Le Livre des Traverses
Epilogue
Un si joli rêve
La pluie sur les vitres. Le grésillement des bûches qui flambent. Le tonnerre au loin, peut-être. Une respiration légère. Un souffle, qui étire un sourire sur une bouche entrouverte. Une boucle de cheveux qui glisse sur le tapis. Le froissement des pages d'un livre qu'on referme. Le silence.
Et la pluie.
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« Marie ! Marie, Isild ! Marie ? »
Une porte qu'on referme. Marie se réveilla. Elle vit dans le couloir Claire Le Kermeur, la mère d'Isild, un sac à main sur l'épaule et plusieurs paquets sous le bras. Mme Le Kermeur était photographe, et de talent elle était venue s'installer en Angleterre avec son mari, et bien que regrettant sa Bretagne natale, s'était prise de passion pour la Perfide Albion. Les parents de Marie connaissaient bien les Le Kermeur si Mr Raintree était Anglais, son épouse était une amie d'enfance de Mme Le Kermeur. Leurs filles s'étaient naturellement entendues, tant que l'on eût dit deux sœurs, ce dont les mères respectives se montraient fort heureuses.
Claire venait de rentrer d'une réunion tardive, où elle avait débattu avec animation au sujet d'une exposition elle venait de trouver sa fille, en compagnie de sa meilleure amie, profondément endormie sur le tapis persan du salon. Comportement d'autant plus étrange qu'il n'y avait pas trace de la moindre miette, ni de la moindre goutte de chocolat chaud dans la pièce. Juste un petit tas de livres – pas étonnant, et Claire en était ravie – dont un particulièrement vieux. Claire posa son sac pour mieux voir. Elle tendit la main vers la couverture, et soudain…
« Maman ! »
Isild venait de s'éveiller.
« - Ma chérie, comment vas-tu ? Tu dormais d'un sommeil du genre comateux, il me semble. Journée fatigante ?
- C'est le temps, Claire » fit Marie, complètement réveillée à présent. « Cette pluie est vraiment assommante.
- On dirait que ça se calme, heureusement. Tu veux rester ici ce soir ? Je préviendrai Alice.
- Merci beaucoup ! Je crois que je vais accepter, je ne me sens pas de taille à affronter les pavés détrempés d'Angleterre !
- Très bien, je vais me changer. Je vous préparerai à dîner après, d'accord ? »
Claire monta à l'étage. Les deux amies se retrouvèrent seules dans le salon.
« - Alors ? » interrogea Marie. « On a fait le même rêve bizarre ?
- Tu veux parler d'un rêve où un vieux bouquin mange mon chat ?
- Et où le mien se goinfre de saucisses sur un balai volant, c'est bien ça, on a fait le même. »
Songeuses, Isild et Marie se replongèrent dans leurs pensées embrouillées.
« - Tu sais… C'est dommage… dommage que ce ne soit pas un rêve. Qu'est-ce que tu fais ?!
- Je vérifie qu'il n'y a rien d'écrit dans le livre.
- Et alors ?
- Rien.
- Dommage… »
Muang-Thaï fouillait sous un meuble à la recherche de Menthy-Mouse, sa souris en tissu fourrée de feuilles de menthe. Elle faisait des gestes frénétiques et se tortillait en tous sens pour l'attraper, mais le jouet était trop loin.
Marie, d'humeur secourable, fourra le bras sous le meuble avec un air concentré. Laquelle concentration se mua en surprise.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda Isild du fin fond du canapé.
Marie se releva lentement, tenant quelque chose dans sa main. Muang-Thaï arborait un air renfrogné : elle n'avait toujours pas sa souris.
Isild se levait à demi, mais Marie s'approcha et ouvrit la main. Au creux de sa paume, luisait une pièce ronde frappée de l'image d'un grand bateau, voguant toutes voiles déployées. Claire surgit du fond de la cuisine elle vit luire un éclat d'or. Elle s'approcha.
« - Jolie pièce. Où l'as-tu trouvée ?
- Aucune idée » murmura Marie.
« - Qu'est-ce que c'est, comme bateau ? »demanda Isild d'un ton détaché. « une galère ?
- Un galion, ma chérie. Ça, c'est un joli galion tout en or. »
Claire Le Kermeur devait se demander longtemps pourquoi l'évocation d'un galion voguant sur une pièce dorée fit naître le même sourire de triomphe, de soulagement et de bonheur sur les visages tournés vers la pièce…
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Le Livre était vieux, et neuf à la fois. D'une certaine manière, il avait toujours été âgé, puisqu'il avait toujours renfermé dans ses pages jaunies la connaissance et l'expérience de nombreuses choses. Comme toujours, il attendait son heure. Le calme jusqu'au prochain Voyage. Où iraient-ils ? Qui seraient-ils, ceux qui tenteraient le diable ? Aucune importance. Après tout, il restait le maître du jeu. Isaak Pervandus était-il réellement disparu ? Peut-être. Sans une certitude, il continuerait à le chercher. Peu importait le Temps qu'il y mettrait, ni les âmes qui en pâtiraient. Les hommes étaient trop cupides pour savoir profiter de ses dons. Ils finissaient toujours par vouloir s'offrir le Monde… Pourquoi certains seraient-ils différents ? Mais peut-être… Il s'en moquait, il avait l'éternité.
Dehors, la pluie s'était tue. Quelques gouttes tombaient sans bruit sur les trottoirs. Elle aussi attendait son heure. Elle recommencerait.
Le Livre attendrait bien le prochain soir d'orage…
--------------------(Fin… jusqu'au prochain voyage…)--------------------
Et bien ? Des idées, des suggestions, des insultes ? Je sais que le pauvre Harry n'est pas très présent, mais… je n'ai pas pu résister ! Isild et Marie avaient été créées pour une autre de mes fics, jamais achevées. Je les aimais bien, et j'ai voulu en quelque sorte leur donner une chance… Il est possible que j'écrive un jour une suite, un autre Voyage, et les personnages de J. K. Rowling seront plus présents. Cette histoire était un peu une initiation… Je l'ai dédiée à Alohomora parce que j'adore les siennes. Je ne m'inspire de personne, mais j'aime me référer à mes auteurs favoris… !
A propos de Muang-Thaï… Si le nom chiffonne quelqu'un, il s'agit du vrai nom de la Thaïlande, autrefois pays de Siam… Irrésistible pour un Seal Point à pedigree, non ?
Merci à mes lecteurs adorés
Mélusine
