- Tadam ! Je te présente le Manoir hanté de Musutafu !
L'adolescent adressa un regard blasé à son ami, il ne savait pas pourquoi il s'était laissé convaincre d'effectuer cette excursion, enfin si, cela lui évitait de devoir accompagner sa petite sœur faire la tournée des maisons du quartier en quête de bonbons. Il l'aimait et se considérait comme un bon grand-frère mais il détestait vraiment cette activité rébarbative…
- Ce manoir décrépit est hanté…? Ouais bien sûr, pourquoi il ne serait pas hanté ?
Hitoshi devait bien avouer qu'une aura glauque se dégageait des lieux mais cela n'était peut-être dû qu'à l'ambiance générale de cette soirée…
- Toshi ! Se plaignit Denki en lui agrippant le bras. Je vois bien que tu n'y crois pas ! Mais c'est du sérieux !
Le concerné ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel, ce serait mentir que de dire qu'il ne croyait pas au paranormal, mais seulement il ne croyait qu'en une partie de ce domaine. Il voulait bien croire aux fantômes mais pas à plus, tout ce qui touchait des démons et autres entités de la sorte, il n'y croyait absolument pas. Pourtant, cela ne voulait pas dire qu'il était très excité à l'idée de visiter un tel endroit, la preuve étant, il était littéralement venu les mains dans les poches, alors que le blond était venu préparé avec son sac à dos et sa lampe torche.
- Bon on le visite ton manoir ?
- Ne sois pas rabat-joie ! Tu vas voir ça va être super cool ! Et puis tu verras, ça ne fait pas peur !
- Tu m'en vois donc rassuré. Dit-il d'un ton sarcastique ce qui déclencha un soupir chez son meilleur ami.
Les deux adolescents se glissèrent à travers l'immense grille défoncée par le temps et les passages. Le terrain était très boisé et il était évident que cela faisait de nombreuses années que personne n'avait entretenu la végétation désormais luxuriante.
Tout était silencieux autour d'eux, si ce n'était pour les insectes et leurs bruits de pas, c'était assez oppressant comme silence…
Très vite, l'imposante bâtisse se dressa devant eux, elle devait dater du 19ème siècle et son architecture rappelait celle des châteaux féodaux des grands seigneurs de l'époque. En tout cas, l'ancien propriétaire devait être sacrément riche pour avoir pu s'offrir une tel manoir !
Denki exprima ce que pensait Hitoshi d'un simple sifflement impressionné.
- Et beh… Je me verrais bien vivre dans une telle baraque.
- Pfff c'est ça ! Tu te pisserai dessus au moindre bruit suspect !
Le blond asséna un coup de point, sans réelle force, sur l'épaule de son ami qui ricanait de sa taquinerie.
- Tu sais que je plaisante Denks. Plus sérieusement on y va ?
- Yup !
Les deux amis s'avancèrent en direction de la porte d'entrée en bois, cette dernière tenait encore le coup, mais on apercevait sans mal qu'on avait tenté de l'enfoncer à de nombreuses reprises, seulement elle avait résisté aux multiples assauts.
- Quelqu'un a déchiré la toile d'une fenêtre, on peut rentrer par là. Indiqua Denki.
Et en effet, de nombreuses fenêtres étaient marquées par des entailles, sans surprise ils n'étaient pas les premiers visiteurs indésirables à se rendre ici.
Kaminari passa le premier, le faisceau de sa lampe torche balaya la pièce sombre, à part de la poussière et quelques débris il n'y avait rien de remarquable. Hitoshi passa ensuite, sautant par-dessus l'encadrement de la fenêtre. Il souleva un nuage de poussière en atterrissant de manière quelque peu bruyante, les planches âgées grinçant sous le soudain poids de son corps.
- Mec ! Fait gaffe, il ne faut pas réveiller les mauvais esprits ! Soit plus discret !
- … Ô chers fantômes et autres spectres qui hantent ces lieux, veuillez pardonner votre humble serviteur pour sa terrible erreur de jugement !
- Haha ! Tu es hilarant on t'as déjà dit cela ?
- Ouais ça m'est déjà arrivé !
Ce fut au tour de Denki de lever les yeux au ciel, il décida d'ignorer son meilleur ami et orienta le faisceau de sa lampe torche en direction de la grande porte avant de le tourner devant la quasi-obscurité qui leur faisait face.
Au moment où le rayon passa devant la porte, Hitoshi crut voir quelque chose qui créa un fort sentiment de mal-être en lui.
- Eh Denks, éclaire à nouveau la porte tu veux bien ?
- Pourquoi ?
- J'ai cru voir quelque chose…
Son ami obtempéra et l'adolescent aperçut alors en pleine lueur ce qui avait retenu son attention, à environ vingt centimètres du bas de la porte se trouvait des traces, on aurait dit des traces de griffe, mais la couleur foncée qui accompagnait certaines de ces lignes remettait en question cette théorie…
- Et bah, le proprio des lieux ne devait pas prendre assez soin de ses chats s'ils se sont autant énervés sur la porte. Commenta Denki.
- Des chats ?
- Hum ? A part des gros rats, je ne vois pas ce qui aurait pu laisser de telles marques.
- Ouais t'as raison…
Tandis qu'ils se détournaient de l'entrée afin de s'enfoncer toujours plus dans l'inconnu, Hitoshi n'arrivait pas à se débarrasser de ce sentiment d'inconfort qui commençait doucement à s'amuser à faire des nœuds dans son estomac.
- Humm… C'est assez décevant, je m'attendais à quelque chose de plus… effrayant..
- C'est une maison abandonnée, tu ne peux pas être déçu de ne rien trouver d'incroyable. Elle a probablement été pillée en plus.
- Tu oublies le plus important Toshi ! C'est une maison abandonnée hantée ! C'est ça qui fait toute la différence !
- Si tu le dis… Au fait, tu ne m'as pas raconté pourquoi on dit que c'est un lieu hanté ?
- Oh tu t'y intéresses enfin ?!
- Il faut bien passer le temps..
- Je vais compter ça comme une victoire ! Ouvre bien tes mirettes !
- Denks les mirettes c'est les yeux, pas les oreilles !
- Détails ! Détails ! Laisse-moi éveiller ton esprit sur l'histoire de cet endroit !
On dit que ce manoir a été le théâtre de multiples meurtres sanglants ! Certains disent que le tout premier propriétaire aurait été un samouraï respecté de tous. Afin de le récompenser pour ces exploits militaires, son Daimyo lui aurait offert la main de sa propre fille, dotée d'une grande beauté. Mais cette dernière ne voulait pas de ce mariage avec un homme plus vieux et qu'elle n'avait pas choisi. Leur vie maritale fut misérable, mais elle lui donna tout de même plusieurs enfants. Jusqu'au jour où la situation devint trop pour elle. Figure-toi que le samouraï souffrit d'une grave blessure qui l'empêcha à tout jamais de revenir sur un champ de bataille et il trouva refuge dans l'alcool pour parer à sa misère. Sa femme fut la victime de son tempérament volatile aggravée par la boisson. Alors afin de lui infliger la plus cruelle des punition et de lui retirer le maigre respect des autres qu'il possédait encore, elle prit sa vie ainsi que celle de ses enfants. La honte fut telle que le samouraï se laissa dépérir et finit oublié de tous. Depuis, on dit que certains soirs on entend encore les sanglots de la belle épouse et les pleurs déchirants de ses enfants.
- Sérieusement, c'est tellement cliché que tu ne peux pas y croire ! Protesta Shinsou. On dirait une mauvaise histoire d'horreur !
- Je n'ai pas fini ! Il y a d'autres rumeurs sur le lieu !
Donc ! D'autres disent qu'au dix-neuvième siècle, un riche, mais légèrement timbré, scientifique pillait des corps et menait des expériences terribles avec ces derniers. Il paraît même qu'il commença à kidnapper des jeunes gens afin de passer au stade supérieur de son étude, tu sais sur des cobayes vivants. Personne ne sait exactement de quoi relevaient ses expériences, mais un soir, un cri à glacer le sang résonna dans tout le quartier. Le lendemain, la police rendit visite au scientifique et trouva son corps affreusement mutilé devant l'entrée. La rumeur se répandit alors que les esprits vengeurs de ses victimes désacralisées avaient décidé de l'empêcher de nuire.
-... Ce n'est pas non plus très convaincant… Elles sont vraiment à dormir debout ces histoires Denki…
Pourtant, les traces étranges au bas de la porte revinrent à l'esprit du jeune homme, il ne pouvait nier que la présence de ces dernières faisait du sens si on considérait que des personnes auraient été supposément retenues prisonnières en ces lieux. Mais il y avait trop de détails sordides pour qu'il y accorde plus de véracité.
- Exactement c'est leur but, de ne pas faire dormir ! Écoute, je sais bien qu'elles sont exagérées mais il y a toujours eu des rumeurs assez étranges sur ce manoir depuis sa création. Tu peux ne pas y croire, mais je suis persuadé qu'il y a quelque chose qui entoure ce lieu, une sorte de triangle des Bermudes, quelque chose comme ça !
- Tu sais que personne n'est jamais revenu du triangle des Bermudes ?
Alors que Denki allait rétorquer, un grognement se fit entendre. Le blond dirigea le rayon lumineux vers la source du bruit, mais ils ne virent rien. Un autre grognement s'éleva, suivi de plusieurs. Il était impossible de dire d'où ces derniers venaient, c'était comme s'ils entouraient les adolescents. C'est alors qu'une ombre passa devant la lampe de poche.
- T'as vu ça ? Oh ! Ça doit être un chat ou un autre petit animal sauvage ! Petit, petit, nous ne te voulons aucun mal !
Une sueur froide parcouru le corps de l'adolescent dégingandé, il ne savait pas comment expliquer ce qui lui arrivait, mais il avait un très mauvais pressentiment, un pressentiment qui s'accrochait à lui depuis un petit moment déjà.
- Eh Denki attends une minute, je ne crois pas que tu devrais-!
Il ne put terminer sa phrase, ses yeux s'écarquillèrent d'horreur et il tendit sa main devant lui en vain. Tout ce qu'il put faire, fut d'observer tandis que le plancher se dérobait sous les pieds de son meilleur ami qui se fit alors avaler par les ténèbres. Il resta figé l'instant de quelques secondes avant d'être secoué par une quinte de toux provoquée par l'immense nuage de poussière qui venait de se soulever.
Tremblant, il retrouva enfin le contrôle de son corps et se précipita devant le trou, mais il ne voyait rien, absolument rien.
- Denki ?! Denks ! Merde Denki répond ! Me fais pas ça putain !
L'hystérie commençait à doucement se frayer un chemin jusqu'à sa raison, il était en plein cauchemar. Il n'aurait jamais dû accepter cette stupide excursion ! Il ne pouvait même pas appeler les secours car il n'avait aucun réseau.
- Denki ! Denki je t'en prie dis quelque chose !
Il sentait des larmes se former aux coins de ses yeux, il ne voulait pas penser au pire et pourtant la possibilité que la chute ait été mortelle rôdait dans un coin de son esprit. Un sanglot étouffé quitta sa gorge, comment avaient-ils pu en arriver là ?
A sa plus grande horreur, les grognements retentirent de nouveau, malgré l'état nébuleux de sa conscience, il constata avec effroi que ces derniers n'avaient rien d'humain, mais également rien d'animal… Il était impossible d'expliquer ce que c'était, mais il était sûr qu'aucun animal n'était en capacité de pousser un tel grondement.
Terrifié, au bord de la panique et désorienté, Hitoshi pivota doucement sur lui-même, prêt à affronter ce qui se trouvait autour de lui. Mais avant même qu'il ne soit à la moitié de sa rotation, une petite silhouette sortit de nulle part entra presque en collision avec lui. Cette dernière agrippa sa main et le tira en avant, sans oublier de contourner le trou béant qui ornait désormais le sol.
- Que-!
- Ne lâche surtout pas ma main et par pitié, ne te retourne pas ! S'écria la voix qui appartenait à un jeune garçon.
Le mythe d'Orphée et son histoire d'amour condamnée avec Eurydice vint à l'esprit, encore embrumé, de l'adolescent et tout comme le musicien, il fut tenté d'ignorer le second conseil et de se retourner afin d'apercevoir… apercevoir quoi exactement ? Il ne savait même pas ce qui les poursuivait.
Son regard se concentra alors sur la seule chose réelle à laquelle il pouvait se raccrocher dans cette situation : son mystérieux sauveur. La lueur de la pleine lune ne lui permettait pas de bien le voir, d'autant plus que dans leur course effrénée, ce dernier lui tournait le dos.
Hitoshi nota tout de même qu'il était plus petit que lui, qu'il avait une chevelure verte bien touffue, qu'il portait un garukan noir de collégien et surtout, son toucher était glacial… La prise sur sa main le brûlait presque, il y avait quelque chose d'anormal chez lui pour avoir une température corporelle aussi basse.
L'adolescent allait lui poser une pléthore de questions, mais le bruit d'une mâchoire se refermant dans le vide juste derrière son oreille fit taire ces dernières. Du coin de l'œil il aperçut une silhouette sombre et difforme, il ne put en voir plus, mais cela le convaincu que cette chose n'était pas humaine…
- C'est quoi ce merdier ?!
Leur course folle prit fin après d'interminables minutes à déambuler dans le gigantesque manoir. Ils avaient traversé tout une aile du bâtiment et avaient gravi un étage avant de finalement cesser de courir.
Hitoshi s'écrasa presque contre le premier mur qui entra dans son champ de vision, ses poumons hurlaient, brûlaient. D'un geste brusque, il dégageait sa main de l'étreinte de l'inconnu, la sensation mordante du bruit serra son poignet de plus belle.
- Hum… Merci…Dit-il au bout de quelques secondes.
L'adolescent releva alors le visage en direction du jeune garçon, désormais, il pouvait observer le visage de son mystérieux sauveur, ce dernier possédait un visage juvénile encore un peu joufflu, ce qui indiquait qu'il était encore dans sa période de préadolescence, orné de tâches de rousseur. Le signe le plus marquant était sans aucun doute la couleur verte vive de ses yeux, ils semblaient tellement expressifs et… vivants, ce qui contrastait avec sa pâleur cadavérique inquiétante. Hitoshi se savait pâle, mais le jeune homme en face de lui possédait un tout autre niveau de pâleur.
Le plus petit le scrutait également et l'adolescent aux cheveux lavande racla sa gorge, coupant court à leur séance d'observation. Il avait l'esprit un peu plus calme et se sentait prêt à lui poser des questions et il espérait des réponses.
- Qu'est-ce que c'était ça là-bas ?
- De quoi est-ce que tu parles ?
- Ne feigne pas l'ignorance ! Je sais que ce n'était pas une hallucination ! Qu'est-ce qui se passe dans ce putain de manoir ?!
Hitoshi ne put s'empêcher de frémir devant l'intensité du regard vert fluorescent du jeune homme. Son visage n'exprimait absolument rien, il avait l'impression d'être face à un mur et dans la situation actuelle, cela accroissait son anxiété.
-... Ton ami et toi, vous n'auriez pas dû venir ici, personne ne doit jamais venir ici.
- Denki ! Merde,Denki ! Il faut que j'aille chercher de l'aide ! Il est tombé et je ne sais même pas s'il va bien !
- Ton ami est vivant et se trouve hors de danger, contrairement à toi… Tu es en danger, nous sommes en danger. Il faut continuer de fuir.
Quelque chose dans le ton de l'adolescent, dans l'urgence quasi-dissimulée de sa voix le fit frémir. Oh il donnerait tout pour revenir en arrière et accepter de faire la tournée du quartier avec Eri ! Il aurait même traîné Denki avec lui, au moins il aurait la certitude que ce dernier allait véritablement bien ! Les paroles d'un parfait inconnu n'avait aucun poids, d'autant plus qu'il disait des choses sacrément étranges.
Hitoshi sentait la pression familière d'une crise de panique monter en lui, ce n'était pas le moment mais en même temps il se passait trop de choses ! Il devait garder son calme, il inspira un bon coup et se força à réguler sa respiration.
- Ok… Ok… Reprenons depuis le début.
Je suis Shinsou Hitoshi, enchanté je suppose.
- Oh ! Je m'appelle Deku ! Enchanté de faire ta connaissance !
Un sourire éclatant naquit sur le visage de l'inconnu, illuminant ce dernier, ce qui surprit Hitoshi. Deku, un nom bien étrange d'ailleurs, donnait l'impression passer du tout au rien niveau émotion et expression… Honnêtement, il ne savait pas si ce dernier était réellement digne de confiance, si ça se trouve cette situation n'était qu'une mauvaise farce d'Halloween, sauf que cette dernière allait déjà trop loin !
- Ok, alors que veux-tu dire par ''nous sommes en danger''?
- Et bien nous sommes en danger tout simplement. Répondit Deku en penchant la tête sur le côté, comme s'il trouvait la question stupide.
Cette réponse accompagnée de cette action suffit à énerver Hitoshi, le stress mêlée à la peur formaient un cocktail explosif, et puis il était toujours inquiet pour son ami. Alors il n'appréciait guère qu'on se paye sa tête !
- Ok Deku ! Cracha-t-il presque. Tes potes et toi vous avez réussi, je me chie dessus ! Bravo, youpi, youpi. Fin de l'acte, le rideau tombe ! Dis-moi où est Denki maintenant, comme ça nous pouvons rentrer et vous pouvez bien vous marrer de votre coup ! Vous êtes vraiment cinglé pour avoir fait péter le sol sous lui ! Il est sans doute blessé !
La confusion habita le visage du brocoli ambulant, il fronça les sourcils et recula légèrement, se recroquevillant sur lui-même afin d'apparaître tout petit. L'instant d'une seconde, Hitoshi sentit la culpabilité l'envahir, il reconnaissait ce genre de comportement, mais la colère la fit disparaître, cela n'était sans aucun doute qu'une tactique dans le but de l'amadouer. Il semblait que ce jeu tordu n'était pas terminé ! Ce type avait beau ressembler à un chien battu, il s'en moquait, s'il n'appréciait pas que leur mascarade soit aussi vite découverte il n'avait qu'à pas y participer !
- N-non ! Shinsou-kun ! Ce… Ce n'est pas une blague ! Je-! C-c'est… C'est bien réel ! Il-
L'adolescent se stoppa dans ses paroles lorsqu'un râle résonna dans le large couloir dans lequel ils se trouvaient. Avec déconcertation, Hitoshi vit ce dernier se figer et son visage se tordre d'inquiétude et de peur, une peur brute et communicative. Une telle expression ne pouvait être fausse, c'était bien trop sincère…
- Je-! Je promets de t'en dire plus, Shinsou-kun, mais nous devons vraiment y aller !
- Aller où ? Et qu'est-ce qui fait ce bruit ?! C'est le même que nous avons entendu avec Denki, c'est le même cri que cette chose qui nous poursuivait a poussé…
- Dans ces lieux, ce qui y repose ne doit pas être approché, ni dérangé. Je t'en prie, allons-y ! Je vais tout expliquer et cesse de te faire du souci pour ton ami, il ne craint absolument rien !
L'urgence était de retour dans sa voix, mais cette fois-ci, cette dernière était plus que pressante. Il s'agissait d'une histoire de vie ou de mort, Hitoshi le sentait et cela le terrifiait, plus jamais il ne suivrait Denki dans ses délires paranormaux !
Sans un mot, il saisit la main tendue de Deku et une fois de plus, mais d'un commun accord au moins, ils s'enfuient une fois de plus. Le jeune homme avait l'air de bien connaître les lieux, il le guidait avec aisance et cela fit naître encore plus de questions dans l'esprit de l'adolescent. Ils couraient à perdre haleine et ce second sprint commençait à durement atteindre la limite de l'endurance, déjà faible de base, du jeune homme. Une pointe d'envie s'empara de lui en constatant que Deku semblait en pleine forme, il possédait un petit gabarit mais cela semblait bien trompeur.
Il avait l'impression que ce couloir n'en finissait plus, il allait demander à son compagnon d'infortune où est-ce qu'ils allaient, quand ce dernier s'arrêta sans prévenir devant une vieille porte coulissante qui sortait presque de son rail.
Hitoshi parvint à freiner avant de se cogner contre le dos du plus petit. L'intéressé fit coulisser cette dernière avec aisance malgré son déraillement et s'engouffra dans la pièce, tirant l'insomniaque avec lui dedans.
- Eh !
Hitoshi manqua de s'écraser sur le sol poussiéreux, il tituba quelques secondes avant de retrouver son équilibre. La lueur chaleureuse de la pièce captura immédiatement son attention, il y avait plusieurs lampes disposées un peu de partout : des lampes électriques, deux vieilles lampes à pétrole, quelques lampes torches aux faibles lueurs et même une veilleuse à l'effigie d'un héros de fiction aux mèches blondes en forme d'antenne dont la tête était vaguement familière mais le nom ne revenait pas à l'esprit de l'adolescent.
L'ambiance qui se dégageait de la pièce était bien différente du reste du manoir, il constata également que les fenêtres n'étaient pas barrées, la lumière émise par les rayons de la lune pénétrait sans mal dans la salle. Il avait l'impression de se trouver dans un sanctuaire interdit aux créatures de la nuit qui habitaient les lieux.
- C'est ta chambre ?
Hitoshi grimaça presque aussitôt après avoir prononcé ses paroles, il n'aimait pas les banalités et voilà qu'il démarrait la conversation avec ces dernières. Mais cela ne sembla pas déranger Deku qui hocha vigoureusement la tête de haut en bas dans un regain d'énergie impressionnante.
- C'est euh sympa…
… Alors, qu'est-ce qui se passe ici ?!
- A-ah ! Oui !
Et bien… C-comment expliquer… S-shinsou-kun, est-ce que tu crois au paranormal ?
Une veine apparut sur le front du concerné à cette question, il se foutait de sa gueule ! L'adolescent se força à garder son calme, il devait analyser la situation de manière rationnelle et ironiquement, la raison lui indiquait qu'il y avait bel et bien une chance que des forces surnaturelles soient derrière les frayeurs qu'il venait de vivre.
-... Ouais un peu. Mais… Bordel qu'est-ce qui se passe ici ?!
- Ce lieu est maudit… Les horreurs qu'il abrite ont nourri sans faille leur rancune et leur douleur..
- Leur ?
- De terribles crimes ont été commis ici et les âmes des morts n'ont jamais retrouvé le repos, alors elles sont devenues des spectres. Mais ! Ce n'est pas leur faute ! Ce sont des victimes !
- Des victimes de qui exactement ? Demanda Hitoshi d'une voix fébrile.
Il n'aimait pas la direction que prenait cette conversation et il se détestait pour croire, sans douter une seule seconde, à ce que lui disait le garçon.
Sa question sembla réveiller une peur virulente chez ce dernier dont le corps fut secoué d'un violent frisson, il se recula jusqu'à ce que son dos rencontre le mur. Il se laissa glisser en silence le long de la paroi boisée rongée par le temps et les insectes et se recroquevilla sur lui-même, pressant son front contre ses genoux.
- Il… Il y a un homme. C'est… Le Diable en personne. Il leur a fait du mal et leurs corps n'ont jamais été retrouvés. Alors ils sont en colère et s'en prennent aux innocents, car ils ne sont plus capables de faire la distinction entre bon et mauvais…
La gorge sèche, le cœur cognant douloureusement contre sa cage thoracique, Hitoshi fit quelques pas en direction du jeune homme aux cheveux verts et s'agenouilla à quelques mètres devant lui.
L'adolescent était loin d'être idiot, il était très observateur et avec tout ce qu'il venait de traverser et les informations que venaient de lui révéler Deku, il lui était facile d'en tirer une conclusion, une conclusion d'ailleurs terrifiante. Et il espérait vraiment se tromper sur cette dernière.
- Et toi alors ? Tu… Pourquoi est-ce que tu es ici ? Opta-t-il finalement de demander.
Deku releva la tête, et Hitoshi sentit une remontée acide lui brûler la gorge, il s'efforça de ne pas vider le contenu de son estomac sur le sol déjà abimé, mais la vision dantesque qui s'offrait à lui rendait la tâche gargantuesque: la peau blême du cou du jeune garçon semblait retournée sur elle-même, une large entaille qui semblait se parer comme un macabre collier se révélait à l'oeil nu.
Le plus jeune glapit et couvrit futilement sa plaie à l'aide de ses mains, avant de baisser la tête de honte. Hitoshi ne put s'empêcher de lâcher un rire incrédule. Il n'avait pas vu cette blessure mortelle, comment avait-il pu rater une telle chose ?! Et comment Deku pouvait-il être en vie par ailleurs ?! Il le savait, il savait très bien la réponse à cette question et cela le rendait encore plus malade.
- O-oh… Tu n'étais pas supposé me voir ainsi, je… J'essaye toujours de ne pas apparaître ainsi, c'est très grossier !
Grossier, il trouvait cela grossier ! Les pupilles violettes n'avaient pas quitté leur cible de contemplation malheureuse, et désormais, elles observaient les ongles des mains du jeune garçon qui avaient pour la plupart été crûment arrachés à leur base.
Son esprit tira âprement sur le fil de ses souvenirs récents et remonta l'image de la porte d'entrée et surtout, des traces de griffes présentes sur cette dernière. Hitoshi pouvait désormais voir sans mal que les traits sombres étaient en fait des lignes de sang dues à une forte pression répétée contre la paroi…
- Pourquoi est-ce que tu n'es pas comme les autres ?
- J'ai été retrouvé, je crois… Mais je n'ai jamais pu partir.
Le jeune homme voulait poser de nombreuses questions, il voulait savoir ce qui lui était arrivé mais le regard hanté de Deku lui disait qu'il ne ferait que ramener une nouvelle flopée de traumatismes qui lui reviendraient en pleine face. Un silence étouffant vint recouvrir les deux jeunes gens durant de longues secondes avant qu'il ne soit brisé par l'humain.
- Ok… Ok… C'est beaucoup d'un coup et j'ai l'impression d'être fou, mais soit ! Est-ce que tu peux m'aider à retrouver Denki et à partir d'ici ?
- C'est impossible, personne ne peut repartir une fois prisonnier. Répondit Deku d'une voix vide d'émotions.
- Il doit bien y avoir quelque chose à faire ?! Je suis prêt à tout pour partir ! Denki et moi, nous ne sommes pas… Je refuse de devenir comme eux ! Je ne vais pas accepter mon sort de la sorte ! Tu es différent, tu dois bien en savoir plus !
L'hystérie tentait de faire son grand retour sur la scène et Hitoshi ne la laisserait pas faire sa diva, il s'en sortirait et Denki et lui passeraient le reste des soirées d'Halloween de leur vie à récolter des bonbons ou à en distribuer !
- Il y a un moyen, je ne sais pas si cela peut fonctionner. Je ne sais même pas comment y arriver !
Le garçon tira avec violence sur ses cheveux, sans réfléchir Hitoshi saisit ses poignets afin de l'empêcher de se faire du mal. Ils étaient si frêles, comme s'il souffrait de malnutrition, de plus près il constatait que ses joues étaient creusées. Il était tant différent de sa première apparition devant l'adolescent. Avec douceur, il écarta les bras de Deku de sa chevelure emmêlée, de sorte à ce que ces derniers reposent le long de son corps, il maintenit le contact entre eux l'instant d'une précieuse seconde avant de reculer et de s'asseoir en tailleur en face de lui.
- Dis-moi ce qu'il faut faire Deku…
- Je pense que… Je pense que le seul moyen de les apaiser c'est de retrouver leur corps et de les incinérer. P-pour qu'ils soient enfin libres.
- Ok.
- O-ok ?!
- Ouais ok.
Hitoshi ne savait pas d'où lui venait un tel flegme, enfin c'était mieux que de faire une crise de nerfs. L'action de désacraliser des corps de la sorte le révoltait, tant bien même que ces victimes devaient avoir vécu pire entre les mains de leur bourreau, mais si c'était le seul moyen de sauver sa peau et celle de son meilleur ami, encore porté disparu, alors soit ! Il s'écroulerait mentalement une fois ce cauchemar terminé !
- Alors comment est-ce qu'on fait ça Deku ?
- J-je ne sais pas, enfin je ne crois pas savoir. J-je… je ne me souviens pas de tout, je… Je ne peux pas me souvenir, je ne dois pas me souvenir !
- Tu n'as pas à te souvenir de tout, mais tu dois bien avoir une petite idée !
- Ils ne vont jamais au sous-sol, personne ne va jamais au sous-sol…
Hitoshi frémit, dans tout bon film d'horreur où thriller qui se respecte, le sous-sol était toujours le lieu qui dissimule d'atroces vérités. Et c'était également là que se trouvait Denki, il y avait littéralement moyen de faire d'une pierre deux coups : retrouver Denki, et jouer les exorcistes amateurs afin de déguerpir d'ici !
Soudainement, toutes les lumières de la pièce s'éteignirent, au même moment où des nuages couvrirent la lune, ce qui plongea l'espace dans la pénombre.
- N-non ! Ce n'est pas possible !
Le plus petit se releva d'un bond et bouscula l'adolescent dans sa précipitation vers la seule issue. Un charabia incompréhensible s'échappait de ses lèvres, et il avait beau tendre l'oreille, Hitoshi n'arrivait pas à saisir un quelconque sens à ce qu'il murmurait.
- Deku ? Qu'est-ce qui se passe ?
- Il faut fuir tout de suite. J-je ne comprends pas… Ils ne peuvent pas entrer ici, c'est-! c'est à moi ! J'étais là avant ! J'étais le premier ! C'est ma pièce !
Le jeune homme n'avait pas saisi les dernières paroles de son compagnon, sa voix s'était promptement distordue, et si cela n'était pas un signe rassurant…
Les râles étaient de retour, mais encore rien n'osait pénétrer les lieux malgré l'absence de lumière artificielle.
Hitoshi déglutit et se prépara mentalement pour la suite à venir, cette fois-ci c'est lui qui initierai la course poursuite… Sans prévenir le jeune garçon, il saisit son poignet droit dans sa main gauche et avec l'adrénaline qui parcourait son corps, enfonça la porte d'un coup de pied. Il ne prit pas le temps de dévisager les ectoplasmes et entraîna Deku à sa suite.
L'adolescent pouvait sentir l'aura angoissante que les ombres dégageaient dans son dos, il avait l'impression que ces dernières essayaient de de l'étouffer du poids de leur douleur. Il ne pouvait pas dire si la sensation de doigts crochus qui tentait d'agripper son pull, sans trouver de prise, était réelle ou si le chaos qui régnait dans son esprit influençait sur son imagination.
- S-Shinsou-kun !
- Économise ton souffle Deku ! Le pire reste sans aucun doute à venir !
- J-je n'ai pas besoin de respirer tu sais…
-...
Économise mon souffle alors !
Hitoshi courrait à en perdre haleine, maintenant qu'il y pensait, il ne connaissait absolument pas la disposition du bâtiment, il ne savait pas vraiment où il allait. Mais était-ce si difficile de trouver le sous-sol ?! Un endroit qui se trouvait sous le manoir, tout ce qu'il avait à faire c'était descendre et tout irait bien !
Une silhouette disgracieuse s'éleva devant eux, dissimulée dans l'obscurité. Elle approchait à vive allure et le jeune homme ne pouvait détacher son regard de cette masse informe.
Deku prit les devants et se plaça presque devant l'adolescent, sa petite taille ne lui permettait pas de lui cacher la vue, mais cela suffit à le distraire.
- Qu'est-ce que tu fais ?!
- Ne les regarde pas ! Jamais ! Ferme les yeux, ils arrivent de tous les côtés !
Ce n'étaient plus des râles mais des hurlements assourdissants que lâchaient les spectres. Hitoshi avait entendu dire que perdre un sens était une épreuve difficile à traverser, et dans une telle situation, se priver volontairement de la vue l'était tout autant. S'ils ne se tenaient pas l'un à l'autre, Hitoshi aurait été complètement pétrifié de peur.
La pénombre laissait toujours l'esprit imaginer le pire, c'était un trait très humain que de crainte ce qui se tapit dans le noir.
Il sentit des marches sous ses semelles et retint un juron quand il en manqua une, il avait assez confiance en le jeune garçon, il ne pouvait pas vraiment faire autrement, sa vie était littéralement entre ses mains.
Tout comme le fil de l'araignée rompit au moment crucial séparant le bandit de sa liberté, leur lien physique fut brisé à un instant critique, tandis qu'un revenant se frayait un chemin entre eux. Pri de court, Deku poussa l'adolescent en avant afin de l'éloigner de la chose, mais avec les yeux fermés et sans aucune idée d'où est-ce qu'il se situait dans l'escalier, il ne put trouver son équilibre.
Alors que le sol se dérobait sous ses pieds, Hitoshi ouvrit grand ses yeux avant de les refermer aussitôt lorsqu'il aperçut des débris un peu trop proches de son visage, il ne voulait pas assister à la collision...
Et juste avant que Morphée ne le capture dans son étreinte, il sentit une fulgurante douleur fleurir sur le côté droit de son visage.
