Titre : Le Secret de ma mère
Auteur : moi… euh, je veux dire Alohomora ;)
Avertissement : PG
Spoilers : Les quatre premiers bouquins parus.
Résumé général : Cinquième année à Poudlard, école de magie et de sorcellerie. Alors qu'en arrière fond la situation politique s'envenime, Draco Malfoy ne pense qu'à éclaircir le secret que sa mère cache. Il est prêt à tout pour le découvrir, même à s'intéresser à Harry Potter, la personne qu'il déteste le plus au monde.
Résumé du chapitre précédent : Dans le cadres de leurs devoirs de 'profiling', Draco et Harry ont arrangé une entrevue. Mais bien évidemment, le ton monte vite et la rencontre tourne court.
Disclaimer : Oyez ! Oyez ! Par la présente, nous informons tous les lecteurs que les personnages évoqués dans le texte ci-dessous ne sont en aucun cas la propriété de l'auteur (c'est à dire moi). La seule et heureuse détentrice des droits se nomme JK Rowling.
Note d'avant chapitre : Comme la dernière fois on a eu Harry en guest-star, cette fois on va un peu reparler de la photo dérobée et donc de Narcissa. Faut varier les plaisirs.
Chapitre 7 : Icare
Il en met du temps à arriver ! On ne peut pas dire que les Gryffondor se caractérisent par leur ponctualité. Au prix où je le paye, il pourrait au moins prendre la peine d'être à l'heure. En plus, il m'a fait venir en territoire ennemi. C'est déjà le sixième Gryffondor qui me jette un regard soupçonneux en murmurant le plus bas possible leur maudit mot de passe. Comme si ça m'intéressait d'entrer dans leurs quartiers ! Et puis de toute façon, on ne peut pas dire que les mots de passe des salles communes des quatre Maisons sont les secrets les mieux gardés de Poudlard.
Exécution pour les Serpentard. Grandiloquent !
Plume de corbeau pour les Serdaigle. Piètre tentative de faire ténébreux !
Fleur de cerisier pour les Poufsouffle. Totalement sirupeux !
Beaux lendemains pour les Gryffondor. Pitoyable !
Enfin le voilà ! Il est accompagné d'une Gryffondor. Dès qu'il m'aperçoit quelque peu dissimulé derrière une armure, il se penche vers elle et lui murmure quelque chose à l'oreille avant de lui déposer rapidement un baiser sur les lèvres. La fille hoche la tête puis tourne les talons et s'éloigne. Il la suit quelques secondes du regard avec une expression rêveuse.
Si je venais à tomber amoureux, qu'il me soit épargné d'avoir l'air aussi niais !
Puis il se souvient soudain de moi et vient vers moi.
« Désolé, je suis un peu en retard. »
J'ai remarqué.
« Tu as l'argent ? »
Je fais teinter les pièces d'or dans ma poche. Il hoche la tête d'un air satisfait. Il n'est pas très méfiant, j'en connais plus d'un qui aurait demandé à voir la couleur de l'argent. Ah ces Gryffondor ! Ils sont irrécupérables ! Il sort alors la photo de sa poche et l'observe quelques secondes d'un air songeur avant de me la tendre.
Alors qu'est-ce que t'as découvert, le-grand-type-blond-de-Gryffondor ?
« Je crois que c'est le cas le plus difficile que je n'ai jamais étudié et le plus passionnant… J'ignorais que ta mère était si jolie Malfoy. »
Et son sourire s'agrandit.
S'il veut finir avec la tête éclatée contre le sol qu'il continue comme ça.
Et puis comment sait-il que c'est ma mère, je ne lui ai rien dit ?
« La base en photographie est de savoir jeter des sorts de légende et en particulier celui de dénomination. Il ne m'a pas été très difficile de découvrir qui était cette ravissante blonde. »
Continue comme ça…
« Tout doux, Malfoy ! Mais ma plus grande surprise ne vient pas de là. Est-ce que tu sais qui est la sorcière qui est à sa droite ? »
J'en oublie un instant de vouloir lui mettre mon poing dans la figure et regarde ladite sorcière. Non, elle ne me dit rien. Je ne crois pas l'avoir jamais vue chez nous. De toute façon, personne ne vient jamais rendre visite à ma mère.
« Tu ne la reconnais pas ? Bon et bien maintenant, pointe le bout de ta baguette sur elle. »
Je m'exécute et une petite légende apparaît sur la photo. J'y lis l'inscription et la baguette manque de m'en glisser des doigts.
« Oui, notre très chère professeur de divination, j'ai nommé la siphonnée Sibylle Trelawney ! Au vue de ta réaction, j'en déduis que tu n'étais pas au courant toi non plus. Mais quand on le sait, je trouve que le rapprochement est facile à faire. »
C'est vrai qu'il y a un air de ressemblance.
Je n'aurais jamais imaginé que ma mère et cette prof complètement folle puissent se connaître et encore moins être amies.
Et l'autre ? Peut-être que c'est également quelqu'un que je connais.
… Elizabeth Galliness…
Ça ne me dit rien.
« L'autre, Elizabeth Galliness est morte il y a un bout de temps. C'était une Auror, elle a été tuée par un Mangemort. Mais on n'a jamais pu déterminer avec certitude quelle était l'identité du coupable. Ces lâches portent des cagoules pour qu'on ne puisse pas les reconnaître. »
Tuée par un Mangemort…
« Les trois sorciers de derrière étaient des Serdaigles. Matthew Philips, John Taurus et Mina Thomson. Le premier est en Chine, le second est marié et mène une vie de père de famille en Australie et la dernière est morte. »
Morte ?
« Une expérience qui a mal tourné. L'affaire semble avoir été étouffée par le ministère. J'ai eu quelques difficultés à retrouver sa trace. Est-ce que tu les connais ? »
Non, c'est la première fois que j'entends parler d'eux.
« Mais passons au cas vraiment intéressant. On peut dire que tu as l'œil ! Il était vraiment pas simple de repérer qu'il y avait quelqu'un hors-champ. Et apparemment, ta mère ne souhaite pas qu'il soit repéré. »
Quoi ?
« Ta mère cache ce type, Malfoy ! »
Ma mère cache quelqu'un ? Non, la reproduction photographique de ma mère cache la reproduction photographique de quelqu'un !… Mais la reproduction photographique de qui ?
« Un sorcier d'à peu près seize ans. Je ne sais pas à quelle Maison il appartient, il n'a aucun écusson sur sa robe. »
Un sorcier de seize ans ? Est-ce que c'est mon père ? Mais pourquoi ma mère ne voudrait pas que l'on voie mon père ?
« J'ai eu toutes les peines du monde à le faire venir. Si quelque chose ou quelqu'un est hors-cadre, il est logique de penser qu'il est impossible de les faire entrer dans le cadre. Or ma théorie est que si les sorciers et les sorcières peuvent disparaître du cadre et aller se balader hors-champ, la réciproque est possible. A savoir, si un sorcier est hors-champ, il est possible de l'attirer dans le cadre. Est-ce que tu me suis ? »
Mais qu'est ce qu'il vient de me baragouiner, là ? C'est quoi la nuance entre le hors-champ et le hors-cadre ? Arg ! Ces Sang-de-Bourbe, il faut toujours qu'ils viennent polluer le monde de la Magie avec leur misérable héritage du monde Moldu.
« Je vois que la photo ne t'intéresse pas. »
Tout juste Auguste. Il n'y a que 'cette' photo qui m'intéresse.
« Très bien. Sache quand même, que j'ai eu beaucoup de mal à attirer ce type dans le cadre et cela pour deux raisons. »
Laisse-moi deviner… La première : tu tenais ta baguette à l'envers et la deuxième : tu n'es qu'un crétin de grand-type-blond-de-Gryffondor ?
« Premièrement, parce que dès que j'ai commencé à m'intéresser à lui, ta mère a accouru et a tout fait pour l'empêcher de venir. Apparemment, ta mère n'a vraiment aucune envie que l'on découvre l'identité de Monsieur Mystère. Et deuxièmement, parce que le lien magique était très faible. »
C'est bien ce que je pensais, tu es trop nul !
« Détrompe-toi, ça ne venait pas de moi, mais de lui. La reproduction photographique d'un sorcier ne peut pas résister à mon sort d'attraction. Un peu comme un aimant, si tu veux. Mais avec ce sorcier, c'était comme si il n'avait aucune charge magique à opposer à celle que je lui envoyais. »
Tu veux dire…
« … Que c'était un sorcier avec un très faible pouvoir, pratiquement un Cracmol. »
Si je ne vois pas pourquoi ma mère voudrait protéger ce genre de raclure, la chose certaine maintenant c'est qu'il ne s'agit pas de mon père.
« Tu veux le voir ? »
Est-ce que les balais volent ?… Evidemment que je veux le voir !
Le grand-type-blond-de-Gryffondor reprend la photo et sort sa baguette. Il la pointe sur l'extrême bord gauche.
« Il faut viser à peu près la direction dans laquelle doit se trouver celui que l'on veut faire venir. Et après c'est comme à la pèche. Tu lances un sort et tu attends que ça morde. Elicio. Observe ta mère ! »
A peine a-t-il prononcé la formule, que la reproduction photographique de ma mère se lève et se précipite vers le bord du cadre gauche. Elle s'y appuie, comme si elle tentait d'empêcher une porte de s'ouvrir. Mais c'est peine perdue : la main du grand-type-blond-de-Gryffondor a un sursaut.
« Il a mordu à l'hameçon. Maintenant, je vais l'attirer à l'intérieur du cadre. Ta mère va essayer de m'en empêcher. Regarde. »
Et alors, doucement, il commence à ramener sa baguette vers l'intérieur de la photo. Du cadre émerge d'abord une main, puis un bras, une épaule et enfin une tête. Ma mère se démène comme une diablesse, pour ralentir la progression, pour nous cacher son visage. Mais elle ne peut rien faire contre la magie du grand-type-blond-de-Gryffondor.
Elle a l'air tellement paniqué. Je sens une montée de haine envers le grand-type-blond-de-Gryffondor qui fait ainsi souffrir ma mère, lorsque je me rappelle qu'il fait tout cela sous mes ordres. Alors je me calme, parce que je sais que sinon c'est contre moi que je vais m'énerver et ça je ne peux pas l'accepter.
Et enfin apparaît au centre de la photo un garçon blond aux cheveux courts et en bataille. Il a des yeux noirs dans lesquels se reflète l'étonnement. Il semble ne rien comprendre à la situation, pourquoi il est là et pourquoi ma mère pleure.
Ma mère pleure !
Elle est partie se réfugier dans les bras de ses deux amies et le garçon la regarde désemparé. Il semble vouloir la consoler mais n'ose pas l'approcher.
Ma mère pleure.
« Tant que j'ai la baguette posé sur lui, il ne peut pas bouger. Est-ce que tu le reconnais ? »
Je secoue la tête. Je ne l'ai jamais vu. Mais je donnerais mon bras droit immédiatement pour le savoir.
Ma mère pleure.
« Dans ce cas, on va avoir quelques problèmes pour trouver de qui il s'agit. »
Je le regarde incrédule. Mais, et le truc avec la baguette et le nom qui apparaît ?
« Le sort de dénomination ne marche pas sur lui. Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne fonctionne pas.
C'est parce que le type n'a pas assez de pouvoirs ?
« Non, ça n'a rien à voir. Le sort de dénomination est malléable et peut être appliqué aussi bien à des Sorciers, des Cracmols, que des Moldus. On peut même s'en servir pour des animaux… »
Voilà, j'en étais sûr, c'est un handicapé de la baguette ! C'est bien ma veine ! Il fallait que je tombe sur le seul expert en photo incapable de lancer le moindre petit sort de déno-truc convenable !
« C'est dénomination ! »
Détail !
Mais alors lui ? Pourquoi ça ne marche pas sur lui ?
« J'en ai pas la moindre idée. »
Il semble lui-même énervé à l'idée de ne pas éclaircir le mystère. Moi, je n'arrive pas à savoir à ce moment ce que je ressens… J'ai beau chercher, fouiller, mais il n'y a rien. J'ai une étrange impression d'être totalement vide. Pas même de la douleur ou de la fatigue, de la colère ou de la curiosité. Juste rien. Comme si on m'avait pressé, pressé tellement fort, à m'avoir dépouillé de toute substance. A m'avoir dépouillé de tout.
Bloqué par la baguette du grand-type-blond-de-Gryffondor, je regarde ce garçon qui semble toujours aussi embêté. Ma mère a cessé de s'agiter, les yeux toujours ruisselants de larmes, elle lui sourit tristement. Ses deux amies s'agitent exagérément pour la réconforter et au fond les trois Serdaigle se moquent de tout.
Ma mère pleure.
« Bon, je n'ai pas que ça à faire Malfoy, donc si tu pouvais me donner mon argent… »
Je lui donne les deux pièces d'or sans discuter. Il m'adresse un salut de la tête auquel je ne réponds pas et il s'en va vers les quartiers des Gryffondor. Maintenant que je suis seul, je me laisse glisser lentement contre le mur. Ce n'est même pas que je me laisse glisser, c'est que je glisse, c'est indépendant de ma volonté. Sur la photo, ma mère sèche ses larmes et le garçon a de nouveau disparu du cadre.
Qui est-il ?
Dis-le moi, maman ! S'il est si important pour toi, pourquoi est-ce que je ne le connais pas ? Pourquoi ne parles-tu jamais de lui ? Pourquoi pleures-tu pour lui alors que pour moi, pour mon père tu n'es que glace ?
Pourquoi pour lui et pas pour nous ?… Pas pour moi ?…
Plus violemment qu'une lame assassine, une conviction s'insinue en moi : je dois découvrir qui il est ! Que m'importe ce que je vais rencontrer ! Que m'importe ce qui va barrer ma route ! Que m'importe ce que je vais découvrir ! Que m'importe le pouvoir de cette foutue vérité ou que je ne sois pas capable de la contenir ! Que m'importe parce que je saurai !
Et je sais même de quel côté je dois commencer à chercher. Des deux sorcières qui encadrent ma mère, l'une est peut-être morte, mais l'autre est toujours vivante et elle est même à portée de main.
-o-
Prévenu que Trelawney n'était pas un des meilleurs professeurs de Poudlard, j'ai choisi Etude des Runes. Cela ne m'intéressait pas vraiment de me faire prédire le jour de ma mort continuellement. Je laisse ce plaisir à Potter.
Le préfet des Serpentard, McArdore, m'a conseillé de me rendre dans sa salle le jeudi en fin de journée, juste après le cours des Gryffondor de cinquième année. La perspective de me retrouver face à Potter et à son patafixé attitré ne m'enchante guère, mais McArdore m'a assuré que ce serait le meilleur moment pour parler à Trelawney.
Me voilà donc en train d'attendre devant la porte que le cours se finisse. Les premiers à sortir sont les Sang-de-bourbe Thomas et Finnigan, ils me jettent un regard surpris mais ne s'arrêtent pas. Les deux filles de Gryffondor ne remarquent même pas ma présence, trop absorbées par leur discussion sans intérêt.
« Qu'est-ce que tu fais là, Malfoy ? »
Et voici mon patafixé préféré qui entre en scène avec toujours autant de subtilité et de goût, j'ai nommé l'apprenti sorcier le plus misérable de Grande Bretagne : Ronald Weasley. On applaudit bien fort ! Merci pour lui !
« T'as rien à faire ici, Malfoy ! Fiche le camp ! »
Vais-je prendre la peine de lui répondre ?… Non.
Le peu de cas que je fais de sa personne n'est pas pour plaire au patafixé, mais le bon, le brave, Potter lui fait signe de m'ignorer. Ça n'a pas l'air d'être une tâche facile.
Que m'importe toutes tes simagrées, Weasley. Tu m'intéresses autant que mon premier chapeau ! Va donc voir dans la Chambre des Secrets si j'y suis !
Weasley est secoué par un tremblement de colère et amorce un mouvement peu amical envers ma personne. Même si je n'en montre rien, à cet instant précis Goyle et Crabbe me manquent cruellement : Weasley est bien plus grand que moi et surtout bien plus costaud. S'il décide d'en venir aux poings, je n'ai aucune chance. Heureusement pour moi, Potter attrape le rouquin par le bras et l'entraîne loin de moi. Il se laisse plus ou moins faire mais je vois dans son regard qu'il n'attend qu'une chose : le moment où l'on se retrouvera face à face, sans personne pour interrompre ses pulsions de violence. Je suis un peu moins impatient que lui, je dois dire. Il faut que je me souvienne de ne pas trop traîner seul quelque temps dans les couloirs de Poudlard.
Mais pour marquer le peu d'importance que je feins de porter à sa colère, je leur tourne le dos et fouille du regard la salle de classe. Ayant constaté qu'il n'y a plus aucun élève, sous les regards étonnés de Potter et Weasley devenu soudain très calme, j'entre dans la pièce d'où s'échappent des effluves d'encens à donner la nausée. Par les démons de l'enfer, comment font-ils pour supporter une telle odeur pendant une heure ?
Penchée sur sa boule de cristal, Trelawney ne remarque pas ma présence. Je me garde bien de la lui signaler immédiatement. Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre avec elle, ni ce que je vais bien pouvoir tirer de cette entrevue et il faut donc que je me prépare mentalement. Même si elle est professeur, je dois être celui qui dominera la situation. Quand je sens que je suis enfin prêt, je me racle la gorge.
Elle relève rapidement la tête et s'étonne de me trouver là. Elle plisse le nez, alors que son regard me scrute. Mais comme elle ne remarque rien dans ma mise capable de l'éclairer sur la raison de ma présence, elle affecte un air ennuyé et en même temps fat. Composition très étrange, je dois dire.
« Pour quelle raison êtes vous ici, monsieur ? Sollicitez-vous mes dons pour décrypter les signes qui jonchent le chemin de votre vie ? Pensez-vous être victime du mauvais œil ? Un amateur vous a tiré les cartes et vous vous inquiétez de son interprétation du tirage ? »
J'ai l'impression d'entendre une réclame de kit bas de gamme de divination. Bientôt elle m'annoncera qu'elle est capable de me faire revenir l'être aimé ou de me faire passer mon examen de fin d'année avec 400 de réussite.
Mais tout cela m'amuse terriblement.
Elle est bien professeur de divination, non ? Qu'elle devine pourquoi je suis là…
Son air se transforme immédiatement, il est à la limite entre le sérieux et le furieux. Mais elle ne m'effraie pas. Qu'elle se mette en colère tant qu'il lui plaise, je sais avec certitude que c'est moi qui mène les événements.
L'a-t-elle senti ? En tout cas, soudain elle se rassérène et s'avance sur le bord de sa chaise. Et alors que ses yeux ne me quittent pas, elle étale devant elle ses cartes. Je la laisse faire, sourire en coin. Elle a un temps d'arrêt, pendant lequel son regard devient encore plus inquisiteur. Essaie-t-elle de mobiliser son troisième œil ? Qu'elle mobilise tous les yeux qu'elle veut, ça ne changera pas les choses. Je la domine, car je sais quelque chose qu'elle ignore.
Elle commence à retourner une à une les cartes. Son air devient de plus en plus grave au fur et à mesure qu'elle progresse dans sa lecture. Je vois ses mains trembler. Elle le remarque également, elle relève la tête vers moi effrayée que j'aie pu surprendre une manifestation de sa nervosité. Précipitamment, elle plaque les mains sur son bureau dans le futile espoir d'en cacher les soubresauts.
Elle sait !
Son expression change du tout au tout, elle écarquille les yeux, alors qu'elle porte les mains à une bouche béante (elle n'a jamais dû autant ouvrir). Ses yeux ne me quittent plus et je soutiens sans broncher son regard. J'espère que j'ai l'air totalement calme et confiant. Je dois avoir l'air totalement calme et confiant.
Finalement ses mains retombent sur son bureau et sa bouche se met à s'ouvrir et à se fermer comme mue d'une volonté propre. Elle a l'air d'une carpe sortie de l'eau qui supplie qu'on la remette à l'eau.
« Vous êtes Draco Malfoy, le fils de Narcissa. »
Je m'y attendais.
Je m'y attendais, mais pourtant ça me fait l'effet d'un coup de foudre. Oui, je savais qu'elle dirait cette phrase, mot pour mot. Je l'avais prévu mais pourtant, malgré la préparation mentale, je ne peux qu'accuser le coup.
Draco Malfoy, le fils de Narcissa. Le fils de Narcissa. J'ai tellement l'habitude d'être le fils de mon père, bien plus que celui de ma mère.
Trop prise par sa propre stupeur, elle ne semble pas remarquer le jeu des émotions qui passent un instant sur mon visage.
Draco Malfoy, le fils de Narcissa…
Elle ferme enfin les yeux et s'adosse à la chaise. Elle semble perdue dans de vieux souvenirs.
« J'aurais dû deviner. Vous lui ressemblez tellement. »
Je ne peux m'empêcher de tressaillir, mettant de côté l'ironie de sa phrase. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me reparle, pas tout de suite. Je pensais qu'il lui faudrait plus de temps.
Je lui ressemble ? A qui ?
Elle rouvre les yeux, ses traits se durcissent.
« A lui. »
Lui ? Mon père ? Pourquoi prend-elle ce ton pour parler de mon père ?
« Mais vous avez aussi quelque chose d'elle. Quelque chose qu'il n'a pas réussi à avilir… Pas encore… »
Oui, c'est de la haine qu'il y a bien dans sa voix, mais aussi de la crainte. Lequel des deux sentiments a engendré l'autre ? Qui de la haine et de la peur est première ? Et pourquoi ?
Mais je ne peux laisser mon père se faire insulter par cette cinglée. De quel droit parle-t-elle ainsi d'un Malfoy ? Qui croit-elle être pour oser parler de nous de cette façon ?
Elle a un mouvement involontaire de recul dont je me délecte : je lui ai fait peur. C'est presque jouissif : j'ai fait peur à un prof !
« Visiblement, je me suis trompée. Ce diable s'est déjà insinué en vous, Draco. Et encore une fois, il va tout détruire… »
Qu'est-ce qu'il va détruire ?
Moi ? Pour qui me prend-elle ? Je ne suis pas un simple château de cartes que l'on balaye d'un revers de la main. J'ai plus de ressources qu'on peut le soupçonner. Je suis un Malfoy. Un Malfoy ne se laisse pas abattre.
Encore une fois ?
Qu'est-ce qu'il a détruit ? Ou plutôt qui a-t-il détruit ?
Son visage est devenu impénétrable. J'ai beau chercher la faille dans sa cuirasse, je n'en trouve pas, il n'y en a pas… Pas encore…
Je dois vite trouver le levier d'ouverture, débloquer son système de sécurité. Si l'évocation de mon père a tout déclenché, il serait stupide que je persiste dans cette voie, elle va continuer à se durcir. Très bien, il ne me reste plus qu'une solution.
Je sais que je suis le portrait de mon père. On n'a cessé de me répéter toute ma vie que je lui ressemblais, que j'étais tout lui au même âge. Mais je sais aussi que je suis le fils de ma mère. Dans mon sang coule également celui de Narcissa Malfoy.
Je suis aussi le fils de Narcissa Malfoy…
« Vous… vous avez aussi quelque chose d'elle. »
J'ai réussi.
« Ce n'est pas physique… Dans l'aura, peut être. Narcissa était une très puissante sorcière. Peut-être même la meilleure de notre promotion. »
Sur ses lèvres passe un sourire lourd de souvenirs, ses yeux ne sont déjà plus dans le même temps que moi.
Mais pourquoi parle-t-elle de ma mère au passé ?
« Je savais que vous viendriez un jour. »
Elle n'a pas pris le ton assuré des grandes déclarations prophétiques. Non, il y a quelque chose de triste dans sa voix.
« Je pensais juste que vous viendriez plus tôt… et plus tard aussi. »
Je me disais bien aussi ! C'était trop lui en demander que d'abandonner ne serait-ce que momentanément son poste de prophétesse omnisciente.
Bon, qu'est-ce qu'elle veut dire maintenant ? Qu'est-ce que c'est que ces paroles sibyllines ?
« Je pensais que vous ne viendriez me voir qu'à la mort de Narcissa, d'où le plus tard. Le plus tôt, parce que… »
Elle ne termine pas sa phrase, mais je peux le faire pour elle. Elle pensait que ma mère ne vivrait pas aussi longtemps. Qu'elle serait peut-être même déjà morte…
La même sensation que dans le couloir me submerge. Mes jambes ploient sous mon propre poids, elles tremblent. Malfoy ou pas, si je ne suis pas assis d'ici quelques secondes, je serai affalé sur le sol. Heureusement, une chaise mal rangée, traîne juste à côté de moi. Je m'y laisse tomber, le moins lourdement possible. Je suis vidé, totalement vidé. Je n'ai même plus la force de penser, de rassembler les éléments délivrés par Trelawney. Je ne sais qu'une chose : j'ai un cœur qui résonne bruyamment dans ma poitrine.
Fin du chapitre 7
