage, puisqu'une voix doucereuse leur parvint des méandres de la nuit.

- Je te préviens Marimo, si tu continues à importuner Nami-Chérie, tu tâteras de mon nouveau couteau à viande. T'as de la chance que je sois assigné à la vigie pour cette nuit !

- C'est ça, c'est ça.» marmonna Zoro assez peu fort pour que Sanji ne l'entende pas, il n'avait pas la force d'entamer une énième bagarre à une heure aussi tardive, d'autant plus qu'un léger mal de crâne commençait à pointer le bout de son nez.

Il sentit un regard fixé sur lui et tourna lentement la tête vers celle qui se trouvait à ses côtés, non sans appréhension. Il fut d'abord surpris de constater qu'elle le regardait sans ciller, avec une expression d'hilarité contenue, qui finit par éclater quand leurs regards se croisèrent. Ils rirent comme des baleines, à gorges déployées pendant quelques secondes, puis une main sur la bouche pour éviter d'attirer l'attention ou de réveiller qui que ce soit, par la suite. Oui, le chevalier Sanji la jambe noire était intrinsèquement ridicule, mais cela les attendrissait plus qu'autre chose. Nami l'aimait comme cela, ce qui ne l'empêchait pas d'en rire. Combien de fois ses «chérie» ou «adorée» accolés à son prénom ou à celui de Robin lui avait fait lever les yeux au ciel ? Zoro le savait, il le voyait bien quotidiennement, et cela faisait partie de l'équilibre de leur fonctionnement collectif, tout comme les cris de stupeur de Chopper, les questions malaisantes de Brook ou les crises de mensonge d'Usopp dues à la panique. Sans compter les éclats de rire de Luffy ou encore les coups de poings dévastateurs de leur chère navigatrice.

Pour l'heure, la dite navigatrice tâchait de reprendre son souffle après leur hilarité éthylique, et finit par s'assoir, adossée à la rambarde. Elle tourna les yeux vers les étoiles qui constellaient un ciel clair et lumineux, sans nuage.

« Je suis complètement saoule.

- Sans rire ? lança Zoro, mesquin, en baissant les yeux vers elle. On peut dire que j'ai gagné alors ?

- Ah oui, et selon quels critères s'il-te-plait ?

- Et bien par exemple, je tiens parfaitement debout ! » s'exclama t-il fièrement en lâchant le bastingage et en levant les mains, en pleine démonstration d'ébriété bien équilibrée. Nami, dans un réflexe sorti on ne sait d'où, se releva vivement en s'appuyant sur une main, juste assez pour lui saisir un poignet de l'autre, et se laissa retomber sur le sol en tirant donc le bras de son compère de tout son poids. Celui-ci s'écroula donc lamentablement le nez dans la pelouse sans avoir eu le temps de dire ouf.

« Tu disais ?

- Tu perds rien pour attendre... !

- Chut ! Sanji-chéri va encore venir te réprimander.

- Eh ben qu'il vienne le sourcil en vrille, je l'attends.

- Je t'en prie, l'heure est à la poésie et à l'apaisement ! Sermonna t-elle, grandiloquente.

- Tu as trop bu, constata t-il en se hissant pour s'assoir à ses côtés.

- Je sais, toi aussi.

- Pas du tout, l'alcool ne me fait rien, je suis encore en pleine possession de l'entièreté de mes capacités.

- Tu dis ça à chaque concours.

- Et donc ?

- C'est la preuve irréfutable que tu es bourré comme un coing.

- Tu peux parler... »

Zoro se renfrogna un peu, pour la forme. Mais il ne pouvait nier que pendant ces deux années, l'ambiance à bord du Sunny, et la présence de ses compagnons lui avait manquée. Les concours de boisson avec Nami en faisaient partie. C'était de loin la meilleure buveuse à bord avec lui et il n'était pas rare, avant, qu'ils finissent tous deux ivres morts aux premières lueurs du jour à disserter sur le sens de l'existence. Même si Zoro finissait généralement par ronfler là où il était et que selon l'heure, c'était le moment où la rouquine l'abandonnait pour aller se faire un café, ou simplement se coucher. En fonction de la saison, elle pouvait avoir la bonté de le couvrir d'une couverture.

Ces moments de calme à bord du Sunny, où plusieurs jours s'enchaînaient sans danger imminent et où il était possible de juste profiter de la vie, des autres, de la douceur du temps, lui avaient manqué.

Ces repas agités lui avaient manqué.

Ces moments de complicité avec ce crétin de bretteur aux cheveux verts qu'elle connaissait depuis si longtemps maintenant, lui avaient manqué.

Elle se sentait bien, et laissa aller sa tête sur l'épaule de son camarade, tout en continuant de regarder les étoiles et la lune qui, comme un gros œil lumineux, les fixait dans la nuit.

« Ça faisait longtemps...

- Hum...

- Tu dors ?

- Non. »

...

« Hé ! Tu crois que je ne te vois pas !

- Trop tard, héhé !»

Fidèle à sa réputation, Nami avait profité de ce moment d'abandon pour laisser aller son bras dans le dos du sabreur jusqu'à l'entourer et... lui chaparder la bouteille, encore au tiers remplie. Elle buvait à présent au goulot, un sourire victorieux accroché aux lèvres.

« Ça suffit, t'en as assez eu !

- Tu dis ça parce que tu veux la fin !

- Parfaitement. Allez, donne-la moi !

- Mais arrête, t'as déjà tout sifflé tout seul, égoïste ! »

Zoro bondit en avant pour attraper la bouteille à deux mains, mouvement au moins aussi ridicule que les appellations mièvres de son rival de toujours devant une représentante de la gente féminine, ce qui eut pour effet de le voir s'étaler de tout son long sur la navigatrice qui se retrouva le dos dans l'herbe, les mains au dessus de la tête, toujours sur la bouteille, avec celles de l'épéiste. Ils étaient à présent nez à nez et se défiaient sauvagement du regard pour quelques gouttes d'alcool.

« Lâche cette bouteille, siffla t-elle, menaçante.

- Toi, lâche cette bouteille.

- Je ne supporte pas l'injustice.

- Chacun sa justice, parmi les pirates.

- Peuh, c'est facile, ça.

- Mais c'est vrai.

- Je te préviens, si j'emploie les grands moyens ça va pas te plaire.

- J'aimerais bien voir ça. Je vois pas trop ce qu'il te reste. »

Il la provoquait volontairement parce qu'il savait que dans la position où ils étaient, lui allongé de tout son long sur elle, ses deux mains sur la bouteille, elle ne pouvait plus bouger et donc il aurait gagné dès qu'elle desserrerait un tant soit peu son emprise. Au fond de ses prunelles, il avait déjà gagné, et ça se voyait. C'était cette suffisance qu'elle voulait museler, s'il espérait voir sur son visage passer l'ombre de la défaite, il se fourrait le doigt dans l'œil assez profondément. Il n'y avait plus guère que sa tête qui gardait un tant soi peu de mobilité. En maintenant sa prise sur le bien durement acquis, un sourire machiavélique et une expression de défi sur le visage, elle la souleva juste un peu, suffisamment pour que leurs lèvres entrent en contact et pour embrasser le sabreur, le prenant ainsi par surprise. Ce dernier se figea instantanément, un brin perturbé, et c'était exactement ce qu'elle attendait pour rassembler ses dernières forces et repousser son corps qui la bloquait, se relever d'un bond, assez vite pour avoir besoin de s'accrocher à nouveau au rebord pour éviter de retomber lourdement dans l'herbe, et éclater d'un rire de hyène, victorieuse, la bouteille à la main, et bientôt au bec.

Zoro était vert, c'était le cas de le dire.

« Espèce de saleté !

- À la guerre comme à la guerre mon vieux ! Santé ! »

Et elle entreprit de vider pratiquement cul sec ce qu'il restait de rhum au fond de la bouteille. Lui, dépité, resta allongé dans l'herbe, regardant le ciel, et jetant de temps à autre des coups d'œil à sa tortionnaire. Elle était devenue forte. Mine de rien, elle l'avait éjecté, même ivre, alors qu'il était allongé de tout son poids sur elle. Elle l'avait surpris, mais tout de même. Il l'avait vue se défendre contre la femme des neiges sur Punk Hazard, lutter pour ses idéaux, ne pas hésiter. Elle avait beaucoup progressé. Tout comme Usopp et Chopper. Cela le rassurait un peu, même s'il savait que la route sur laquelle ils s'étaient engagés à présent serait plus dangereuse que ce qu'ils avaient rencontré jusqu'alors. Plus dangereuse qu'il n'était possible de l'imaginer pour le moment.

Et puis, pour le moment, surtout, ils étaient en pleine accalmie et il fallait en profiter.

Il la regarda encore, là, juste avec un sweat à capuche par dessus son jean et son haut de maillot, et la trouva encore plus belle qu'avant.

Ils avaient tous grandi, tous mûri, et ça se voyait.

Elle le regarda de haut, comme elle savait si bien faire.

« Allez, fais pas la gueule. »

Zoro resta mutique, et reporta son attention vers le ciel, surjouant le renfrogné. Elle le connaissait par cœur et eut un petit sourire en coin, avant de s'allonger à côté de lui en s'appuyant sur un coude, lui tendant la bouteille de l'autre main. Il restait une gorgée. Que le sabreur s'appliqua à savourer, sachant qu'aucun des deux n'aurait ensuite la force d'aller jusque dans la cuisine en subtiliser une autre. C'était ce moment de la soirée où la fatigue prenait le dessus, où l'alcool les écrasait, et ils où ils n'arrivaient pratiquement plus à lancer de sarcasmes bien sentis, pourtant à la base de leur communication quotidienne. Ces instants suspendus, un peu irréels où, dans la lueur de la nuit, il se passait des choses qu'on n'aurait jamais soupçonnées la journée, à jeun, et dont on ne se rappelait pas vraiment ensuite. Tandis que Zoro savourait sa dernière goutte de liquide chaud et doré, Nami passa une main amusée dans ses cheveux verts, les ébouriffants un peu plus qu'ils n'étaient. Il le remarqua à peine.

C'était ces moments où la tendresse ressortait, celle qui les liait tous les deux, comme avec chacun des autres membres de l'équipage. Celle qu'on ne se montrait jamais le reste du temps, mais dont tout le monde savait qu'elle était le ciment du groupe. Des instants véritables où il y avait trop de fatigue pour aller au delà de l'essentiel.

La bouteille roula à leurs côtés, vidée de sa substance. L'air était doux. Nami posa sa tête sur le torse du sabreur, et ferma les yeux. Les paupières de Zoro s'abaissèrent doucement à leur tour, leurs respirations se firent plus lente et, machinalement, pour lui, il passa sa main dans la chevelure rousse, d'un geste régulier et affectueux, jusqu'à ce que le sommeil l'attrape. Et il restèrent là, bercés par le clapotis de l'eau contre la coque, veillés par la lueur de la lune.

Sanji ne tarderait probablement pas à les regarder d'un air atterré et déconfit, quand Robin passerait en souriant doucement et que Brook sortirait son violon sous les cris de Luffy, Chopper et Usopp, découvrant une nouvelle fonctionnalité au sous-marin créé par Franky.

Mais pour l'heure, seules les étoiles riaient en silence, malicieuses et complices de la calme respiration des dormeurs enivrés.