Titre : Le Secret de ma mère
Auteur : Alohomora
Avertissement : PG
Spoilers : Les quatre premiers livres
Résumé général : Cinquième année à Poudlard, école de magie et de sorcellerie. Alors qu'en arrière fond la situation politique s'envenime, Draco Malfoy ne pense qu'à éclaircir le secret que sa mère cache. Il est prêt à tout pour le découvrir, même à s'intéresser à Harry Potter, la personne qu'il déteste le plus au monde.
Résumé du chapitre précédent : Le professeur le Défense contre les Forces du Mal a couplé des élèves de différentes maisons pour un devoir. Draco s'est retrouvé apparié à Harry. Le voilà donc contraint de dresser le profil de son pire ennemi. Au cour de ses investigations, il prend toutefois plaisir à mettre à jour différents secrets de la vie de Harry.
L'éternel disclaimer : Draco n'est pas à moi et Harry probablement encore moins. Il en va de même pour tous les autres personnages évoqués dans cette fic (hormis Etau. Mais Etau tout seul, ça ne vaut pas le coup, alors…) pour la simple et bonne raison que tout appartient à Mrs JKR.
Minute-Merci-Merci : Très chers reviewers (ohlala ! on va m'accuser de flagornerie là !) ce qu'il est doux de lire vos petits mots et vos encouragements. Je vous en remercie grandement. :))) N'hésitez pas à énoncer vos reproches, vos doutes également (mais pas trop méchamment non plus, je suis une fille sensible… ;)
Chapitre 6 : Lachésis
Je vais le tuer. Non, ce serait bien trop rapide !
Je vais commencer par lui arracher un à un chaque ongle puis lui plonger les mains dans de l'huile bouillante.
Je vais lui faire sauter les yeux de leurs orbites avec des petites cuillers et, bien évidemment, je l'obligerai à les avaler.
Je vais prendre un grand plaisir à lui exploser les rotules, à lui retourner les articulations des coudes, à lui déboîter les épaules.
Oui, une torture sans magie, barbare et longue.
C'est tout ce que mérite cette saleté d'Etau !
M'obliger à rester une heure face à ce rat de Potter… Dites-moi ce que j'ai fait pour mériter ça ? Qu'ai-je fait ?
Il est là, assis en face de moi, à me regarder à travers ces hublots qui ne lui vont pas du tout. Quand on a une mauvaise vue et qu'on n'est pas assez doué pour lancer un sort de correction oculaire, on porte au moins des lunettes décentes.
Voila déjà cinq minutes que nous sommes là, sans rien à dire, à nous regarder fixement comme des gargouilles de pierre couvertes de mousse. Qui cédera le premier à la pression ? Voilà toute la question. Lequel de nous deux préférera rompre le silence et paraître esclave de ses nerfs pour ne plus avoir à subir la présence de l'autre ? Parler et faiblir ou se taire et souffrir.
Je suis sur des charbons ardents. Chaque fibre de mon corps ressent l'hostilité qu'il dégage. Son regard vert me brûle les yeux jusqu'à la rétine. Le moindre de ses mouvements m'irrite et m'exaspère. Mes nerfs sont tendus à tel point que je sens qu'ils vont se rompre, à moins qu'ils ne s'embrasent.
Qu'il parle le premier ! Qu'il parle avant que je ne parle !
Je dois me contenir et ne pas laisser transparaître ne serait-ce qu'un indice de ma nervosité. Mon visage ne doit refléter que le plus froid des détachements, mon regard ne doit être que le mépris le plus glaçant. Il me faut ignorer toutes ses provocations, feindre de ne pas les ressentir.
Je ne dois pas parler le premier, cet entretien est son idée. Il est celui qui a besoin d'informations. Je suis en position dominante et j'entends bien le rester. Alors je dois me taire et garder un air implacable. Je suis un Malfoy, je sais feindre et composer.
Je suis un Malfoy.
Il s'agite sur sa chaise. C'est la troisième fois qu'il se passe la main dans les cheveux, la cinquième qu'il replace ses lunettes sur son nez, la huitième qu'il tire sur sa manche et la onzième qu'il détourne le regard. Il se racle la gorge. C'est gagné ! Je vais enfin avoir le sublime honneur d'entendre sa voix.
« Bon ! Je n'ai pas que ça à faire et comme tu ne sembles pas décider à parler, je me dévoue. »
Alors je me dévoue ? Mais on ne doute de rien ! Tu crois peut être faire preuve de grandeur et de magnanimité ? Ne joue pas à ce jeu là avec moi, Potter !
« A côté de toi, n'importe qui fait preuve de grandeur et de magnanimité, Malfoy ! »
Je sens que cet entretien va être encore plus long que je ne le présupposais…
« Donc, première question : Tu es né comme ça ou c'est parce que celui qui t'a élevé n'est qu'une ordure, que tu es un sale petit rat crétin, prétentieux et sans honneur ? »
Combien d'insultes en une phrase ? Dites donc, je n'imaginais pas tant de perfidie en la personne de Harry Potter. Je suis presque choqué. Mais où est donc passé le grand et magnanime Harry Potter ? Et puis le rat ce n'est pas moi, c'est toi Potter ! J'aime beaucoup cette expression : « ce rat de Potter » ne m'oblige pas à en changer, je ne supporterai pas d'être comparé au même animal que toi.
« Très bien, tu préfères "une sale petite fouine" » ?
Je le hais.
Je le méprise.
Je l'exècre.
Je le maudis.
« Réponds à ma question ! Après ce sera à ton tour de me poser une question et ainsi de suite. Plus vite on aura fini, mieux ce sera ! »
Mais voyez vous ça ! Voilà que sieur Harry Potter se prend pour une personne de commandement. Rappelle-toi lequel des deux dormait dans le placard pendant que l'autre changeait de balai selon son bon plaisir !
« En tout cas, ce n'est pas ce qui a permis à l'autre d'être le meilleur au Quidditch ! »
Je ne sais pas combien de temps encore je vais bien pouvoir maintenir un masque de froideur et de dédain.
« Réponds à ma question ! »
Tu veux savoir ce que ça fait de s'appeler Malfoy, c'est ça Potter ? Ce que l'on ressent quand on sait que son nom impose crainte et ouvre toutes les portes ? Lorsque l'on sait que les gens n'osent pas vraiment prononcer son nom à haute voix ? Lorsque l'on sait que les gens détournent le regard quand on leur parle, qu'ils n'osent contredire la moindre de vos paroles, le moindre de vos ordres ? Lorsque l'on sait que son nom est synonyme de pouvoir ? Est-ce que c'est ça que tu veux savoir, Potter ? Mais enfin Potter, naïf Potter, pourquoi me poses-tu cette question ? Tu le sais aussi bien que moi. Ton nom, il me faut bien l'avouer, a également quelque pouvoir, moindre que le mien, certes, mais tout de même une certaine influence. N'as-tu donc jamais vu avec quelle dévotion ils le prononcent ? N'as-tu jamais senti leurs regards admiratifs darder ta nuque ? N'as-tu jamais entendu leurs murmures d'espoir ? Ne sous-estime pas le pouvoir de ton nom. Ne sous-estime jamais le pouvoir d'un nom.
« Quel étrange discours ! D'autant plus dans la bouche d'un Malfoy ! »
La haine et l'aveuglement sont deux choses très distinctes, Potter. Je suis suffisamment intelligent pour faire la part des choses, moi.
« Je n'ai pas besoin de tes conseils ! Je connais très bien le pouvoir du nom. Voldemort est là pour me le rappeler. »
C'est plus fort que moi, je ne peux contrôler mon corps : je tressaille.
« Qu'est-ce qu'il y a, Malfoy ? Tu as peur de ton propre maître ? »
Je le honnis.
Je l'abhorre.
Je le vomis.
« Pourquoi ce silence ? »
Va voir dans la Chambre des Secrets si j'y suis !
« Alors tu réponds ? On ne va pas y passer la journée. »
Même si je te l'expliquais Potter, tu ne pourrais pas comprendre.
« Explique. »
Très bien. Mais il est peu probable qu'un fils de sang-de-bourbe comme toi comprenne.
« Retire ça tout de suite ! »
Tout doux, Potter ! Et non, je ne le retirerai pas. Les Potter n'ont jamais eu l'honneur du nom. Quel nom commun que celui de 'Potter' ! Le résultat de mariages sans noblesse. Et c'est moi que tu traites de rat sans honneur ? J'en ai plus que tu ne pourras jamais en acquérir, Potter. Oui, je suis un Malfoy et cela implique que j'ai été élevé selon certaines traditions, selon des idéaux que tu ne peux pas comprendre.
« Tu peux être certain que ça ne m'intéresse pas de connaître les idéaux des Malfoy. »
Boucle-la ! Tu m'as posé une question, tu voulais une réponse, je te la donne alors tais-toi ! Oui, je suis fier d'être un Malfoy et jamais je ne renierai mon nom. Il fait parti de mon existence, il est une part de ce que je suis.
« Tu crois que chaque être se résume à un nom ? Tu penses sérieusement que le nom prime sur tout ? »
Que sais-tu de l'honneur d'un nom Potter ? Tu ne sais rien ! Ton avis m'intéresse autant que celui du premier Cracmol venu. Quant à mon père, puisque tu voulais tant savoir ce que c'est que d'être son fils, oui, il est comme moi. Ou je suis comme lui, comme tu préfères – mais qu'importe puisque nous sommes tous deux des Malfoy ! Nous sommes du même sang, de la même graine ! Pourquoi ce regard Potter ?
« Tu es encore pire que je ne l'imaginais. »
Que croyais-tu découvrir ? Un enfant terrifié par son père ? Un enfant battu ? Un enfant ignoré ? Ça, c'est ton rayon Potter, pas le mien.
« Tu n'es qu'une ordure ! »
En voilà un langage ! A mon tour maintenant. Es-tu fier de ce que tu es, Potter ?
« Que veux-tu dire ? »
Par les démons de l'enfer ! Il est encore plus benêt que je ne le pensais, et ce n'est pas peu dire…
Es-tu fier d'être celui qui a survécu ? Es-tu fier d'être celui sur qui repose tous les rêves ? Es-tu fier d'être celui dont les filles et les garçons rêvent au creux de leurs lits ? Es-tu fier d'être celui qui occupe toutes Ses pensées ? Es-tu fier d'être celui qui suscite autant de passions, amour et haine confondus ? Es-tu fier d'être celui qui est ? Es-tu fier d'être toi ? Est-ce plus clair pour ton cerveau trop lent ? … Tu rougis ? De quoi ? de honte ? de colère ? de gêne ?
« Comment peux-tu imaginer une seule seconde que je puisse tirer de la fierté de ma… situation ? »
Moi, j'en aurais…
« C'est là où nous sommes différents, Malfoy ? »
Et j'en suis bien aise, Potter… Mais c'est étrange de voir à quel point mon nom dans ta bouche peut devenir une insulte… La différence entre toi et moi Potter, c'est que moi, je suis fier et j'assume ce que je suis…
« Tu n'y es pas, Malfoy ! J'assume ce que je suis, mais pas ce que les gens font de moi. Ils ne voient pas plus loin que mon nom. »
Que voudrais-tu qu'ils fassent, Potter ? Leur laisserais-tu une chance de voir au-delà ? Prendrais-tu la peine de sympathiser avec chacun d'entre eux ? Comme tu l'as fait avec moi ?
« Alors, il ne s'agit que de ça ? Depuis le début, il ne s'agit que de ça ? Du jour où j'ai refusé de te serrer la main ? »
Laisse-moi rire ! Non, là c'est vraiment trop drôle ! A s'en tenir les côtes ! Qu'est-ce que tu vas imaginer ? Tu te surestimes bien trop, Potter. Oui, peut-être au début, il a s'agit effectivement de ça, mais j'étais un gamin alors. Non, maintenant il n'est plus question de ça. Depuis longtemps.
« Alors de quoi ? »
Tu deviens bien trop indiscret, Potter. Et je n'apprécie pas ça. Mais ta question me laisse entrevoir un fait bien troublant. Je pensais que tu savais, mais apparemment ce n'est pas le cas. Je suis déçu et je ressens d'autant plus la perte du temps que je passe avec toi.
« Qu'est-ce que tu… ? »
Ta curiosité est mal placée. Aujourd'hui, tout ce qui compte c'est ce devoir. Ce n'est pas le moment des discussions à cœur ouvert et d'ailleurs ne compte pas en avoir une avec moi.
« Si tu crois que cela fait parti des grands moments de ma vie ? »
En effet, il n'y a pas de grands méchants loups terribles à abattre. Donc aucun succès à entrevoir pour le mirifique Harry Potter.
Son poing se crispe sur sa plume. Il serre les mâchoires avec tellement de forces que je vois ses muscles se tétaniser. Ses yeux verts me jettent des éclairs qui me rappellent soudainement l'Avada Kedavra.
Il me hait.
Il me méprise.
Il m'exècre.
Il me maudit.
Détends-toi Potter, tu vas nous faire un infarctus. Et ça me gênerait beaucoup qu'on dise que j'ai tué le Grand Potter… Du moins de cette manière.
« Quelles sont tes intentions pour le futur ? »
Mes intentions pour le futur ? Mais de quel futur parles-tu Potter ?
De mes intentions dans un futur immédiat ? Probablement, me contenir au maximum pour ne pas céder à la pulsion violente qui m'anime. Résister à l'irrépressible envie de te mettre une raclée dont tu te souviendrais longtemps.
De mes intentions dans les prochaines années à venir ? Passer très brillamment mon examen de fin d'étude.
De mes intentions dans les prochaines dizaines années à venir ? Accroître encore l'importance du nom des Malfoy.
« Ce n'est pas ce que je voulais dire. »
Ce n'est pas de ma faute si tu ne sais pas t'exprimer Potter. Reproche à tes parents de ne pas avoir su t'inculquer les bases du langage. Oh ! mais suis-je bête, c'est vrai que tu n'en as pas !
Il me honnit.
Il m'abhorre.
Il me vomit.
Que représente pour toi Sirius Black ?
Toute haine quitte instantanément son visage, il n'y reste que surprise et choc. Il ne s'attendait pas à cette question. Son expression change et je peux clairement y lire de la défiance…
« Pourquoi cette question ? »
Tu changes les règles Potter, ce n'est pas très fair-play ! On a dit une question et une réponse à tour de rôle.
« Et c'est un Serpentard qui compte me donner des leçons de fair-play ? »
Que m'importe tes commentaires, je veux une réponse à ma question.
« Non. »
Non ?
« Non. »
Et pourquoi cela ?
« Parce que. »
As-tu peur que je répète à tous que le Grand Potter craint pour sa vie ? As-tu peur que je dise partout que ton père a été assez stupide pour faire confiance à un Mangemort ? As-tu peur que je dise que tous ceux qui devraient prendre soin de toi ne souhaitent que ta mort ? As-tu…
« Qu'est-ce que tu racontes ? »
Allons, allons Potter, ne me prends pas pour plus stupide que je ne suis. Ta famille Moldue ne souhaite qu'une chose : ne plus jamais te revoir. Quant à ton parrain, nous savons tous ce qu'il cherche à faire, on nous a assez cassé les pieds avec ça en troisième année.
« Mon parrain ?… Comment sais-tu que Sirius est mon parrain ? C'est ton père… ! »
Mon père ? Qu'est-ce que mon père vient faire là-dedans ? Contrairement à toi, j'ai un cerveau et je sais m'en servir. Alors maintenant réponds à ma question ? Que représente pour toi ce traître de Black ?
Il reste muet quelques secondes, son regard rivé sur moi. Je n'arrive pas à déchiffrer les émotions qui défilent sur le fond vert de ses yeux. Va-t-il se jeter à ma gorge ? Va-t-il se lever et partir ? Va-t-il hurler ? Va-t-il rester longtemps à me fixer, immobile ?
Je ne supporte plus ce silence malsain, je m'apprête à lui reposer la question, mais il me devance…
« Qu'est-ce que tu veux entendre, Malfoy ? Que j'ai peur de lui ? Que je sens constamment peser au-dessus de moi la menace de sa folie ? Veux-tu que j'avoue que je le hais pour ce qu'il a fait à mes parents ? Que je le hais encore bien plus que je ne hais Voldemort ? Que chaque jour de ma vie, chaque seconde de mon existence, je m'en veux de lui avoir laissé la vie sauve ? Que je maudis le jour où mon père a eu confiance en lui ? Que le jour où il mourra de mes mains, je hurlerai de joie ? Que jamais je ne pourrai oublier le mal qu'il a fait ? Que je le méprise pour ce qu'il a fait à ceux qui l'appelaient ami ? »
Il n'a pas élevé le ton, pas une seule fois.
Si je ne me fiais qu'à ce détail, je pourrais croire qu'il est calme…
Si…
S'il a retenu sa voix, s'il n'a pas crié, il n'a pas contenu le tremblement de colère qui perçait à chaque mot qu'il articulait.
Si ses poings ne sont pas venus s'écraser sur mon visage, c'est parce que ses mains agrippaient avec tant de fermeté le bord de la table que ses jointures en étaient blanches.
S'il ne s'est pas levé pour attraper le col de ma cape, c'est parce qu'il tremblait d'une telle fureur que ses jambes ne pouvaient le soutenir.
Si ses yeux avaient pu lancer des sorts, je serais déjà raide mort.
Je le regarde, il m'est impossible de le quitter des yeux. Je suis comme fasciné. Est-ce vraiment Harry Potter que j'ai en face de moi ? Où est le garçon sage et bon ? Où est le sauveur du monde, le brave Gryffondor ? Je ne sens émaner de lui que haine, colère, violence, puissance…
Je sens le Mal vibrer en lui…
Jamais de ma vie, je n'avais expérimenté une telle aura. Jamais, je ne m'étais senti autant à la merci d'un regard, d'un geste, d'un mot.
En cet instant, il est terrifiant.
« Mais ne t'avise jamais, jamais, plus de calomnier Sirius devant moi. Jamais plus… »
Jusqu'alors, j'avais pu me maîtriser, j'avais pu ne rien laisser paraître, mais à cette phrase, à ce jamais qu'il appuie avec tant de force, je suis obligé de ployer les genoux.
Je suis gelé par la terreur, littéralement. Je ne peux plus bouger. Je ne peux que le regarder avec un air hébété. J'aimerais pouvoir réagir, mais je ne peux pas. Aucune parcelle de mon corps ne semble plus m'obéir. Il pourrait bien me jeter sur le sol, je n'esquisserais pas le moindre mouvement pour me protéger. J'en serais incapable.
Pourtant mon cerveau n'a jamais procédé aussi vite.
Sirius ? Il l'appelle Sirius ! Pas Black ! Non, juste Sirius ! Est-ce que cette haine qui l'anime a créé une intimité entre eux ? Est-ce qu'une telle haine peut devenir un lien ?
Et calomnier ? Pourquoi parle-t-il de calomnie ? Serait-ce donc un mensonge, une insulte que de traiter Black de traître ?
Black ne serait pas le traître ?
Le traître serait un autre ?
Car il y a un traître. Sa réaction ne laisse pas douter une seconde qu'il y a un traître, qu'il y a forcément quelqu'un vers qui il tourne cette rage.
Mais si ce n'est pas Black ? Alors qui est-ce ? De qui parle-t-il ? Pour qui toute cette fureur ?
Pettigrow est mort.
Il ne reste plus que Lupin.
Lupin, le traître ?
C'est un loup-garou. La psychologie de ces créatures est incertaine. On ne sait jamais si le démon qui les habite va trouver un moyen de prendre le contrôle de l'humain.
Lupin, le traître ?
Pourtant, ça ne peut être que lui. Ça doit être lui…
Pettigrow est mort.
Il est mort, tué par…
… Black…
Pettigrow est parti affronter Black quand il a appris qu'il avait vendu les Potter. Mais si Black n'était pas le traître, il n'avait aucune raison de tuer Pettigrow. Même si Pettigrow l'avait attaqué, il se serait défendu mais ne l'aurait pas tué, il aurait tout fait pour épargner son ami.
Pourtant, Pettigrow est mort.
A moins…
A moins que Black ne considérait plus Pettigrow comme un ami…
A moins que Pettigrow fût le traître.
Et il l'a tué.
Non…
Non, il ne l'a pas tué.
Non, Pettigrow n'est pas mort.
Potter a dit qu'il s'en voulait chaque jour de sa vie, chaque seconde de son existence, de lui avoir laissé la vie sauve.
Pettigrow était le traître et il est encore vivant.
Black est innocent.
Aucun des crimes dont il a été accusé n'a été commis par lui. Ils sont tous le fait de Pettigrow.
Black a été accusé d'avoir vendu son meilleur ami et a passé pour cela douze ans en prison, à la place de Pettigrow.
Potter a été confié à cette famille Moldue qui le déteste, à cause de Pettigrow.
Par tous les démons, il faut absolument que je rencontre celui qui a fait de la vie de Potter un véritable enfer.
Potter a toujours les poings violemment fermés sur le bord de la table, ses yeux me lancent des éclairs verts et ses dents grincent.
« Plus jamais. »
J'ai compris Potter, tu peux cesser ta petite démonstration de force. Tu devrais cesser de fréquenter ce demi-géant, il déteint sur toi. Vous avez la même expression de violence brutale et bête.
J'ai même tout compris. Sauf comment ils avaient fait. Comment les deux ont-ils pu échapper à leurs destins ? Comment ce sont-ils enfuis ? Peut être le même procédé ? Potter sait. Il sait forcément.
Mais avant tout, il faut que je reprenne le contrôle des événements. D'un geste calme et assuré, je croise les bras et sans crainte plante le regard dans le sien. Mon apparente sérénité semble le décontenancer. Il reste quelques secondes la bouche ouverte et les yeux ronds, ne sachant pas vraiment quelle attitude adopter. Pour se donner une contenance, il saisit sa plume et baisse la tête sur son parchemin. Il affecte de prendre un air détaché. Ça n'est pas une franche réussite.
C'est à ton tour de poser une question Potter.
« Comptes-tu devenir un Mangemort ? »
Voilà une question sacrément directe.
« Si les questions ne sont pas assez directes, tu trouves des échappatoires. »
Tu peux parler Potter. Depuis tout à l'heure, pas une seule fois tu n'as répondu franchement à une de mes questions.
« Vraiment ? »
Ironie, ironie.
Tu le sais très bien. Mais ce n'est pas grave, je sais lire entre les lignes.
« Vraiment ? »
Il y a moins d'ironie dans sa voix cette fois-ci et même un soupçon de trouble.
Potter, tu ne sais pas assez masquer tes émotions.
Quant à savoir si je deviendrai un Mangemort, j'ai déjà dit que je n'agirai que dans l'optique d'accroître l'importance du nom des Malfoy.
« Ça ne répond pas à ma question. »
Que m'importe ta question. Ce n'est pas l'inquisition que je sache, nous sommes ici pour un devoir qui a un but précis : dresser un portrait, un profil. A toi de faire fonctionner ta cervelle et de découvrir ce que je ne veux pas te dire. Exactement comme je le fais avec toi.
« Tu perds ton temps. »
C'est ce que j'ai cru, Potter. Mais maintenant, je dois avouer que tu es bien plus intéressant que je n'aurais pu l'imaginer.
« Tu ne sais rien de moi. »
Erreur. Je sais presque tout de toi. Et ce que j'ignore n'a que peu d'intérêt.
« Tu ne peux pas savoir. »
Est-ce la crainte qui perce dans ta voix, Potter ?
« Ne rêve pas, Malfoy. Tu ne m'as jamais fait peur, ce n'est pas maintenant que ça va commencer. »
Oh, touché !
… ironie, ironie…
Mais c'est à mon tour de poser une question maintenant.
« Non, ça suffit ! J'en ai marre de ce cirque. Je pensais que tu serais assez mature pour mettre de côté ta jalousie maladive et travailler sur ce devoir, mais visiblement tu ne peux pas. »
Ma jalousie maladive ?
Crois-moi Potter, s'il y a bien une personne dont je ne suis pas jaloux, c'est bien de toi. Parce que tu penses vraiment que je pourrais envier ta vie ? Ne me fais pas rire ! Tout sauf être dans la peau de Harry Potter le garçon qui a survécu ! Tout plutôt que ça ! Non, il n'y a rien que tu possèdes que je ne peux avoir.
Ma jalousie maladive ?
Oui, peut être autrefois. Mais plus maintenant. Plus maintenant que je sais.
Il ne me jette pas un dernier coup d'œil et se lève. Il quitte la salle où nous nous étions installés en claquant la porte avec tant de force que le bois craque.
Je reste quelques secondes à contempler le battant de bois, me remémorant avec autant de précisions possibles cette bien étrange conversation. En fin de compte, c'était une expérience bien plus que riche que je n'avais pu l'imaginer. Potter est devenu pour moi aussi limpide qu'un cristal. Peut-être que finalement il faudra que j'aille remercier Etau.
Je remonte les couloirs, absorbé par mes pensées, sans prendre gare à tous ceux que je croise, à leurs saluts craintifs et leurs regards haineux. Que m'importe cette racaille ! Je tiens maintenant dans ma main Potter et je sais où sont ses blessures les plus douloureuses. Je sais maintenant où frapper et le meurtrir à coup sûr. Je te promets quelques bons moments Potter.
Lorsque je regagne la salle commune des Serpentard, je trouve penchés sur des parchemins la plupart de mes camarades de classe. Crabbe ricane bêtement en poussant Goyle du coude. Probablement quelques éléments de la vie de Londubat qui les font rire. Je me demande bien à quelle partie de la vie misérable du Gryffondor ils en sont : il y en a tant qui prêtent à rire. Quant à Parkinson, elle pousse de gros soupirs en griffonnant son parchemin. Elle est la première à me voir arriver et aussitôt son visage se réjouit et me sourit.
« Draco, tu es enfin revenu. Je commençais à m'ennuyer. La vie de Granger est d'une banalité navrante. Rien d'amusant à en tirer. »
Aucun cadavre dans le placard ?
« Non, rien, le désert polaire. Et puis j'ai du mal à me concentrer avec ces deux sombres crétins qui n'arrêtent pas de glousser comme des gamines prépubères. »
Crabbe relève la tête. Il ne semble pas le moins du monde vexé par les propos de Parkinson. Il la regarde quelques secondes avant d'éclater de rire bruyamment.
Goyle devrait se méfier, Etau a bien dit qu'il punirait sévèrement tous ceux qui feraient circuler des informations.
Goyle hausse les épaules.
« Comment veux-tu qu'il le sache, Draco ? »
Méfiez-vous tout de même.
Parkinson pousse à nouveau un soupir à faire s'envoler les chapeaux.
« Ce que tout ça est d'un normal ! »
Tu crois ? J'avais pourtant l'impression que tout ce qui traînait sur les basques de Potter était tout sauf normal.
Et les voilà tous les trois qui éclatent de rire. J'avoue que je m'en étonne. Je ne voulais nullement me moquer, pour une fois. Peut être que c'est devenu un automatisme maintenant, que je ne peux plus m'empêcher de me montrer mesquin. Ou bien alors leur flagornerie n'a plus de limite.
Fin du sixième chapitre
