Chapitre 3 : la punition
Dudley avait réussi à trouver Harry et le poursuivait à travers toute la cour quand ils furent appelés par la tante Pétunia. Jamais elle n'avait paru aussi furieuse, même le jour où Harry avait accidentellement cassé un vase de chine en courant pour échapper à son cousin. C'est en tremblant que le petit garçon aux cheveux noirs accourut auprès de sa tante. Il ignorait ce qu'il avait fait pour la provoquer, mais il savait une chose : une telle colère ne pouvait être dirigée que contre lui.
Cependant, Pétunia n'explosa pas comme il le craignait. Elle saisit Dudley par une main, Harry par l'autre, et les entraîna vers la sortir, si rapidement que les deux enfants durent se mettre à courir pour la suivre. « Attends, maman ! Pas si vite », haleta Dudley qui n'aimait pas se presser. Mais, pour la première fois de sa vie, sa mère ne l'écouta pas. Au contraire, elle accéléra encore, toujours sans dire un mot. Ce n'est qu'en arrivant à Privet Drive qu'elle consentit à les laisser souffler.
« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Dudley en essayant de reprendre sa respiration. La tante Pétunia lui jeta un regard compatissant avant de se jeter sur lui et de le serrer dans ses bras.
« Mon chéri, roucoula-t-elle. Tu avais mille fois raison. Ce surveillant est un horrible bonhomme. Mais ne t'inquiète pas, tu n'auras plus à le supporter, je te le promets.
- Tu l'as fait virer ? demanda son fils. C'est cool, mais ce n'était pas une raison pour se mettre à courir. Je suis presque mort de fatigue.
- Pauvre canard. Maman est désolée. L'horrible monsieur est encore là et c'est pour ça que nous sommes rentrés aussi vite. Maman doit parler avec Papa dès qu'il rentrera. »
Harry n'avait rien dit. Il ressentait un mélange de soulagement et d'inquiétude. Soulagement, parce que la colère de sa tante ne semblait pas dirigée contre lui. Inquiétude, parce qu'il aimait bien Rémus, et ne voulait pas que sa tante soit trop méchante avec lui, ou le force à s'en aller. Mais aussi parce que sa tante semblait elle aussi avoir peur, et qu'il se demandait ce qui se passait. Il n'aimait pas les gens chez qui il vivait, et c'était réciproque, mais il était encore à l'âge où les parents, ou ceux qui les remplacent, apparaissent comme un bloc inébranlable. Si sa tante était effrayée, c'est que quelque chose de vraiment terrible allait arriver, et il risquait d'être entraîné dans la tourmente.
A ce moment, on entendit le bruit de la voiture d'Oncle Vernon dans l'allée. L'homme apparut quelques instants plus tard, embrassa son fils puis sa femme avant de remarquer l'expression de cette dernière. Il se tourna alors vers Harry. « Toi, tonna-t-il. Qu'est-ce que tu as encore fait ? - Rien, Oncle Vernon, murmura le petit garçon.
- Ne mens pas, mon garçon. Pétunia, ne te laisse pas abattre. Quoi que ce petit monstre ait fait, je te jure que la punition le lui fera regretter.
- Vernon, ils l'ont retrouvé. L'un d'eux est à l'école. C'est le nouveau surveillant qui maltraitait Duddy.
- Mon Dieu, gémit Vernon. Visiblement, cette phrase avait un sens pour lui. - Nous n'allons pas nous laisser faire, Pétunia, dit-il d'un ton furieux. S'ils veulent le reprendre, après tout, ce n'est pas à moi qu'il manquera. Sinon, qu'ils nous fichent la paix. »
Le lendemain, l'oncle Dursley se joignit à la tante Pétunia pour emmener les enfants à l'école. « Je ne veux pas que vous vous approchiez de cet homme. Compris ? » Les cousins acquiescèrent. Mais déjà Rémus Lupin s'avançait vers eux.
Après une longue conversation avec Dumbledore, il avait décidé que la seule solution était de parler aux Dursley. Et cette perspective était loin de l'enchanter. Dès qu'il vit la famille approcher, il s'approcha d'elle. Il remarqua immédiatement que Vernon éloignait son fils et son neveu.
« Bonjour, dit-il, alors que la cloche sonnait. Je crois que Pétunia et moi avons eu un léger malentendu hier soir.
- Vous n'avez rien à faire chez les gens normaux, répliqua Vernon. Il y a sept ans que nous avons rompu tout lien avec votre monde.
- Vous, peut-être, et je ne vous oblige pas à avoir des contacts avec moi. En fait, cela m'arrangerait plutôt que nous n'en ayons pas. Mais Harry est un sorcier, que vous le vouliez ou non. Et c'est même un sorcier célèbre.
- Harry ne sera jamais un sorcier. Et Dudley ne fréquentera pas quelqu'un comme vous. J'ai suffisamment de relations pour vous faire virer si vous ne décidez pas de partir de vous-même.
- C'est totalement exclu. » A ce moment, la directrice s'approcha d'eux, avant de rejoindre sa classe.
« Un problème, Rémus ? Pourquoi n'êtes vous pas dans la cour ? Je vous cherchais. Sarah n'est pas encore arrivée, vous serez assez aimable pour surveiller sa classe.
- Non. Il n'y a pas de problème, répondit celui-ci en lançant un regard d'acier à Vernon. Viviane s'éloigna sans insister. Si vous tentez quoi que ce soit, ajouta-t-il, pour révéler qui je suis ou pour me faire virer, comme vous dites, vous subirez la colère de Dumbledore. Et même Voldemort l'a toujours craint, si ce nom évoque quelque chose pour un moldu bouché comme vous l'êtes. Je ne suis pas ici par plaisir, ni pour vous espionner. Vous vous en moquez probablement mais Harry est en danger. »
Sur ce, il tourna les talons et rentra dans l'école, sans remarquer Sarah qui arrivait à la hâte.
La jeune institutrice avait subi ce matin-là la fameuse «panne de réveil » tant redoutée par tous les gens travaillant à heures fixe Lorsqu'elle arriva en vue de l'école, la cloche sonna, et c'est à la hâte qu'elle se gara et sortit son sac. Claquant la porte, elle se précipita vers la grille d'entrée, et aperçut, en tournant au coin de l'école, Rémus avec les parents de Dudley, et la directrice. Elle accéléra encore l'allure, courant presque. Alors que Viviane s'éloignait, Rémus se mit à crier, et elle entendit distinctement ses paroles.
Elle s'arrêta alors à quelques mètres du groupe, pour ne pas que son involontaire indiscrétion soit remarquée. Et, sans un regard dans sa direction le surveillant fit brusquement demi-tour et rentra dans l'école. Les Dursley restèrent un moment immobiles, comme sous l'effet d'un choc. Puis ils commencèrent à reculer lentement. Sarah se remit à courir en direction de l'école, comme si elle venait réellement d'arriver. Elle espérait qu'ils seraient trop énervés, ou trop choqués, pour la remarquer, mais le moustachu l'apostropha d'une voix furieuse : « Je ne suis pas sûr qu'arriver à cette heure ci soit le bon exemple à donner à nos enfants ! Il se passe de drôles de choses dans cette école ! »
Sarah fut tellement stupéfaite qu'il ose lui faire la leçon sur ce ton qu'elle ne trouva rien à répondre.
« Et je vous préviens, ajouta-t-il. Si le dégénéré qui vous faire d'assistant s'approche encore de mon fils, ou s'il s'amuse à mettre des idioties dans la tête de mon neveu, je vous tiendrai pour responsable. J'espère que vous me comprenez. » Sur ce il entraîna sa femme vers la sortie.
Complètement abasourdie, Sarah se dirigea lentement vers l'endroit où sa classe l'attendait, parfaitement rangée, sous la direction de Rémus. Celui- ci avait retrouvé son air calme et gentil habituel. « Alors, est-ce que le réveil n'a pas sonné ou est-ce que la voiture était en panne, mademoiselle l'institutrice ? »plaisanta-t-il. - La première proposition, merci de me les avoir gardés, répondit Sarah sans sourire. Le souvenir de l'éclat de Vernon Dursley était encore trop proche. On y va, les enfants, excusez-moi de ce léger retard. »
Et elle emmena sa classe, sans adresser davantage la parole à Rémus. Après avoir distribué les évaluations de mathématiques prévues pour ce début de matinée, elle disposa d'un moment de calme. Mais son esprit revenait sans cesse à la scène de ce matin. Quelle que soit la manière dont elle la prenait, elle ne comprenait rien à la situation. La haine des Dursley à l'égard de Rémus, et de Harry était totalement irrationnelle. Et il y avait l'éclat de voix de Rémus, auquel elle n'avait rien compris. Pourquoi Harry serait-il en danger ? Et qu'est-ce que c'était que ce caractéristique qu'il avait utilisé pour qualifier Vernon ? Moldu ? Cela ne voulait rien dire. et il y avait aussi ces gens qu'il avait mentionnés et dont elle avait oublié les noms, mais qui avaient paru si menaçants aux deux autres.
Sarah s'était toujours félicitée d'avoir un instinct très sûr sur les gens. Lorsqu'elle accordait sa confiance, spontanément, à quelqu'un, elle n'était généralement pas déçue. Et c'était l'impression qu'elle avait eue au premier abord avec Rémus : qu'il était digne de confiance. Elle s'était tout de suite sentie attirée par lui. Mais à présent, elle se demandait si elle n'avait pas eu tort. L'homme cachait de lourds secrets. Pourtant, il semblait trop gentil pour être un quelconque malfaiteur, tout en elle refusait cette idée. Un léger bruit interrompit ses pensées. « Mademoiselle ?
- Oui, Céline.
- J'ai fini. » Déjà ? Il ne s'était écoulé que la moitié du temps prévu pour le test. Elle pensait de plus en plus souvent qu'il pourrait être bénéfique de faire sauter une classe à Céline. Autrement, elle allait finir par s'ennuyer.
« C'est bien, dit l'institutrice. Donne-moi ta feuille et tu peux continuer ton livre. »
Elle savait que la petite fille avait toujours sur elle un ou deux livres, qui lui étaient utiles puisqu'elle faisait tout deux fois plus vite que les autres. Mais les pensées de Sarah ne s'attardèrent pas sur Céline. Harry, juste derrière, écrivait consciencieusement. A un moment, il sembla réfléchir, et ramena machinalement une mèche de cheveux rebelles derrière son oreille, dévoilant la curieuse cicatrice en forme d'éclair qu'il avait sur le front.
Comment Sarah parvint à finir sa matinée d'enseignement sans prêter aucune attention à ce qu'elle faisait, cela relevait du miracle. A la récréation de dix heures, elle ne descendit pas dans la cour, pour ne pas rencontrer Rémus. Mais à onze heures et demi, alors que les enfants partaient manger, le surveillant vint la voir.
« Alors, demanda-t-il, comment s'est passée cette matinée ?
- Bien, répondit-elle sèchement.
- J'ai un petit service à cous demander. J'aimerais emprunter Harry cet après-midi.
- Comment cela ?
- Je n'avais rien de particulier à faire, et j'ai réussi à persuader la directrice de me donner mon après-midi. - Vous ne pouvez pas emmener Harry, s'indigna Sarah.
- Pourquoi pas ? Manquer un cours ne serait pas une telle catastrophe pour lui, je suppose. Et, étant donné mon métier, je suis parfaitement capable de prendre soin de lui.
- Pourquoi pas ? Sarah faillit s'étrangler. C'est absolument illégal, Rémus. Les enfants sont sous ma responsabilité pendant les heures de classe, et ils ne sont pas sensés passer tout l'après-midi avec vous, en plus ils ne doivent pas quitter l'école sans autorisation signée par un responsable. Si cela venait à se savoir, nous aurions tous deux les pires ennuis, et je ne veux pas que ma carrière commence par un blâme.
- Oups, désolé. J'ai dû sauter une page dans le manuel du parfait aide- éducateur.
- Tout le monde sait cela, éducateur ou pas.
- Bien sûr, je le savais, mentit Rémus, je n'y avais simplement pas pensé. » Il regarda attentivement la jeune femme. « Je ne t'avais jamais vue aussi nerveuse. Il y a quelque chose qui ne va pas ? Sarah se sentit fondre. Elle remarqua qu'elle ne parvenait pas à rester fâchée contre Rémus. Elle soupira.
« C'est simplement que je trouve bizarre que tu viennes me demander d'emprunter Harry, alors qu'il y a quelques heures on m'a recommandé de ne pas te laisser l'approcher.
- Tu as vu Dursley ce matin ? » Il ne semblait ni ennuyé ni même surpris.
- Oui, avoua-t-elle.
- Et que t'a-t-il dit ? De me maintenir à l'écart de Harry et Dudley ?
- Plus précisément de t'empêcher d'approcher de Dudley ou de mettre des bêtises dans la tête de Harry. Ce qui, je suppose, exclut le fait que vous passiez un après-midi en tête-à-tête.
Lupin eut un sourire ironique. « Je me demande ce que lui, il a raconté comme bêtises à ce garçon toute sa vie. - Pourquoi vouliez vous emmener Harry ? demanda Sarah.
- Pour lui acheter des lunettes. Je commence à suffisamment connaître Vernon pour savoir qu'il ne le fera pas.
- Il m'a menacée des pires ennuis si je ne respectais pas ses instructions. Je n'avais jamais rencontré quelqu'un d'aussi furieux.
- Ne t'inquiète pas. Vernon aboie fort et beaucoup, mais il ne mordra pas. Il n'osera pas. »
Toujours cette certitude, cette confiance qu'il avait déjà montrée quand il avait menacé le gros homme. Qui que soient les gens qui le protégeaient, ils devaient être très puissants. « Rémus, demanda-t-elle d'un ton timide. J'ai entendu la fin de ta conversation avec Vernon Dursley. » Il posa un énorme soupir. « .Je n'ai pas fait exprès, s'excusa-t-elle mais vous n'étiez pas vraiment discrets, et.
- Non, tu n'y es pour rien. Une fois de plus, je n'aurais pas dû m'emporter. Je suppose qu'avec ce que tu as entendu hier, en plus, tu dois te poser beaucoup de questions, et je comprends que tu hésites à me confier Harry. - Ce n'est pas seulement cela. De toute façon, je ne te l'aurais pas laissé cet après-midi. Mais je suis inquiète, Rémus. Pourquoi Est-ce que Harry est vraiment en danger ?
- C'est possible, répondit honnêtement le surveillant. Rien n'est encore sûr à ce stade.
- Mais pourquoi ? Et qui es-tu vraiment ? Pourquoi utilises-tu un code avec les Dursley ?
- Je suis désolé, mais il y a beaucoup de choses que je n'ai pas le droit de te dire. Les Potter et moi faisions partie d'une communauté, nous étions des genres d'agents secrets. Il y avait à l'époque un malfaiteur très puisant. C'est lui qui a tué les parents de Harry. Il a essayé de tuer Harry, mais n'y est pas parvenu.
- Pourquoi ? »
Il haussa les épaules. « C'est sans importance. En tout cas, il a été tué, du moins c'est ce que nous pensons, à la suite de cette opération, et la plupart de ses partisans ont été arrêtés. Le problème, c'est que beaucoup ont été libérés ou se sont évadés récemment, et nous craignons qu'ils ne s'en prennent à Harry.
- Pourquoi ? Je veux dire qu'il n'a jamais été vraiment impliqué dans la lutte, pas à un an.
- Parce que c'est en essayant de le tuer que leur chef a été détruit. Et parce que pour nous, il est devenu un symbole, et ils le savent.
- c'est cela les idioties que Vernon craignait que tu ne mettes dans la tête de son neveu ?
- En partie. Harry ne sait rien de tout cela. Il croit que ses parents sont morts dans un accident de voiture.
- C'est aussi bien ainsi, non ? Pourquoi l'inquiéter inutilement ? En tout cas si je peux t'aider à protéger Harry, je suis volontaire.
- Merci. Mais il n'y a pas grand chose que tu puisses faire. Préviens-moi si des individus bizarres tournent autour de lui. Ou si Harry lui-même se comporte étrangement. Et, s'il te plaît, ne parle de cela à personne. Il y a des enjeux plus importants que tout ce que tu peux imaginer.
Sarah hocha la tête. « Je ne dirai rien. Pour les lunettes de Harry. ajouta- t-elle.
- Oublie cela. Je ne veux pas te poser de problèmes.
- Non. Je ne veux pas qu'il soit négligé plus longtemps. Si tu veux, tu peux l'emmener demain midi. Il n'est pas sous ma responsabilité pendant la pose déjeuner. Maintenant, et si nous allions manger ? »
Mais Harry refusa que le surveillant l'emmène acheter des lunettes. Il ne dit pas pourquoi, il était évident que la peur de désobéir à son oncle était la raison de ce refus. Sarah enrageait de se sentir aussi impuissante face à la situation désastreuse de cet enfant.
Les jours filaient lentement, et Décembre arrivait. Un matin froid, Harry finissait ses opérations. Il fit attention de ne pas oublier la retenue sur la dernière soustraction, et alors que, satisfait, il inscrivait le dernier chiffre du résultat, la sonnerie retentit. La maîtresse les autorisa à sortir, et Harry prit son manteau.
« Attends, lui demanda Ann. Qu'est-ce que tu fais toujours tout seul pendant les récréations ?
- Rien de particulier.
- Tu sais, des fois, j'en ai marre des autres. Tu veux venir jouer avec moi ?
- Les autres vont se moquer de vous si je viens jouer avec vous. Comme l'année dernière.
- J'ai réfléchi : je me moque de ce qu'ils peuvent dire. Ils sont bêtes. Ce sont bien des garçons. Oups, je ne parlais pas pour toi. Alors, tu viens ?
- Et si Dudley et ses copains viennent t'attaquer ?
- Ils ne viendront pas. Mon père m'a dit que si un garçon osait lever la main sur moi, je devais lui dire tout de suite et qu'il lui ferait subir la colère monstrueuse numéro cinq. Celle qui vous enlève à tout jamais l'envie de recommencer. » Harry sourit et acquiesça. Si les colères de l'instituteur s'apparentaient un minimum avec celles de l'oncle Vernon, alors il n'avait rien à craindre.
« Je viens. Merci . »
Ils se rendirent dans un coin de la cour, mais, au lieu de jouer, se mirent à parler. « Alors, demanda Ann. Comment c'est de vivre avec Dudley ?
- Horrible. Bien sûr.
- Et ses parents, ils sont comment ?
- Affreux. Et les tiens ? Ce n'est pas bizarre d'avoir son père dans l'école ? » Harry n'avait pas du tout envie de parler de sa vie chez les Dursley.
- Je ne sais pas. Pour moi, ce qui serait bizarre, c'est qu'il ne soit pas là. Et puis ça a des avantages : tout le monde a peur de lui. Mais il sait toujours tout ce que je fais, puisqu'il connaît bien la maîtresse. Des fois, c'est dur. Ma mère est aussi instit, à la maternelle à côté, ce qui fait que j'ai toujours eu un de mes parents à l'école.
Il y eut un silence, puis la petite fille reprit : « Pourquoi tu ne vis pas avec tes parents ?
- Ils sont morts.
- Oh, je suis désolée. » Mais la curiosité fut la plus forte. « comment sont-ils morts ? demanda-t-elle.
- Un accident de voiture.
- Tu y étais ?
- Oui, mais je ne m'en souviens pas. J'étais trop petit, j'avais un an. » Il releva la mèche qui lui couvrait le front. « C'est là que j'ai eu cette cicatrice, ajouta-t-il.
- C'est triste. »
A ce moment, leur tranquille conversation fut interrompue par une voix railleuse : « Eh, Ann ! Tu sais, si tu cherchais un petit ami, tu aurais pu trouver mieux que Harry. Demain, tu vas venir avec de vieux vêtements trop grands pour lui plaire ?
- Va-t'en, Piers. Lui au moins, il a un cerveau.
- Mais il a pas de parents. C'est pour ça que les parents de Dudley ont du lui faire la charité. Pas vrai Dudley ? » lança-t-il en direction du gros qui arrivait aussi vite que son dandinement le lui permettait.
- Ouais. Même que papa dit qu'il a jamais vu un enfant coûter aussi cher, et que peut-être si ses parents n'avaient pas été aussi fainéants, on aurait hérité de quelque chose de valable en plus de lui.
- Allez vous en ou j'appelle mon père.
- Tiens, la petite fille à son papa est de retour. » Il s'approcha d'elle, la bloquant dans un coin. « Tu n'as pas intérêt à lui dire quoi que ce soit. Sinon, peut-être que Harry sera le seul qui voudra encore être ton ami. Les deux chochottes, ça sera vous. »
Ann se mit à crier, et Dudley commença à lui tirer les cheveux.
« Arrête, Dudley. Dit Harry. Le gros garçon se tourna vers son cousin. « Je crois que j'entends mal. La demi portion a osé me donner un ordre. Tu peux répéter ?» Une froide colère emporta la terreur de Harry.
- J'ai dit arrête. Elle ne t'a rien fait.
- Ah oui ? Et si mon père m'avais demandé de veillé à ce que tu ne pervertisse personne ? Je pourrais dire que je la protégeais de toi, même si elle n'en est pas consciente.
- Tu sais très bien que personne ne voudrait de la protection d'un gros porc sans cervelle. »
Harry avait à peine fini sa phrase qu'un énorme poing s'écrasa sur son nez. Il perdit l'équilibre et tomba en arrière. Ann voulut crier, mais Dudley lui avait plaqué la main sur la bouche.
« fais gaffe, quand même, avertit Piers. C'est la fille de Jason.
- Mon père peut faire virer le sien s'il en a envie, répondit Dudley d'un ton suffisant. D'ailleurs, ajouta-t-il en enlevant sa main de la bouche de la fillette terrorisée, si tu rapportes à ton père ou à la maîtresse, je lui demanderai de le faire. Compris ?
- Oui, répondit Ann. Des larmes lui montèrent aux yeux.
- Ca y est, elle va pleurer comme un bébé, maintenant. Les filles sont vraiment trop nulles.
Harry s'était relevé. Jamais il n'avait été aussi furieux. « Ca suffit, Dudley, dit-il d'une voix glaciale. Laisse la tranquille. »
Visiblement, les autres avaient oublié sa présence. Dudley se retourna vers lui et sourit. « tu n'as pas retenu la leçon ? Ne me donne pas d'ordres. Tiens le bien, Piers. »
L'autre garçon attrapa les mains de Harry qui se débattait. Dudley recula son poing pour frapper. Harry était furieux de se sentir aussi impuissant. Il jeta un coup d'?il à Ann, qui s'enfuit en pleurant quand le poing atteignit une fois de plus Harry entre les côtes. Elle ne serait jamais son amie, maintenant. Et une fois de plus, après avoir tout gâché, Dudley se servait de lui comme punching-ball. Il lança à son cousin un regard haineux. Celui-ci sourit simplement. Il avait gagné, il était content. Et il leva la main pour frapper. Harry ferma les yeux, attendant le coup. Mais rien ne vint. Lorsqu'il les rouvrit, un spectacle étrange s'offrit à lui. Dudley était toujours debout, le poing levé, mais il l'avait pas abattu. Il avait totalement cessé de bouger.
« Dud ? » fit une voix derrière Harry. Piers lui maintenait toujours les mains. « Dud, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu ne frappes plus ? »
Dudley ne bougea pas, il ne semblait pas même avoir entendu son ami. Aucun signe de vie n'habitait plus le corps imposant. Comme si on l'avait changé en statue. Harry sentit Piers le lâcher. A ce moment, une voix se fit entendre.
« ils sont là ! » Harry leva les yeux. Par dessus Dudley, il vit Ann arriver, accompagnée de Rémus Lupin. « Que se passe-t-il ici ? » demanda le surveillant au moment où la cloche sonnait.
« Harry, Qu'est-ce qui s'est passé ? répéta-t-il en remarquant du sang sur le visage du petit garçon.
- Je suis tombé, mentit machinalement Harry, les yeux fixés sur Dudley, qui n'avait toujours pas bougé.
- Ce n'est pas vrai, répliqua Ann. Dudley l'a frappé, et Piers l'a aidé. »
Le regard de Rémus se fit dur, et il se tourna vers les deux autres garçons. Piers essayait de se cacher derrière Dudley, qui n'avait toujours pas bougé.
« Qu'avez-vous à dire ? » demanda-t-il.
Piers se tourna vers Dudley. C'était en général lui qui répondait aux adultes. Mais le garçon n'avait toujours pas bougé. « Ils n'ont rien fait, répéta Harry en lançant un regard suppliant à Ann. Je suis tombé tout seul. » Mais le surveillant ne l'écouta pas. Lui aussi regardait maintenant Dudley.
« Je crois que tu peux baisser le bras, dit-il. Tu ne frapperas plus personne pour l'instant. » Mais il n'obtint aucune réaction. « Ann, dit-il doucement à la petite fille qui avait encore les yeux humides, tu vas retourner en classe et raconter à ta maîtresse ce qui s'est passé. Dis-lui que je ramènerai les autres un peu plus tard. »
Elle hocha la tête, jeta un regard à Harry, puis à Dudley qui continuait de lever le bras, un sourire niais sur les lèvres. Puis, Harry vit Rémus sortir une bizarre baguette de bois. Il l'approcha de Dudley et murmura quelque chose. Et soudain, le bras s'abaissa lourdement, Dudley vacilla mais parvint à garder l'équilibre.
On entendit alors une voix furieuse :
« Pourquoi n'êtes vous pas en classe ? Tous les autres sont remontés depuis au moins cinq minutes ! » Viviane Malenski arrivait en trombe. Jamais encore elle n'avait autant rappelé à Rémus le professeur Mac Gonagall. Elle remarqua alors la présence du surveillant. « Vous êtes là Rémus, constata-t-elle d'une voix plus calme. « Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Il semble que ces deux garçons aient décidé de ce mettre à battre Harry.
- Non ! s'exclama Harry. Je me suis fait mal tout seul. Je suis tombé. » La directrice lui jeta un regard à la fois compatissant et dubitatif.
- Ce n'est pas ce que dit Ann, répliqua Rémus.
- Piers, qu'as tu à dire ?interrogea Viviane d'un air dur.
Le garçon baissa la tête et jeta un regard désespéré à Dudley. Mais pour une fois, Dudley ne disait rien. Ses petits yeux porcins lançaient des regard de peur et de confusion autour de lui. Visiblement, il ne comprenait rien à ce qui venait de se passer.
« On voulait juste s'amuser un peu, balbutia Piers, pas lui faire du mal. Ann aura mal vu. Et puis, ajouta-t-il précipitamment, il est arrivé quelque chose de bizarre.
- De bizarre comment ? Vous jouiez et tout à coup Harry s'est retrouvé avec le visage en sang, c'est ça ?
- Non ! c'est pas Harry, c'est Dudley. Soudain il est devenu comme une statue, il ne bougeait plus du tout. Pendant cinq minutes il n'a pas bougé. »
Au grand soulagement de Rémus, la directrice ne sembla pas accorder beaucoup de crédit à cette affirmation, et répliqua sèchement : « Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Tu essaies de détourner la conversation, n'est-ce pas ? »
Mais Dudley semblait se remettre de ses émotions.
« C'est vrai, dit-il d'un ton tremblant loin de son habituelle arrogance. Je parlais avec Harry, et tout à coup, je ne pouvais plus bouger, ni voir, ni entendre. Et quand je suis revenu à moi, vous arriviez.
- Qu'est-ce qu'ils racontent ? demanda la directrice à Rémus. Ils n'ont pas l'air de mentir.
- Non, je ne crois pas qu'ils mentent, répondit le loup-garou. Il essayait de trouver une explication plausible pour ce que les garçons avaient tous remarqué. Mais ce n'est pas bien grave à mon avis. Un petit coup de fatigue, ou autre. Peut-être même un accès de culpabilité. Je ne sais pas. Mais quand je suis arrivé, il avait le bras levé sur Harry.
- C'est de SA faute !tonna soudain Dudley.
- Pardon ?
- C'est Harry qui m'a fait ça. Il jeta à son cousin un regard haineux. Quand papa saura ça, il te donnera une punition horrible, » ajouta- t-il à son intention. Toute couleur disparu du visage de Harry, à l'exception du petit ruisseau rouge qui continuait de couler de son nez.
- Ce n'est pas vrai, murmura-t-il. Je n'ai rien fait. » Il lança des regards terrifiés autour de lui.
- Il ment, cria Dudley. Il se passe toujours des choses bizarres autour de lui. Il a cru que je voulais le frapper, c'est pour ça qu'il m'a fait cela.
- Je croyais que tu ne faisais que jouer avec lui, » remarqua doucement Lupin. Bien qu'il soit ulcéré par l'état dans lequel il avait trouvé Harry, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir désolé pour Dudley. Il ne faisait aucun doute que pour une fois, il disait la vérité. Cependant ce sentiment passa très vite. Dudley ne se laissait pas facilement abattre.
- Je ne faisais rien de mal, affirma-t-il. Piers et Harry vous l'ont déjà dit. Mais lui, il fait toujours des trucs bizarres comme cela.
- Je n'ai rien fait, gémit Harry qui semblait de plus en plus mal. Il savait qu'il n'échapperait pas au placard. Je ne l'ai même pas touché. Je ne sais pas ce qui s'est passé.
- Bien sûr que tu n'as rien fait, dit la directrice d'un ton apaisant. Comment aurais-tu pu faire une chose pareille ? Dudley a probablement juste eu une petite crise de spasmophilie, c'est tout. Mais cela n'explique pas son geste, s'il t'a frappé. Son regard se durcit et elle fixa les autres garçons : vous deux, j'aimerais vous voir dans mon bureau. Rémus, tu seras assez aimable pour m'envoyer Ann. Puis, tu nettoieras Harry avant de le renvoyer en classe. Harry, tu es sûr que tu n'as rien à dire ? »
Les yeux verts se posèrent sur la directrice, puis sur Dudley, avant de venir se fixer sur le sol.
« Non, »répondit le petit garçon. Puis il suivit le surveillant sans un mot. Rémus se dirigea vers la classe de CE2. Il frappa, et poussa la porte. Sarah vint le rejoindre dehors pour ne pas perturber la classe qui travaillait silencieusement. Elle poussa un petit cri à la vue du visage de Harry. Le sang avait commencé à sécher, formant des croûtes, et un gros coquard se formait sur son ?il gauche.
« Ce n'est rien de grave, la rassura Rémus. Il fit la commission de la part de la directrice, et emmena Harry dans la salle des maîtres, où se trouvait l'armoire à pharmacie, et entreprit de nettoyer le visage de l'enfant. « Harry, demanda-t-il soudain, est-ce que je te fais peur ?
- Non. Vous êtes gentil.
- Merci, fit Rémus en souriant. Donc, tu n'as vraiment pas peur de moi ? Même pas un tout petit peu ? Harry hésita. Il n'avait pas peur de ce que Rémus pouvait lui faire. Il avait peur de ce qui pouvait revenir aux oreilles de l'oncle Vernon.
« Non, répéta-t-il. Je n'ai pas peur de vous.
- Alors pourquoi refuses-tu de me parler ? De quoi as-tu peur, Harry ?
Une fois de plus, le petit garçon ne répondit pas, et regarda ses pieds. Rémus s'approcha et prit le petit visage dans ses mains. « Harry, regarde-moi. »
Lentement, Harry releva la tête, et plongea son regard dans les yeux noisette du surveillant.
« Tu n'as pas à baisser les yeux. Je ne vais pas te punir. Personne ici n'en a l'intention. Tu n'as rien fait de mal, tu comprends ? »
Il y avait dans sa voix et dans son regard une telle douceur, une telle compréhension, que Harry eut soudain envie de tout lui dire : Dudley, les coups, le placard, ce que l'oncle Vernon disait. Mais il savait qu'il ne le pouvait pas. Il était condamné à garder ses secrets. Alors, Harry détourna les yeux. Rémus poussa un soupir, et sa déception se lut sur son visage. Et cette tristesse sur les traits habituellement rieurs du surveillant était plus que Harry ne pouvait en supporter. Sa gorge se serra. Et, doucement, une larme commença à couler le long de sa joue.
Rougissant, le petit garçon se dépêcha de l'écraser, et il s'enfuit en direction de la cour. Mais Rémus le rattrapa. « Tu n'as pas à avoir honte, Harry. Si vraiment tu ne veux rien dire, alors pleure un bon coup, et décharge tout ce que tu as sur le c?ur. Laisse toi aller pour une fois. »
Jamais personne n'avait manifesté autant de compréhension envers Harry. On aurait dit que Rémus savait tout de la vie du petit garçon. L'enfant enfouit son visage dans le pull de l'adulte, et il éclata en sanglots incontrôlables.
Harry pleura longtemps. Rémus ne bougea pas, attendant qu'il se calme. C'était le fils de James. Le survivant. Des milliers de personnes auraient été prêtes à tout sacrifier pour qu'il soit heureux, et il se débattait à travers une existence pénible, ignorant tout de son destin si particulier et de tous ceux qui l'adulaient. Il imaginait les titres de la gazette du sorcier, s'ils venaient à apprendre les condition de vie du célèbre Harry Potter. Les larmes de l'enfant semblaient ne plus devoir s'arrêter. Rémus caressa doucement les cheveux noirs. Enfin, les soubresauts qui agitaient le frêle petit corps se ralentirent, et finirent par s'arrêter complètement.
Harry ne retourna en classe que l'après-midi. A son grand soulagement, la meîtresse ne posa pas de question. Ann semblait avoir retrouvé son état habituel. Elle parut soulagée de voir Harry.
« Où tu étais ? demanda-t-elle.
- Avec Rémus.
- Pourquoi tu ne leur a rien dit ? Ils ont été punis pour nous avoir insultés et m'avoir tirés les cheveux. La directrice a dit qu'ils seraient renvoyés s'ils recommençaient. Et elle a mis des mots pour leurs parents. Mais ça aurait été bien pire si tu avais dit que Dudley t'avait frappé. Peut-être qu'ils auraient été directement renvoyés. »
Harry ne répondit pas. Il était devenue d'une pâleur de craie.
« Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda la petite fille. Tu n'es pas content qu'ils aient été punis ? Ils n'oseront pas recommencer ! Et Rémus va les surveiller tout particulièrement à partir de maintenant.
- Rémus n'est pas là chez les Dursley.
- Oh, c'est vrai que tu vis là-bas. » Un air compatissant se peignit sur le visage de la petite fille. L'après- midi passa comme dans un brouillard pour Harry. Il avait bien trop peur de ce qui allait ce passer le soir pour faire attention à la leçon.
A sa grande surprise, Dudley ne raconta pas tout de suite à sa mère ce qui s'était passé. Il était probablement bien trop occupé à manger ses tartelettes aux fraises. Ce n'est que peu après leur arrivée à Privet Drive, quand la tante Pétunia vérifia comme tous les soirs le carnet de correspondance de son fils.
« Oh Duddy, s'écria-t-elle, pourquoi n'as tu pas dit que l'école était trop stressante pour toi ? Si tu étais malade, nous t'aurions envoyé en vacances. Maman serait même venue avec toi !
- Je ne suis pas malade. »Le ton était peu engageant. « Qu'est-ce que c'est que ces bêtises ?
- Mais ne t'inquiète pas mon petit chou. La spasmophilie n'est pas bien grave.
- Je n'ai pas de spasmophilie ! s'indigna Dudley au moment où l'oncle Vernon pénétrait dans la pièce.
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Bien sûr que mon fils n'est pas spasmophile. C'est évident pour tous que Dudley est déjà un homme, un vrai.
- C'est la faute à Harry, dit Dudley. C'est lui qui a fait ça. »
L'oncle Vernon devint blanc. Pendant un moment, la colère sembla le submerger, et il marmonna des mots sans suite, en respirant si fort et rapidement qu'il sembla s'étouffer. Puis, il saisit Harry par le pull et le souleva.
« Toi, comment as-tu osé t'attaquer à Dudley ? Après tout ce que nous avons fait pour toi ? » Il transporta sans difficulté le petit garçon et le jeta sans ménagement sur le sol du placard. « Tu n'es pas prêt de sortir d'ici, sale petite vermine. Et ne t'imagine pas que je vais dépenser encore plus d'argent pour te nourrir, ou quoi que ce soit d'autre. »
Il claqua la porte. Puis, au bout de quelques minutes, il revint, portant un tabouret sur lequel il monta, et entreprit de démonter l'ampoule qui pendait du plafond.
« Je ne vais pas non plus te payer de l'électricité. Peut-être qu'après quelques semaines à ce régime, tu seras plus conscients de ce que tu nous dois. »
Puis, il débrancha la lampe de chevet et s'en fut, laissant Harry dans le noir. A tâtons, l'enfant s'allongea sur son lit. Il entendit les Dursley dîner, Dudley se rendre à la salle de bains, puis les cris de la tante Pétunia au moment du coucher de son fils. Puis, il n'y eut plus que le ronronnement de la télévision.
Les jours suivants, la seule nourriture à laquelle Harry eut droit fut le repas de midi, à la cantine, amputé bien sûr du dessert, réquisitionné par Dudley. Puis, le week-end arriva, et l'enfant passa deux longues journées à fixer l'obscurité, autorisé à se rendre à la salle de bain deux fois par jour.
Le vendredi suivant, les élèves montèrent dans la classe et s'installèrent comme à l'habitude. Sarah leur dit bonjour en souriant et vérifia que tout le monde était là. Puis les cours de la matinée commencèrent.
« Voyons, qui va réciter la poésie ce matin ? Harry, s'il te plaît, tu veux bien commencer ? »
Le petit garçon fit non de la tête, et garda les yeux baissés.
« Pourquoi ? Tu récites bien, d'habitude. »
Il rougit, et murmura quelque chose d'incompréhensible. Sarah dut le faire répéter. « Je ne l'ai pas apprise, balbutia-t-il.
- Et pourquoi donc ?
- Je. j'ai oublié.
- Très bien, pour cette fois, mais tu l'apprendras pour demain. Et tu la récitera en entier. C'est compris ?
Il ne répondit pas. « Malcom, appela Sarah. Toi, tu as appris ta poésie ? »
Le garçon se leva et commença à réciter, en accrochant sur la plupart des débuts de phrases. Sarah le reprit distraitement. Ce n'était pas la première fois, cette semaine, que Harry ne faisait pas ses devoirs, et elle s'inquiétait. Ces derniers temps, l'enfant aux yeux verts semblait plus pâle chaque jour. Il avait encore maigri, et de grosses cernes noires s'étaient creusées sous ses yeux. Son attitude aussi avait changé. Il était devenu encore plus renfermé qu'auparavant, et ne répondait plus à sa voisine quand celle-ci essayait d'engager la conversation. Elle décida de s'en ouvrir à Rémus. Le lundi précédent, elle avait trouvé Harry dans les bras du surveillant, peut-être ce dernier avait-il réussi à briser es barrières de l'enfant. Mais, apparemment, Rémus ne savait rien de plus. Elle décida que ce n'était peut-être qu'un coup de fatigue.
« Si lundi il ne semble pas aller mieux, décida-t-elle, je demanderai un entretien à son oncle et sa tante. Ca ne peut pas continuer ainsi. »
Ce soir là, avant de partir, Ann reçut la visite de la directrice. Celle-ci expliqua qu'elle venait de recevoir un mot de l'inspection : « Ils envoient un inspecteur pour passer te voir lundi, dit Viviane. Il viendra vers dix heures, après la récréation. C'est un nouveau, nous ne le connaissons pas, mais il semble plutôt sympathique, et étant donnée la manière dont tu tiens ta classe, tu n'as aucune raison de te faire du souci. »
Mais Sarah fronça les sourcils : le lundi à dix heures, elle avait une heure de sport. « Est-ce que je dois l'annuler pour qu'il puisse venir dans la classe ?
- Non, tu ne dois rien changer à ton emploi du temps. Après tout le sport est une activité comme une autre. Et je suppose qu'il contrôlera des cahiers pour voir ce que tu fais dans les autres matières. »
Sarah acquiesça et remercia la directrice de l'avoir prévenue.
Les deux jours qui suivirent furent les plus horribles que Harry ait jamais passés. Enfermé dans le noir dans son placard, il n'avait pour seule distraction que les crampes de son estomac vide. Etendu sur son lit, il avait perdu toute notion du temps. Son esprit vagabondait librement, à la limite de l'hallucination. Une ou deux fois, une intense lumière verte le fit se redresser, en sueur, le c?ur battant la chamade. Lorsque la tante Pétunia venait le chercher pour l'emmener à la salle de bains, il avait à peine la force de la suivre au premier étage.
Enfin, le lundi matin arriva. Lorsque la porte du placard s'ouvrit, et que la tante Pétunia apparut, elle ordonna à Harry de prendre des vêtements et son peigne, pour pouvoir s'habiller et se coiffer à la lumière. C'est comme ça que Harry sut que l'interminable week-end était enfin terminé. Il se leva lentement. La pièce tournait autour de lui. Des odeurs de pain grillé et de bacon provenant de la cuisine emplirent ses narines. Il inspira profondément, comme si les effluves pouvaient suffirent à le nourrir .
« Dépêche toi, fit sèchement la tante Pétunia. Duddy pourrait avoir besoin de la salle de bain après toi. » Une fois de plus, il monta l'escalier sur ses jambes tremblantes, en se tenant à la rampe. Il se lava rapidement, s'habilla, et apaisa sa soif au robinet. Il essaya de se remplir l'estomac d'eau, mais sans parvenir à atténuer ses crampes. Harry parvint sans trop de mal à suivre sa tante sur le chemin de l'école. C'était un tel soulagement de revoir la lumière du jour, d'avoir quelque chose à faire, que pendant un moment il en oublia presque sa faiblesse. Mais en arrivant dans la classe, il eut un vertige et s'effondra sur sa chaise. Il essaya de prêter attention à ce que disait la maîtresse, mais l'effort était trop grand. Ses idées semblaient avoir décidé de vagabonder à leur guise.
Il se rendit compte soudain qu'on lui parlait. Ann le secouait.
« Harry, réveille toi, la maîtresse t'a interrogé, » chuchotait-elle. Harry leva la tête. Mlle Déline se tenait tout près de lui. Elle semblait attendre une réponse, mais il n'arrivait pas à se souvenir de ce qu'elle lui avait demandé. « Alors, Harry, répéta-t-elle, aurons-nous l'honneur de t'entendre réciter ta poésie ce matin ? »
La poésie, se rappela-t-il soudain. Il était sensé l'apprendre ce week-end. il fit lentement non de la tête. Après tout, ça n'avait pas d'importance. La maîtresse pouvait toujours crier, il était trop fatigué pour s'en soucier. Mais elle n'avait pas l'air fâchée, elle ne le gronda pas. Elle se contenta d'annoncer d'un ton las que, dans ce cas, elle était obligée de lui mettre zéro, et de lui jeter un regard inquiet, avant de continuer la leçon.
Lorsque la cloche sonna la récréation, Harry s'obligea à se lever, et à descendre dans la cour avec les autres. Si quelqu'un commençait à lui poser des questions, il aurait encore plus d'ennuis avec les Dursley. Il s'effondra dans le coin le plus reculé de l'école. Soudain, une ombre apparut devant lui. Une énorme silhouette noire, étrangement familière. Harry jeta ses bras autour du chien, et enfouit son visage dans l'épaisse fourrure.
« Je suis content de te voir, murmura-t-il. Ils m'ont enfermé, et je ne pouvais plus venir dans le jardin, tu comprends ? j'avais peur que tu sois fâché contre moi. Que tu ne veuilles plus me voir, après. »
Le chien fit une drôle de grimace, comme si cette idée lui paraissait particulièrement saugrenue. « Tu es un chien très intelligent, n'est-ce pas, pour être venu me chercher ici ? »
L'animal hocha fièrement la tête. Puis, soudain, ses oreilles se dressèrent, et il s'enfuit. Harry appela : « Reviens, s'il te plaît, la récréation n'est pas finie ! »
Mais à ce moment il s'entendit appeler. « Harry ! Ca va ? Qu'est-ce que tu fais assis là tout seul ? »
Harry se retourna, et vit s'avancer Rémus. « Je n'étais pas tout seul, dit-il d'une voix basse. Il y avait un chien . »
Quelques jours plus tôt, jamais il n'aurait confié cela au surveillant, mais depuis que celui-ci l'avait laissé pleuré dans ses bras, un lien s'était tissé entre eux. Rémus prit aussitôt l'air inquiet.
« Un chien ? Quel genre de chien ?
- Très gros, et tout noir. Je ne sais pas quelle race.
- Et tu l'as déjà vu souvent, ce chien ?
- Oui. Depuis le début de l'année, il est souvent ici ou près de chez moi.
- Reviens sous le préau. Tu es gelé. »
Harry remarqua alors qu'il grelottait. « Et fais attention à ce chien si tu le revois. Il est peut-être dangereux. Evite de rester seul avec lui, d'accord ?
- Pourquoi ? Il est gentil, et très intelligent. Il répond quand on lui pose des questions. »
Le visage de Rémus se fit sévère : « Je connais ce chien. Il n'est pas gentil du tout. Préviens moi si tu le revois. »
Ils revinrent sous le préau au moment où la cloche sonnait. Les CE2 se rangèrent devant Mlle Déline, qui leur présenta un homme d'un certain âge, avec des cheveux très blonds, presque blancs, et un visage long et mince. « C'est Monsieur Block, qui est ici pour assister à votre cour de sport. On continue la course d'endurance aujourd'hui. »
Il y eut quelques murmures de déception, la plupart des élèves n'aimant pas ce sport, qu'ils considéraient comme fatigant et ennuyeux, mais tous suivirent les deux adultes dans la cour. Lorsqu'ils arrivèrent à l'endroit d'où ils devaient partir, la maîtresse rappela le circuit qu'ils devaient effectuer, et qui couvrait presque tout le terrain de jeux. « Le but n'est pas d'aller vite, rappela-t-elle, mais de courir longtemps. Dix minutes, pour commencer. Compris ? » Le ch?ur des élèves répondit que oui, et elle donna le départ.
Harry se mit à courir. Lentement, pour économiser ses forces. Mais ses jambes semblaient faites de coton, à chaque pas, il lui semblait qu'il allait s'écrouler. Des frissons le parcouraient, comme s'il avait de la fièvre, mais il savait qu'il ne devait pas s'arrêter. Sinon, on s'apercevrait qu'il était malade, et les Dursley seraient prévenus. Il ignorait combien de temps s'était écoulé. Il ne connaissait que les mouvement de ses jambes, de plus en plus lent, et sa respiration qui devenait de plus en plus précipitée. Il avait presque fini le premier tour, sans remarquer que tous les autres étaient à présent loin devant, même Dudley que sa corpulence empêchait de courir. Tout se mit à tourner autour de lui. Il ne pouvait plus respirer. « Non, pensa-t-il au moment où il se sentit tomber, les Dursley vont être furieux. »
Sarah montrait à l'inspecteur son cahier-journal, qui retraçait tout ce qu'elle avait fait avec sa classe, tout en gardant un ?il attentif sur le chronomètre, et sur les enfants qui couraient. Soudain, elle s'interrompit au milieu d'une phrase.
« Harry ! » s'exclama-t-elle en se précipitant sur l'enfant qui venait de s'effondrer, plantant là Mr Block qui mit quelque temps à réagir. Harry n'était pas tombé comme quelqu'un qui trébuche, ses jambes avaient littéralement cédé sous lui. Et l'inquiétude de Sarah se changea en réelle peur quand elle vit que le petit garçon ne réagissait mas à l'appel de son nom. Il ne fit aucun mouvement lorsqu'elle le souleva pour l'écarter du chemin. « Julien ! appela-t-elle alors que le garçon qui passait devant elle. Il s'arrêta de courir et se retourna : « Va chercher Rémus Lupin, ordonna-t- elle. Harry est malade. »
Elle avait totalement oublié la présence de l'inspecteur qui proposa alors : « Inutile. Je vais l'emmener moi-même. » Il sourit. « Pour une fois que ma présence dans une classe servira à quelque chose ! »
Sarah ne sourit pas, elle était bien trop inquiète. Elle avait remarqué que quelque chose n'allait pas avec Harry, elle aurait dû agir plus tôt. La gorge serrée, elle mit l'enfant toujours inerte dans les bras de l'inspecteur, remarquant à quel point le petit corps était léger, et le suivit des yeux alors qu'il s'éloignait à grands pas. Puis, soudain, elle le vit se diriger vers le mauvais côté de l'école. Et elle réalisa que Mr Block n'avait aucune idée de qui était Rémus Lupin, ni de l'endroit où on pouvait le trouver. Elle s'élança à sa poursuite, après avoir dit aux enfants d'arrêter de courir et de l'attendre sagement. Et c'est alors qu'un incident des plus étranges se produisit.
L'inspecteur, portant l'enfant dans ses bras, se trouvait juste à côté de l'entrée de l'école, en face de la grille. Tout à coup une énorme bête surgit de nul part et lui sauta dessus. Harry roula à terre. Sans s'en préoccuper, l'animal commença à attaquer l'homme, qui tentait de se protéger le visage de ses mains. Sarah se mit à courir. Elle atteignait l'endroit où la scène se déroulait quand Rémus, suivi de près par Viviane, surgit soudain de l'intérieur de l'école. Le surveillant poussa un cri. Le chien leva la tête vers lui et ils échangèrent un regard. Si l'un des deux protagonistes n'avait pas été un chien, Sarah aurait juré que c'était un regard de reconnaissance. Puis Rémus sortit de sa poche une étrange baguette en bois clair, et commença à murmurer quelque chose, son visage d'une dureté effrayante. Mais le chien s'était déjà enfui sans demander son reste. Rémus scruta un instant les buissons, mais l'animal serait impossible à retrouver là dedans. Son regard s'adoucit, la colère fit place à une terreur rétrospective. Il rangea l'étrange baguette, et tendit une main à l'inspecteur pour l'aider à se relever. Celui-ci était couvert de traces de griffes, et ses vêtements étaient déchirés, mais heureusement il ne semblait pas gravement blessé.
« Ca va ? lui demanda Rémus.
- Oui. je crois. » Il frissonna, et vacilla légèrement, encore choqué. « heureusement que vous étiez là. Je ne sais pas ce que cette bête aurait fait si vous ne l'aviez pas fait fuir. »
Rémus haussa les épaules. « Vous ne savez pas ce qui l'a poussé à attaquer ? demanda-t-il d'un ton perplexe.
- Non. Je n'avais même pas remarqué sa présence avant qu'il ne se jette sur moi. J'emmenais cet enfant, qui avait eu un malaise.
- Quel enfant ? coupa Rémus. Il sembla soudain remarquer Harry, qui avait roulé quelques mètres plus loin. Une lueur de compréhension se lut dans son regard.
« Harry, » murmura-t-il.
Sarah s'approcha de l'enfant. Il n'avait pas fait un mouvement depuis le moment où il était tombé des bras de l'inspecteur, mais ses yeux était grands ouverts, et arboraient une expression terrorisée. Avant qu'elle n'ait eu le temps de faire le moindre geste dans sa direction, Rémus avait déjà pris dans ses bras le fils de son ami, et il le serrait fortement. C'est à ce moment que la directrice sembla revenir dans la réalité.
« Sarah, demanda-t-elle soudain. Où sont les autres enfants ?
- Mon dieu, s'écria Sarah, sortant elle aussi de sa torpeur. Les pauvres doivent encore être en train de courir !
- Dis leur de jouer sagement en attendant d'aller manger, et rejoins nous dans la salle des maîtres. Nous avons tous besoin d'une bonne tasse de café chaud. » Elle fit un rapide demi-tour et revint vers l'endroit où elle avait laissé ses élèves. La plupart avaient arrêté de tourner et s'étaient rassemblés sur l'herbe, un peu déconcertés. Ils l'accueillir avec des questions angoissées.
« Chut, fit-elle d'un ton qu'elle s'efforçait de rendre rassurant, mais qui tremblait encore. Tout va bien. Harry a eu un petit malaise, et Mr Block a eu un petit accident en l'emmenant, mais il va bien maintenant. Comme je suis sûre que vous avez assez couru pour aujourd'hui, vous pouvez jouer dans la cour à condition de ne pas faire de bêtises. Je serai dans la salle des maîtres. D'accord ? »
Il y eut quelques cris de joie, et les enfants commencèrent à s'éparpiller. Sarah sourit légèrement devant cette naïve insouciance, et fit demi-tour, en direction de la salle des maîtres. Une petite voix la retint.
« Mademoiselle ?
- Oui, Ann.
- Qu'est-ce qu'il a, Harry ?
L'institutrice soupira. C'était une question à laquelle elle aurait aimé savoir répondre. - On ne sait pas encore, répondit-elle, s'efforçant de rassurer l'enfant qui semblait extrêmement mal à l'aise. Mais ce n'est sûrement pas très grave. »
La petite fille resta silencieuse, mais elle ne retourna pas vers ses amies. Visiblement, quelque chose la tracassait.
- Qu'est-ce qu'il y a, Ann ? Tu sais quelque chose sur la maladie de Harry ?
- Non, répondit Ann après un instant d'hésitation. Mais elle rougit.
- il y a quelque chose que tu aimerais me dire ? insista l'institutrice.
- Est-ce que Harry pourrait être malade d'avoir été trop frappé ?
- Pourquoi dis-tu cela ? demanda Sarah en s'arrêtant pour regarder la fillette dans les yeux. Harry n'a pas l'air d'avoir été frappé, pas depuis la semaine dernière. Qu'est-ce que tu sais, Ann ?
- C'est ma faute, dit-elle. C'est parce que j'ai raconté ce qui s'était passé avec Dudley. »
Elle répéta à Sarah la conversation qu'elle avait eu avec son voisin cet après-midi là. Et c'est le lendemain qu'il a commencé à avoir l'air malade, continua-t-elle. C'est de ma faute, si je n'avais rien dit, il ne serait pas malade.
- Tu ne peux pas dire cela. Ce n'est pas de ta faute. Tu as eu raison de nous avertir de ce qui se passait. C'était très courageux de ta part. Et si Rémus n'était pas arrivé à temps, Harry aurait pu être sérieusement blessé. Même si sa maladie était liée à ce qui s'est passé ce jour là, et rien ne permet de l'affirmer, ce ne serait pas de ta faute. Tu as fait ce qu'il fallait. »
Un sourire triste passa sur le visage de l'enfant. « Maîtresse, demanda-t- elle.
- Oui.
- Pourquoi Harry doit-il porter des vêtements trop grands, et avoir un vieux sac horrible ? Et ses parents sont morts, et il est obligé de vivre avec Dudley. C'est pas juste.
- Je sais. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas justes, Ann. Va jouer, et ne t'inquiète pas trop pour Harry. Je suis sûre que ça va aller. »
Mais malgré son calme apparent, le cerveau de Sarah était en ébullition. La petite fille avait raison : c'était le lendemain du jour où il avait été battu par son cousin que Harry avait commencé à pâlir, à se renfermer encore plus sur lui-même, et à ne plus faire ses devoirs. Qu'avait-il bien pu se passer chez les Dursley ce soir là ?
Elle rentra dans la salle des maîtres. Lupin était assis près de Mr Block, et avait entrepris de lui nettoyer le visage avec une serviette humide. L'inspecteur semblait tout à fait bien, et il fit un clin d'?il à Sarah.
« Mademoiselle, je crois que vous remportez la palme de l'inspection la plus mouvementée, toutes catégories. Je me demande comment je vais bien pouvoir faire pour vous noter. »
Elle se força à sourire. L'odeur du café chaud emplissait la pièce. Elle remplit quatre tasses.
« Où est Viviane ? demanda-t-elle. Et Harry ?
- Viviane est partie téléphoner à l'hôpital, répondit Rémus. Elle craint que ce chien n'ait été enragé. Et nous sommes inquiets pour Harry. » Il désigna un coin de la pièce, où l'enfant était allongé sur des coussins, les yeux fermés.
« Il a de nouveau perdu connaissance, presque dès notre arrivée ici. »
Les traits du surveillants étaient creusés par l'inquiétude.
Sarah se sentit envahie par une vague de panique. Elle accourut auprès de Harry et s'agenouilla à côté de son élève. Il respirait à peine. La pâleur et la maigreur du petit visage étaient effrayantes. Impuissante, elle effleura doucement le front de l'enfant endormi.
« Pourquoi tu ne nous a pas fait confiance, Harry ? Qu'est-ce que tu caches ? »
Le visage était froid. Elle s'assit sur le sol et prit le petit garçon dans ses bras pour le réchauffer. Les paupières papillonnèrent un instant, et il sembla se réveiller, mais très vite il referma les yeux.
« L'ambulance arrive, » fit la voix de la directrice dans son dos.
Quelques minutes plus tard, une sirène se fit entendre dans la cour. Des hommes en blouse blanche firent irruption dans la pièce. L'un d'eux se pencha aussitôt sur Harry, que Sarah avait reposé sur les coussins. Elle regarda anxieusement les mains expertes examiner le petit corps. Au bout d'à peine quelques instants, l'homme étouffa une exclamation.
« Oh, mon dieu ! Cet enfant est à moitié mort de faim ! » Sans prendre la peine de demander une civière, il souleva facilement Harry dans ses bras et l'emporta dans l'ambulance. Sarah le suivit, impuissante. Un groupe d'enfants, à la fois curieux et inquiets, était rassemblé autour du véhicule.
« J'aimerais accompagner Harry, fit soudain une voix derrière elle. Se retournant, elle vit alors Rémus, le visage presque aussi blanc que celui du petit garçon.
- Vous êtes de la famille ?demanda le médecin, en le regardant d'un air soupçonneux.
- Pas vraiment. » Le surveillant fit une étrange grimace. Mais je crois que ça vaut beaucoup mieux comme ça. Sa famille serait probablement très heureuse s'il ne se réveillait jamais. »
L'homme en blanc fit signe qu'il n'y voyait pas d'inconvénient, et Rémus monta dans l'ambulance. Les portes se fermèrent et le véhicule démarra presque aussitôt. Sarah le regarda disparaître dans la rue. Petit à petit, le bruit de la sirène s'atténua, jusqu'à ce qu'il soit complètement inaudible. Pour une fois, les enfants ne parlaient pas. Eux aussi regardaient l'endroit où l'ambulance avait disparu, emportant leur camarade.
Puis, les questions commencèrent à fuser toutes en même temps. Mais Sarah n'avait pas le courage d'y répondre pour l'instant.
« Allez manger, demanda-t-elle. On expliquera tout tout à l'heure en classe, d'accord ? »
Il y eut quelques murmures mécontents, mais, comme ils avaient senti la tension de leur institutrice, les enfants s'en furent en silence, rejoignant les autres classes qui sortaient de l'école.
La salle des maîtres commençait à se remplir. L'inspecteur, qui avait été déclaré en bonne santé par les médecins, et autorisé à partir après une injection de sérum contre la rage, avait été raccompagné chez lui par Vivane. C'est dons Sarah qui dut révéler à ses collègues les événements de la matinée. Ceux-ci exprimèrent leur perplexité par rapport au comportement du chien, et leur indignation quand ils apprirent l'état ans lequel se trouvait Harry.
Dudley avait réussi à trouver Harry et le poursuivait à travers toute la cour quand ils furent appelés par la tante Pétunia. Jamais elle n'avait paru aussi furieuse, même le jour où Harry avait accidentellement cassé un vase de chine en courant pour échapper à son cousin. C'est en tremblant que le petit garçon aux cheveux noirs accourut auprès de sa tante. Il ignorait ce qu'il avait fait pour la provoquer, mais il savait une chose : une telle colère ne pouvait être dirigée que contre lui.
Cependant, Pétunia n'explosa pas comme il le craignait. Elle saisit Dudley par une main, Harry par l'autre, et les entraîna vers la sortir, si rapidement que les deux enfants durent se mettre à courir pour la suivre. « Attends, maman ! Pas si vite », haleta Dudley qui n'aimait pas se presser. Mais, pour la première fois de sa vie, sa mère ne l'écouta pas. Au contraire, elle accéléra encore, toujours sans dire un mot. Ce n'est qu'en arrivant à Privet Drive qu'elle consentit à les laisser souffler.
« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Dudley en essayant de reprendre sa respiration. La tante Pétunia lui jeta un regard compatissant avant de se jeter sur lui et de le serrer dans ses bras.
« Mon chéri, roucoula-t-elle. Tu avais mille fois raison. Ce surveillant est un horrible bonhomme. Mais ne t'inquiète pas, tu n'auras plus à le supporter, je te le promets.
- Tu l'as fait virer ? demanda son fils. C'est cool, mais ce n'était pas une raison pour se mettre à courir. Je suis presque mort de fatigue.
- Pauvre canard. Maman est désolée. L'horrible monsieur est encore là et c'est pour ça que nous sommes rentrés aussi vite. Maman doit parler avec Papa dès qu'il rentrera. »
Harry n'avait rien dit. Il ressentait un mélange de soulagement et d'inquiétude. Soulagement, parce que la colère de sa tante ne semblait pas dirigée contre lui. Inquiétude, parce qu'il aimait bien Rémus, et ne voulait pas que sa tante soit trop méchante avec lui, ou le force à s'en aller. Mais aussi parce que sa tante semblait elle aussi avoir peur, et qu'il se demandait ce qui se passait. Il n'aimait pas les gens chez qui il vivait, et c'était réciproque, mais il était encore à l'âge où les parents, ou ceux qui les remplacent, apparaissent comme un bloc inébranlable. Si sa tante était effrayée, c'est que quelque chose de vraiment terrible allait arriver, et il risquait d'être entraîné dans la tourmente.
A ce moment, on entendit le bruit de la voiture d'Oncle Vernon dans l'allée. L'homme apparut quelques instants plus tard, embrassa son fils puis sa femme avant de remarquer l'expression de cette dernière. Il se tourna alors vers Harry. « Toi, tonna-t-il. Qu'est-ce que tu as encore fait ? - Rien, Oncle Vernon, murmura le petit garçon.
- Ne mens pas, mon garçon. Pétunia, ne te laisse pas abattre. Quoi que ce petit monstre ait fait, je te jure que la punition le lui fera regretter.
- Vernon, ils l'ont retrouvé. L'un d'eux est à l'école. C'est le nouveau surveillant qui maltraitait Duddy.
- Mon Dieu, gémit Vernon. Visiblement, cette phrase avait un sens pour lui. - Nous n'allons pas nous laisser faire, Pétunia, dit-il d'un ton furieux. S'ils veulent le reprendre, après tout, ce n'est pas à moi qu'il manquera. Sinon, qu'ils nous fichent la paix. »
Le lendemain, l'oncle Dursley se joignit à la tante Pétunia pour emmener les enfants à l'école. « Je ne veux pas que vous vous approchiez de cet homme. Compris ? » Les cousins acquiescèrent. Mais déjà Rémus Lupin s'avançait vers eux.
Après une longue conversation avec Dumbledore, il avait décidé que la seule solution était de parler aux Dursley. Et cette perspective était loin de l'enchanter. Dès qu'il vit la famille approcher, il s'approcha d'elle. Il remarqua immédiatement que Vernon éloignait son fils et son neveu.
« Bonjour, dit-il, alors que la cloche sonnait. Je crois que Pétunia et moi avons eu un léger malentendu hier soir.
- Vous n'avez rien à faire chez les gens normaux, répliqua Vernon. Il y a sept ans que nous avons rompu tout lien avec votre monde.
- Vous, peut-être, et je ne vous oblige pas à avoir des contacts avec moi. En fait, cela m'arrangerait plutôt que nous n'en ayons pas. Mais Harry est un sorcier, que vous le vouliez ou non. Et c'est même un sorcier célèbre.
- Harry ne sera jamais un sorcier. Et Dudley ne fréquentera pas quelqu'un comme vous. J'ai suffisamment de relations pour vous faire virer si vous ne décidez pas de partir de vous-même.
- C'est totalement exclu. » A ce moment, la directrice s'approcha d'eux, avant de rejoindre sa classe.
« Un problème, Rémus ? Pourquoi n'êtes vous pas dans la cour ? Je vous cherchais. Sarah n'est pas encore arrivée, vous serez assez aimable pour surveiller sa classe.
- Non. Il n'y a pas de problème, répondit celui-ci en lançant un regard d'acier à Vernon. Viviane s'éloigna sans insister. Si vous tentez quoi que ce soit, ajouta-t-il, pour révéler qui je suis ou pour me faire virer, comme vous dites, vous subirez la colère de Dumbledore. Et même Voldemort l'a toujours craint, si ce nom évoque quelque chose pour un moldu bouché comme vous l'êtes. Je ne suis pas ici par plaisir, ni pour vous espionner. Vous vous en moquez probablement mais Harry est en danger. »
Sur ce, il tourna les talons et rentra dans l'école, sans remarquer Sarah qui arrivait à la hâte.
La jeune institutrice avait subi ce matin-là la fameuse «panne de réveil » tant redoutée par tous les gens travaillant à heures fixe Lorsqu'elle arriva en vue de l'école, la cloche sonna, et c'est à la hâte qu'elle se gara et sortit son sac. Claquant la porte, elle se précipita vers la grille d'entrée, et aperçut, en tournant au coin de l'école, Rémus avec les parents de Dudley, et la directrice. Elle accéléra encore l'allure, courant presque. Alors que Viviane s'éloignait, Rémus se mit à crier, et elle entendit distinctement ses paroles.
Elle s'arrêta alors à quelques mètres du groupe, pour ne pas que son involontaire indiscrétion soit remarquée. Et, sans un regard dans sa direction le surveillant fit brusquement demi-tour et rentra dans l'école. Les Dursley restèrent un moment immobiles, comme sous l'effet d'un choc. Puis ils commencèrent à reculer lentement. Sarah se remit à courir en direction de l'école, comme si elle venait réellement d'arriver. Elle espérait qu'ils seraient trop énervés, ou trop choqués, pour la remarquer, mais le moustachu l'apostropha d'une voix furieuse : « Je ne suis pas sûr qu'arriver à cette heure ci soit le bon exemple à donner à nos enfants ! Il se passe de drôles de choses dans cette école ! »
Sarah fut tellement stupéfaite qu'il ose lui faire la leçon sur ce ton qu'elle ne trouva rien à répondre.
« Et je vous préviens, ajouta-t-il. Si le dégénéré qui vous faire d'assistant s'approche encore de mon fils, ou s'il s'amuse à mettre des idioties dans la tête de mon neveu, je vous tiendrai pour responsable. J'espère que vous me comprenez. » Sur ce il entraîna sa femme vers la sortie.
Complètement abasourdie, Sarah se dirigea lentement vers l'endroit où sa classe l'attendait, parfaitement rangée, sous la direction de Rémus. Celui- ci avait retrouvé son air calme et gentil habituel. « Alors, est-ce que le réveil n'a pas sonné ou est-ce que la voiture était en panne, mademoiselle l'institutrice ? »plaisanta-t-il. - La première proposition, merci de me les avoir gardés, répondit Sarah sans sourire. Le souvenir de l'éclat de Vernon Dursley était encore trop proche. On y va, les enfants, excusez-moi de ce léger retard. »
Et elle emmena sa classe, sans adresser davantage la parole à Rémus. Après avoir distribué les évaluations de mathématiques prévues pour ce début de matinée, elle disposa d'un moment de calme. Mais son esprit revenait sans cesse à la scène de ce matin. Quelle que soit la manière dont elle la prenait, elle ne comprenait rien à la situation. La haine des Dursley à l'égard de Rémus, et de Harry était totalement irrationnelle. Et il y avait l'éclat de voix de Rémus, auquel elle n'avait rien compris. Pourquoi Harry serait-il en danger ? Et qu'est-ce que c'était que ce caractéristique qu'il avait utilisé pour qualifier Vernon ? Moldu ? Cela ne voulait rien dire. et il y avait aussi ces gens qu'il avait mentionnés et dont elle avait oublié les noms, mais qui avaient paru si menaçants aux deux autres.
Sarah s'était toujours félicitée d'avoir un instinct très sûr sur les gens. Lorsqu'elle accordait sa confiance, spontanément, à quelqu'un, elle n'était généralement pas déçue. Et c'était l'impression qu'elle avait eue au premier abord avec Rémus : qu'il était digne de confiance. Elle s'était tout de suite sentie attirée par lui. Mais à présent, elle se demandait si elle n'avait pas eu tort. L'homme cachait de lourds secrets. Pourtant, il semblait trop gentil pour être un quelconque malfaiteur, tout en elle refusait cette idée. Un léger bruit interrompit ses pensées. « Mademoiselle ?
- Oui, Céline.
- J'ai fini. » Déjà ? Il ne s'était écoulé que la moitié du temps prévu pour le test. Elle pensait de plus en plus souvent qu'il pourrait être bénéfique de faire sauter une classe à Céline. Autrement, elle allait finir par s'ennuyer.
« C'est bien, dit l'institutrice. Donne-moi ta feuille et tu peux continuer ton livre. »
Elle savait que la petite fille avait toujours sur elle un ou deux livres, qui lui étaient utiles puisqu'elle faisait tout deux fois plus vite que les autres. Mais les pensées de Sarah ne s'attardèrent pas sur Céline. Harry, juste derrière, écrivait consciencieusement. A un moment, il sembla réfléchir, et ramena machinalement une mèche de cheveux rebelles derrière son oreille, dévoilant la curieuse cicatrice en forme d'éclair qu'il avait sur le front.
Comment Sarah parvint à finir sa matinée d'enseignement sans prêter aucune attention à ce qu'elle faisait, cela relevait du miracle. A la récréation de dix heures, elle ne descendit pas dans la cour, pour ne pas rencontrer Rémus. Mais à onze heures et demi, alors que les enfants partaient manger, le surveillant vint la voir.
« Alors, demanda-t-il, comment s'est passée cette matinée ?
- Bien, répondit-elle sèchement.
- J'ai un petit service à cous demander. J'aimerais emprunter Harry cet après-midi.
- Comment cela ?
- Je n'avais rien de particulier à faire, et j'ai réussi à persuader la directrice de me donner mon après-midi. - Vous ne pouvez pas emmener Harry, s'indigna Sarah.
- Pourquoi pas ? Manquer un cours ne serait pas une telle catastrophe pour lui, je suppose. Et, étant donné mon métier, je suis parfaitement capable de prendre soin de lui.
- Pourquoi pas ? Sarah faillit s'étrangler. C'est absolument illégal, Rémus. Les enfants sont sous ma responsabilité pendant les heures de classe, et ils ne sont pas sensés passer tout l'après-midi avec vous, en plus ils ne doivent pas quitter l'école sans autorisation signée par un responsable. Si cela venait à se savoir, nous aurions tous deux les pires ennuis, et je ne veux pas que ma carrière commence par un blâme.
- Oups, désolé. J'ai dû sauter une page dans le manuel du parfait aide- éducateur.
- Tout le monde sait cela, éducateur ou pas.
- Bien sûr, je le savais, mentit Rémus, je n'y avais simplement pas pensé. » Il regarda attentivement la jeune femme. « Je ne t'avais jamais vue aussi nerveuse. Il y a quelque chose qui ne va pas ? Sarah se sentit fondre. Elle remarqua qu'elle ne parvenait pas à rester fâchée contre Rémus. Elle soupira.
« C'est simplement que je trouve bizarre que tu viennes me demander d'emprunter Harry, alors qu'il y a quelques heures on m'a recommandé de ne pas te laisser l'approcher.
- Tu as vu Dursley ce matin ? » Il ne semblait ni ennuyé ni même surpris.
- Oui, avoua-t-elle.
- Et que t'a-t-il dit ? De me maintenir à l'écart de Harry et Dudley ?
- Plus précisément de t'empêcher d'approcher de Dudley ou de mettre des bêtises dans la tête de Harry. Ce qui, je suppose, exclut le fait que vous passiez un après-midi en tête-à-tête.
Lupin eut un sourire ironique. « Je me demande ce que lui, il a raconté comme bêtises à ce garçon toute sa vie. - Pourquoi vouliez vous emmener Harry ? demanda Sarah.
- Pour lui acheter des lunettes. Je commence à suffisamment connaître Vernon pour savoir qu'il ne le fera pas.
- Il m'a menacée des pires ennuis si je ne respectais pas ses instructions. Je n'avais jamais rencontré quelqu'un d'aussi furieux.
- Ne t'inquiète pas. Vernon aboie fort et beaucoup, mais il ne mordra pas. Il n'osera pas. »
Toujours cette certitude, cette confiance qu'il avait déjà montrée quand il avait menacé le gros homme. Qui que soient les gens qui le protégeaient, ils devaient être très puissants. « Rémus, demanda-t-elle d'un ton timide. J'ai entendu la fin de ta conversation avec Vernon Dursley. » Il posa un énorme soupir. « .Je n'ai pas fait exprès, s'excusa-t-elle mais vous n'étiez pas vraiment discrets, et.
- Non, tu n'y es pour rien. Une fois de plus, je n'aurais pas dû m'emporter. Je suppose qu'avec ce que tu as entendu hier, en plus, tu dois te poser beaucoup de questions, et je comprends que tu hésites à me confier Harry. - Ce n'est pas seulement cela. De toute façon, je ne te l'aurais pas laissé cet après-midi. Mais je suis inquiète, Rémus. Pourquoi Est-ce que Harry est vraiment en danger ?
- C'est possible, répondit honnêtement le surveillant. Rien n'est encore sûr à ce stade.
- Mais pourquoi ? Et qui es-tu vraiment ? Pourquoi utilises-tu un code avec les Dursley ?
- Je suis désolé, mais il y a beaucoup de choses que je n'ai pas le droit de te dire. Les Potter et moi faisions partie d'une communauté, nous étions des genres d'agents secrets. Il y avait à l'époque un malfaiteur très puisant. C'est lui qui a tué les parents de Harry. Il a essayé de tuer Harry, mais n'y est pas parvenu.
- Pourquoi ? »
Il haussa les épaules. « C'est sans importance. En tout cas, il a été tué, du moins c'est ce que nous pensons, à la suite de cette opération, et la plupart de ses partisans ont été arrêtés. Le problème, c'est que beaucoup ont été libérés ou se sont évadés récemment, et nous craignons qu'ils ne s'en prennent à Harry.
- Pourquoi ? Je veux dire qu'il n'a jamais été vraiment impliqué dans la lutte, pas à un an.
- Parce que c'est en essayant de le tuer que leur chef a été détruit. Et parce que pour nous, il est devenu un symbole, et ils le savent.
- c'est cela les idioties que Vernon craignait que tu ne mettes dans la tête de son neveu ?
- En partie. Harry ne sait rien de tout cela. Il croit que ses parents sont morts dans un accident de voiture.
- C'est aussi bien ainsi, non ? Pourquoi l'inquiéter inutilement ? En tout cas si je peux t'aider à protéger Harry, je suis volontaire.
- Merci. Mais il n'y a pas grand chose que tu puisses faire. Préviens-moi si des individus bizarres tournent autour de lui. Ou si Harry lui-même se comporte étrangement. Et, s'il te plaît, ne parle de cela à personne. Il y a des enjeux plus importants que tout ce que tu peux imaginer.
Sarah hocha la tête. « Je ne dirai rien. Pour les lunettes de Harry. ajouta- t-elle.
- Oublie cela. Je ne veux pas te poser de problèmes.
- Non. Je ne veux pas qu'il soit négligé plus longtemps. Si tu veux, tu peux l'emmener demain midi. Il n'est pas sous ma responsabilité pendant la pose déjeuner. Maintenant, et si nous allions manger ? »
Mais Harry refusa que le surveillant l'emmène acheter des lunettes. Il ne dit pas pourquoi, il était évident que la peur de désobéir à son oncle était la raison de ce refus. Sarah enrageait de se sentir aussi impuissante face à la situation désastreuse de cet enfant.
Les jours filaient lentement, et Décembre arrivait. Un matin froid, Harry finissait ses opérations. Il fit attention de ne pas oublier la retenue sur la dernière soustraction, et alors que, satisfait, il inscrivait le dernier chiffre du résultat, la sonnerie retentit. La maîtresse les autorisa à sortir, et Harry prit son manteau.
« Attends, lui demanda Ann. Qu'est-ce que tu fais toujours tout seul pendant les récréations ?
- Rien de particulier.
- Tu sais, des fois, j'en ai marre des autres. Tu veux venir jouer avec moi ?
- Les autres vont se moquer de vous si je viens jouer avec vous. Comme l'année dernière.
- J'ai réfléchi : je me moque de ce qu'ils peuvent dire. Ils sont bêtes. Ce sont bien des garçons. Oups, je ne parlais pas pour toi. Alors, tu viens ?
- Et si Dudley et ses copains viennent t'attaquer ?
- Ils ne viendront pas. Mon père m'a dit que si un garçon osait lever la main sur moi, je devais lui dire tout de suite et qu'il lui ferait subir la colère monstrueuse numéro cinq. Celle qui vous enlève à tout jamais l'envie de recommencer. » Harry sourit et acquiesça. Si les colères de l'instituteur s'apparentaient un minimum avec celles de l'oncle Vernon, alors il n'avait rien à craindre.
« Je viens. Merci . »
Ils se rendirent dans un coin de la cour, mais, au lieu de jouer, se mirent à parler. « Alors, demanda Ann. Comment c'est de vivre avec Dudley ?
- Horrible. Bien sûr.
- Et ses parents, ils sont comment ?
- Affreux. Et les tiens ? Ce n'est pas bizarre d'avoir son père dans l'école ? » Harry n'avait pas du tout envie de parler de sa vie chez les Dursley.
- Je ne sais pas. Pour moi, ce qui serait bizarre, c'est qu'il ne soit pas là. Et puis ça a des avantages : tout le monde a peur de lui. Mais il sait toujours tout ce que je fais, puisqu'il connaît bien la maîtresse. Des fois, c'est dur. Ma mère est aussi instit, à la maternelle à côté, ce qui fait que j'ai toujours eu un de mes parents à l'école.
Il y eut un silence, puis la petite fille reprit : « Pourquoi tu ne vis pas avec tes parents ?
- Ils sont morts.
- Oh, je suis désolée. » Mais la curiosité fut la plus forte. « comment sont-ils morts ? demanda-t-elle.
- Un accident de voiture.
- Tu y étais ?
- Oui, mais je ne m'en souviens pas. J'étais trop petit, j'avais un an. » Il releva la mèche qui lui couvrait le front. « C'est là que j'ai eu cette cicatrice, ajouta-t-il.
- C'est triste. »
A ce moment, leur tranquille conversation fut interrompue par une voix railleuse : « Eh, Ann ! Tu sais, si tu cherchais un petit ami, tu aurais pu trouver mieux que Harry. Demain, tu vas venir avec de vieux vêtements trop grands pour lui plaire ?
- Va-t'en, Piers. Lui au moins, il a un cerveau.
- Mais il a pas de parents. C'est pour ça que les parents de Dudley ont du lui faire la charité. Pas vrai Dudley ? » lança-t-il en direction du gros qui arrivait aussi vite que son dandinement le lui permettait.
- Ouais. Même que papa dit qu'il a jamais vu un enfant coûter aussi cher, et que peut-être si ses parents n'avaient pas été aussi fainéants, on aurait hérité de quelque chose de valable en plus de lui.
- Allez vous en ou j'appelle mon père.
- Tiens, la petite fille à son papa est de retour. » Il s'approcha d'elle, la bloquant dans un coin. « Tu n'as pas intérêt à lui dire quoi que ce soit. Sinon, peut-être que Harry sera le seul qui voudra encore être ton ami. Les deux chochottes, ça sera vous. »
Ann se mit à crier, et Dudley commença à lui tirer les cheveux.
« Arrête, Dudley. Dit Harry. Le gros garçon se tourna vers son cousin. « Je crois que j'entends mal. La demi portion a osé me donner un ordre. Tu peux répéter ?» Une froide colère emporta la terreur de Harry.
- J'ai dit arrête. Elle ne t'a rien fait.
- Ah oui ? Et si mon père m'avais demandé de veillé à ce que tu ne pervertisse personne ? Je pourrais dire que je la protégeais de toi, même si elle n'en est pas consciente.
- Tu sais très bien que personne ne voudrait de la protection d'un gros porc sans cervelle. »
Harry avait à peine fini sa phrase qu'un énorme poing s'écrasa sur son nez. Il perdit l'équilibre et tomba en arrière. Ann voulut crier, mais Dudley lui avait plaqué la main sur la bouche.
« fais gaffe, quand même, avertit Piers. C'est la fille de Jason.
- Mon père peut faire virer le sien s'il en a envie, répondit Dudley d'un ton suffisant. D'ailleurs, ajouta-t-il en enlevant sa main de la bouche de la fillette terrorisée, si tu rapportes à ton père ou à la maîtresse, je lui demanderai de le faire. Compris ?
- Oui, répondit Ann. Des larmes lui montèrent aux yeux.
- Ca y est, elle va pleurer comme un bébé, maintenant. Les filles sont vraiment trop nulles.
Harry s'était relevé. Jamais il n'avait été aussi furieux. « Ca suffit, Dudley, dit-il d'une voix glaciale. Laisse la tranquille. »
Visiblement, les autres avaient oublié sa présence. Dudley se retourna vers lui et sourit. « tu n'as pas retenu la leçon ? Ne me donne pas d'ordres. Tiens le bien, Piers. »
L'autre garçon attrapa les mains de Harry qui se débattait. Dudley recula son poing pour frapper. Harry était furieux de se sentir aussi impuissant. Il jeta un coup d'?il à Ann, qui s'enfuit en pleurant quand le poing atteignit une fois de plus Harry entre les côtes. Elle ne serait jamais son amie, maintenant. Et une fois de plus, après avoir tout gâché, Dudley se servait de lui comme punching-ball. Il lança à son cousin un regard haineux. Celui-ci sourit simplement. Il avait gagné, il était content. Et il leva la main pour frapper. Harry ferma les yeux, attendant le coup. Mais rien ne vint. Lorsqu'il les rouvrit, un spectacle étrange s'offrit à lui. Dudley était toujours debout, le poing levé, mais il l'avait pas abattu. Il avait totalement cessé de bouger.
« Dud ? » fit une voix derrière Harry. Piers lui maintenait toujours les mains. « Dud, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu ne frappes plus ? »
Dudley ne bougea pas, il ne semblait pas même avoir entendu son ami. Aucun signe de vie n'habitait plus le corps imposant. Comme si on l'avait changé en statue. Harry sentit Piers le lâcher. A ce moment, une voix se fit entendre.
« ils sont là ! » Harry leva les yeux. Par dessus Dudley, il vit Ann arriver, accompagnée de Rémus Lupin. « Que se passe-t-il ici ? » demanda le surveillant au moment où la cloche sonnait.
« Harry, Qu'est-ce qui s'est passé ? répéta-t-il en remarquant du sang sur le visage du petit garçon.
- Je suis tombé, mentit machinalement Harry, les yeux fixés sur Dudley, qui n'avait toujours pas bougé.
- Ce n'est pas vrai, répliqua Ann. Dudley l'a frappé, et Piers l'a aidé. »
Le regard de Rémus se fit dur, et il se tourna vers les deux autres garçons. Piers essayait de se cacher derrière Dudley, qui n'avait toujours pas bougé.
« Qu'avez-vous à dire ? » demanda-t-il.
Piers se tourna vers Dudley. C'était en général lui qui répondait aux adultes. Mais le garçon n'avait toujours pas bougé. « Ils n'ont rien fait, répéta Harry en lançant un regard suppliant à Ann. Je suis tombé tout seul. » Mais le surveillant ne l'écouta pas. Lui aussi regardait maintenant Dudley.
« Je crois que tu peux baisser le bras, dit-il. Tu ne frapperas plus personne pour l'instant. » Mais il n'obtint aucune réaction. « Ann, dit-il doucement à la petite fille qui avait encore les yeux humides, tu vas retourner en classe et raconter à ta maîtresse ce qui s'est passé. Dis-lui que je ramènerai les autres un peu plus tard. »
Elle hocha la tête, jeta un regard à Harry, puis à Dudley qui continuait de lever le bras, un sourire niais sur les lèvres. Puis, Harry vit Rémus sortir une bizarre baguette de bois. Il l'approcha de Dudley et murmura quelque chose. Et soudain, le bras s'abaissa lourdement, Dudley vacilla mais parvint à garder l'équilibre.
On entendit alors une voix furieuse :
« Pourquoi n'êtes vous pas en classe ? Tous les autres sont remontés depuis au moins cinq minutes ! » Viviane Malenski arrivait en trombe. Jamais encore elle n'avait autant rappelé à Rémus le professeur Mac Gonagall. Elle remarqua alors la présence du surveillant. « Vous êtes là Rémus, constata-t-elle d'une voix plus calme. « Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Il semble que ces deux garçons aient décidé de ce mettre à battre Harry.
- Non ! s'exclama Harry. Je me suis fait mal tout seul. Je suis tombé. » La directrice lui jeta un regard à la fois compatissant et dubitatif.
- Ce n'est pas ce que dit Ann, répliqua Rémus.
- Piers, qu'as tu à dire ?interrogea Viviane d'un air dur.
Le garçon baissa la tête et jeta un regard désespéré à Dudley. Mais pour une fois, Dudley ne disait rien. Ses petits yeux porcins lançaient des regard de peur et de confusion autour de lui. Visiblement, il ne comprenait rien à ce qui venait de se passer.
« On voulait juste s'amuser un peu, balbutia Piers, pas lui faire du mal. Ann aura mal vu. Et puis, ajouta-t-il précipitamment, il est arrivé quelque chose de bizarre.
- De bizarre comment ? Vous jouiez et tout à coup Harry s'est retrouvé avec le visage en sang, c'est ça ?
- Non ! c'est pas Harry, c'est Dudley. Soudain il est devenu comme une statue, il ne bougeait plus du tout. Pendant cinq minutes il n'a pas bougé. »
Au grand soulagement de Rémus, la directrice ne sembla pas accorder beaucoup de crédit à cette affirmation, et répliqua sèchement : « Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Tu essaies de détourner la conversation, n'est-ce pas ? »
Mais Dudley semblait se remettre de ses émotions.
« C'est vrai, dit-il d'un ton tremblant loin de son habituelle arrogance. Je parlais avec Harry, et tout à coup, je ne pouvais plus bouger, ni voir, ni entendre. Et quand je suis revenu à moi, vous arriviez.
- Qu'est-ce qu'ils racontent ? demanda la directrice à Rémus. Ils n'ont pas l'air de mentir.
- Non, je ne crois pas qu'ils mentent, répondit le loup-garou. Il essayait de trouver une explication plausible pour ce que les garçons avaient tous remarqué. Mais ce n'est pas bien grave à mon avis. Un petit coup de fatigue, ou autre. Peut-être même un accès de culpabilité. Je ne sais pas. Mais quand je suis arrivé, il avait le bras levé sur Harry.
- C'est de SA faute !tonna soudain Dudley.
- Pardon ?
- C'est Harry qui m'a fait ça. Il jeta à son cousin un regard haineux. Quand papa saura ça, il te donnera une punition horrible, » ajouta- t-il à son intention. Toute couleur disparu du visage de Harry, à l'exception du petit ruisseau rouge qui continuait de couler de son nez.
- Ce n'est pas vrai, murmura-t-il. Je n'ai rien fait. » Il lança des regards terrifiés autour de lui.
- Il ment, cria Dudley. Il se passe toujours des choses bizarres autour de lui. Il a cru que je voulais le frapper, c'est pour ça qu'il m'a fait cela.
- Je croyais que tu ne faisais que jouer avec lui, » remarqua doucement Lupin. Bien qu'il soit ulcéré par l'état dans lequel il avait trouvé Harry, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir désolé pour Dudley. Il ne faisait aucun doute que pour une fois, il disait la vérité. Cependant ce sentiment passa très vite. Dudley ne se laissait pas facilement abattre.
- Je ne faisais rien de mal, affirma-t-il. Piers et Harry vous l'ont déjà dit. Mais lui, il fait toujours des trucs bizarres comme cela.
- Je n'ai rien fait, gémit Harry qui semblait de plus en plus mal. Il savait qu'il n'échapperait pas au placard. Je ne l'ai même pas touché. Je ne sais pas ce qui s'est passé.
- Bien sûr que tu n'as rien fait, dit la directrice d'un ton apaisant. Comment aurais-tu pu faire une chose pareille ? Dudley a probablement juste eu une petite crise de spasmophilie, c'est tout. Mais cela n'explique pas son geste, s'il t'a frappé. Son regard se durcit et elle fixa les autres garçons : vous deux, j'aimerais vous voir dans mon bureau. Rémus, tu seras assez aimable pour m'envoyer Ann. Puis, tu nettoieras Harry avant de le renvoyer en classe. Harry, tu es sûr que tu n'as rien à dire ? »
Les yeux verts se posèrent sur la directrice, puis sur Dudley, avant de venir se fixer sur le sol.
« Non, »répondit le petit garçon. Puis il suivit le surveillant sans un mot. Rémus se dirigea vers la classe de CE2. Il frappa, et poussa la porte. Sarah vint le rejoindre dehors pour ne pas perturber la classe qui travaillait silencieusement. Elle poussa un petit cri à la vue du visage de Harry. Le sang avait commencé à sécher, formant des croûtes, et un gros coquard se formait sur son ?il gauche.
« Ce n'est rien de grave, la rassura Rémus. Il fit la commission de la part de la directrice, et emmena Harry dans la salle des maîtres, où se trouvait l'armoire à pharmacie, et entreprit de nettoyer le visage de l'enfant. « Harry, demanda-t-il soudain, est-ce que je te fais peur ?
- Non. Vous êtes gentil.
- Merci, fit Rémus en souriant. Donc, tu n'as vraiment pas peur de moi ? Même pas un tout petit peu ? Harry hésita. Il n'avait pas peur de ce que Rémus pouvait lui faire. Il avait peur de ce qui pouvait revenir aux oreilles de l'oncle Vernon.
« Non, répéta-t-il. Je n'ai pas peur de vous.
- Alors pourquoi refuses-tu de me parler ? De quoi as-tu peur, Harry ?
Une fois de plus, le petit garçon ne répondit pas, et regarda ses pieds. Rémus s'approcha et prit le petit visage dans ses mains. « Harry, regarde-moi. »
Lentement, Harry releva la tête, et plongea son regard dans les yeux noisette du surveillant.
« Tu n'as pas à baisser les yeux. Je ne vais pas te punir. Personne ici n'en a l'intention. Tu n'as rien fait de mal, tu comprends ? »
Il y avait dans sa voix et dans son regard une telle douceur, une telle compréhension, que Harry eut soudain envie de tout lui dire : Dudley, les coups, le placard, ce que l'oncle Vernon disait. Mais il savait qu'il ne le pouvait pas. Il était condamné à garder ses secrets. Alors, Harry détourna les yeux. Rémus poussa un soupir, et sa déception se lut sur son visage. Et cette tristesse sur les traits habituellement rieurs du surveillant était plus que Harry ne pouvait en supporter. Sa gorge se serra. Et, doucement, une larme commença à couler le long de sa joue.
Rougissant, le petit garçon se dépêcha de l'écraser, et il s'enfuit en direction de la cour. Mais Rémus le rattrapa. « Tu n'as pas à avoir honte, Harry. Si vraiment tu ne veux rien dire, alors pleure un bon coup, et décharge tout ce que tu as sur le c?ur. Laisse toi aller pour une fois. »
Jamais personne n'avait manifesté autant de compréhension envers Harry. On aurait dit que Rémus savait tout de la vie du petit garçon. L'enfant enfouit son visage dans le pull de l'adulte, et il éclata en sanglots incontrôlables.
Harry pleura longtemps. Rémus ne bougea pas, attendant qu'il se calme. C'était le fils de James. Le survivant. Des milliers de personnes auraient été prêtes à tout sacrifier pour qu'il soit heureux, et il se débattait à travers une existence pénible, ignorant tout de son destin si particulier et de tous ceux qui l'adulaient. Il imaginait les titres de la gazette du sorcier, s'ils venaient à apprendre les condition de vie du célèbre Harry Potter. Les larmes de l'enfant semblaient ne plus devoir s'arrêter. Rémus caressa doucement les cheveux noirs. Enfin, les soubresauts qui agitaient le frêle petit corps se ralentirent, et finirent par s'arrêter complètement.
Harry ne retourna en classe que l'après-midi. A son grand soulagement, la meîtresse ne posa pas de question. Ann semblait avoir retrouvé son état habituel. Elle parut soulagée de voir Harry.
« Où tu étais ? demanda-t-elle.
- Avec Rémus.
- Pourquoi tu ne leur a rien dit ? Ils ont été punis pour nous avoir insultés et m'avoir tirés les cheveux. La directrice a dit qu'ils seraient renvoyés s'ils recommençaient. Et elle a mis des mots pour leurs parents. Mais ça aurait été bien pire si tu avais dit que Dudley t'avait frappé. Peut-être qu'ils auraient été directement renvoyés. »
Harry ne répondit pas. Il était devenue d'une pâleur de craie.
« Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda la petite fille. Tu n'es pas content qu'ils aient été punis ? Ils n'oseront pas recommencer ! Et Rémus va les surveiller tout particulièrement à partir de maintenant.
- Rémus n'est pas là chez les Dursley.
- Oh, c'est vrai que tu vis là-bas. » Un air compatissant se peignit sur le visage de la petite fille. L'après- midi passa comme dans un brouillard pour Harry. Il avait bien trop peur de ce qui allait ce passer le soir pour faire attention à la leçon.
A sa grande surprise, Dudley ne raconta pas tout de suite à sa mère ce qui s'était passé. Il était probablement bien trop occupé à manger ses tartelettes aux fraises. Ce n'est que peu après leur arrivée à Privet Drive, quand la tante Pétunia vérifia comme tous les soirs le carnet de correspondance de son fils.
« Oh Duddy, s'écria-t-elle, pourquoi n'as tu pas dit que l'école était trop stressante pour toi ? Si tu étais malade, nous t'aurions envoyé en vacances. Maman serait même venue avec toi !
- Je ne suis pas malade. »Le ton était peu engageant. « Qu'est-ce que c'est que ces bêtises ?
- Mais ne t'inquiète pas mon petit chou. La spasmophilie n'est pas bien grave.
- Je n'ai pas de spasmophilie ! s'indigna Dudley au moment où l'oncle Vernon pénétrait dans la pièce.
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Bien sûr que mon fils n'est pas spasmophile. C'est évident pour tous que Dudley est déjà un homme, un vrai.
- C'est la faute à Harry, dit Dudley. C'est lui qui a fait ça. »
L'oncle Vernon devint blanc. Pendant un moment, la colère sembla le submerger, et il marmonna des mots sans suite, en respirant si fort et rapidement qu'il sembla s'étouffer. Puis, il saisit Harry par le pull et le souleva.
« Toi, comment as-tu osé t'attaquer à Dudley ? Après tout ce que nous avons fait pour toi ? » Il transporta sans difficulté le petit garçon et le jeta sans ménagement sur le sol du placard. « Tu n'es pas prêt de sortir d'ici, sale petite vermine. Et ne t'imagine pas que je vais dépenser encore plus d'argent pour te nourrir, ou quoi que ce soit d'autre. »
Il claqua la porte. Puis, au bout de quelques minutes, il revint, portant un tabouret sur lequel il monta, et entreprit de démonter l'ampoule qui pendait du plafond.
« Je ne vais pas non plus te payer de l'électricité. Peut-être qu'après quelques semaines à ce régime, tu seras plus conscients de ce que tu nous dois. »
Puis, il débrancha la lampe de chevet et s'en fut, laissant Harry dans le noir. A tâtons, l'enfant s'allongea sur son lit. Il entendit les Dursley dîner, Dudley se rendre à la salle de bains, puis les cris de la tante Pétunia au moment du coucher de son fils. Puis, il n'y eut plus que le ronronnement de la télévision.
Les jours suivants, la seule nourriture à laquelle Harry eut droit fut le repas de midi, à la cantine, amputé bien sûr du dessert, réquisitionné par Dudley. Puis, le week-end arriva, et l'enfant passa deux longues journées à fixer l'obscurité, autorisé à se rendre à la salle de bain deux fois par jour.
Le vendredi suivant, les élèves montèrent dans la classe et s'installèrent comme à l'habitude. Sarah leur dit bonjour en souriant et vérifia que tout le monde était là. Puis les cours de la matinée commencèrent.
« Voyons, qui va réciter la poésie ce matin ? Harry, s'il te plaît, tu veux bien commencer ? »
Le petit garçon fit non de la tête, et garda les yeux baissés.
« Pourquoi ? Tu récites bien, d'habitude. »
Il rougit, et murmura quelque chose d'incompréhensible. Sarah dut le faire répéter. « Je ne l'ai pas apprise, balbutia-t-il.
- Et pourquoi donc ?
- Je. j'ai oublié.
- Très bien, pour cette fois, mais tu l'apprendras pour demain. Et tu la récitera en entier. C'est compris ?
Il ne répondit pas. « Malcom, appela Sarah. Toi, tu as appris ta poésie ? »
Le garçon se leva et commença à réciter, en accrochant sur la plupart des débuts de phrases. Sarah le reprit distraitement. Ce n'était pas la première fois, cette semaine, que Harry ne faisait pas ses devoirs, et elle s'inquiétait. Ces derniers temps, l'enfant aux yeux verts semblait plus pâle chaque jour. Il avait encore maigri, et de grosses cernes noires s'étaient creusées sous ses yeux. Son attitude aussi avait changé. Il était devenu encore plus renfermé qu'auparavant, et ne répondait plus à sa voisine quand celle-ci essayait d'engager la conversation. Elle décida de s'en ouvrir à Rémus. Le lundi précédent, elle avait trouvé Harry dans les bras du surveillant, peut-être ce dernier avait-il réussi à briser es barrières de l'enfant. Mais, apparemment, Rémus ne savait rien de plus. Elle décida que ce n'était peut-être qu'un coup de fatigue.
« Si lundi il ne semble pas aller mieux, décida-t-elle, je demanderai un entretien à son oncle et sa tante. Ca ne peut pas continuer ainsi. »
Ce soir là, avant de partir, Ann reçut la visite de la directrice. Celle-ci expliqua qu'elle venait de recevoir un mot de l'inspection : « Ils envoient un inspecteur pour passer te voir lundi, dit Viviane. Il viendra vers dix heures, après la récréation. C'est un nouveau, nous ne le connaissons pas, mais il semble plutôt sympathique, et étant donnée la manière dont tu tiens ta classe, tu n'as aucune raison de te faire du souci. »
Mais Sarah fronça les sourcils : le lundi à dix heures, elle avait une heure de sport. « Est-ce que je dois l'annuler pour qu'il puisse venir dans la classe ?
- Non, tu ne dois rien changer à ton emploi du temps. Après tout le sport est une activité comme une autre. Et je suppose qu'il contrôlera des cahiers pour voir ce que tu fais dans les autres matières. »
Sarah acquiesça et remercia la directrice de l'avoir prévenue.
Les deux jours qui suivirent furent les plus horribles que Harry ait jamais passés. Enfermé dans le noir dans son placard, il n'avait pour seule distraction que les crampes de son estomac vide. Etendu sur son lit, il avait perdu toute notion du temps. Son esprit vagabondait librement, à la limite de l'hallucination. Une ou deux fois, une intense lumière verte le fit se redresser, en sueur, le c?ur battant la chamade. Lorsque la tante Pétunia venait le chercher pour l'emmener à la salle de bains, il avait à peine la force de la suivre au premier étage.
Enfin, le lundi matin arriva. Lorsque la porte du placard s'ouvrit, et que la tante Pétunia apparut, elle ordonna à Harry de prendre des vêtements et son peigne, pour pouvoir s'habiller et se coiffer à la lumière. C'est comme ça que Harry sut que l'interminable week-end était enfin terminé. Il se leva lentement. La pièce tournait autour de lui. Des odeurs de pain grillé et de bacon provenant de la cuisine emplirent ses narines. Il inspira profondément, comme si les effluves pouvaient suffirent à le nourrir .
« Dépêche toi, fit sèchement la tante Pétunia. Duddy pourrait avoir besoin de la salle de bain après toi. » Une fois de plus, il monta l'escalier sur ses jambes tremblantes, en se tenant à la rampe. Il se lava rapidement, s'habilla, et apaisa sa soif au robinet. Il essaya de se remplir l'estomac d'eau, mais sans parvenir à atténuer ses crampes. Harry parvint sans trop de mal à suivre sa tante sur le chemin de l'école. C'était un tel soulagement de revoir la lumière du jour, d'avoir quelque chose à faire, que pendant un moment il en oublia presque sa faiblesse. Mais en arrivant dans la classe, il eut un vertige et s'effondra sur sa chaise. Il essaya de prêter attention à ce que disait la maîtresse, mais l'effort était trop grand. Ses idées semblaient avoir décidé de vagabonder à leur guise.
Il se rendit compte soudain qu'on lui parlait. Ann le secouait.
« Harry, réveille toi, la maîtresse t'a interrogé, » chuchotait-elle. Harry leva la tête. Mlle Déline se tenait tout près de lui. Elle semblait attendre une réponse, mais il n'arrivait pas à se souvenir de ce qu'elle lui avait demandé. « Alors, Harry, répéta-t-elle, aurons-nous l'honneur de t'entendre réciter ta poésie ce matin ? »
La poésie, se rappela-t-il soudain. Il était sensé l'apprendre ce week-end. il fit lentement non de la tête. Après tout, ça n'avait pas d'importance. La maîtresse pouvait toujours crier, il était trop fatigué pour s'en soucier. Mais elle n'avait pas l'air fâchée, elle ne le gronda pas. Elle se contenta d'annoncer d'un ton las que, dans ce cas, elle était obligée de lui mettre zéro, et de lui jeter un regard inquiet, avant de continuer la leçon.
Lorsque la cloche sonna la récréation, Harry s'obligea à se lever, et à descendre dans la cour avec les autres. Si quelqu'un commençait à lui poser des questions, il aurait encore plus d'ennuis avec les Dursley. Il s'effondra dans le coin le plus reculé de l'école. Soudain, une ombre apparut devant lui. Une énorme silhouette noire, étrangement familière. Harry jeta ses bras autour du chien, et enfouit son visage dans l'épaisse fourrure.
« Je suis content de te voir, murmura-t-il. Ils m'ont enfermé, et je ne pouvais plus venir dans le jardin, tu comprends ? j'avais peur que tu sois fâché contre moi. Que tu ne veuilles plus me voir, après. »
Le chien fit une drôle de grimace, comme si cette idée lui paraissait particulièrement saugrenue. « Tu es un chien très intelligent, n'est-ce pas, pour être venu me chercher ici ? »
L'animal hocha fièrement la tête. Puis, soudain, ses oreilles se dressèrent, et il s'enfuit. Harry appela : « Reviens, s'il te plaît, la récréation n'est pas finie ! »
Mais à ce moment il s'entendit appeler. « Harry ! Ca va ? Qu'est-ce que tu fais assis là tout seul ? »
Harry se retourna, et vit s'avancer Rémus. « Je n'étais pas tout seul, dit-il d'une voix basse. Il y avait un chien . »
Quelques jours plus tôt, jamais il n'aurait confié cela au surveillant, mais depuis que celui-ci l'avait laissé pleuré dans ses bras, un lien s'était tissé entre eux. Rémus prit aussitôt l'air inquiet.
« Un chien ? Quel genre de chien ?
- Très gros, et tout noir. Je ne sais pas quelle race.
- Et tu l'as déjà vu souvent, ce chien ?
- Oui. Depuis le début de l'année, il est souvent ici ou près de chez moi.
- Reviens sous le préau. Tu es gelé. »
Harry remarqua alors qu'il grelottait. « Et fais attention à ce chien si tu le revois. Il est peut-être dangereux. Evite de rester seul avec lui, d'accord ?
- Pourquoi ? Il est gentil, et très intelligent. Il répond quand on lui pose des questions. »
Le visage de Rémus se fit sévère : « Je connais ce chien. Il n'est pas gentil du tout. Préviens moi si tu le revois. »
Ils revinrent sous le préau au moment où la cloche sonnait. Les CE2 se rangèrent devant Mlle Déline, qui leur présenta un homme d'un certain âge, avec des cheveux très blonds, presque blancs, et un visage long et mince. « C'est Monsieur Block, qui est ici pour assister à votre cour de sport. On continue la course d'endurance aujourd'hui. »
Il y eut quelques murmures de déception, la plupart des élèves n'aimant pas ce sport, qu'ils considéraient comme fatigant et ennuyeux, mais tous suivirent les deux adultes dans la cour. Lorsqu'ils arrivèrent à l'endroit d'où ils devaient partir, la maîtresse rappela le circuit qu'ils devaient effectuer, et qui couvrait presque tout le terrain de jeux. « Le but n'est pas d'aller vite, rappela-t-elle, mais de courir longtemps. Dix minutes, pour commencer. Compris ? » Le ch?ur des élèves répondit que oui, et elle donna le départ.
Harry se mit à courir. Lentement, pour économiser ses forces. Mais ses jambes semblaient faites de coton, à chaque pas, il lui semblait qu'il allait s'écrouler. Des frissons le parcouraient, comme s'il avait de la fièvre, mais il savait qu'il ne devait pas s'arrêter. Sinon, on s'apercevrait qu'il était malade, et les Dursley seraient prévenus. Il ignorait combien de temps s'était écoulé. Il ne connaissait que les mouvement de ses jambes, de plus en plus lent, et sa respiration qui devenait de plus en plus précipitée. Il avait presque fini le premier tour, sans remarquer que tous les autres étaient à présent loin devant, même Dudley que sa corpulence empêchait de courir. Tout se mit à tourner autour de lui. Il ne pouvait plus respirer. « Non, pensa-t-il au moment où il se sentit tomber, les Dursley vont être furieux. »
Sarah montrait à l'inspecteur son cahier-journal, qui retraçait tout ce qu'elle avait fait avec sa classe, tout en gardant un ?il attentif sur le chronomètre, et sur les enfants qui couraient. Soudain, elle s'interrompit au milieu d'une phrase.
« Harry ! » s'exclama-t-elle en se précipitant sur l'enfant qui venait de s'effondrer, plantant là Mr Block qui mit quelque temps à réagir. Harry n'était pas tombé comme quelqu'un qui trébuche, ses jambes avaient littéralement cédé sous lui. Et l'inquiétude de Sarah se changea en réelle peur quand elle vit que le petit garçon ne réagissait mas à l'appel de son nom. Il ne fit aucun mouvement lorsqu'elle le souleva pour l'écarter du chemin. « Julien ! appela-t-elle alors que le garçon qui passait devant elle. Il s'arrêta de courir et se retourna : « Va chercher Rémus Lupin, ordonna-t- elle. Harry est malade. »
Elle avait totalement oublié la présence de l'inspecteur qui proposa alors : « Inutile. Je vais l'emmener moi-même. » Il sourit. « Pour une fois que ma présence dans une classe servira à quelque chose ! »
Sarah ne sourit pas, elle était bien trop inquiète. Elle avait remarqué que quelque chose n'allait pas avec Harry, elle aurait dû agir plus tôt. La gorge serrée, elle mit l'enfant toujours inerte dans les bras de l'inspecteur, remarquant à quel point le petit corps était léger, et le suivit des yeux alors qu'il s'éloignait à grands pas. Puis, soudain, elle le vit se diriger vers le mauvais côté de l'école. Et elle réalisa que Mr Block n'avait aucune idée de qui était Rémus Lupin, ni de l'endroit où on pouvait le trouver. Elle s'élança à sa poursuite, après avoir dit aux enfants d'arrêter de courir et de l'attendre sagement. Et c'est alors qu'un incident des plus étranges se produisit.
L'inspecteur, portant l'enfant dans ses bras, se trouvait juste à côté de l'entrée de l'école, en face de la grille. Tout à coup une énorme bête surgit de nul part et lui sauta dessus. Harry roula à terre. Sans s'en préoccuper, l'animal commença à attaquer l'homme, qui tentait de se protéger le visage de ses mains. Sarah se mit à courir. Elle atteignait l'endroit où la scène se déroulait quand Rémus, suivi de près par Viviane, surgit soudain de l'intérieur de l'école. Le surveillant poussa un cri. Le chien leva la tête vers lui et ils échangèrent un regard. Si l'un des deux protagonistes n'avait pas été un chien, Sarah aurait juré que c'était un regard de reconnaissance. Puis Rémus sortit de sa poche une étrange baguette en bois clair, et commença à murmurer quelque chose, son visage d'une dureté effrayante. Mais le chien s'était déjà enfui sans demander son reste. Rémus scruta un instant les buissons, mais l'animal serait impossible à retrouver là dedans. Son regard s'adoucit, la colère fit place à une terreur rétrospective. Il rangea l'étrange baguette, et tendit une main à l'inspecteur pour l'aider à se relever. Celui-ci était couvert de traces de griffes, et ses vêtements étaient déchirés, mais heureusement il ne semblait pas gravement blessé.
« Ca va ? lui demanda Rémus.
- Oui. je crois. » Il frissonna, et vacilla légèrement, encore choqué. « heureusement que vous étiez là. Je ne sais pas ce que cette bête aurait fait si vous ne l'aviez pas fait fuir. »
Rémus haussa les épaules. « Vous ne savez pas ce qui l'a poussé à attaquer ? demanda-t-il d'un ton perplexe.
- Non. Je n'avais même pas remarqué sa présence avant qu'il ne se jette sur moi. J'emmenais cet enfant, qui avait eu un malaise.
- Quel enfant ? coupa Rémus. Il sembla soudain remarquer Harry, qui avait roulé quelques mètres plus loin. Une lueur de compréhension se lut dans son regard.
« Harry, » murmura-t-il.
Sarah s'approcha de l'enfant. Il n'avait pas fait un mouvement depuis le moment où il était tombé des bras de l'inspecteur, mais ses yeux était grands ouverts, et arboraient une expression terrorisée. Avant qu'elle n'ait eu le temps de faire le moindre geste dans sa direction, Rémus avait déjà pris dans ses bras le fils de son ami, et il le serrait fortement. C'est à ce moment que la directrice sembla revenir dans la réalité.
« Sarah, demanda-t-elle soudain. Où sont les autres enfants ?
- Mon dieu, s'écria Sarah, sortant elle aussi de sa torpeur. Les pauvres doivent encore être en train de courir !
- Dis leur de jouer sagement en attendant d'aller manger, et rejoins nous dans la salle des maîtres. Nous avons tous besoin d'une bonne tasse de café chaud. » Elle fit un rapide demi-tour et revint vers l'endroit où elle avait laissé ses élèves. La plupart avaient arrêté de tourner et s'étaient rassemblés sur l'herbe, un peu déconcertés. Ils l'accueillir avec des questions angoissées.
« Chut, fit-elle d'un ton qu'elle s'efforçait de rendre rassurant, mais qui tremblait encore. Tout va bien. Harry a eu un petit malaise, et Mr Block a eu un petit accident en l'emmenant, mais il va bien maintenant. Comme je suis sûre que vous avez assez couru pour aujourd'hui, vous pouvez jouer dans la cour à condition de ne pas faire de bêtises. Je serai dans la salle des maîtres. D'accord ? »
Il y eut quelques cris de joie, et les enfants commencèrent à s'éparpiller. Sarah sourit légèrement devant cette naïve insouciance, et fit demi-tour, en direction de la salle des maîtres. Une petite voix la retint.
« Mademoiselle ?
- Oui, Ann.
- Qu'est-ce qu'il a, Harry ?
L'institutrice soupira. C'était une question à laquelle elle aurait aimé savoir répondre. - On ne sait pas encore, répondit-elle, s'efforçant de rassurer l'enfant qui semblait extrêmement mal à l'aise. Mais ce n'est sûrement pas très grave. »
La petite fille resta silencieuse, mais elle ne retourna pas vers ses amies. Visiblement, quelque chose la tracassait.
- Qu'est-ce qu'il y a, Ann ? Tu sais quelque chose sur la maladie de Harry ?
- Non, répondit Ann après un instant d'hésitation. Mais elle rougit.
- il y a quelque chose que tu aimerais me dire ? insista l'institutrice.
- Est-ce que Harry pourrait être malade d'avoir été trop frappé ?
- Pourquoi dis-tu cela ? demanda Sarah en s'arrêtant pour regarder la fillette dans les yeux. Harry n'a pas l'air d'avoir été frappé, pas depuis la semaine dernière. Qu'est-ce que tu sais, Ann ?
- C'est ma faute, dit-elle. C'est parce que j'ai raconté ce qui s'était passé avec Dudley. »
Elle répéta à Sarah la conversation qu'elle avait eu avec son voisin cet après-midi là. Et c'est le lendemain qu'il a commencé à avoir l'air malade, continua-t-elle. C'est de ma faute, si je n'avais rien dit, il ne serait pas malade.
- Tu ne peux pas dire cela. Ce n'est pas de ta faute. Tu as eu raison de nous avertir de ce qui se passait. C'était très courageux de ta part. Et si Rémus n'était pas arrivé à temps, Harry aurait pu être sérieusement blessé. Même si sa maladie était liée à ce qui s'est passé ce jour là, et rien ne permet de l'affirmer, ce ne serait pas de ta faute. Tu as fait ce qu'il fallait. »
Un sourire triste passa sur le visage de l'enfant. « Maîtresse, demanda-t- elle.
- Oui.
- Pourquoi Harry doit-il porter des vêtements trop grands, et avoir un vieux sac horrible ? Et ses parents sont morts, et il est obligé de vivre avec Dudley. C'est pas juste.
- Je sais. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas justes, Ann. Va jouer, et ne t'inquiète pas trop pour Harry. Je suis sûre que ça va aller. »
Mais malgré son calme apparent, le cerveau de Sarah était en ébullition. La petite fille avait raison : c'était le lendemain du jour où il avait été battu par son cousin que Harry avait commencé à pâlir, à se renfermer encore plus sur lui-même, et à ne plus faire ses devoirs. Qu'avait-il bien pu se passer chez les Dursley ce soir là ?
Elle rentra dans la salle des maîtres. Lupin était assis près de Mr Block, et avait entrepris de lui nettoyer le visage avec une serviette humide. L'inspecteur semblait tout à fait bien, et il fit un clin d'?il à Sarah.
« Mademoiselle, je crois que vous remportez la palme de l'inspection la plus mouvementée, toutes catégories. Je me demande comment je vais bien pouvoir faire pour vous noter. »
Elle se força à sourire. L'odeur du café chaud emplissait la pièce. Elle remplit quatre tasses.
« Où est Viviane ? demanda-t-elle. Et Harry ?
- Viviane est partie téléphoner à l'hôpital, répondit Rémus. Elle craint que ce chien n'ait été enragé. Et nous sommes inquiets pour Harry. » Il désigna un coin de la pièce, où l'enfant était allongé sur des coussins, les yeux fermés.
« Il a de nouveau perdu connaissance, presque dès notre arrivée ici. »
Les traits du surveillants étaient creusés par l'inquiétude.
Sarah se sentit envahie par une vague de panique. Elle accourut auprès de Harry et s'agenouilla à côté de son élève. Il respirait à peine. La pâleur et la maigreur du petit visage étaient effrayantes. Impuissante, elle effleura doucement le front de l'enfant endormi.
« Pourquoi tu ne nous a pas fait confiance, Harry ? Qu'est-ce que tu caches ? »
Le visage était froid. Elle s'assit sur le sol et prit le petit garçon dans ses bras pour le réchauffer. Les paupières papillonnèrent un instant, et il sembla se réveiller, mais très vite il referma les yeux.
« L'ambulance arrive, » fit la voix de la directrice dans son dos.
Quelques minutes plus tard, une sirène se fit entendre dans la cour. Des hommes en blouse blanche firent irruption dans la pièce. L'un d'eux se pencha aussitôt sur Harry, que Sarah avait reposé sur les coussins. Elle regarda anxieusement les mains expertes examiner le petit corps. Au bout d'à peine quelques instants, l'homme étouffa une exclamation.
« Oh, mon dieu ! Cet enfant est à moitié mort de faim ! » Sans prendre la peine de demander une civière, il souleva facilement Harry dans ses bras et l'emporta dans l'ambulance. Sarah le suivit, impuissante. Un groupe d'enfants, à la fois curieux et inquiets, était rassemblé autour du véhicule.
« J'aimerais accompagner Harry, fit soudain une voix derrière elle. Se retournant, elle vit alors Rémus, le visage presque aussi blanc que celui du petit garçon.
- Vous êtes de la famille ?demanda le médecin, en le regardant d'un air soupçonneux.
- Pas vraiment. » Le surveillant fit une étrange grimace. Mais je crois que ça vaut beaucoup mieux comme ça. Sa famille serait probablement très heureuse s'il ne se réveillait jamais. »
L'homme en blanc fit signe qu'il n'y voyait pas d'inconvénient, et Rémus monta dans l'ambulance. Les portes se fermèrent et le véhicule démarra presque aussitôt. Sarah le regarda disparaître dans la rue. Petit à petit, le bruit de la sirène s'atténua, jusqu'à ce qu'il soit complètement inaudible. Pour une fois, les enfants ne parlaient pas. Eux aussi regardaient l'endroit où l'ambulance avait disparu, emportant leur camarade.
Puis, les questions commencèrent à fuser toutes en même temps. Mais Sarah n'avait pas le courage d'y répondre pour l'instant.
« Allez manger, demanda-t-elle. On expliquera tout tout à l'heure en classe, d'accord ? »
Il y eut quelques murmures mécontents, mais, comme ils avaient senti la tension de leur institutrice, les enfants s'en furent en silence, rejoignant les autres classes qui sortaient de l'école.
La salle des maîtres commençait à se remplir. L'inspecteur, qui avait été déclaré en bonne santé par les médecins, et autorisé à partir après une injection de sérum contre la rage, avait été raccompagné chez lui par Vivane. C'est dons Sarah qui dut révéler à ses collègues les événements de la matinée. Ceux-ci exprimèrent leur perplexité par rapport au comportement du chien, et leur indignation quand ils apprirent l'état ans lequel se trouvait Harry.
