Disclaimer : rien n'est à moi, tout à JKR.
Chapitre 2 : un nouveau surveillant.
Le lendemain, après le départ des élèves, Sarah reçut une visite dont elle se serait bien passée : Mme Dursley. Elle la salua plutôt froidement, et la femme en face d'elle ne prit pas la peine de répondre : elle attaqua directement.
" Mademoiselle, je suis venue ici pour vous parler de mon fils Dudley. C'est un très gentil garçon et je ne supporterai pas qu'il soit puni aussi injustement dès le début de l'année.
- De quoi parlez-vous ?
- Hier, vous avez infligé une horrible punition à ce pauvre enfant, dès le début de la matinée. Je ne sais pas ce que vos collègues vous ont raconté sur mon fils, mais ils ont toujours eu des préjugés complètement déplacés à son égard. Il ne ferait pas de mal à une mouche.
- La punition d'hier n'était pas injustifiée, se défendit Sarah. Il avait insulté sans aucune raison une de ses camarades. Et il m'a répondu de manière particulièrement insolente quand je lui en ai fait la remarque.
- Insolente ! Allons, mademoiselle, il ne faut pas être aussi susceptible. Mon Duddy dit ce qu'il pense, et mon mari et moi avons toujours encouragé cette franchise. En tout cas, aucune remarque d'un enfant innocent ne pouvait justifier que vous placiez Dudley à côté de Harry. Je sais, vous êtes nouvelle, vous ne pouviez pas deviner, et c'est pourquoi vous êtes facilement excusable. "
Une grimace, qui devait être un sourire forcé, tordit le visage chevalin de la femme. "Vous comprenez, reprit-elle, Harry est le fils de ma s?ur, et il vit chez nous depuis la mort de ses parents. C'est un enfant très difficile, il mène une vie impossible à son cousin. Comme Dudley doit déjà le supporter à la maison, c'est particulièrement injuste qu'il doive l'avoir si près de lui à l'école. J'aimerais donc que vous permettiez à mon fils de revenir à son ancienne place."
Sarah hésita. D'un côté, il n'était pas question de céder devant cette femme, et d'offrir à Dudley une victoire publique en le renvoyant au fond. Cela lui ferait perdre tout son crédit auprès des autres enfants. Mais par ailleurs, et bien que pour des raisons complètement différentes, elle était d'accord avec Mme Dursley : il n'était pas bon que les deux cousins restent côte à côte. Le visage de Harry exprimait trop de souffrance. Et ses collègues lui avaient recommandé de se méfier de cette famille. C'est pourquoi elle répondit au bout d'un instant :
"Je comprends votre point de vue, madame. Il est inutile que deux enfants vivant ensemble se retrouvent aussi proches toute la journée, surtout s'ils ne s'entendent pas." Le sourire de son interlocutrice s'élargit. "Cependant, reprit l'institutrice, je crois que cela ferait beaucoup de bien à votre fils de rester là où il se trouve. Je crois que c'est un enfant qui a besoin d'une grande attention, qu'il me sera impossible de lui accorder s'il retourne au fond de la classe. D'après ses résultats de l'année dernière, et ce que j'ai pu voir de lui, il n'utilise pas son potentiel au maximum. ( Une jolie manière de dire qu'il ne fait absolument rien, pensa Sarah. Si elle vient me voir souvent, je sens que je vais devenir une championne de la diplomatie.) Bref, puisque le problème est la proximité de son cousin, je vous proposerais plutôt de déplacer Harry.
Le visage de Pétunia Dursley s'épanouit. " Vous avez parfaitement raison, mademoiselle, dit-elle. Mon Duddy est un enfant extrêmement sensible, il a besoin qu'on s'occupe de lui. Je désespérais d'avoir enfin une institutrice aussi compréhensive. Celle de l'année dernière disait qu'il était paresseux, vous imaginez ! Bien sûr, le pauvre petit sera désolé de ne pas être remis avec ses amis, mais il comprendra que c'était pour son bien. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis soulagée de savoir que l'on va prendre bien soin de mon petit garçon !
- C'est tout naturel, madame, fit Sarah qui se demandait combien de temps encore elle allait pouvoir supporter cette femme.
- J'espère au moins que Harry ne vous pose pas trop de problèmes !
- Harry ? On ne se rend absolument pas compte de sa présence. C'est un enfant invisible.
- Que voulez vous dire par là ? Que vous êtes satisfaite de lui ? Le ton été neutre, mais on sentait que si la réponse était oui, l'institutrice perdrait l'estime nouvellement gagnée auprès de la mère d'élève.
- Ce n'est pas exactement cela. Je veux dire, il n'est pas gênant. Mais il ne participe absolument pas à ce qui se déroule autour de lui. Il ne répond pas aux questions que je pose, et même en l'interrogeant directement il est difficile d'obtenir une réponse. Mais peut-être n'est-ce que de la timidité. Après tout, nous ne sommes qu'au tout début de l'année, et certains enfants sont longs à apprivoiser.
- Pas celui là. C'est un être de sang froid. S'il paraît timide, alors c'est qu'il l'a décidé, peut-être pour vous attendrir, ou pour quelque autre raison qui nous dépasse. Il a un cerveau particulièrement tortueux. Je n'aime pas dire du mal des morts, mademoiselle, mais ses parents étaient vraiment de drôles de gens, pas très recommandables, et je crains fort qu'il ne suive leur trace. Méfiez-vous de ce garçon, mademoiselle, et n'hésitez pas à faire preuve d'autorité avec lui. »
Jamais encore Sarah n'avait entendu parler d'un enfant avec une telle froideur, en utilisant des mots aussi brutaux que «tortueux ». De la part de la personne qui était sensée aimer et chérir le petit garçon, cela faisait froid dans le dos. Et elle savait bien que ces accusations étaient sans objet : même le meilleur acteur n'aurait pu simuler ce qu'elle avait lu dans les yeux de Harry. Alors, un enfant de huit ans. Pourtant, malgré la vague de stupéfaction qui l'envahit, elle réussit à déclarer d'un ton qu'elle espérait cordial : « Eh bien, me voilà prévenue. Je vous remercie, madame. J'espère que nous nous reverrons souvent cette année. » Elle espérait bien ne jamais revoir cette femme, mais elle sentait qu'il était bon de ne pas se la mettre à dos, et qu'un minimum de politesse était de rigueur. Mais dès que Pétunia Dursley eut tourné le dos, l'ébahissement et la colère la submergèrent, et elle se précipita dans la salle des maîtres, où elle fit un rapport détaillé de la conversation. Les réactions d'indignation furent unanimes.
« Jamais elle n'avait été aussi loin avec moi, commenta Régine. Je savais qu'elle ne l'aimait pas beaucoup, mais à ce point. Ca doit être à cause de la manière dont tu as parlé de son fils. Elle a pensé que tu partageais ses vues. Elle ne se rend donc pas compte à quel point ses accusations sont ridicules ! - Je me demande ce qui a bien pu conduire à une telle haine. soupira Christophe.
- Il s'entendaient très mal avec les parent de Harry , fit Sarah d'un ton songeur. Elle a mentionné quelque chose comme quoi ils étaient. « peu recommandables », je crois que c'était le terme. Elle craint que leur fils ne suive le même chemin. Mais quoi que ces gens aient pu faire il n'y a aucune raison de faire payer Harry. »
Pendant que la tante Pétunia parlait à la maîtresse, Harry était resté dans la cour, essayant de se tenir le plus loin possible de Dudley. D'habitude, quand son oncle ou sa tante allaient parler à ses institutrices, il savait que cela signifiait qu'ils allaient lui crier dessus en sortant. Mais ce jour là, il était content que Pétunia soit allée voir Mlle Déline. Dudley avait demandé à changer de place, et si sa mère réussissait à lui obtenir ce qu'il voulait, Harry serait de nouveau tranquille. Cela valait bien la peine de subir les foudres de sa tante. Pendant qu'il attendait dans un coin, il vit soudain quelque chose s'avancer vers lui. Une énorme bête, noire. Harry faillit crier. C'était un monstre, venu le dévorer. Mais cette pensée lui avait à peine traversé l'esprit qu'il se ressaisit. L'oncle Vernon le lui avait assez répété : les monstres, ça n'existait pas, pas plus que les magiciens, les vampires ou les fées. Et la chose avançait calmement, sans avoir l'air menaçant. Harry cligna des paupières pour mieux voir, depuis un certain temps, il n'y avait que comme cela que les choses lui apparaissaient nettement. La bête était plus près. Il se rendit compte alors qu'il s'agissait d'un chien. C'était le plus gros chien que le petit garçon ait jamais vu. L'animal s'arrêta à quelques mètres de lui, et le fixa.
« Bonjour, » dit Harry. Il sourit au chien qui fit un pas en avant. L'enfant n'avait pas peur du canidé, malgré sa taille impressionnante. Celui-ci avait un air familier qui le rassurait, et au moins, contrairement aux gens, ils n'allait pas parler avec la Tante Pétunia. Harry posa une main légèrement hésitante sur la tête du chien qui agita la queue. « Tu es gentil, n'est-ce pas ? » demanda-t-il.
L'énorme bête agita frénétiquement la tête de haut en bas.
« Tu comprends ce que je dis ? » s'étonna l'enfant. L'animal hocha de nouveau la tête. Harry lui jeta un regard mi émerveillé mi incrédule. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de se pencher plus sur le problème, une voix perçante se fit entendre.
« Harry ? Où te caches-tu petit vaurien ? Viens ici, dépêche-toi !
« Je viens, tante Pétunia. » Harry tourna la tête vers le chien. « Désolé, murmura-t-il, il faut que j'y aille. A une prochaine fois, peut-être. » Et il courut rejoindre sa tante et son cousin. Ce dernier avait un visage furieux, et il bombardait sa mère de coups de pieds tandis qu'elle l'entraînait vers la sortie.
Tout au long du chemin, Dudley tonna, gronda, pleura, frappa. « Je ne veux pas rester là, criait-il. Je veux retourner avec mes amis !
- Mais, mon chéri, il est normal que ta maîtresse ait envie d'aider un garçon aussi merveilleux que toi à réussir Pour une fois que nous tombons sur quelqu'un de sensé.
- Mais elle ne va pas arrêter de m'embêter ! »
Finalement, Pétunia le calma en promettant de reconsidérer toute la question avec son père dès que celui-ci serait rentré du travail. Harry marchait prudemment à plusieurs mètres des deux autres. Il connaissait trop bien les colères de son cousin pour avoir envie de se trouver à proximité lorsque l'une d'entre elles éclatait. S'il était content de ne plus se trouver près de Dudley le lendemain, il avait peur d'être envoyé à l'ancienne place de celui-ci. Il savait que la bande ne lui ferait pas de cadeaux.
La soirée s'écoula lentement et péniblement. Dès qu'ils furent arrivés au 4, Privet Drive, Harry se réfugia dans son placard. Il fit ses devoirs au son de la télévision de son cousin, puis s'allongea sur son lit. Un moment, il hésita à se rendre au salon pour regarder les dessins animés, mais il savait qu'il valait mieux pour lui ne pas se montrer quand il y avait une telle tension dans la maison. Ses pensées se mirent à vagabonder. Il revit le chien avec qui il avait parlé dans la cour. Il espérait qu'il serait encore là le lendemain. Sans savoir pourquoi, il avait l'impression de connaître la bête. Il prit une feuille de papier et son crayon, et entreprit de la dessiner. Il entendit la tante Pétunia venir chercher Dudley pour lui faire prendre son bain. Une demi-heure plus tard, ce fut son tour. Mais Harry ne prenait pas de bain, cela coûtait trop cher en eau. Il avait le droit de prendre une douche de deux minutes, juste le temps de se savonner et de se rincer. Et comme Dudley prenait généralement des bains bouillants et débordants juste avant, sans prendre la peine d'arrêter l'eau qui s'enfuyait par la vanne de sûreté, Harry avait rarement de l'eau chaude. Ce soir là ne fit pas exception. Sortant en frissonnant de la baignoire, après avoir arrêté le jet glacé, le petit garçon se sécha vivement et enfila son pyjama et ses pantoufles. Déjà, la tante Pétunia l'appelait pour mettre la table.
L'oncle Vernon était apparemment rentré, et il parlait avec sa femme quand Harry rentra dans la cuisine. Visiblement, elle lui racontait ce qui s'était passé quelques heures plus tôt, et tous deux semblaient ennuyés. Harry se fit une fois de plus le plus discret possible, alors qu'il sortait les assiettes du placard. Il entendit son oncle gronder : « Elle ne me transformera pas mon fils en fillette. Je refuse qu'il devienne un chouchou du premier rang.
- Oh, elle n'a pas l'air d'être ce genre là. Tu comprends, il n'y avait aucune tendresse dans sa voix quand elle parlait de notre petit Dudley. La seule chose qui semblait l'intéresser, c'était ses extraordinaires capacités. On ne peut pas laisser des dons ainsi inexploités, pense à l'avenir de notre fils !
- D'accord. On essaie comme cela pendant quelques semaines. Après tout, c'était quand même une honte que même « lui » (il désigna d'un signe de tête Harry qui se cacha derrière la cruche d'eau qu'il venait de remplir) obtienne de meilleurs résultats que Dudley. »
Le lendemain matin, Lorsqu'ils arrivèrent dans la classe, Harry alla s'asseoir à sa place habituelle. Lorsque tout le monde fut assis, la maîtresse prit la parole : « Bonjour à tous, dit-elle avec un sourire chaleureux. J'espère que vous avez passé une bonne soirée. »
Il y eut quelques « oui »en réponse. « Bien. Alors nous allons pouvoir travailler. Mais avant que nous ne commencions, j'aimerais faire quelques petits changements de place. Justin et Marion, vous échangez s'il vous plaît. Cela me permettra peut-être d'éviter quelques bavardages intempestifs, n'est-ce pas, fit elle avec un sourire ironique en direction de deux filles qui rougirent et baissèrent la tête. Et, Harry, j'aimerais que tu vienne te mettre ici, fit-elle en désignant une place libre au deuxième rang, du côté de la porte. A côté d'Ann. »
Soulagé d'échapper aux amis de Dudley, Harry s'empressa de vider la case sous sa table et de rassembler toutes ses affaires dans son sac. Il se préparait à devoir forcer le passage, Dudley n'allant pas se donner la peine de bouger pour le laisser passer, mais il eut la surprise de voir son cousin debout à côté de sa table, un sourire ironique sur les lèvres. Harry s'avança, portant devant lui la sacoche de l'oncle Vernon. Alors qu'il passait devant Dudley, il sentit son pied trébucher contre quelque chose, et avant d'avoir le temps de réaliser ce qui se passait, il se retrouva par terre, au milieu d'un fouillis de livres et de cahiers. Soupirant, il se releva, les genoux endoloris. Il savait que Dudley préparait quelque chose comme ça, mais le sac l'avait empêché de voir le pied de son cousin, et il était trop pressé de s'en aller pour faire attention. La classe avait éclaté de rire. Harry rougit, et se mit à ramasser ses affaires, le plus vite possible. La maîtresse fit taire les autres enfants d'un « je ne vois pas ce qu'il y a de drôle » un peu sec. Puis, au grand embarras de celui- ci, elle se dirigea vers Harry.
« Ca va ? demanda-t-elle doucement.
- Oui.
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
- Je suis tombé, répondit le petit garçon. A cause de mon lacet. »
Elle n'insista pas, et Harry, soulagé, alla s'asseoir à sa nouvelle place, passant sans aucun problème derrière Ann. Etrangement, la petite fille ne se moqua pas de lui. Elle lui fit même un sourire. « C'est bien que tu viennes ici, dit-elle. J'en avais assez d'être toute seule. »
Rémus Lupin parcourut d'un pas rapide la cour de récréation déserte. Pénétrant dans le préau, il s'arrêta un moment. Il ne savait pas bien où aller. Au téléphone, on lui avait dit de se présenter au bureau de la directrice, mais il ignorait complètement où cet endroit pouvait être. Grâce au faux CV que lui avait fournit Dumbledore ( les informations portées dessus avaient été charmées pour paraître indiscutables), il n'avait eu aucun mal à être embauché par la mairie en tant qu'aide éducateur. Ce travail lui faisait un peu peur : il n'avait aucune expérience des enfants, et sa connaissance du monde moldu était approximative. Mais il devait se faire accepter s'il voulait veiller sur Harry. Dumbledore lui avait dit que non seulement il lui faudrait guetter Sirius Black, mais qu'en plus ils avaient observé depuis quelques temps une recrudescence de l'activité des mangemorts, qui avait semblé disparaître complètement sept ans auparavant. Et puisqu'il était sur place, il serait aussi le mieux placé pour surveiller Harry lui-même, dont le taux de magie accidentelle était, paraît-il, extrêmement élevé, et qui risquait de provoquer des incidents.
« Eh bien, pensa Rémus, je ne vais pas chômer cette année. » Mais il s'était si souvent trouvé sans emploi, se sentant désespérément inutile, à cause de ce qu'il était, que cette perspective ne lui déplaisait pas totalement.
Une sonnerie retentit, l'arrachant à ses réflexions. Des enfants, criant et se bousculant, ne tardèrent pas à faire irruption dans le préau et à envahir la cour. Ils ignorèrent totalement la présence de l'étranger. Rémus chercha des yeux un adulte. Il aperçut enfin une jeune femme, d'environ un mètre soixante-dix, avec des cheveux blond foncé réunis en une queue de cheval, et des yeux bruns profonds. Elle était vêtue d'un jean bleu et d'un chemisier blanc. L'ensemble soulignait la minceur de sa silhouette. Leurs regards se croisèrent et elle vint vers lui avec un sourire. « Je peux peut-être vous aider ?
- Sûrement, merci. Je suis le nouvel auxiliaire, et je cherche le bureau de la directrice.
- Oh, vous étiez attendu avec une grande impatience. Elle lui tendit la main. Sarah Déline, se présenta-t-elle. J'enseigne en CE2. Je suppose que nous aurons l'occasion de travailler ensemble.
- Sûrement. Je m'appelle Rémus Lupin, répondit-il en serrant la main tendue. Enchanté. »
Elle le conduisit devant une porte et frappa. « Il vaut mieux que vous entriez seul, je suis sensée surveiller la cour. Elle rit. Je suppose que bientôt ce sera votre responsabilité. »
Il poussa la porte et se retrouva dans un petit bureau décoré de photos d'enfants. Une femme était assise, penchée sur un tas de papier. Son chignon impeccable rappela aussitôt à Rémus le professeur Mac Gonagall, mais son visage était plus doux que celui de la sorcière, tout en gardant une certaine sévérité. Elle se leva dès qu'elle le vit.
« Bonjour, dit-elle en tendant la main elle aussi. Vous devez être Rémus Lupin, n'est-ce pas ? La mairie m'a prévenue de votre arrivée. Ravie que vous ayez pu venir si vite. Asseyez-vous, » fit-elle en désignant une chaise qui faisait face au fauteuil dans lequel elle se rassit.
Ils parlèrent pendant quelques minutes. La directrice résuma au loup-garou ce que seraient ses tâches. Rémus en déduisit qu'il était un genre d'homme à tout faire, pas pour s'occuper de l'entretien, comme Argus Rusard le faisait à Poudlard, mais pour toutes les fois où il fallait s'occuper des enfants en dehors des classes. Viviane (elle lui avait demandé de l'appeler par son prénom, et de la tutoyer ) lui expliqua comment gérer ces différentes attributions : lorsque tu ne remplaces pas un collègue, tu es libre d'aider l'enseignant qui en a besoin, mais il y a souvent besoin d'un adulte libre dans l'école. Par exemple, si un enfant est malade. Normalement, c'est moi qui m'occupe de ce genre de problème, quand je suis disponible, mais j'enseigne à mi-temps, en CE1, et quand je suis dans ma classe c'est à toi que reviendront ces responsabilités. Il sera bon que mes collègues sachent où te trouver. Pendant les récréations, tu es censé surveiller la cour, mais si des enfants te posent des problèmes n'hésite pas à venir me chercher, ou un des autres instituteurs : nous nous chargerons de le punir. Et à midi, tu seras aidé par les surveillants de cantine, ce qui t'éviteras d'avoir à surveiller seul nos cent monstres pendant une heure et demi. » A cet instant, la cloche sonna. La directrice eut un petit rire.
« Voilà la fin de la dernière récréation à laquelle tu échappes, plaisanta- t-elle. La prochaine sonnerie marquera le début de ton calvaire. »
Rémus se força à sourire, mais Viviane n'imaginait pas à quel point il pensait ce qu'elle venait de dire. Ils retournèrent dans la cour, où elle le présenta aux différents maîtres avant que ceux-ci ne remontent. Ce matin là, il participa à un cours de sport avec les plus grands. Christophe avait décidé d'organiser une partie de football, et il avait du mal, seul, à calmer les enfants surexcités. Le sorcier bénit silencieusement son ami d'école, Dave Goujon, qui était issu de parents moldus et avait passé des heures à leur parler de ce qui était pour lui le meilleur jeu au monde (avant bien sûr qu'il ne soit engagé comme gardien dans l'équipe de Quidditch de Poufsouffle, sa maison, en cinquième année).
Harry avait été déçu de ne pas revoir le chien à la récréation. Mais il lui avait fallu surmonter très vite ce sentiment, car la bande à Dudley était une fois de plus après lui. Il réussit cependant à leur échapper, en courant autour de la cour. Il était bien plus rapide et agile que ses poursuivants, et ceux-ci ne prenaient heureusement pas la peine de s'organiser pour l'attraper. Il était plutôt content de sa matinée. Ann avait été gentille avec lui, et il n'était pas habitué à un tel comportement de la part des autres enfants. Lorsqu'il n'arrivait pas à lire au tableau, ce qui lui arrivait souvent dernièrement, et plus encore à sa nouvelle place, où il était plus loin, elle l'avait laissé regardé sur son cahier. Pourtant, après ce qui s'était passé au mois de juin, il avait cru que plus jamais elle ne voudrait lui parler. Mais quand il lui avait posé la question, elle avait juste dit qu'elle le plaignait de vivre avec Dudley. Et qu'elle ne lui avait jamais parlé parce qu'elle avait cru qu'il aimait mieux être tout seul, vu qu'il n'allait jamais voir personne. A ce moment là, la maîtresse avait demandé le silence, et ils s'étaient tus. Le garçon aux yeux verts se dirigea vers la cantine. Il remarqua qu'un nouveau surveillant avait remplacé Cathy. Lorsque l'homme eut obtenu le silence, les enfants s'assirent à leur place. A table, contrairement à ce qui se passait en classe, Dudley s'arrangeait toujours pour être à la même table que Harry. Il pouvait ainsi prendre le dessert de l'autre garçon. Mais ce jour là, le nouveau surveillant ce dirigea vers eux.
« Bonjour, dit-il. Je peux m'installer avec vous ? » Traditionnellement, les surveillants mangeaient aux tables des enfants, de même que les « dames de cantine ». Il y avait une place libre à leur table, à côté de Harry. Dudley et ses amis firent la tête, mais ils n'avaient aucune raison de refuser, et les autres s'empressèrent d'accepter. Harry était enchanté, même s'il ne le montra pas : jamais les autres n'oseraient l'embêter en présence d'un adulte.
Rémus avait facilement repéré, dans la foule des enfants, la masse de cheveux noirs et les yeux verts qui lui rappelaient tant de souvenirs. Heureusement, il y avait une place libre à côté du petit garçon. Il s'approcha, et après avoir demandé la permission, s'installa. Il se présenta, bien qu'il soit sûr que tous aient déjà entendu son nom.
« Et vous, qui êtes vous ? » demanda-t-il.
L'un après l'autre, les enfants lui dirent leurs prénoms. Le dernier à se présenter fut le garçon aux cheveux noirs. Bien sûr, Rémus savait déjà qui il était, mais il l'interrogea quand même du regard.
« Je suis Harry », murmura-t-il enfin d'une voix basse avant de baisser les yeux.
Lupin l'observa attentivement. De près, la ressemblance avec James était frappante. Non seulement les cheveux, mais aussi la forme du visage, la fossette au dessus du menton. Mais alors que ce dernier avait été d'une taille légèrement au dessus de la moyenne, Harry était particulièrement petit pour son âge. Il était bien plus maigre que James ne l'avait jamais été. Et surtout, alors que son père avait été si plein de vie, un peu « grande gueule » même. Harry semblait timide. Lorsque le petit garçon l'avait regardé, pendant cet instant si fugace, il avait reconnu les yeux de sa mère. Mais alors que ceux de Lily riaient tout le temps, qu'ils exprimaient cette joie vivre qui ne la quittait jamais, ceux de Harry n'exprimaient qu'une profonde tristesse. C'était bien le fils de Lily et James qu'il avait à côté de lui, il était impossible d'en douter. Mais après ces quelques minutes, il savait déjà que quelque chose n'allait pas.
La plupart des enfants de la table s'étaient remis à parler, sans tenir compte de la présence du surveillant. Harry gardait les yeux fixés sur son assiette et il mangeait lentement, en silence, comme s'il essayait de profiter au maximum de chaque bouchée. Lupin se tourna vers lui.
« Ca va ? demanda-t-il. Tu as l'air bien songeur.
- Désolé, répondit l'enfant sans le regarder.
- Désolé de quoi ? Ce n'est pas un crime d'être dans la lune, tu sais. ( Ca me va bien de dire ça, pensait Lupin sans le dire. Comme si je pouvais me permettre des rapports particuliers avec la lune, surtout quand elle est pleine.) » Harry ne répondit pas. Il continua de fixer son assiette, maintenant presque vide.
- Tu as un problème, Harry ? demanda le loup garou.
- Non, Monsieur.
- Tu peux m'appeler Rémus, si tu veux.
L'enfant fit simplement un signe de tête, sans répondre. - Ferais-tu la tête ? Je viens juste d'arriver, tu n'es quand même pas déjà fâché contre moi ! A ces mots, Harry releva brusquement la tête, d'un air à la fois effrayé et stupéfié.
- Oh, non, Monsieur, dit-il précipitamment, en balbutiant un peu. Je ne fais pas la tête. »
Le rapide mouvement effectué par le garçon avait déplacé les mèches de cheveux qui lui retombaient sur le front, révélant la curieuse marque en forme d'éclair. Lupin ne put empêcher son regard de s'attarder sur la cicatrice la plus connue du monde des sorciers. Il se demanda ce que Harry savait des véritables raisons de cette marque, ce que les Dursley lui avaient dit de la sorcellerie. Le petit garçon savait-il que quelque part, dans ce qui était presque un autre monde, il était célèbre ?
- Tu peux m'appeler Rémus, répéta-t-il.
- Oui.
- Tu n'es pas obligé si ça te gène. » Il était vraiment difficile de faire la conversation avec cet enfant, pensa Lupin. Il n'aurait jamais pensé, connaissant ses parents, que Harry serait aussi timide.
« Non, ça ne me gêne pas. » répondit Harry. Il avait fini ses côtelettes et sa purée et regardait les autres enfants manger leur crème au caramel.
« Tu n'as pas pris de dessert ? demanda Lupin en constatant l'absence de la crème sur le plateau de Harry.
- Je n'aime pas le caramel, répondit celui-ci d'un ton neutre.
- Je croyais que les enfants n'aimaient pas les épinards, mais qu'ils ne refusaient jamais les sucreries, plaisanta l'adulte. Tu sais que tu es un drôle de garçon ? »
Le petit visage se tendit de manière surprenante à cette plaisanterie, pourtant innocente, et il leva son bras devant son visage, comme pour se protéger. « Non, dit-il d'une petite voix, je suis normal.
- Je n'ai jamais dit que tu n'étais pas normal. La voix se voulait apaisante. Le sorcier constata alors que plusieurs enfants de la table écoutaient ce qu'ils disaient. Bien sûr que tu es normal. - Non, il ne l'est pas, intervint Dudley. Papa dit toujours qu'il est plein d'anormalité, et que c'est bien le problème avec lui. L'année dernière, il a fait exploser la fenêtre de ma chambre, comme ça, sans rien lancer dedans.
- Tu ne devrais pas dire des choses comme cela, dit Lupin en le regardant dans les yeux . Tu sais bien que ce n'est pas possible.
- Oui, renchérit le garçon qui répondait au nom de Piers. Des fenêtres qui explosent ! Peut-être que c'est un puissant sorcier et que nous devrions avoir peur de lui ! Il eut un rire moqueur. Rémus faillit lui aussi éclater de rire, devant l'ironie de la situation. Le camarade de Dudley n'imaginait pas à quel point il était près de la vérité.
- Mais c'est vrai, s'indigna le gros enfant, vexé. Même que papa l'a puni de trois semaines de placard et qu'il a dit de n'en parler à personne !
- Alors pourquoi tu en parles ? » Dudley rougit et tenta de répondre, mais, ne trouvant rien à dire, il se tut et se mit à bouder.
Les jours suivants, la routine de l'année scolaire commença à s'installer. Harry avait repris l'habitude des coups matinaux à la porte du placard, des petits déjeuners avalés à la hâte, des départs précipités parce que Dudley voulait manger plus, et qu'il ne quittait pas la table assez tôt. A l'école, les leçons étaient rendues très intéressantes par Mlle Déline, et Ann continuait de lui parler malgré les sarcasmes de la bande du fond. Ils n'osaient pas l'attaquer trop vivement par peur de la réaction de son père. C'était surtout elle qui parlait. Harry répondait quelquefois, mais il y avait trop de choses dans sa vie qu'il n'était pas prêt à confier. La vie du garçon aux cheveux noirs était considérablement compliquée par le fait que personne ne semblait vouloir le laisser tranquille cette année là. Il y avait Ann, bien sûr, mais elle n'était pas la seule. La nouvelle maîtresse semblait décidée à le faire parler, encore bien plus que la précédente. Elle l'interrogeait souvent, lui demandait s'il allait bien, au début ou à la fin des cours, et l'avait même retenu au début d'une récréation pour lui demander s'il y avait quelque chose dont il avait envie de parler. Et il y avait le nouveau surveillant. Il avait continué de manger avec eux, s'asseyant à côté de Harry et essayant toujours d'engager la conversation. Il venait fréquemment le voir pendant les récréations. Cela avait ses avantages : la bande à Dudley n'osait plus venir l'embêter. Tout le monde avait vite compris que Rémus était gentil, mais qu'il ne fallait pas l'ennuyer. Jamais il ne donnait de punitions, ou n'allait chercher la directrice comme le faisait Cathy si souvent, jamais même personne ne l'avait vu crier. Quelque soit la situation, il gardait son calme. Mais il pouvait retourner n'importe quelle situation en la défaveur d'un élève, fautif à ses yeux, et le ridiculiser auprès de ses amis. C'était ce qu'il avait fait plusieurs fois avec Dudley, ce qui lui avait valu l'admiration de la plupart des enfants, habituellement terrorisés par le gros garçon. En même temps, il n'avait pas son pareil pour organiser des parties de football ou d'autres jeux, et même les « durs » avaient commencé à l'apprécier.
Mais malgré le confort apporté par la protection de l'adulte, Harry aurait préféré qu'il ne cherche pas aussi souvent à lui parler. Il était content bien sûr, de voir que Rémus, tout comme la maîtresse, semblaient s'intéresser à lui, il avait ainsi l'impression d'être autre chose que la vermine repoussante qui empoisonnait la vie d'une famille honnête depuis la mort de ses vauriens de parents. Mais il était fatigué de toutes ces questions auxquelles il ne pouvait pas répondre. Il ne pouvait pas se permettre de se plaindre, ou de raconter sa vie : si les Dursley l'apprenaient, il recevrait la plus belle correction qu'il avait jamais eue de sa vie. L'oncle Vernon le lui avait assez répété. Et il savait que son oncle tenait toujours ses promesses quand il s'agissait de punitions. D'ailleurs, il avait déjà été privé de dîner deux fois cette semaine, « en guise d'avertissement ». Son oncle avait une fois détaché sa terrible ceinture, mais il n'avait pas été plus loin. Quelque chose l'avait toujours empêché de frapper Harry. Celui-ci avait cependant été averti que ce n'était vraiment pas dans son intérêt de continuer à traîner dans les jambes du surveillant. Et naturellement, personne n'avait voulu le croire quand il avait dit qu'il n'y était pour rien, qu'il n'avait rien demandé.
« Tu ne nous feras pas croire ça, mon garçon. Qui s'intéresserait à toi ? J'ignore ce que tu lui as raconté pour qu'il se comporte ainsi, mais si j'apprend que tu t'es plaint de nous, ou de Dudley, tu regretteras de ne pas être mort avec tes parents ».
Ce dernier mot avait été prononcé avec dédain. Harry n'avait jamais compris ce que les Dursley avaient contre ses parents. Ceux-ci avaient peut-être fait quelque chose de très grave, en tout cas c'est ce que son oncle et sa tante semblaient penser. Il ne savait rien de plus sur eux, à peine leurs prénoms. James et Lily. Cela faisaient partie des mots à ne jamais prononcer au 4, Privet Drive. Pourtant, c'était de beaux noms. Ils évoquaient dans l'imagination du petit garçon l'image d'un jeune couple, un homme qui plaisantait tout le temps, n'était jamais fatigué, ne parlait pas d'argent et ne criait jamais. La femme riait beaucoup, elle se moquait que sa maison soit en ordre, aimait les animaux et elle non plus ne se fâchait jamais. Et surtout, tous les deux adoraient leur fils. Ils s'intéressaient à lui, lui faisaient faire ses devoirs, l'emmenaient au sport ou à la musique. Ils le défendaient quand il était attaqué par d'autres enfants, ou par les adultes.
Harry s'était souvent demandé s'il ressemblait à ses parents. Une ou deux fois, il avait pris son courage à deux mains et avait posé des questions à sa tante, sur comment étaient ses parents, ou ce qu'ils faisaient comme métier. Jamais elle n'avait répondu, et il désespérait d'en savoir plus sur eux. Mais c'était un sujet dont il n'avait pas le droit de parler, ni à Privet Drive, ni en dehors.
S'il ne pouvait parler ni à Rémus ni à Sarah, ou Ann, Harry avait cependant trouvé un ami en ce début d'année. Il avait revu le gros chien noir. Celui-ci apparaissait toujours quand Harry réussissait à s'isoler dans un coin du jardin du 4, Privet Drive. Et Harry s'arrangeait pour passer de plus en plus de temps dans le jardin, quand les Dursley étaient devant la télévision. Quand quelqu'un d'autre arrivait, le chien disparaissait instantanément dans les buissons. A l'animal, Harry pouvait tout dire, jamais les Dursley ne seraient au courant. Et le chien semblait tout comprendre. Parfois, quand Harry posait des questions, il répondait par oui ou non de la tête. Et l'enfant aimait enfouir sa tête dans l'épaisse fourrure, au chaud et à l'abri des autres. Mais cela ne durait jamais longtemps. Le chien ne restait jamais plus de quelques minutes.
Lorsque le week-end arriva, à la fin de sa deuxième semaine dans l'école moldue, Rémus Lupin fut réveillé le samedi matin plus tôt qu'ils ne l'aurait désiré par des petits coups frappé au carreau. Il fut un peu surpris de découvrir un hibou qui attendait qu'on lui ouvre la fenêtre. Pour éviter de recevoir trop de courrier à la façon sorcière, ce qui risquerait d'attirer l'attention des voisins et de brûler sa couverture, le loup garou avait entouré sa petite maison d'un sortilège de confusion, qui repoussait les hiboux le cherchant. Seuls ceux sachant où le trouver (envoyés par des sorciers connaissant son adresse) pouvaient le trouver. C'est à dire uniquement ceux dont les expéditeurs étaient au courant de sa mission, or ceux-ci avaient été prévenus de n'écrire qu'en cas d'urgence. C'est pourquoi Lupin s'inquiéta en voyant qu'il avait reçu du courrier. La missive était brève : Il y a du nouveau. Je dois vous parler. Pourriez-vous vous venir à Poudlard aujourd'hui ? Albus Dumbledore. Le sorcier soupira. Cela ne présageait rien de bon. De toutes façons, il devait se rendre à Poudlard, pour y chercher une réserve de potion tue- loup, en prévision de la pleine lune la semaine suivante. Il s'habilla à la mode moldue, et prit une robe noire dans son placard. Il se rendit dans une pièce sans fenêtre, enfila sa robe et transplana vers Pré-au-Lard. Dès son arrivée au château, Rémus se précipita vers le bureau du directeur. La gargouille était entrouverte, sans doute en prévision de sa venue. Albus l'accueillit chaleureusement.
« Rémus ! heureux que vous ayez pu venir. Comment se passe votre séjour dans le monde moldu ?
- Ca peut aller. Y a-t-il des nouvelles de Sirius Black ?
- Non. Personne ne l'a vu. Tous les aurors ont reçu l'ordre d'ouvrir l'?il, et Fudge s'est décidé à avertir la police moldue. Vous avez dû en entendre parler.
- En effet.
- Par contre, on a noté une recrudescence importante de l'activité des Mangemorts. On ignore si Black a un rapport avec cela.
- Mais on n'avait plus entendu parler de mangemorts depuis au moins cinq ans.
- Depuis l'attaque contre les Longdubat. Je sais. Mais une famille de moldus a été tuée, et la Marque des Ténèbres a été aperçue près de Londres hier.
- Et c'est Sirius qui.
- Je vous le répète : nous l'ignorons. Certes, le fait que cette reprise coïncide avec son évasion semble indiquer que c'est effectivement lui qui en est à l'origine. D'un autre côté, de nombreuses personnes qui avaient été soupçonnées d'être des mages noirs, sans qu'on puisse leur imputer aucun autre crime, on été relâchées dernièrement. Et il y a tous ceux que nous ne sommes jamais parvenus à arrêter.
- Vous pensez qu'ils pourraient s'en prendre à Harry ?
- C'est possible. Les systèmes de sécurité qui ont été placés autour de lui sont puissants, mais un sorcier ayant quelques pouvoirs ou quelques relations pourrait découvrir sans trop de difficulté où il se trouve, ne serait ce qu'en étudiant certains registres moldus. Il savent que tout ce qui peut arriver au Survivant aura un impact phénoménal sur notre monde. J'aimerais vraiment pouvoir faire venir l'enfant à Poudlard, mais c'est impossible, dans les circonstances actuelles. » Rémus s'interrogea un instant sur le sens de cette remarque, mais il voyait que Dumbledore n'avait pas l'intention d'en dire plus. Le directeur poursuivait déjà.
« Soyez prudent, Rémus. Nous ne savons pas qui est à la base de ce mouvement, et les mangemorts peuvent prendre n'importe quelle apparence en utilisant du polynectar, de toute façon. Je suppose que vous n'avez rien remarqué de suspect ?
- Non. Rien qui puisse avoir un rapport avec les mangemorts en tout cas.
- Comment cela ?
- La seule chose qui me paraisse suspecte, concernant Harry, c'est les Dursley. Tout le monde à l'école a remarqué qu'ils ne le traitaient pas correctement.
- Ca n'a pas été facile de placer Harry chez eux, soupira Dumbledore, l'étincelle dans ces yeux un peu affaiblie. Mais il ne pouvait pas rester dans la société magique, pas les premières années. Il était adulé d'une manière que n'aurait pu supporter aucun bambin. Et puis, c'était la seule famille qui lui restait.
- Une famille qui a eu sur lui un effet aussi désastreux que la célébrité, Albus. Ce garçon est complètement éteint. Impossible d'en tirer deux mots. Et il vit dans une terreur permanente.
- Nous ne pouvons pas le retirer aux Dursley maintenant. Tant qu'il est chez eux, il est en sécurité. Est-ce qu'il sait ?
- Non, je ne crois pas. J'ai essayé de l'interroger, mais visiblement, il ignore tout de ses parents. Il ne sait même pas à quoi ils ressemblaient.
- Dommage. S'il avait connu son histoire, et l'existence de notre monde, nous aurions pu lui dire de faire attention, mais là, cela ferait trop de choses à assumer en une seule fois pour un enfant de huit ans. Et nous ne sommes même pas sûrs que Black ou un quelconque autre mage noir soit à sa recherche.
- J'ai vraiment peur pour lui. Il a l'air d'en avoir déjà tellement enduré, si quelque chose d'horrible devait lui arriver. Je ne le connais pas depuis longtemps, mais c'est le fils de mon meilleur ami. J'ai mal de le voir comme ça.
- S'il est un tant soit peu comme James, je suis sur que vous arriverez très vite à le dérider. Les enfants sont plus solides que vous ne l'imaginez. Et Harry a été heureux pendant un an. Même s'il l'a oublié, c'est quelque chose qui le marquera à jamais. Cela pourra prendre des jours, des semaines, ou peut-être même des mois, mais il redeviendra joyeux un jour. »
Après avoir quitté le directeur de Poudlard, Rémus prit la direction des donjons, où Rogue, le professeur de Potions, lui donna une fiole avec un reniflement de mépris. Puis il quitta le collège et réapparut chez lui.
Le week-end s'écoula lentement pour Harry, comme souvent. Il pleuvait, et il passa deux longues journée sans sortir de la maison. Dudley était invité à un anniversaire le samedi, et son père l'emmena au cinéma le dimanche, laissant Harry seul avec sa tante. Non que la perspective soit réjouissante, mais Harry parvint à se glisser dans la deuxième chambre de Dudley pendant que Pétunia regardait la télévision. Cette pièce servait à ranger les vieux jouets de Dudley, et tout ce dont il ne voulait pas. En particulier, on y trouvait de nombreux livres qui avaient été offerts à son cousin, ou qu'il avait hérité de ses parents, et auxquels il n'avait jamais touché. Harry avait pris l'habitude d'emprunter les volumes quand il était sûr qu'on ne le voyait pas. A condition qu'il n'en prenne pas trop à la fois, personne ne pourrait jamais se rendre compte que Harry s'était servi, et le petit garçon pouvait ensuite occuper les longues heures qu'il passait dans son placard, en se plongeant dans le monde merveilleux des romans. Ses préférés, ceux qu'il avait lu des dizaines de fois et connaissait presque par c?ur, étaient les romans de Dickens. Il aimait ces histoires d'enfants malheureux, souvent orphelins, qui finissaient toujours par trouver une famille aimante. Il avait passé des soirées entières, ensuite à rêver que cela lui arrivait, à lui.
Le lundi matin, lorsque Harry arriva dans la cuisine, son oncle lui tendit son carnet de santé. Harry le prit, et se rappela soudain que la visite médicale annuelle devait avoir lieu ce jour là. « Attention, mon garçon, rappela l'oncle Vernon d'un ton sévère. Ne t'avise pas d'aller raconter des âneries à l'infirmière comme l'année dernière. » Il faisait allusion au fait que, lors de la précédente visite, quand l'infirmière s'était étonnée qu'il soit si petit et maigre, et qu'elle avait demandé s'il mangeait suffisamment, il avait bêtement répondu « non ». Il ne savait pas pourquoi, c'était parti tout seul. Elle avait mis un mot sur son carnet, et l'oncle de Harry était entré dans une colère terrible, hurlant pendant des heures que son neveu lui coûtait bien assez cher à nourrir, et que c'était une honte de voir avec quelle ingratitude sa générosité était récompensée. Et ledit neveu avait bien sur été puni d'une semaine de placard. Quelques heures plus tard, Harry se présenta devant l'infirmière. A sa demande, il se déshabilla, passa sous la toise et monta sur la balance. La femme fronça les sourcils en voyant qu'il n'avait pris que deux centimètres, et un kilo, depuis l'année précédente. De nouveau, elle lui demanda s'il mangeait mais cette fois Harry se dépêcha de répondre oui. Elle continua d'avoir l'air inquiet, mais n'insista pas et continua l'examen, en demandant à Harry de lire des lettres écrites sur une affiche, à quelques mètres. Au début, l'enfant trouva cela facile, mais rapidement il fut incapable de déchiffrer ce qui était inscrit.
« Dis-moi, Harry, à l'école tu vois bien ce qui est écrit au tableau ?
Harry hésita, se demandant si l'avertissement de son oncle s'appliquait aussi à ce genre de questions, et il décida que non. - Non, répondit-il.
- Eh bien je crains fort que tu n'aies besoin de lunettes. » Elle commença à écrire sur un papier à en-tête. « Tiens, tu donneras ça à tes parents. Tu peux partir. »
A midi, le surveillant prit place, comme d'habitude, à côté de Harry. « Bonjour, dit-il avec un grand sourire.
- Bonjour, répondit le petit garçon.
- Alors, qu'est-ce que tu as fait ce Week-end ?
- Je suis resté à la maison.
« Et heureusement, pensa Lupin, que tu n'en es pas sorti. » Mais à la place il dit : « Et la visite médicale, ce matin, ça s'est bien passé ?
- Oh, oui, répondit Harry.
- Tu es sûr ? » Le loup garou avait appris, à force de fréquenter le petit garçon, à déceler la subtile nuance dans la voix quand Harry dissimulait la vérité. L'enfant resta un moment silencieux, puis il se décida à poser la question qui le tourmentait :
« Ca coûte cher des lunettes ?
- Il y a différents prix. Et c'est remboursé par la sécurité sociale. Tu as besoin de lunettes ? » Harry hocha la tête.
« Je sous sûr que ta famille t'en achèteras. Ne t'inquiète pas, ce n'est pas si cher que ça. »
Les jours passèrent, puis les semaines. Un soir, Sarah somnolait en rangeant ses affaires. Elle avait reçu deux familles ce soir là. Son regard s'attarda sur les tables en face d'elle. Chacune évoquait maintenant un enfant. Julien, si rêveur. Céline, l'élève modèle. Ann la pipelette. Dudley, qu'elle avait essayé de ménager pour rester dans les bonnes grâces de sa mère. Et Harry, que depuis le premier jour elle s'était juré d'aider, mais qui semblait toujours aussi renfermé, aussi inaccessible. Ses collègues lui avaient dit que sa croisade serait inutile, mais elle pouvait pas supporter de voir ces grands yeux verts si tristes.
Un léger coup fut frappé à la porte. « Entrez, » fit Sarah.
La porte s'ouvrit, et le visage de Rémus Lupin s'encadra. Il avait d'énormes cernes sous les yeux, et l'air malade. « Bonjour, Rémus. Tu vas bien ?
- Oh, je suis un peu fatigué dernièrement, mais à part ça plutôt bien. Il y a quelque chose dont je voudrais te parler. C'est au sujet de Harry.
Sarah avait remarqué que le nouveau surveillant semblait beaucoup s'intéresser au plus effacé de ces élèves. « Aurais-tu réussi à le faire parler ?
- Et bien pas vraiment. C'est juste que, le jour de la visite médicale, tu te rappelles ?
- Oui, très bien. Une horrible matinée pendant laquelle les élèves n'ont pas arrêté de faire des allées venues. impossible de travailler. » Elle s'inquiéta soudain. « Est-ce qu'en plus du reste Harry serait malade ? J'ai remarqué qu'il semblait souvent perdu, Régine n'a jamais mentionné cela.
- Non, la rassura le surveillant. Harry est myope. C'est probablement à cause de cela qu'il semble perdu. Mais cela fait plusieurs semaines maintenant, et il ne semble pas avoir de lunettes. Je me demandais si tu ne pouvais pas obtenir des Dursley qu'ils fassent quelque chose à ce sujet.
- Je ne sais pas. Il est probable qu'ils sont déjà au courant. Et si je les convoque pour leur en parler. Il est probable qu'ils vont me dire qu'un orphelin est une lourde charge pour une famille comme la leur. C'est déjà ce qu'il m'ont dit le jour où j'ai suggéré qu'ils rachètent des stylos à Harry . Il hérite en général de ceux de son cousin, et Dudley ne prend pas tellement soin de ses affaires. »
Rémus fronça les sourcils. « De telles personnes n'auraient jamais dû être autorisées à s'occuper d'un enfant tel que Harry, »gronda-t-il d'une voix menaçante.
Sarah regarda son collègue, étonnée. Jamais elle ne l'avait vu s'énerver ainsi, même quand certains enfants étaient vraiment insupportable. Il sembla remarquer sa surprise. « Désolé, dit-il, de son ton habituel. Je n'aurais pas dû m'énerver ainsi. Mais ça me révolte de voir cet enfant ainsi étouffé. Et je suis vraiment fatigué en ce moment.
- Ne t'excuse pas. Je suis entièrement d'accord avec toi au sujet de Harry. Mais c'est vrai que tu as l'air malade. Tu devrais peut-être prendre quelques jours de repos. Tu fais un travail merveilleux avec les enfants, mais si tu n'étais pas là pendant un jour où deux, on s'en sortirait.
- Non, je vais bien. Je vais simplement me coucher tôt ce soir. Au sujet de Harry, cependant.
- Je vais parler aux Dursley. Mais ils risquent de ne pas apprécier.
- Merci.
- De rien. C'est mon devoir, de toute façon. Maintenant rentre chez toi, Rémus, avant de t'effondrer dans ma classe. Et bonne nuit.
Il lui sourit, boutonna son long manteau bleu, et partit.
Toute la soirée, et une partie de la journée du lendemain, Sarah se creusa la tête pour essayer de trouver un prétexte acceptable pour faire venir les Dursley à l'école. Si elle mettait un mot sur le carnet de Harry, elle recevrait probablement une réponse disant qu'ils étaient trop occupés. Si elle faisait la même chose avec Dudley, il était probable que sa mère se précipiterait, mais la jeune femme n'était pas sûre de ce qu'elle pourrait dire au sujet du gros garçon. A part l'épisode du premier jour, il s'était remarquablement bien tenu en classe, et semblait même faire quelques efforts pour rendre un travail plus soigné. Bien sûr, elle pouvait faire venir la mère pour la féliciter, mais est-ce que cela ne risquait pas de paraître un peu suspect. Finalement, le problème se résolut tout seul : à dix heures, Dudley lui apporta un mot de sa mère signifiant qu'elle désirait la voir le plus tôt possible.
« Dis lui de venir demain soir, ou même en venant te chercher tout à l'heure, si elle a un moment, proposa l'institutrice, en s'efforçant de ne pas montrer son soulagement. Elle se demanda ce que Pétunia Dursley pouvait bien avoir à lui dire.
Cet après-midi là, la classe de Ce2 avait un cours de musique. Sarah, qui n'avait aucun sens du rythme et chantait particulièrement faux, avait demandé l'aide de Rémus. Celui-ci l'accompagna dans sa classe après la récréation de trois heures. Les enfants semblaient content de travailler. Elle remarqua que l'homme n'avait pas l'air en meilleur point que la veille, ce qui ne l'empêcha pas de déployer une grande énergie pour rendre le moment agréable. Il faisait chanter les enfants depuis quelques minutes, marquant la mesure avec une drôle de baguette en bois, quand on frappa à la porte. Une petite fille blonde entra.
« Bonjour, dit-elle d'une voix timide. Patrick est encore malade et la maîtresse a dit d'aller chercher Rémus. »Patrick était un élève de CP, sujet à des crises d'asthme. L'homme blond s'excusa, et glissa la baguette en bois dans sa poche avant de quitter la pièce précipitamment, oubliant son manteau. Sarah soupira et se résigna à finir elle-même la leçon de musique.
Les enfants étaient à peine sortis depuis cinq minutes que l'institutrice entendit une voix perçante en provenance de la porte. « Bonjour, Mademoiselle. Je suis contente que vous ayez accepté de me recevoir aussi rapidement. Voyez-vous mon mari et moi avons été choqués par ce que nous a raconté notre cher petit garçon hier soir.
- Ah ? demanda Sarah, un peu inquiète.
- Oh, rassurez-vous, il ne s'est absolument pas plaint de vous. Il s'agit de cet homme qui surveille la cantine, ce Rémus. Vous admettrez d'ailleurs que ce n'est pas un prénom pour une personne convenable : Rémus. Il paraîtrait qu'il s'amuse régulièrement à humilier publiquement les enfants.
- Peut-être a-t-il simplement un humour un peu particulier.
- Non. Il les ridiculise, et en présence de leurs amis, vous rendez- vous compte ? Et sa cible favorite est Dudley, alors que mon petit ange ne fait jamais rien de mal ! Le pauvre est complètement traumatisé ! Il m'a dit que cet homme s'était lié d'amitié avec certains enfants, qu'il ne punissait jamais quoi qu'ils fassent, mais que lui était insulté toutes les cinq minutes !
- C'est étonnant, ce que vous me dites là. Je n'en avais aucune idée. Les enfants semblent beaucoup aimer Rémus. aucun ne s'est jamais plaint.
- Il me semble qu'il a ses favoris, Harry, par exemple, et ses souffre-douleur, comme mon pauvre Duddy. Soit dit en passant, je me demande quels sont ses critères de sélection. Mais là n'est pas la question. Vous admettrez qu'une telle situation n'est pas tolérable.
- En effet, répondit Sarah avec toute la diplomatie dont elle était capable. Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire, malheureusement, mais je transmettrai vos craintes à la directrice. » Elle savait que tout ceci n'était que pure invention, et avait bien l'intention de le dire à Viviane, mais elle préférait rester dans les bonnes grâces de son interlocutrices avant d'aborder le sujet qui lui tenait à c?ur.
« Dites moi, à propos de Harry. - Qu'a-t-il encore fait celui-là ? coupa Pétunia Dursley, alors que son visage prenait l'habituelle expression méprisante qu'il arborait quand on parlait de son neveu.
- Rien. Je me demandais simplement s'il n'avait pas des problèmes de vue. - Si, c'est bien possible. Il semble avoir pris toutes les tares qu'il a pu trouver. On dirait vraiment qu'il le fait exprès. - C'est vrai que ce n'est pas de chance. Mais après tout, une légère myopie, bien corrigée, n'est pas un grave problème. N'avez-vous pas l'intention de lui faire faire des lunettes ?
- Nous n'avons malheureusement pas les moyens, pour le moment, de faire une telle dépense pour cet enfant. De plus, il est probable que si nous lui offrons des lunettes, il faudra les changer dans quelques mois. Mieux vaut attendre un peu, qu'il en ait vraiment besoin. »
Sarah allait répliquer quand un léger coup fut frappé à la porte qui s'ouvrit, révélant Rémus. « Oh, non, pensa l'institutrice. Tu n'as vraiment pas choisi le bon moment, Rémus. S'il te plaît ne te présente pas ! » Mais le surveillant eut simplement un sourire d'excuse.
« Désolé de vous déranger, dit-il aimablement. Je venais juste reprendre mes affaires. » Il lança un coup d'?il rapide à la femme, sans vraiment la regarder. Elle, par contre le fixa intensément. Une impression de surprise et d'incrédulité se peignit sur son visage, rapidement suivie par un mélange colère et de peur. « Rémus, lança-t-elle d'une voix rauque. Rémus Lupin. » Le ton était glacial .
L'homme releva la tête en entendant son nom, et il examina plus attentivement celle qui venait de l'appeler. Ses yeux perdirent leur habituelle chaleur, cette gentillesse dont il ne se départait jamais, et c'est avec une jovialité forcée qui ne trompa personne qu'il déclara : « Pétunia ! Cela fait bien dix ans !
- J'aurais dû me douter que seul l'un d'entre vous pouvait porter un prénom pareil ! Qu'est-ce que tu fabriques ici, Rémus ? » La tante de Harry ne semblait pas s'embarrasser de politesse avec le surveillant. Apparemment, s'ils s'étaient connus autrefois, ils ne s'entendaient pas.
« Je travaille. Aucune loi ne l'interdit.
- Les gens de ton espèce n'ont rien à faire avec des enfants normaux. Ne t'avises plus de t'approcher à moins de vingt mètres de mon Dudley. Tu l'as suffisamment traumatisé.
- Je n'ai rien fait à ton obèse de fils, Pétunia. Si je l'ai parfois remis à sa place, tout le monde ici pourra témoigner qu'il le méritait amplement. Par contre, je me demande ce que Harry a fait pour mériter le traitement que vous lui administrez.
- Aucun d'entre vous n'avez à intervenir dans la manière dont Vernon et moi élevons cet enfant. Si tu te soucies de lui à ce point, tu étais libre de le prendre à la mort de ses parents. Nous nous serions bien passés d'avoir à le ramasser sur le pas de la porte avec les bouteilles de lait, merci.
- Tu sais très bien pourquoi ni moi ni aucun autre sorcier ne pouvions faire cela, hurla Rémus.
- Ne prononce pas ce mot !»
Sarah assistait à l'échange, impuissante. Le ton montait inexorablement, et elle devait faire quelque chose avant qu'ils ne rameutent toute l'école et la moitié de la ville.
« Excusez-moi, dit-elle d'un ton ferme, mais quels que soient vos problèmes ce n'est peut-être ni le lieu ni le moment pour une telle discussion. »
Ils la regardèrent, surpris. Visiblement, tous deux avaient complètement oublié sa présence. Lupin rougit. « Tu as raison. Désolé de m'être emporté, » dit-il à voix basse.
Mais il ne s'excusa pas envers Mme Dursley. Celle-ci lui lança un dernier regard de dégoût, et se prépara à partir. Mais avant de franchir la porte, elle se retourna :
« Vous avez de bien étranges collègues, mademoiselle, siffla-t-elle. J'ose encore espérer que vous n'étiez pas au courant. Méfiez-vous de lui, il ne vous apportera que des ennuis. De toute façon, Vernon et moi ne tolérerons pas une telle situation. Vous aurez de nos nouvelles. » Elle s'en fut en claquant la porte.
Lupin se laissa tomber sur une chaise, complètement vidé. Ceci n'avait pas été prévu. Il n'avait plus vu Pétunia depuis le mariage de Lily et James, et elle avait tellement changé qu'il ne l'avait pas reconnue. Apparemment, elle était plus physionomiste. Il devait parler à Dumbledore, d'urgence. Mais la dernière nuit de pleine lune du mois avait eu lieu la vaille au soir, et il avait besoin de reprendre son souffle après cette violente altercation. Une main se posa soudain sur son épaule. « Rémus, fit la voix de Sarah, inquiète. Tu vas bien ?
- Oui, répondit-il en levant la tête pour la regarder dans les yeux. J'ai juste besoin de repos.
- Ne le prends pas mal, mais tu as une mine encore plus épouvantable qu'hier.
- Ca passera. » Il étouffa un bâillement.
« J'ignorais que tu connaissais la famille de Harry. » Le loup-garou s'attendait à cette question, et la redoutait. Il se demandait ce qui avait pu être dévoilé au cours de la conversation, et comment répondre de manière satisfaisant aux questions de l'institutrice. Il répugnait à effacer sa mémoire. Cela lui avait toujours semblé malhonnête, et il appréciait cette jeune femme qui se donnait tellement de mal pour Harry. Elle avait droit à la vérité. Et celle partie là de la vérité, décida-t-il ne pouvait pas nuire.
Elle attendait patiemment qu'il se décide à parler. Rémus prit une grande inspiration.
« Les parents de Harry et moi sommes allés à l'école ensemble, déclara-t-il enfin. James, son père, et moi, étions très amis. Pétunia était la s?ur de Lily, la mère de Harry. Mais elles ne se sont jamais entendues. Cela arrive dans les familles, mais là c'était particulièrement fort. Toutes deux se sont mariées très jeunes, Lily dès sa sortie du collège, à dix-huit ans. Il a fallu toute la persuasion de leurs parents pour que Pétunia daigne se montrer. Ou pour qu'elle invite sa s?ur à son propre mariage, trois mois plus tard. A la mort de leur père, peu après, elles ont failli en venir aux mains. Elles étaient toutes les deux enceintes, et leurs maris essayaient de les retenir tout en se lançant l'un à l'autre des regards furibonds. La situation aurait pu être comique si elle n'avait pas été aussi pathétique. C'est la dernière fois qu'elles se sont vues. La haine des Dursley envers Lily et James s'est visiblement transmise à Harry.
« Et toi, dans tout cela ?
- En tant qu'ami de James, je suis inclus dedans.
- C'est à cause de Harry que tu es venu ici ?
En partie, oui. Et quand je vois ce qu'ils lui ont fait, je me sens tellement coupable ! C'était un bébé merveilleux, ses parents auraient voulu qu'il soit heureux. Il n'aurait jamais dû être confié aux Dursley. »
Sur cette affirmation amère, Rémus se leva. Il savait qu'il ne pourrait pas répondre à toutes les questions de son interlocutrice, et il devait parler à Dumbledore le soir même. Après s'être une fois de plus excusé il reprit son manteau et sortit, laissant Sarah un peu désorientée. Comment ce qui semblait n'être qu'un désaccord familial avait atteint des proportions telles que même les amis du mari de Lily étaient spontanément haïs ? Pourquoi cet homme avait-il cherché à revoir le fils de son ami après si longtemps ? Et elle était sûre qu'il avait prononcé le mot Sorcier. « aucun autre sorcier »avait-il dit. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?
Merci aux lecteurs et reviewers.
Rose Potter, tu étais effectivement la première, merci de t'être manifestée si rapidement.
Hermichocos : Merci. Tu vas me faire rougir, c'est vraiment trop, là. Et écris la, ta fic, j'aimerais bien la lire.
Merci aussi à Majandra, Amber Benson, Casey, et petite Elfe (ton mail est arrivé avant même la première review alert, et m'a fait énormément plaisir). Aliénor et Tsuki_chan, merci pour vos conseils de présentation (j'ai essayé d'améliorer la mise en page de ce chapitre). Enfin, pour répondre à la question de Sylphide dorée, neuf ou dix chapitres sont prévus pour le moment.
Gros bisous à tous !
Chapitre 2 : un nouveau surveillant.
Le lendemain, après le départ des élèves, Sarah reçut une visite dont elle se serait bien passée : Mme Dursley. Elle la salua plutôt froidement, et la femme en face d'elle ne prit pas la peine de répondre : elle attaqua directement.
" Mademoiselle, je suis venue ici pour vous parler de mon fils Dudley. C'est un très gentil garçon et je ne supporterai pas qu'il soit puni aussi injustement dès le début de l'année.
- De quoi parlez-vous ?
- Hier, vous avez infligé une horrible punition à ce pauvre enfant, dès le début de la matinée. Je ne sais pas ce que vos collègues vous ont raconté sur mon fils, mais ils ont toujours eu des préjugés complètement déplacés à son égard. Il ne ferait pas de mal à une mouche.
- La punition d'hier n'était pas injustifiée, se défendit Sarah. Il avait insulté sans aucune raison une de ses camarades. Et il m'a répondu de manière particulièrement insolente quand je lui en ai fait la remarque.
- Insolente ! Allons, mademoiselle, il ne faut pas être aussi susceptible. Mon Duddy dit ce qu'il pense, et mon mari et moi avons toujours encouragé cette franchise. En tout cas, aucune remarque d'un enfant innocent ne pouvait justifier que vous placiez Dudley à côté de Harry. Je sais, vous êtes nouvelle, vous ne pouviez pas deviner, et c'est pourquoi vous êtes facilement excusable. "
Une grimace, qui devait être un sourire forcé, tordit le visage chevalin de la femme. "Vous comprenez, reprit-elle, Harry est le fils de ma s?ur, et il vit chez nous depuis la mort de ses parents. C'est un enfant très difficile, il mène une vie impossible à son cousin. Comme Dudley doit déjà le supporter à la maison, c'est particulièrement injuste qu'il doive l'avoir si près de lui à l'école. J'aimerais donc que vous permettiez à mon fils de revenir à son ancienne place."
Sarah hésita. D'un côté, il n'était pas question de céder devant cette femme, et d'offrir à Dudley une victoire publique en le renvoyant au fond. Cela lui ferait perdre tout son crédit auprès des autres enfants. Mais par ailleurs, et bien que pour des raisons complètement différentes, elle était d'accord avec Mme Dursley : il n'était pas bon que les deux cousins restent côte à côte. Le visage de Harry exprimait trop de souffrance. Et ses collègues lui avaient recommandé de se méfier de cette famille. C'est pourquoi elle répondit au bout d'un instant :
"Je comprends votre point de vue, madame. Il est inutile que deux enfants vivant ensemble se retrouvent aussi proches toute la journée, surtout s'ils ne s'entendent pas." Le sourire de son interlocutrice s'élargit. "Cependant, reprit l'institutrice, je crois que cela ferait beaucoup de bien à votre fils de rester là où il se trouve. Je crois que c'est un enfant qui a besoin d'une grande attention, qu'il me sera impossible de lui accorder s'il retourne au fond de la classe. D'après ses résultats de l'année dernière, et ce que j'ai pu voir de lui, il n'utilise pas son potentiel au maximum. ( Une jolie manière de dire qu'il ne fait absolument rien, pensa Sarah. Si elle vient me voir souvent, je sens que je vais devenir une championne de la diplomatie.) Bref, puisque le problème est la proximité de son cousin, je vous proposerais plutôt de déplacer Harry.
Le visage de Pétunia Dursley s'épanouit. " Vous avez parfaitement raison, mademoiselle, dit-elle. Mon Duddy est un enfant extrêmement sensible, il a besoin qu'on s'occupe de lui. Je désespérais d'avoir enfin une institutrice aussi compréhensive. Celle de l'année dernière disait qu'il était paresseux, vous imaginez ! Bien sûr, le pauvre petit sera désolé de ne pas être remis avec ses amis, mais il comprendra que c'était pour son bien. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis soulagée de savoir que l'on va prendre bien soin de mon petit garçon !
- C'est tout naturel, madame, fit Sarah qui se demandait combien de temps encore elle allait pouvoir supporter cette femme.
- J'espère au moins que Harry ne vous pose pas trop de problèmes !
- Harry ? On ne se rend absolument pas compte de sa présence. C'est un enfant invisible.
- Que voulez vous dire par là ? Que vous êtes satisfaite de lui ? Le ton été neutre, mais on sentait que si la réponse était oui, l'institutrice perdrait l'estime nouvellement gagnée auprès de la mère d'élève.
- Ce n'est pas exactement cela. Je veux dire, il n'est pas gênant. Mais il ne participe absolument pas à ce qui se déroule autour de lui. Il ne répond pas aux questions que je pose, et même en l'interrogeant directement il est difficile d'obtenir une réponse. Mais peut-être n'est-ce que de la timidité. Après tout, nous ne sommes qu'au tout début de l'année, et certains enfants sont longs à apprivoiser.
- Pas celui là. C'est un être de sang froid. S'il paraît timide, alors c'est qu'il l'a décidé, peut-être pour vous attendrir, ou pour quelque autre raison qui nous dépasse. Il a un cerveau particulièrement tortueux. Je n'aime pas dire du mal des morts, mademoiselle, mais ses parents étaient vraiment de drôles de gens, pas très recommandables, et je crains fort qu'il ne suive leur trace. Méfiez-vous de ce garçon, mademoiselle, et n'hésitez pas à faire preuve d'autorité avec lui. »
Jamais encore Sarah n'avait entendu parler d'un enfant avec une telle froideur, en utilisant des mots aussi brutaux que «tortueux ». De la part de la personne qui était sensée aimer et chérir le petit garçon, cela faisait froid dans le dos. Et elle savait bien que ces accusations étaient sans objet : même le meilleur acteur n'aurait pu simuler ce qu'elle avait lu dans les yeux de Harry. Alors, un enfant de huit ans. Pourtant, malgré la vague de stupéfaction qui l'envahit, elle réussit à déclarer d'un ton qu'elle espérait cordial : « Eh bien, me voilà prévenue. Je vous remercie, madame. J'espère que nous nous reverrons souvent cette année. » Elle espérait bien ne jamais revoir cette femme, mais elle sentait qu'il était bon de ne pas se la mettre à dos, et qu'un minimum de politesse était de rigueur. Mais dès que Pétunia Dursley eut tourné le dos, l'ébahissement et la colère la submergèrent, et elle se précipita dans la salle des maîtres, où elle fit un rapport détaillé de la conversation. Les réactions d'indignation furent unanimes.
« Jamais elle n'avait été aussi loin avec moi, commenta Régine. Je savais qu'elle ne l'aimait pas beaucoup, mais à ce point. Ca doit être à cause de la manière dont tu as parlé de son fils. Elle a pensé que tu partageais ses vues. Elle ne se rend donc pas compte à quel point ses accusations sont ridicules ! - Je me demande ce qui a bien pu conduire à une telle haine. soupira Christophe.
- Il s'entendaient très mal avec les parent de Harry , fit Sarah d'un ton songeur. Elle a mentionné quelque chose comme quoi ils étaient. « peu recommandables », je crois que c'était le terme. Elle craint que leur fils ne suive le même chemin. Mais quoi que ces gens aient pu faire il n'y a aucune raison de faire payer Harry. »
Pendant que la tante Pétunia parlait à la maîtresse, Harry était resté dans la cour, essayant de se tenir le plus loin possible de Dudley. D'habitude, quand son oncle ou sa tante allaient parler à ses institutrices, il savait que cela signifiait qu'ils allaient lui crier dessus en sortant. Mais ce jour là, il était content que Pétunia soit allée voir Mlle Déline. Dudley avait demandé à changer de place, et si sa mère réussissait à lui obtenir ce qu'il voulait, Harry serait de nouveau tranquille. Cela valait bien la peine de subir les foudres de sa tante. Pendant qu'il attendait dans un coin, il vit soudain quelque chose s'avancer vers lui. Une énorme bête, noire. Harry faillit crier. C'était un monstre, venu le dévorer. Mais cette pensée lui avait à peine traversé l'esprit qu'il se ressaisit. L'oncle Vernon le lui avait assez répété : les monstres, ça n'existait pas, pas plus que les magiciens, les vampires ou les fées. Et la chose avançait calmement, sans avoir l'air menaçant. Harry cligna des paupières pour mieux voir, depuis un certain temps, il n'y avait que comme cela que les choses lui apparaissaient nettement. La bête était plus près. Il se rendit compte alors qu'il s'agissait d'un chien. C'était le plus gros chien que le petit garçon ait jamais vu. L'animal s'arrêta à quelques mètres de lui, et le fixa.
« Bonjour, » dit Harry. Il sourit au chien qui fit un pas en avant. L'enfant n'avait pas peur du canidé, malgré sa taille impressionnante. Celui-ci avait un air familier qui le rassurait, et au moins, contrairement aux gens, ils n'allait pas parler avec la Tante Pétunia. Harry posa une main légèrement hésitante sur la tête du chien qui agita la queue. « Tu es gentil, n'est-ce pas ? » demanda-t-il.
L'énorme bête agita frénétiquement la tête de haut en bas.
« Tu comprends ce que je dis ? » s'étonna l'enfant. L'animal hocha de nouveau la tête. Harry lui jeta un regard mi émerveillé mi incrédule. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de se pencher plus sur le problème, une voix perçante se fit entendre.
« Harry ? Où te caches-tu petit vaurien ? Viens ici, dépêche-toi !
« Je viens, tante Pétunia. » Harry tourna la tête vers le chien. « Désolé, murmura-t-il, il faut que j'y aille. A une prochaine fois, peut-être. » Et il courut rejoindre sa tante et son cousin. Ce dernier avait un visage furieux, et il bombardait sa mère de coups de pieds tandis qu'elle l'entraînait vers la sortie.
Tout au long du chemin, Dudley tonna, gronda, pleura, frappa. « Je ne veux pas rester là, criait-il. Je veux retourner avec mes amis !
- Mais, mon chéri, il est normal que ta maîtresse ait envie d'aider un garçon aussi merveilleux que toi à réussir Pour une fois que nous tombons sur quelqu'un de sensé.
- Mais elle ne va pas arrêter de m'embêter ! »
Finalement, Pétunia le calma en promettant de reconsidérer toute la question avec son père dès que celui-ci serait rentré du travail. Harry marchait prudemment à plusieurs mètres des deux autres. Il connaissait trop bien les colères de son cousin pour avoir envie de se trouver à proximité lorsque l'une d'entre elles éclatait. S'il était content de ne plus se trouver près de Dudley le lendemain, il avait peur d'être envoyé à l'ancienne place de celui-ci. Il savait que la bande ne lui ferait pas de cadeaux.
La soirée s'écoula lentement et péniblement. Dès qu'ils furent arrivés au 4, Privet Drive, Harry se réfugia dans son placard. Il fit ses devoirs au son de la télévision de son cousin, puis s'allongea sur son lit. Un moment, il hésita à se rendre au salon pour regarder les dessins animés, mais il savait qu'il valait mieux pour lui ne pas se montrer quand il y avait une telle tension dans la maison. Ses pensées se mirent à vagabonder. Il revit le chien avec qui il avait parlé dans la cour. Il espérait qu'il serait encore là le lendemain. Sans savoir pourquoi, il avait l'impression de connaître la bête. Il prit une feuille de papier et son crayon, et entreprit de la dessiner. Il entendit la tante Pétunia venir chercher Dudley pour lui faire prendre son bain. Une demi-heure plus tard, ce fut son tour. Mais Harry ne prenait pas de bain, cela coûtait trop cher en eau. Il avait le droit de prendre une douche de deux minutes, juste le temps de se savonner et de se rincer. Et comme Dudley prenait généralement des bains bouillants et débordants juste avant, sans prendre la peine d'arrêter l'eau qui s'enfuyait par la vanne de sûreté, Harry avait rarement de l'eau chaude. Ce soir là ne fit pas exception. Sortant en frissonnant de la baignoire, après avoir arrêté le jet glacé, le petit garçon se sécha vivement et enfila son pyjama et ses pantoufles. Déjà, la tante Pétunia l'appelait pour mettre la table.
L'oncle Vernon était apparemment rentré, et il parlait avec sa femme quand Harry rentra dans la cuisine. Visiblement, elle lui racontait ce qui s'était passé quelques heures plus tôt, et tous deux semblaient ennuyés. Harry se fit une fois de plus le plus discret possible, alors qu'il sortait les assiettes du placard. Il entendit son oncle gronder : « Elle ne me transformera pas mon fils en fillette. Je refuse qu'il devienne un chouchou du premier rang.
- Oh, elle n'a pas l'air d'être ce genre là. Tu comprends, il n'y avait aucune tendresse dans sa voix quand elle parlait de notre petit Dudley. La seule chose qui semblait l'intéresser, c'était ses extraordinaires capacités. On ne peut pas laisser des dons ainsi inexploités, pense à l'avenir de notre fils !
- D'accord. On essaie comme cela pendant quelques semaines. Après tout, c'était quand même une honte que même « lui » (il désigna d'un signe de tête Harry qui se cacha derrière la cruche d'eau qu'il venait de remplir) obtienne de meilleurs résultats que Dudley. »
Le lendemain matin, Lorsqu'ils arrivèrent dans la classe, Harry alla s'asseoir à sa place habituelle. Lorsque tout le monde fut assis, la maîtresse prit la parole : « Bonjour à tous, dit-elle avec un sourire chaleureux. J'espère que vous avez passé une bonne soirée. »
Il y eut quelques « oui »en réponse. « Bien. Alors nous allons pouvoir travailler. Mais avant que nous ne commencions, j'aimerais faire quelques petits changements de place. Justin et Marion, vous échangez s'il vous plaît. Cela me permettra peut-être d'éviter quelques bavardages intempestifs, n'est-ce pas, fit elle avec un sourire ironique en direction de deux filles qui rougirent et baissèrent la tête. Et, Harry, j'aimerais que tu vienne te mettre ici, fit-elle en désignant une place libre au deuxième rang, du côté de la porte. A côté d'Ann. »
Soulagé d'échapper aux amis de Dudley, Harry s'empressa de vider la case sous sa table et de rassembler toutes ses affaires dans son sac. Il se préparait à devoir forcer le passage, Dudley n'allant pas se donner la peine de bouger pour le laisser passer, mais il eut la surprise de voir son cousin debout à côté de sa table, un sourire ironique sur les lèvres. Harry s'avança, portant devant lui la sacoche de l'oncle Vernon. Alors qu'il passait devant Dudley, il sentit son pied trébucher contre quelque chose, et avant d'avoir le temps de réaliser ce qui se passait, il se retrouva par terre, au milieu d'un fouillis de livres et de cahiers. Soupirant, il se releva, les genoux endoloris. Il savait que Dudley préparait quelque chose comme ça, mais le sac l'avait empêché de voir le pied de son cousin, et il était trop pressé de s'en aller pour faire attention. La classe avait éclaté de rire. Harry rougit, et se mit à ramasser ses affaires, le plus vite possible. La maîtresse fit taire les autres enfants d'un « je ne vois pas ce qu'il y a de drôle » un peu sec. Puis, au grand embarras de celui- ci, elle se dirigea vers Harry.
« Ca va ? demanda-t-elle doucement.
- Oui.
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
- Je suis tombé, répondit le petit garçon. A cause de mon lacet. »
Elle n'insista pas, et Harry, soulagé, alla s'asseoir à sa nouvelle place, passant sans aucun problème derrière Ann. Etrangement, la petite fille ne se moqua pas de lui. Elle lui fit même un sourire. « C'est bien que tu viennes ici, dit-elle. J'en avais assez d'être toute seule. »
Rémus Lupin parcourut d'un pas rapide la cour de récréation déserte. Pénétrant dans le préau, il s'arrêta un moment. Il ne savait pas bien où aller. Au téléphone, on lui avait dit de se présenter au bureau de la directrice, mais il ignorait complètement où cet endroit pouvait être. Grâce au faux CV que lui avait fournit Dumbledore ( les informations portées dessus avaient été charmées pour paraître indiscutables), il n'avait eu aucun mal à être embauché par la mairie en tant qu'aide éducateur. Ce travail lui faisait un peu peur : il n'avait aucune expérience des enfants, et sa connaissance du monde moldu était approximative. Mais il devait se faire accepter s'il voulait veiller sur Harry. Dumbledore lui avait dit que non seulement il lui faudrait guetter Sirius Black, mais qu'en plus ils avaient observé depuis quelques temps une recrudescence de l'activité des mangemorts, qui avait semblé disparaître complètement sept ans auparavant. Et puisqu'il était sur place, il serait aussi le mieux placé pour surveiller Harry lui-même, dont le taux de magie accidentelle était, paraît-il, extrêmement élevé, et qui risquait de provoquer des incidents.
« Eh bien, pensa Rémus, je ne vais pas chômer cette année. » Mais il s'était si souvent trouvé sans emploi, se sentant désespérément inutile, à cause de ce qu'il était, que cette perspective ne lui déplaisait pas totalement.
Une sonnerie retentit, l'arrachant à ses réflexions. Des enfants, criant et se bousculant, ne tardèrent pas à faire irruption dans le préau et à envahir la cour. Ils ignorèrent totalement la présence de l'étranger. Rémus chercha des yeux un adulte. Il aperçut enfin une jeune femme, d'environ un mètre soixante-dix, avec des cheveux blond foncé réunis en une queue de cheval, et des yeux bruns profonds. Elle était vêtue d'un jean bleu et d'un chemisier blanc. L'ensemble soulignait la minceur de sa silhouette. Leurs regards se croisèrent et elle vint vers lui avec un sourire. « Je peux peut-être vous aider ?
- Sûrement, merci. Je suis le nouvel auxiliaire, et je cherche le bureau de la directrice.
- Oh, vous étiez attendu avec une grande impatience. Elle lui tendit la main. Sarah Déline, se présenta-t-elle. J'enseigne en CE2. Je suppose que nous aurons l'occasion de travailler ensemble.
- Sûrement. Je m'appelle Rémus Lupin, répondit-il en serrant la main tendue. Enchanté. »
Elle le conduisit devant une porte et frappa. « Il vaut mieux que vous entriez seul, je suis sensée surveiller la cour. Elle rit. Je suppose que bientôt ce sera votre responsabilité. »
Il poussa la porte et se retrouva dans un petit bureau décoré de photos d'enfants. Une femme était assise, penchée sur un tas de papier. Son chignon impeccable rappela aussitôt à Rémus le professeur Mac Gonagall, mais son visage était plus doux que celui de la sorcière, tout en gardant une certaine sévérité. Elle se leva dès qu'elle le vit.
« Bonjour, dit-elle en tendant la main elle aussi. Vous devez être Rémus Lupin, n'est-ce pas ? La mairie m'a prévenue de votre arrivée. Ravie que vous ayez pu venir si vite. Asseyez-vous, » fit-elle en désignant une chaise qui faisait face au fauteuil dans lequel elle se rassit.
Ils parlèrent pendant quelques minutes. La directrice résuma au loup-garou ce que seraient ses tâches. Rémus en déduisit qu'il était un genre d'homme à tout faire, pas pour s'occuper de l'entretien, comme Argus Rusard le faisait à Poudlard, mais pour toutes les fois où il fallait s'occuper des enfants en dehors des classes. Viviane (elle lui avait demandé de l'appeler par son prénom, et de la tutoyer ) lui expliqua comment gérer ces différentes attributions : lorsque tu ne remplaces pas un collègue, tu es libre d'aider l'enseignant qui en a besoin, mais il y a souvent besoin d'un adulte libre dans l'école. Par exemple, si un enfant est malade. Normalement, c'est moi qui m'occupe de ce genre de problème, quand je suis disponible, mais j'enseigne à mi-temps, en CE1, et quand je suis dans ma classe c'est à toi que reviendront ces responsabilités. Il sera bon que mes collègues sachent où te trouver. Pendant les récréations, tu es censé surveiller la cour, mais si des enfants te posent des problèmes n'hésite pas à venir me chercher, ou un des autres instituteurs : nous nous chargerons de le punir. Et à midi, tu seras aidé par les surveillants de cantine, ce qui t'éviteras d'avoir à surveiller seul nos cent monstres pendant une heure et demi. » A cet instant, la cloche sonna. La directrice eut un petit rire.
« Voilà la fin de la dernière récréation à laquelle tu échappes, plaisanta- t-elle. La prochaine sonnerie marquera le début de ton calvaire. »
Rémus se força à sourire, mais Viviane n'imaginait pas à quel point il pensait ce qu'elle venait de dire. Ils retournèrent dans la cour, où elle le présenta aux différents maîtres avant que ceux-ci ne remontent. Ce matin là, il participa à un cours de sport avec les plus grands. Christophe avait décidé d'organiser une partie de football, et il avait du mal, seul, à calmer les enfants surexcités. Le sorcier bénit silencieusement son ami d'école, Dave Goujon, qui était issu de parents moldus et avait passé des heures à leur parler de ce qui était pour lui le meilleur jeu au monde (avant bien sûr qu'il ne soit engagé comme gardien dans l'équipe de Quidditch de Poufsouffle, sa maison, en cinquième année).
Harry avait été déçu de ne pas revoir le chien à la récréation. Mais il lui avait fallu surmonter très vite ce sentiment, car la bande à Dudley était une fois de plus après lui. Il réussit cependant à leur échapper, en courant autour de la cour. Il était bien plus rapide et agile que ses poursuivants, et ceux-ci ne prenaient heureusement pas la peine de s'organiser pour l'attraper. Il était plutôt content de sa matinée. Ann avait été gentille avec lui, et il n'était pas habitué à un tel comportement de la part des autres enfants. Lorsqu'il n'arrivait pas à lire au tableau, ce qui lui arrivait souvent dernièrement, et plus encore à sa nouvelle place, où il était plus loin, elle l'avait laissé regardé sur son cahier. Pourtant, après ce qui s'était passé au mois de juin, il avait cru que plus jamais elle ne voudrait lui parler. Mais quand il lui avait posé la question, elle avait juste dit qu'elle le plaignait de vivre avec Dudley. Et qu'elle ne lui avait jamais parlé parce qu'elle avait cru qu'il aimait mieux être tout seul, vu qu'il n'allait jamais voir personne. A ce moment là, la maîtresse avait demandé le silence, et ils s'étaient tus. Le garçon aux yeux verts se dirigea vers la cantine. Il remarqua qu'un nouveau surveillant avait remplacé Cathy. Lorsque l'homme eut obtenu le silence, les enfants s'assirent à leur place. A table, contrairement à ce qui se passait en classe, Dudley s'arrangeait toujours pour être à la même table que Harry. Il pouvait ainsi prendre le dessert de l'autre garçon. Mais ce jour là, le nouveau surveillant ce dirigea vers eux.
« Bonjour, dit-il. Je peux m'installer avec vous ? » Traditionnellement, les surveillants mangeaient aux tables des enfants, de même que les « dames de cantine ». Il y avait une place libre à leur table, à côté de Harry. Dudley et ses amis firent la tête, mais ils n'avaient aucune raison de refuser, et les autres s'empressèrent d'accepter. Harry était enchanté, même s'il ne le montra pas : jamais les autres n'oseraient l'embêter en présence d'un adulte.
Rémus avait facilement repéré, dans la foule des enfants, la masse de cheveux noirs et les yeux verts qui lui rappelaient tant de souvenirs. Heureusement, il y avait une place libre à côté du petit garçon. Il s'approcha, et après avoir demandé la permission, s'installa. Il se présenta, bien qu'il soit sûr que tous aient déjà entendu son nom.
« Et vous, qui êtes vous ? » demanda-t-il.
L'un après l'autre, les enfants lui dirent leurs prénoms. Le dernier à se présenter fut le garçon aux cheveux noirs. Bien sûr, Rémus savait déjà qui il était, mais il l'interrogea quand même du regard.
« Je suis Harry », murmura-t-il enfin d'une voix basse avant de baisser les yeux.
Lupin l'observa attentivement. De près, la ressemblance avec James était frappante. Non seulement les cheveux, mais aussi la forme du visage, la fossette au dessus du menton. Mais alors que ce dernier avait été d'une taille légèrement au dessus de la moyenne, Harry était particulièrement petit pour son âge. Il était bien plus maigre que James ne l'avait jamais été. Et surtout, alors que son père avait été si plein de vie, un peu « grande gueule » même. Harry semblait timide. Lorsque le petit garçon l'avait regardé, pendant cet instant si fugace, il avait reconnu les yeux de sa mère. Mais alors que ceux de Lily riaient tout le temps, qu'ils exprimaient cette joie vivre qui ne la quittait jamais, ceux de Harry n'exprimaient qu'une profonde tristesse. C'était bien le fils de Lily et James qu'il avait à côté de lui, il était impossible d'en douter. Mais après ces quelques minutes, il savait déjà que quelque chose n'allait pas.
La plupart des enfants de la table s'étaient remis à parler, sans tenir compte de la présence du surveillant. Harry gardait les yeux fixés sur son assiette et il mangeait lentement, en silence, comme s'il essayait de profiter au maximum de chaque bouchée. Lupin se tourna vers lui.
« Ca va ? demanda-t-il. Tu as l'air bien songeur.
- Désolé, répondit l'enfant sans le regarder.
- Désolé de quoi ? Ce n'est pas un crime d'être dans la lune, tu sais. ( Ca me va bien de dire ça, pensait Lupin sans le dire. Comme si je pouvais me permettre des rapports particuliers avec la lune, surtout quand elle est pleine.) » Harry ne répondit pas. Il continua de fixer son assiette, maintenant presque vide.
- Tu as un problème, Harry ? demanda le loup garou.
- Non, Monsieur.
- Tu peux m'appeler Rémus, si tu veux.
L'enfant fit simplement un signe de tête, sans répondre. - Ferais-tu la tête ? Je viens juste d'arriver, tu n'es quand même pas déjà fâché contre moi ! A ces mots, Harry releva brusquement la tête, d'un air à la fois effrayé et stupéfié.
- Oh, non, Monsieur, dit-il précipitamment, en balbutiant un peu. Je ne fais pas la tête. »
Le rapide mouvement effectué par le garçon avait déplacé les mèches de cheveux qui lui retombaient sur le front, révélant la curieuse marque en forme d'éclair. Lupin ne put empêcher son regard de s'attarder sur la cicatrice la plus connue du monde des sorciers. Il se demanda ce que Harry savait des véritables raisons de cette marque, ce que les Dursley lui avaient dit de la sorcellerie. Le petit garçon savait-il que quelque part, dans ce qui était presque un autre monde, il était célèbre ?
- Tu peux m'appeler Rémus, répéta-t-il.
- Oui.
- Tu n'es pas obligé si ça te gène. » Il était vraiment difficile de faire la conversation avec cet enfant, pensa Lupin. Il n'aurait jamais pensé, connaissant ses parents, que Harry serait aussi timide.
« Non, ça ne me gêne pas. » répondit Harry. Il avait fini ses côtelettes et sa purée et regardait les autres enfants manger leur crème au caramel.
« Tu n'as pas pris de dessert ? demanda Lupin en constatant l'absence de la crème sur le plateau de Harry.
- Je n'aime pas le caramel, répondit celui-ci d'un ton neutre.
- Je croyais que les enfants n'aimaient pas les épinards, mais qu'ils ne refusaient jamais les sucreries, plaisanta l'adulte. Tu sais que tu es un drôle de garçon ? »
Le petit visage se tendit de manière surprenante à cette plaisanterie, pourtant innocente, et il leva son bras devant son visage, comme pour se protéger. « Non, dit-il d'une petite voix, je suis normal.
- Je n'ai jamais dit que tu n'étais pas normal. La voix se voulait apaisante. Le sorcier constata alors que plusieurs enfants de la table écoutaient ce qu'ils disaient. Bien sûr que tu es normal. - Non, il ne l'est pas, intervint Dudley. Papa dit toujours qu'il est plein d'anormalité, et que c'est bien le problème avec lui. L'année dernière, il a fait exploser la fenêtre de ma chambre, comme ça, sans rien lancer dedans.
- Tu ne devrais pas dire des choses comme cela, dit Lupin en le regardant dans les yeux . Tu sais bien que ce n'est pas possible.
- Oui, renchérit le garçon qui répondait au nom de Piers. Des fenêtres qui explosent ! Peut-être que c'est un puissant sorcier et que nous devrions avoir peur de lui ! Il eut un rire moqueur. Rémus faillit lui aussi éclater de rire, devant l'ironie de la situation. Le camarade de Dudley n'imaginait pas à quel point il était près de la vérité.
- Mais c'est vrai, s'indigna le gros enfant, vexé. Même que papa l'a puni de trois semaines de placard et qu'il a dit de n'en parler à personne !
- Alors pourquoi tu en parles ? » Dudley rougit et tenta de répondre, mais, ne trouvant rien à dire, il se tut et se mit à bouder.
Les jours suivants, la routine de l'année scolaire commença à s'installer. Harry avait repris l'habitude des coups matinaux à la porte du placard, des petits déjeuners avalés à la hâte, des départs précipités parce que Dudley voulait manger plus, et qu'il ne quittait pas la table assez tôt. A l'école, les leçons étaient rendues très intéressantes par Mlle Déline, et Ann continuait de lui parler malgré les sarcasmes de la bande du fond. Ils n'osaient pas l'attaquer trop vivement par peur de la réaction de son père. C'était surtout elle qui parlait. Harry répondait quelquefois, mais il y avait trop de choses dans sa vie qu'il n'était pas prêt à confier. La vie du garçon aux cheveux noirs était considérablement compliquée par le fait que personne ne semblait vouloir le laisser tranquille cette année là. Il y avait Ann, bien sûr, mais elle n'était pas la seule. La nouvelle maîtresse semblait décidée à le faire parler, encore bien plus que la précédente. Elle l'interrogeait souvent, lui demandait s'il allait bien, au début ou à la fin des cours, et l'avait même retenu au début d'une récréation pour lui demander s'il y avait quelque chose dont il avait envie de parler. Et il y avait le nouveau surveillant. Il avait continué de manger avec eux, s'asseyant à côté de Harry et essayant toujours d'engager la conversation. Il venait fréquemment le voir pendant les récréations. Cela avait ses avantages : la bande à Dudley n'osait plus venir l'embêter. Tout le monde avait vite compris que Rémus était gentil, mais qu'il ne fallait pas l'ennuyer. Jamais il ne donnait de punitions, ou n'allait chercher la directrice comme le faisait Cathy si souvent, jamais même personne ne l'avait vu crier. Quelque soit la situation, il gardait son calme. Mais il pouvait retourner n'importe quelle situation en la défaveur d'un élève, fautif à ses yeux, et le ridiculiser auprès de ses amis. C'était ce qu'il avait fait plusieurs fois avec Dudley, ce qui lui avait valu l'admiration de la plupart des enfants, habituellement terrorisés par le gros garçon. En même temps, il n'avait pas son pareil pour organiser des parties de football ou d'autres jeux, et même les « durs » avaient commencé à l'apprécier.
Mais malgré le confort apporté par la protection de l'adulte, Harry aurait préféré qu'il ne cherche pas aussi souvent à lui parler. Il était content bien sûr, de voir que Rémus, tout comme la maîtresse, semblaient s'intéresser à lui, il avait ainsi l'impression d'être autre chose que la vermine repoussante qui empoisonnait la vie d'une famille honnête depuis la mort de ses vauriens de parents. Mais il était fatigué de toutes ces questions auxquelles il ne pouvait pas répondre. Il ne pouvait pas se permettre de se plaindre, ou de raconter sa vie : si les Dursley l'apprenaient, il recevrait la plus belle correction qu'il avait jamais eue de sa vie. L'oncle Vernon le lui avait assez répété. Et il savait que son oncle tenait toujours ses promesses quand il s'agissait de punitions. D'ailleurs, il avait déjà été privé de dîner deux fois cette semaine, « en guise d'avertissement ». Son oncle avait une fois détaché sa terrible ceinture, mais il n'avait pas été plus loin. Quelque chose l'avait toujours empêché de frapper Harry. Celui-ci avait cependant été averti que ce n'était vraiment pas dans son intérêt de continuer à traîner dans les jambes du surveillant. Et naturellement, personne n'avait voulu le croire quand il avait dit qu'il n'y était pour rien, qu'il n'avait rien demandé.
« Tu ne nous feras pas croire ça, mon garçon. Qui s'intéresserait à toi ? J'ignore ce que tu lui as raconté pour qu'il se comporte ainsi, mais si j'apprend que tu t'es plaint de nous, ou de Dudley, tu regretteras de ne pas être mort avec tes parents ».
Ce dernier mot avait été prononcé avec dédain. Harry n'avait jamais compris ce que les Dursley avaient contre ses parents. Ceux-ci avaient peut-être fait quelque chose de très grave, en tout cas c'est ce que son oncle et sa tante semblaient penser. Il ne savait rien de plus sur eux, à peine leurs prénoms. James et Lily. Cela faisaient partie des mots à ne jamais prononcer au 4, Privet Drive. Pourtant, c'était de beaux noms. Ils évoquaient dans l'imagination du petit garçon l'image d'un jeune couple, un homme qui plaisantait tout le temps, n'était jamais fatigué, ne parlait pas d'argent et ne criait jamais. La femme riait beaucoup, elle se moquait que sa maison soit en ordre, aimait les animaux et elle non plus ne se fâchait jamais. Et surtout, tous les deux adoraient leur fils. Ils s'intéressaient à lui, lui faisaient faire ses devoirs, l'emmenaient au sport ou à la musique. Ils le défendaient quand il était attaqué par d'autres enfants, ou par les adultes.
Harry s'était souvent demandé s'il ressemblait à ses parents. Une ou deux fois, il avait pris son courage à deux mains et avait posé des questions à sa tante, sur comment étaient ses parents, ou ce qu'ils faisaient comme métier. Jamais elle n'avait répondu, et il désespérait d'en savoir plus sur eux. Mais c'était un sujet dont il n'avait pas le droit de parler, ni à Privet Drive, ni en dehors.
S'il ne pouvait parler ni à Rémus ni à Sarah, ou Ann, Harry avait cependant trouvé un ami en ce début d'année. Il avait revu le gros chien noir. Celui-ci apparaissait toujours quand Harry réussissait à s'isoler dans un coin du jardin du 4, Privet Drive. Et Harry s'arrangeait pour passer de plus en plus de temps dans le jardin, quand les Dursley étaient devant la télévision. Quand quelqu'un d'autre arrivait, le chien disparaissait instantanément dans les buissons. A l'animal, Harry pouvait tout dire, jamais les Dursley ne seraient au courant. Et le chien semblait tout comprendre. Parfois, quand Harry posait des questions, il répondait par oui ou non de la tête. Et l'enfant aimait enfouir sa tête dans l'épaisse fourrure, au chaud et à l'abri des autres. Mais cela ne durait jamais longtemps. Le chien ne restait jamais plus de quelques minutes.
Lorsque le week-end arriva, à la fin de sa deuxième semaine dans l'école moldue, Rémus Lupin fut réveillé le samedi matin plus tôt qu'ils ne l'aurait désiré par des petits coups frappé au carreau. Il fut un peu surpris de découvrir un hibou qui attendait qu'on lui ouvre la fenêtre. Pour éviter de recevoir trop de courrier à la façon sorcière, ce qui risquerait d'attirer l'attention des voisins et de brûler sa couverture, le loup garou avait entouré sa petite maison d'un sortilège de confusion, qui repoussait les hiboux le cherchant. Seuls ceux sachant où le trouver (envoyés par des sorciers connaissant son adresse) pouvaient le trouver. C'est à dire uniquement ceux dont les expéditeurs étaient au courant de sa mission, or ceux-ci avaient été prévenus de n'écrire qu'en cas d'urgence. C'est pourquoi Lupin s'inquiéta en voyant qu'il avait reçu du courrier. La missive était brève : Il y a du nouveau. Je dois vous parler. Pourriez-vous vous venir à Poudlard aujourd'hui ? Albus Dumbledore. Le sorcier soupira. Cela ne présageait rien de bon. De toutes façons, il devait se rendre à Poudlard, pour y chercher une réserve de potion tue- loup, en prévision de la pleine lune la semaine suivante. Il s'habilla à la mode moldue, et prit une robe noire dans son placard. Il se rendit dans une pièce sans fenêtre, enfila sa robe et transplana vers Pré-au-Lard. Dès son arrivée au château, Rémus se précipita vers le bureau du directeur. La gargouille était entrouverte, sans doute en prévision de sa venue. Albus l'accueillit chaleureusement.
« Rémus ! heureux que vous ayez pu venir. Comment se passe votre séjour dans le monde moldu ?
- Ca peut aller. Y a-t-il des nouvelles de Sirius Black ?
- Non. Personne ne l'a vu. Tous les aurors ont reçu l'ordre d'ouvrir l'?il, et Fudge s'est décidé à avertir la police moldue. Vous avez dû en entendre parler.
- En effet.
- Par contre, on a noté une recrudescence importante de l'activité des Mangemorts. On ignore si Black a un rapport avec cela.
- Mais on n'avait plus entendu parler de mangemorts depuis au moins cinq ans.
- Depuis l'attaque contre les Longdubat. Je sais. Mais une famille de moldus a été tuée, et la Marque des Ténèbres a été aperçue près de Londres hier.
- Et c'est Sirius qui.
- Je vous le répète : nous l'ignorons. Certes, le fait que cette reprise coïncide avec son évasion semble indiquer que c'est effectivement lui qui en est à l'origine. D'un autre côté, de nombreuses personnes qui avaient été soupçonnées d'être des mages noirs, sans qu'on puisse leur imputer aucun autre crime, on été relâchées dernièrement. Et il y a tous ceux que nous ne sommes jamais parvenus à arrêter.
- Vous pensez qu'ils pourraient s'en prendre à Harry ?
- C'est possible. Les systèmes de sécurité qui ont été placés autour de lui sont puissants, mais un sorcier ayant quelques pouvoirs ou quelques relations pourrait découvrir sans trop de difficulté où il se trouve, ne serait ce qu'en étudiant certains registres moldus. Il savent que tout ce qui peut arriver au Survivant aura un impact phénoménal sur notre monde. J'aimerais vraiment pouvoir faire venir l'enfant à Poudlard, mais c'est impossible, dans les circonstances actuelles. » Rémus s'interrogea un instant sur le sens de cette remarque, mais il voyait que Dumbledore n'avait pas l'intention d'en dire plus. Le directeur poursuivait déjà.
« Soyez prudent, Rémus. Nous ne savons pas qui est à la base de ce mouvement, et les mangemorts peuvent prendre n'importe quelle apparence en utilisant du polynectar, de toute façon. Je suppose que vous n'avez rien remarqué de suspect ?
- Non. Rien qui puisse avoir un rapport avec les mangemorts en tout cas.
- Comment cela ?
- La seule chose qui me paraisse suspecte, concernant Harry, c'est les Dursley. Tout le monde à l'école a remarqué qu'ils ne le traitaient pas correctement.
- Ca n'a pas été facile de placer Harry chez eux, soupira Dumbledore, l'étincelle dans ces yeux un peu affaiblie. Mais il ne pouvait pas rester dans la société magique, pas les premières années. Il était adulé d'une manière que n'aurait pu supporter aucun bambin. Et puis, c'était la seule famille qui lui restait.
- Une famille qui a eu sur lui un effet aussi désastreux que la célébrité, Albus. Ce garçon est complètement éteint. Impossible d'en tirer deux mots. Et il vit dans une terreur permanente.
- Nous ne pouvons pas le retirer aux Dursley maintenant. Tant qu'il est chez eux, il est en sécurité. Est-ce qu'il sait ?
- Non, je ne crois pas. J'ai essayé de l'interroger, mais visiblement, il ignore tout de ses parents. Il ne sait même pas à quoi ils ressemblaient.
- Dommage. S'il avait connu son histoire, et l'existence de notre monde, nous aurions pu lui dire de faire attention, mais là, cela ferait trop de choses à assumer en une seule fois pour un enfant de huit ans. Et nous ne sommes même pas sûrs que Black ou un quelconque autre mage noir soit à sa recherche.
- J'ai vraiment peur pour lui. Il a l'air d'en avoir déjà tellement enduré, si quelque chose d'horrible devait lui arriver. Je ne le connais pas depuis longtemps, mais c'est le fils de mon meilleur ami. J'ai mal de le voir comme ça.
- S'il est un tant soit peu comme James, je suis sur que vous arriverez très vite à le dérider. Les enfants sont plus solides que vous ne l'imaginez. Et Harry a été heureux pendant un an. Même s'il l'a oublié, c'est quelque chose qui le marquera à jamais. Cela pourra prendre des jours, des semaines, ou peut-être même des mois, mais il redeviendra joyeux un jour. »
Après avoir quitté le directeur de Poudlard, Rémus prit la direction des donjons, où Rogue, le professeur de Potions, lui donna une fiole avec un reniflement de mépris. Puis il quitta le collège et réapparut chez lui.
Le week-end s'écoula lentement pour Harry, comme souvent. Il pleuvait, et il passa deux longues journée sans sortir de la maison. Dudley était invité à un anniversaire le samedi, et son père l'emmena au cinéma le dimanche, laissant Harry seul avec sa tante. Non que la perspective soit réjouissante, mais Harry parvint à se glisser dans la deuxième chambre de Dudley pendant que Pétunia regardait la télévision. Cette pièce servait à ranger les vieux jouets de Dudley, et tout ce dont il ne voulait pas. En particulier, on y trouvait de nombreux livres qui avaient été offerts à son cousin, ou qu'il avait hérité de ses parents, et auxquels il n'avait jamais touché. Harry avait pris l'habitude d'emprunter les volumes quand il était sûr qu'on ne le voyait pas. A condition qu'il n'en prenne pas trop à la fois, personne ne pourrait jamais se rendre compte que Harry s'était servi, et le petit garçon pouvait ensuite occuper les longues heures qu'il passait dans son placard, en se plongeant dans le monde merveilleux des romans. Ses préférés, ceux qu'il avait lu des dizaines de fois et connaissait presque par c?ur, étaient les romans de Dickens. Il aimait ces histoires d'enfants malheureux, souvent orphelins, qui finissaient toujours par trouver une famille aimante. Il avait passé des soirées entières, ensuite à rêver que cela lui arrivait, à lui.
Le lundi matin, lorsque Harry arriva dans la cuisine, son oncle lui tendit son carnet de santé. Harry le prit, et se rappela soudain que la visite médicale annuelle devait avoir lieu ce jour là. « Attention, mon garçon, rappela l'oncle Vernon d'un ton sévère. Ne t'avise pas d'aller raconter des âneries à l'infirmière comme l'année dernière. » Il faisait allusion au fait que, lors de la précédente visite, quand l'infirmière s'était étonnée qu'il soit si petit et maigre, et qu'elle avait demandé s'il mangeait suffisamment, il avait bêtement répondu « non ». Il ne savait pas pourquoi, c'était parti tout seul. Elle avait mis un mot sur son carnet, et l'oncle de Harry était entré dans une colère terrible, hurlant pendant des heures que son neveu lui coûtait bien assez cher à nourrir, et que c'était une honte de voir avec quelle ingratitude sa générosité était récompensée. Et ledit neveu avait bien sur été puni d'une semaine de placard. Quelques heures plus tard, Harry se présenta devant l'infirmière. A sa demande, il se déshabilla, passa sous la toise et monta sur la balance. La femme fronça les sourcils en voyant qu'il n'avait pris que deux centimètres, et un kilo, depuis l'année précédente. De nouveau, elle lui demanda s'il mangeait mais cette fois Harry se dépêcha de répondre oui. Elle continua d'avoir l'air inquiet, mais n'insista pas et continua l'examen, en demandant à Harry de lire des lettres écrites sur une affiche, à quelques mètres. Au début, l'enfant trouva cela facile, mais rapidement il fut incapable de déchiffrer ce qui était inscrit.
« Dis-moi, Harry, à l'école tu vois bien ce qui est écrit au tableau ?
Harry hésita, se demandant si l'avertissement de son oncle s'appliquait aussi à ce genre de questions, et il décida que non. - Non, répondit-il.
- Eh bien je crains fort que tu n'aies besoin de lunettes. » Elle commença à écrire sur un papier à en-tête. « Tiens, tu donneras ça à tes parents. Tu peux partir. »
A midi, le surveillant prit place, comme d'habitude, à côté de Harry. « Bonjour, dit-il avec un grand sourire.
- Bonjour, répondit le petit garçon.
- Alors, qu'est-ce que tu as fait ce Week-end ?
- Je suis resté à la maison.
« Et heureusement, pensa Lupin, que tu n'en es pas sorti. » Mais à la place il dit : « Et la visite médicale, ce matin, ça s'est bien passé ?
- Oh, oui, répondit Harry.
- Tu es sûr ? » Le loup garou avait appris, à force de fréquenter le petit garçon, à déceler la subtile nuance dans la voix quand Harry dissimulait la vérité. L'enfant resta un moment silencieux, puis il se décida à poser la question qui le tourmentait :
« Ca coûte cher des lunettes ?
- Il y a différents prix. Et c'est remboursé par la sécurité sociale. Tu as besoin de lunettes ? » Harry hocha la tête.
« Je sous sûr que ta famille t'en achèteras. Ne t'inquiète pas, ce n'est pas si cher que ça. »
Les jours passèrent, puis les semaines. Un soir, Sarah somnolait en rangeant ses affaires. Elle avait reçu deux familles ce soir là. Son regard s'attarda sur les tables en face d'elle. Chacune évoquait maintenant un enfant. Julien, si rêveur. Céline, l'élève modèle. Ann la pipelette. Dudley, qu'elle avait essayé de ménager pour rester dans les bonnes grâces de sa mère. Et Harry, que depuis le premier jour elle s'était juré d'aider, mais qui semblait toujours aussi renfermé, aussi inaccessible. Ses collègues lui avaient dit que sa croisade serait inutile, mais elle pouvait pas supporter de voir ces grands yeux verts si tristes.
Un léger coup fut frappé à la porte. « Entrez, » fit Sarah.
La porte s'ouvrit, et le visage de Rémus Lupin s'encadra. Il avait d'énormes cernes sous les yeux, et l'air malade. « Bonjour, Rémus. Tu vas bien ?
- Oh, je suis un peu fatigué dernièrement, mais à part ça plutôt bien. Il y a quelque chose dont je voudrais te parler. C'est au sujet de Harry.
Sarah avait remarqué que le nouveau surveillant semblait beaucoup s'intéresser au plus effacé de ces élèves. « Aurais-tu réussi à le faire parler ?
- Et bien pas vraiment. C'est juste que, le jour de la visite médicale, tu te rappelles ?
- Oui, très bien. Une horrible matinée pendant laquelle les élèves n'ont pas arrêté de faire des allées venues. impossible de travailler. » Elle s'inquiéta soudain. « Est-ce qu'en plus du reste Harry serait malade ? J'ai remarqué qu'il semblait souvent perdu, Régine n'a jamais mentionné cela.
- Non, la rassura le surveillant. Harry est myope. C'est probablement à cause de cela qu'il semble perdu. Mais cela fait plusieurs semaines maintenant, et il ne semble pas avoir de lunettes. Je me demandais si tu ne pouvais pas obtenir des Dursley qu'ils fassent quelque chose à ce sujet.
- Je ne sais pas. Il est probable qu'ils sont déjà au courant. Et si je les convoque pour leur en parler. Il est probable qu'ils vont me dire qu'un orphelin est une lourde charge pour une famille comme la leur. C'est déjà ce qu'il m'ont dit le jour où j'ai suggéré qu'ils rachètent des stylos à Harry . Il hérite en général de ceux de son cousin, et Dudley ne prend pas tellement soin de ses affaires. »
Rémus fronça les sourcils. « De telles personnes n'auraient jamais dû être autorisées à s'occuper d'un enfant tel que Harry, »gronda-t-il d'une voix menaçante.
Sarah regarda son collègue, étonnée. Jamais elle ne l'avait vu s'énerver ainsi, même quand certains enfants étaient vraiment insupportable. Il sembla remarquer sa surprise. « Désolé, dit-il, de son ton habituel. Je n'aurais pas dû m'énerver ainsi. Mais ça me révolte de voir cet enfant ainsi étouffé. Et je suis vraiment fatigué en ce moment.
- Ne t'excuse pas. Je suis entièrement d'accord avec toi au sujet de Harry. Mais c'est vrai que tu as l'air malade. Tu devrais peut-être prendre quelques jours de repos. Tu fais un travail merveilleux avec les enfants, mais si tu n'étais pas là pendant un jour où deux, on s'en sortirait.
- Non, je vais bien. Je vais simplement me coucher tôt ce soir. Au sujet de Harry, cependant.
- Je vais parler aux Dursley. Mais ils risquent de ne pas apprécier.
- Merci.
- De rien. C'est mon devoir, de toute façon. Maintenant rentre chez toi, Rémus, avant de t'effondrer dans ma classe. Et bonne nuit.
Il lui sourit, boutonna son long manteau bleu, et partit.
Toute la soirée, et une partie de la journée du lendemain, Sarah se creusa la tête pour essayer de trouver un prétexte acceptable pour faire venir les Dursley à l'école. Si elle mettait un mot sur le carnet de Harry, elle recevrait probablement une réponse disant qu'ils étaient trop occupés. Si elle faisait la même chose avec Dudley, il était probable que sa mère se précipiterait, mais la jeune femme n'était pas sûre de ce qu'elle pourrait dire au sujet du gros garçon. A part l'épisode du premier jour, il s'était remarquablement bien tenu en classe, et semblait même faire quelques efforts pour rendre un travail plus soigné. Bien sûr, elle pouvait faire venir la mère pour la féliciter, mais est-ce que cela ne risquait pas de paraître un peu suspect. Finalement, le problème se résolut tout seul : à dix heures, Dudley lui apporta un mot de sa mère signifiant qu'elle désirait la voir le plus tôt possible.
« Dis lui de venir demain soir, ou même en venant te chercher tout à l'heure, si elle a un moment, proposa l'institutrice, en s'efforçant de ne pas montrer son soulagement. Elle se demanda ce que Pétunia Dursley pouvait bien avoir à lui dire.
Cet après-midi là, la classe de Ce2 avait un cours de musique. Sarah, qui n'avait aucun sens du rythme et chantait particulièrement faux, avait demandé l'aide de Rémus. Celui-ci l'accompagna dans sa classe après la récréation de trois heures. Les enfants semblaient content de travailler. Elle remarqua que l'homme n'avait pas l'air en meilleur point que la veille, ce qui ne l'empêcha pas de déployer une grande énergie pour rendre le moment agréable. Il faisait chanter les enfants depuis quelques minutes, marquant la mesure avec une drôle de baguette en bois, quand on frappa à la porte. Une petite fille blonde entra.
« Bonjour, dit-elle d'une voix timide. Patrick est encore malade et la maîtresse a dit d'aller chercher Rémus. »Patrick était un élève de CP, sujet à des crises d'asthme. L'homme blond s'excusa, et glissa la baguette en bois dans sa poche avant de quitter la pièce précipitamment, oubliant son manteau. Sarah soupira et se résigna à finir elle-même la leçon de musique.
Les enfants étaient à peine sortis depuis cinq minutes que l'institutrice entendit une voix perçante en provenance de la porte. « Bonjour, Mademoiselle. Je suis contente que vous ayez accepté de me recevoir aussi rapidement. Voyez-vous mon mari et moi avons été choqués par ce que nous a raconté notre cher petit garçon hier soir.
- Ah ? demanda Sarah, un peu inquiète.
- Oh, rassurez-vous, il ne s'est absolument pas plaint de vous. Il s'agit de cet homme qui surveille la cantine, ce Rémus. Vous admettrez d'ailleurs que ce n'est pas un prénom pour une personne convenable : Rémus. Il paraîtrait qu'il s'amuse régulièrement à humilier publiquement les enfants.
- Peut-être a-t-il simplement un humour un peu particulier.
- Non. Il les ridiculise, et en présence de leurs amis, vous rendez- vous compte ? Et sa cible favorite est Dudley, alors que mon petit ange ne fait jamais rien de mal ! Le pauvre est complètement traumatisé ! Il m'a dit que cet homme s'était lié d'amitié avec certains enfants, qu'il ne punissait jamais quoi qu'ils fassent, mais que lui était insulté toutes les cinq minutes !
- C'est étonnant, ce que vous me dites là. Je n'en avais aucune idée. Les enfants semblent beaucoup aimer Rémus. aucun ne s'est jamais plaint.
- Il me semble qu'il a ses favoris, Harry, par exemple, et ses souffre-douleur, comme mon pauvre Duddy. Soit dit en passant, je me demande quels sont ses critères de sélection. Mais là n'est pas la question. Vous admettrez qu'une telle situation n'est pas tolérable.
- En effet, répondit Sarah avec toute la diplomatie dont elle était capable. Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire, malheureusement, mais je transmettrai vos craintes à la directrice. » Elle savait que tout ceci n'était que pure invention, et avait bien l'intention de le dire à Viviane, mais elle préférait rester dans les bonnes grâces de son interlocutrices avant d'aborder le sujet qui lui tenait à c?ur.
« Dites moi, à propos de Harry. - Qu'a-t-il encore fait celui-là ? coupa Pétunia Dursley, alors que son visage prenait l'habituelle expression méprisante qu'il arborait quand on parlait de son neveu.
- Rien. Je me demandais simplement s'il n'avait pas des problèmes de vue. - Si, c'est bien possible. Il semble avoir pris toutes les tares qu'il a pu trouver. On dirait vraiment qu'il le fait exprès. - C'est vrai que ce n'est pas de chance. Mais après tout, une légère myopie, bien corrigée, n'est pas un grave problème. N'avez-vous pas l'intention de lui faire faire des lunettes ?
- Nous n'avons malheureusement pas les moyens, pour le moment, de faire une telle dépense pour cet enfant. De plus, il est probable que si nous lui offrons des lunettes, il faudra les changer dans quelques mois. Mieux vaut attendre un peu, qu'il en ait vraiment besoin. »
Sarah allait répliquer quand un léger coup fut frappé à la porte qui s'ouvrit, révélant Rémus. « Oh, non, pensa l'institutrice. Tu n'as vraiment pas choisi le bon moment, Rémus. S'il te plaît ne te présente pas ! » Mais le surveillant eut simplement un sourire d'excuse.
« Désolé de vous déranger, dit-il aimablement. Je venais juste reprendre mes affaires. » Il lança un coup d'?il rapide à la femme, sans vraiment la regarder. Elle, par contre le fixa intensément. Une impression de surprise et d'incrédulité se peignit sur son visage, rapidement suivie par un mélange colère et de peur. « Rémus, lança-t-elle d'une voix rauque. Rémus Lupin. » Le ton était glacial .
L'homme releva la tête en entendant son nom, et il examina plus attentivement celle qui venait de l'appeler. Ses yeux perdirent leur habituelle chaleur, cette gentillesse dont il ne se départait jamais, et c'est avec une jovialité forcée qui ne trompa personne qu'il déclara : « Pétunia ! Cela fait bien dix ans !
- J'aurais dû me douter que seul l'un d'entre vous pouvait porter un prénom pareil ! Qu'est-ce que tu fabriques ici, Rémus ? » La tante de Harry ne semblait pas s'embarrasser de politesse avec le surveillant. Apparemment, s'ils s'étaient connus autrefois, ils ne s'entendaient pas.
« Je travaille. Aucune loi ne l'interdit.
- Les gens de ton espèce n'ont rien à faire avec des enfants normaux. Ne t'avises plus de t'approcher à moins de vingt mètres de mon Dudley. Tu l'as suffisamment traumatisé.
- Je n'ai rien fait à ton obèse de fils, Pétunia. Si je l'ai parfois remis à sa place, tout le monde ici pourra témoigner qu'il le méritait amplement. Par contre, je me demande ce que Harry a fait pour mériter le traitement que vous lui administrez.
- Aucun d'entre vous n'avez à intervenir dans la manière dont Vernon et moi élevons cet enfant. Si tu te soucies de lui à ce point, tu étais libre de le prendre à la mort de ses parents. Nous nous serions bien passés d'avoir à le ramasser sur le pas de la porte avec les bouteilles de lait, merci.
- Tu sais très bien pourquoi ni moi ni aucun autre sorcier ne pouvions faire cela, hurla Rémus.
- Ne prononce pas ce mot !»
Sarah assistait à l'échange, impuissante. Le ton montait inexorablement, et elle devait faire quelque chose avant qu'ils ne rameutent toute l'école et la moitié de la ville.
« Excusez-moi, dit-elle d'un ton ferme, mais quels que soient vos problèmes ce n'est peut-être ni le lieu ni le moment pour une telle discussion. »
Ils la regardèrent, surpris. Visiblement, tous deux avaient complètement oublié sa présence. Lupin rougit. « Tu as raison. Désolé de m'être emporté, » dit-il à voix basse.
Mais il ne s'excusa pas envers Mme Dursley. Celle-ci lui lança un dernier regard de dégoût, et se prépara à partir. Mais avant de franchir la porte, elle se retourna :
« Vous avez de bien étranges collègues, mademoiselle, siffla-t-elle. J'ose encore espérer que vous n'étiez pas au courant. Méfiez-vous de lui, il ne vous apportera que des ennuis. De toute façon, Vernon et moi ne tolérerons pas une telle situation. Vous aurez de nos nouvelles. » Elle s'en fut en claquant la porte.
Lupin se laissa tomber sur une chaise, complètement vidé. Ceci n'avait pas été prévu. Il n'avait plus vu Pétunia depuis le mariage de Lily et James, et elle avait tellement changé qu'il ne l'avait pas reconnue. Apparemment, elle était plus physionomiste. Il devait parler à Dumbledore, d'urgence. Mais la dernière nuit de pleine lune du mois avait eu lieu la vaille au soir, et il avait besoin de reprendre son souffle après cette violente altercation. Une main se posa soudain sur son épaule. « Rémus, fit la voix de Sarah, inquiète. Tu vas bien ?
- Oui, répondit-il en levant la tête pour la regarder dans les yeux. J'ai juste besoin de repos.
- Ne le prends pas mal, mais tu as une mine encore plus épouvantable qu'hier.
- Ca passera. » Il étouffa un bâillement.
« J'ignorais que tu connaissais la famille de Harry. » Le loup-garou s'attendait à cette question, et la redoutait. Il se demandait ce qui avait pu être dévoilé au cours de la conversation, et comment répondre de manière satisfaisant aux questions de l'institutrice. Il répugnait à effacer sa mémoire. Cela lui avait toujours semblé malhonnête, et il appréciait cette jeune femme qui se donnait tellement de mal pour Harry. Elle avait droit à la vérité. Et celle partie là de la vérité, décida-t-il ne pouvait pas nuire.
Elle attendait patiemment qu'il se décide à parler. Rémus prit une grande inspiration.
« Les parents de Harry et moi sommes allés à l'école ensemble, déclara-t-il enfin. James, son père, et moi, étions très amis. Pétunia était la s?ur de Lily, la mère de Harry. Mais elles ne se sont jamais entendues. Cela arrive dans les familles, mais là c'était particulièrement fort. Toutes deux se sont mariées très jeunes, Lily dès sa sortie du collège, à dix-huit ans. Il a fallu toute la persuasion de leurs parents pour que Pétunia daigne se montrer. Ou pour qu'elle invite sa s?ur à son propre mariage, trois mois plus tard. A la mort de leur père, peu après, elles ont failli en venir aux mains. Elles étaient toutes les deux enceintes, et leurs maris essayaient de les retenir tout en se lançant l'un à l'autre des regards furibonds. La situation aurait pu être comique si elle n'avait pas été aussi pathétique. C'est la dernière fois qu'elles se sont vues. La haine des Dursley envers Lily et James s'est visiblement transmise à Harry.
« Et toi, dans tout cela ?
- En tant qu'ami de James, je suis inclus dedans.
- C'est à cause de Harry que tu es venu ici ?
En partie, oui. Et quand je vois ce qu'ils lui ont fait, je me sens tellement coupable ! C'était un bébé merveilleux, ses parents auraient voulu qu'il soit heureux. Il n'aurait jamais dû être confié aux Dursley. »
Sur cette affirmation amère, Rémus se leva. Il savait qu'il ne pourrait pas répondre à toutes les questions de son interlocutrice, et il devait parler à Dumbledore le soir même. Après s'être une fois de plus excusé il reprit son manteau et sortit, laissant Sarah un peu désorientée. Comment ce qui semblait n'être qu'un désaccord familial avait atteint des proportions telles que même les amis du mari de Lily étaient spontanément haïs ? Pourquoi cet homme avait-il cherché à revoir le fils de son ami après si longtemps ? Et elle était sûre qu'il avait prononcé le mot Sorcier. « aucun autre sorcier »avait-il dit. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?
Merci aux lecteurs et reviewers.
Rose Potter, tu étais effectivement la première, merci de t'être manifestée si rapidement.
Hermichocos : Merci. Tu vas me faire rougir, c'est vraiment trop, là. Et écris la, ta fic, j'aimerais bien la lire.
Merci aussi à Majandra, Amber Benson, Casey, et petite Elfe (ton mail est arrivé avant même la première review alert, et m'a fait énormément plaisir). Aliénor et Tsuki_chan, merci pour vos conseils de présentation (j'ai essayé d'améliorer la mise en page de ce chapitre). Enfin, pour répondre à la question de Sylphide dorée, neuf ou dix chapitres sont prévus pour le moment.
Gros bisous à tous !
