Le Livre des Traverses
Chapitre Troisième
Welcome to Diagon Alley
' Il y eut une lumière aveuglante, comme celle d'une explosion. Le silence d'abord, puis un fracas assourdissant. Le bruit diminua, pour n'être plus que la rumeur confuse d'une foule disparate.
Sur le sol pavé d'une étroite ruelle, un enchevêtrement de bras et de jambes gigotait vigoureusement. Une main émergea de l'ensemble, puis une tête. Un cri fusa lorsqu'il fallut défaire un nœud de boucles blondes et de mèches noisette, puis Marie et Isild se relevèrent d'un même mouvement.
Isild brossait son jean plein de poussière lorsque Marie s'avança vers la lumière au bout de la rue.
« Isild ! Viens voir ça ! » lança-t-elle d'un ton surexcité.
Devant deux paires d'yeux écarquillés s'étalait l'effervescence d'une rue colorée à l'animation dense et aux nombreuses boutiques : vêtements, animaux, remèdes, chaudrons, baguettes, tout ce qu'il fallait pour faire un sorcier modèle y était vendu. Y compris…
« Des balais ! Marie, ce sont des balais volants ! »
Les deux filles s'avancèrent, chancelantes.
« - C'est absolument… C'est vraiment le Chemin de Traverse !
- J'avais remarqué, figure-toi.
- Hinhin, on dirait que tu as vu des magasins de balais volants toute ta vie. On va à Gringotts ? Je te signale qu'on a les poches pleines d'argent Moldu, poches de jean d'ailleurs alors que tout le monde ici porte une robe… Si Mademoiselle Je-sais-tout voulait bien se donner la peine d'avancer… »
A bout de grommellements, elles parvinrent au beau milieu de la longue rue. Des étals et des devantures foisonnaient de chaque côté, des gens fourmillaient partout on eût dit une ruche, et le bourdonnement incessant d'abeilles empressées. Nombre de passants dévisageaient les deux amies, d'un air amusé parfois, curieux pour la plupart. Toutes deux s'efforcèrent d'afficher l'air le plus naturel possible, mais cela se révélait d'autant plus dur qu'elles se sentaient dans un état d'excitation indescriptible elles devaient faire de grands efforts pour ne pas se tordre le coup devant toutes les vitrines aux marchandises insolites. Quand enfin elles trouvèrent Gringotts (« Tu crois qu'il y a vraiment des dragons ? »), le soleil brillait et l'activité était plus effervescente que jamais.
Après force transactions et essayages, deux parfaites petites sorcières sortirent de chez « Madame Guipure, prêt-à-porter pour mages et sorciers » Marie portait une robe d'un bleu léger, et Isild était habillée en mauve. Coiffant leur chapeau pointu, elles se mirent à errer avec insouciance, presque oublieuses du pourquoi de leur venue. Elles visitèrent des échoppes d'apothicaire, firent semblant de comparer les prix de différents chaudrons pour mieux les admirer, collèrent le nez sur les cages des chouettes voyageuses au « Royaume du Hibou ». Elles virent des prix en Gallions, en Mornilles et en Noises elles observèrent discrètement deux sorciers barbus et ridés comme de vieilles pommes disputer studieusement une partie d'échecs (version sorcier) à une terrasse à une table voisine, un petit groupe discutait Quidditch avec animation autour d'une Bièraubeurre. Partout, la multitude bourdonnait avec insouciance. Ce spectacle à lui seul était étonnant : des gens étranges vêtus de robes et de capes, portant chapeaux pointus et bottes à boucles, une baguette à la main ou bien passée dans la ceinture, parlaient, riaient, marchandaient, achetaient avec le plus parfait naturel des objets invraisemblables n'importe lequel de ces quidams eût juré dans la cité londonienne, et tous semblaient ignorer sortir de l'imagination d'un conte pour enfants. La longue allée tout entière regorgeait d'imprévus, d'articles farfelus et d'ingrédients surprenants au milieu d'une masse hétéroclite et mouvante d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants à l'air merveilleusement décalé de fête foraine et folklorique. A ceci près que chacun y jouait son propre rôle.
Essoufflées mais ravies, Marie et Isild s'installèrent à une petite table, dans le coin d'une taverne. L'air s'était un peu rafraîchi, et la robe qu'elles portaient parut soudain légère aux jeunes filles. La Bièraubeurre, au goût indéfinissable (« Ca me rappelle la tarte aux pommes de ma nourrice » « Un caramel tout chaud et fondant ») leur apporta chaleur et réconfort, mais les fit redescendre sur terre.
« - Je sais que c'est merveilleux et tout ça, mais magie ou pas, on est ici pour retrouver cette idiote de chatte. Je me demande où elle est.
- Et mon chat ? Minuit a disparu aussi, je te rappelle !
- De son plein gré, ma chérie. On n'a qu'à faire d'une pierre deux coups, et chercher les deux. Où est-ce que tu irais si tu étais un chat ? »
Mais Marie n'écoutait plus. Elle serrait les mains autour de la chope pour se réchauffer, le regard perdu dans le vague. Elle arborait une mine soucieuse.
« - Tu sais… A propos de ce livre… Je me demande de quoi il s'agit vraiment. C'est vrai, dans les livres d'Harry Potter ils parlent d'un tiraillement au nombril pour les Portoloins. Mais un Portoloin, ça disparaît.
- La seule personne qui pourrait nous répondre, c'est l'auteur elle-même…
- Tu oublies où nous sommes ! Si nous avons trouvé un moyen de venir au Chemin de Traverse sans passer par la cave du Chaudron Baveur, on peut peut-être retourner dans le Londres « normal » par le métro, comme Harry. Mais imagine, imagine un seul instant qu'on soit rentrées dans le livre.
- Tu veux parler d'un monde dans ce livre-là ?
- Je veux parler d'un monde de Harry Potter. Un monde où Vol… Tu-Sais-Qui aurait existé, ou Poudlard accueille de petits sorciers et où une coupe du monde d'un sport populaire à balais volants à lieu tous les quatre ans un monde où nous n'aurions jamais existé, où les livres qu'on relit à longueur de temps ne se sont jamais vendus à des millions d'exemplaires, pour la bonne raison que personne ne les a écris !
- Comment…
- Réfléchis, Isild ! Je crois que ce livre a le pouvoir d'emmener les gens d'un monde à l'autre si ça se trouve d'ailleurs, on ne peut pas visiter que les Harry Potter… Je suppose que si on avait été en train de penser à Legolas au moment où il s'est ouvert, nous aurions très bien pu nous retrouver en pleine bataille de Pélénor !
- Et pour rentrer à la maison… ?
- Je ne connais qu'un seul endroit dans ce monde-ci où on achète, vend et se renseigne sur des livres magiques…
- Bien sûr ! La librairie Fleury et Bott ! »
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