Il ressentit une pression contre son épaule.

Un bruit de voix lui parvint, indistinct, et la presion augmenta. Pendant quelques secondes, ses pensées errèrent, confuses, essayant de donner un sens à ce que ses sens lui rapportaient. Petit à petit il se souvint pourquoi il était couché sur un sol inégal et pourquoi il se sentait si mal. Il se retint de réagir tout de suite, se préparant à ce qui se produirait lorsque la ou les personnes se trouvant auprès de lui réaliseraient qu'il était conscient.

Ses deux épaules étaient à présent immobilisées, et la pression exercée sur elles faisait pénétrer les aspérités du sol dans sa peau. Respirer lui faisait mal. Ses poumons se remplissaient d'air avec peine et à chaque inspiration plus profonde que les autres, il devait lutter pour réprimer son besoin de tousser.

Dès qu'il se sentit suffisament maître de lui-même, il passa à l'action. Il ouvrit les yeux et assena simultanément un violent coup de genou à la personne qu'il jugeait se tenir au-dessus de lui.

La forme de son ennemi le libéra immédiatement en poussant un cri étranglé. Il se ramassa, prêt à bondir, mais il n'y avait qu'une personne, et celle-ci se tordait sur le sol, recroquevillée sur elle-même. Personne d'autre.

Il se tourna vers ce qu'il vit être un jeune soldat d'Oz, encore recroquevillé sous l'effet de la douleur mais dégainant son arme avec hate.

Insensible à la menace de l'arme que le jeune soldat pointa enfin vers lui, il releva la tête pour scruter les environs.

L'observant, une angoisse indicible s'insinua dans l'esprit du soldat.

Des histoires couraient parmis les soldats concernant les pilotes de gundams. Le mystère les entourant avait donné naissance à une peur quasi-superstitieuse dans les rangs d'Oz. Aucun de ceux ayant vu l'un de leur visage n'avait survécu. Une rumeur disait même qu'ils n'étaient pas vraiment humains. Humains ou pas, ils étaient des machines à tuer.

Lorsqu'il avait découvert le corps du jeune garçon, il l'avait pris pour un rebelle. Les pilotes de gundam ne pouvaient pas être aussi jeunes. Ni paraître aussi innocents.

A présent, tout dans l'attitude de l'adolescent lui hurlait qu'il avait commis une grâve erreur.

/Faites qu'ils arrivent bientôt, pitié faites que les renforts arrivent maintenant…/

Le visage tendu du pilote redevint impassible à mesure que celui du soldat se décomposait.

Lorsqu'enfin son regard se posa à nouveau sur le soldat, celui-ci ne parvint pas à identifier l'expression de l'unique œil visible.

Il ne s'y trouvait aucune émotion, mais il y avait quelque chose de présent.

Une intensité anormale. Sans conscience.

Quelque chose d'animal.

Ses mains se crispèrent sur son arme lorsque la frêle silhouette silencieuse esquissa à nouveau un geste.

L'une de ses mains fines se leva pour se poser sur sa hanche.

Un prédateur observant sa proie se débattre avant de lui donner le coup de grâce.

Sans conscience…

Il brûlait d'envie de tirer, de se débarasser de la menace se tenant tranquillement devant lui.

Il pourrait toujours dire que l'homme l'avait attaqué.

Son instinct de survie lui hurlait de le faire.

/ Tue-le tant qu'il ne t'a pas encore tué…/

**************

Trowa sentit la peur du soldat. Les tremblements de ses mains crispées sur son arme, les mouvements hachés de sa cage thoracique, les déplacements vifs et nerveux de ses yeux, suivant ses moindres gestes. Il posa une main sur sa hanche et son mouvement déclencha une réaction d'alerte. Il resta alors instinctivement immobile, une habitude aussi ancienne que son existence et ayant toujours donné des résultats. Avec les bêtes.

Patiemment, il observa le soldat, se concentrant sur les signes d'apaisement et de reprise d'assurance.

Tôt ou tard, son attention se relacherait.

Il attendrait.

**************

-Quelle est la situation du pilote?

-Critique, lieutenant. Une équipe de secours assiste notre équipe de désincarcération.

Le lieutenant Zechs Merquise leva les yeux vers les équipes s'activant autour de la cabine de pilotage du Gundam abbatu. La massive silhouette humlanoïde couchée sur le sol inspirait encore des impressions fortes. Différentes de celles percue pendant les combats contre elle. Mais aussi étrangement puissantes. Comme un puissant symbole d'espoir, écrasé sans merci.

-Faites-en sorte de sauver le pilote.

-Le colonel Khushrenada nous en a déjà donné l'ordre mon lieutenant. Il sera confié à l'équipe de recherche dès que son transport sera possible.

-A-t-il été identifié?

-Non, mon lieutenant.

-Merci sergent.

-Mon lieutenant. " Le soldat le salua et repartit.

Zechs rejoignit les équipes toujours au travail sur le gundam. La nature de l'alliage ayant servi à construire l'armure mettait en difficulté les outils de désincarcération standards. Des lazers étaient à présent utilisés en renfort afin de parvenir à creuser une ouverture dans le métal torturé. Le temps les pressaient. Le pilote était toujours vivant d'après les capteurs sonors et thermiques de l'équipe d'intervention médicale. La cabine normalement isolée était suffisament endommagée pour pouvoir recevoir des informations de l'intérieur, mais elle était encore trop inaccessible pour connaître la condition du pilote. Il pouvait mourir à tout instant. Les lazers représentaient un problème supplémentaire, car en les utilisant avec trop de précipitation, ils risquaient de toucher le pilote ou de faire augmenter la température de la cabine.

Zechs posa un genou sur la poitrine du gundam, puis une main à plat sur la surface dorée, comme pour percevoir quelque chose sous l'épaisseur de métal. Le cœur de la forteresse de guerre.

-Mon lieutenant! Nous avons ouvert un accés.

Les hommes ne bougeaient pas, incertains. Ils auraient dû se précipiter en direction du pilote probablement mourant, mais ils n'en firent rien. Zechs reconnu leurs expressions. La crainte les retenait.

Il se leva et se rapprocha de l'ouverture. Lui-même ressentait de l'appréhension. Le seul bruit était celui des battements de cœurs lents du pilote, retransmis et amplifiés par les capteurs. Lorsqu'il se pencha pour regarder à l'intérieur, il dut faire un effort pour distinguer le corps dans l'enchevêtrement de métal et de plastique. Et il eut alors un mouvement de recul, imité par les personnes autour de lui, nerveuses.

-…Ce… Ce n'est pas possible…

-Mon lieutenant?"

-C'est un enfant…"

***************.

Une autre présence. / il n'est pas seul. Il n'a pas peur de toi parce qu'il n'est pas seul./ Il y en a un autre !/

**************

/…? Qu'est-ce qu'il fait?/

Le comportement du soldat n'évoluait pas comme il s'y attendait. Il ne reprenaît pas le contrôle de lui-même. Bien au contraire. Son affolement croissait. Son attention semblait être attirée par autre chose. Une chose que Trowa ne pouvait pas définir.

/Il déraille…/

**************

La présence avait commencé par être juste un doute, un soupçon que quelqu'un se trouvait avec eux. Comme s'il sentait quelqu'un se tenant derrière lui et le fixant intensément. Le besoin de se retourner pour vérifier le tiraillait. A mesure que sa conviction croissait que quelqu'un d'autre était présent, la présence semblait acquérir plus de matière, devenir plus tangible. Et le doute plus difficile à ignorer.

Soudain, quelque chose effleura son champ de vision. Une forme vague, aperçue le temps d'un battement de coeur. Il recula d'un pas, changeant sa position afin de pouvoir vérifier la présence d'un intru sans perdre le pilote de vue, mais cela ne servit à rien. Si une autre personne se trouvait près de lui, elle ne se laissa pas voir. Il ne pourrait être sûr qu'en se retournant rapidement pour surprendre l'intru. Cela signifiait quitter le pilote des yeux. Pouvait-il prendre le risque? Juste une seconde ?

Juste une petite seconde?

Sa dernière vision avant de mourir fut celle d'un adolescent pâle aux yeux turquoises dévorant son visage maculé de sang.

**************

Trowa relacha le corps désormais sans vie du soldat. Le souvenir du claquement sec émis lorsque la nuque fragile céda sous ses mains lui donnait la nausée. Les mains tremblantes, il entreprit de déshabiller le corps pour échanger leurs vêtements. Ses pensées étaient loin de ces sensations de malaise, focalisées sur les instants à venir.

Une fois dans son uniforme, il pourrait s'extirper de la zone sans trop attirer l'attention.

*****************

TBC

Reviews?