Bonjour à tous!

Après des OS en pagaille, voici venue l'heure de ma première histoire en plusieurs chapitres dans l'univers de Spider-Man.

J'ai dû couper un peu le résumé pour les besoins de FF, donc voici le résumé complet :

"Post-Endgame — avec un Tony Stark en pleine forme.

Peter passe l'été dans la maison des Stark, au bord du lac. Il pensait simplement se reposer, apprendre à connaître Morgan Stark et profiter de la présence de son tuteur, mais son quotidien se brise peu à peu lorsque d'étranges évènements perturbent sa réalité, des évènements dont lui seul semble avoir conscience. Il voit des choses qui n'existent pas, son esprit lui échappe et il ne sait bientôt plus ce qui est réel et ce qui n'est qu'illusions. Sa nouvelle famille pourra-t-elle l'aider à retrouver son chemin jusqu'à la réalité, ou est-il déjà trop tard ?"

Petits éléments de précision avant de commencer :

— Cette histoire se déroule après Avengers : Endgame mais Tony a pu être soigné et est toujours vivant. Elle ne prend pas en compte Far From Home et No Way Home mais quelques éléments viennent directement de Far From Home. Vous comprendrez très vite lesquels !

— Elle se déroule durant l'été qui suit les évènements de Endgame.

— J'ai repris le trope de "May est morte et Tony est le tuteur légal de Peter" pour les besoins du scénario, et c'est un élément à garder à l'esprit pour bien comprendre le cheminement de l'histoire.

— Il y a quelques thèmes un peu sensibles. CW : automédication, références à la dépression et au suicide.

Bonne lecture !


Le soleil s'engouffrait à travers les frondaisons, dessinant des constellations de lumière vert clair sur le visage de Morgan.

Peter sourit. Il ne réalisait toujours pas que durant l'Eclipse, Tony Stark et Pepper Potts — Stark, désormais — avaient eu une fille.

OOO

Lorsqu'il avait retrouvé sa vie quotidienne, après cinq ans de disparition dont il ne gardait aucun souvenir, il avait eu tant de choses à découvrir — le nouveau Stark Phone ! La Playstation 5 ! Les suites de Star Wars ! — qu'il n'avait pas tout de suite réalisé les implications que la petite fille allait avoir dans sa vie. Elle n'était pas seulement la fille de Tony Stark ; elle était également un nouveau membre de la famille recomposée dans laquelle il s'était épanoui après le décès de May, presque comme une petite soeur, et elle devint bientôt aussi essentiel à son bonheur que les pizzas, les WhatsApp de Ned et MJ ou les soirées laboratoires avec Tony.

Elle l'avait immédiatement adopté, lui accordant la confiance naïve d'une enfant face à un super-héros tombé du ciel. Lui aussi l'avait aussitôt aimée, incapable de résister à son sourire auquel manquait une dent de lait et à ses câlins parfumés à la cannelle — mais parfois, lorsqu'elle se jetait au cou de Tony en l'appelant « Papa » et enfouissait ses longs cheveux bruns contre son épaule, quelque chose remuait désagréablement dans sa poitrine et un éclair de culpabilité le traversait. Il repensait à May, à ses étreintes et aux baisers qu'elle déposait contre son front, et il devait détourner le regard pour ne pas se laisser envahir par la nostalgie.

Il n'avait pas le droit de laisser la mélancolie le submerger. Il n'était plus un enfant : il avait seize ans, bientôt dix-sept. Il devait grandir, être fort et mature pour Morgan. Et pour Tony et Pepper, qui comptaient sur lui.

OOO

Le rire de la petite fille le ramena à l'instant présent, à la forêt baignée de lumière et à la chaleur de l'été qui caressait leurs bras nus.

— Dis, Pete, on joue à cache-cache ? demanda-t-elle en sautillant autour de lui, faisant virevolter les pans de sa jupe bleue autour de sa petite silhouette.

— Si tu veux, Fripouille.

Le surnom lui attira aussitôt une grimace outrée de l'enfant.

— C'est pas vrai, j'suis pas une Fripouille !

— Non, c'est vrai, admit Peter sans parvenir à dissimuler un sourire attendri. Tu es plutôt une Citrouille. Je compte et tu te caches, Citrouille ?

— Okay ! Tu me retrouveras jamais, Spidey !

Il était toujours étrange d'entendre le surnom que lui donnait Tony sortir de la bouche d'une enfant de six ans, mais Peter avait fini par s'y habituer. Les lubies de Morgan participaient à rendre son monde plus léger.

Il fit mine de se cacher les yeux et commença à compter à d'une voix délibérément forte :

— Dix… Neuf… Huit…

Il entendit très distinctement Morgan s'éloigner précipitamment en pouffant de rire, trébuchant sur les lacets de ses chaussures vernies. Aussi adorable qu'elle soit, elle avait toujours eu la discrétion d'un marcassin. Il n'avait généralement aucun mal à la retrouver, ce qui la rendait de plus en plus imaginative pour trouver des cachettes improbables. Lorsque Pepper l'avait retrouvée blottie dans le tambour de la machine à laver, quelques jours plus tôt, Peter et Morgan avaient eu droit à un discours pour leur rappeler que lorsque les jeux devenaient dangereux, ce n'était plus vraiment des jeux.

Ils lui avaient promis qu'ils feraient attention.

— Trois… Deux… Un… J'arrive, Citrouille !

Il emprunta le chemin sur lequel elle s'était éloigné et qui s'enfonçait plus profondément dans la forêt. Un tapis d'herbe épaisse étouffait ses pas et les branches des arbres devenaient de plus en plus épaisses, filtrant les rayons du soleil. Bientôt, seuls quelques éclats de lumière brillèrent faiblement ça et là, laissant des pans entier de l'horizon plongés dans les ténèbres.

La forêt féérique qui encerclait la nouvelle maison des Stark prenait soudainement des accents sinistres.

Le silence s'abattit soudainement autour de Peter. Il avait l'impression que du coton avait été enfoncé dans ses tympans. C'était inhabituel — d'ordinaire, ses sens étaient plus aiguisés que la moyenne ; il aurait dû être en mesure d'entendre jusqu'aux battements d'ailes des oiseaux qui folâtraient dans les branchages.

— Morgan ? appela-t-il, refermant le poing autour de la lanière de son sac à dos.

Son costume y était soigneusement rangé. Grâce à sa nanotechnologie, il ne lui faudrait qu'une poignée de secondes pour en être revêtu. Mais il ne voyait aucun danger à l'horizon… seulement ce silence dérangeant — et ce décor sombre, qu'il avait l'impression de n'avoir jamais vu malgré ses nombreuses escapades dans les bois.

— Morgan ?

Il tendit l'oreille, mais n'entendit que l'échos confus de ses propres battements de coeur.

— Morgan, tu te souviens de ce que t'a dit ta maman, la dernière fois ? Les jeux qui deviennent dangereux ne sont plus vraiment des jeux. Et là, notre partie de cache-cache devient un peu dangereuse.

Toujours aucune réponse. Peter fit un pas en avant, nerveux.

— On ne joue plus, Citrouille. Sors de ta cachette, s'il te plaît.

— Trop tard, Microbe.

Peter exécuta une brusque volte-face, l'adrénaline explosant dans sa poitrine.

Il n'avait pas entendu l'homme se glisser derrière lui. Il n'avait même pas ressenti sa présence — comme si cet homme n'en était pas un. Sa respiration, les battements de son coeur, son odeur — Peter ne sentait rien, absolument rien. A croire que tous ses super-pouvoirs lui avaient été arrachés.

En revanche, il était plus que conscient de la petite silhouette prisonnière de son étreinte cruelle.

— Morgan !

La main de l'homme était plaquée contre sa bouche, étouffant ses cris de détresse. Elle avait les yeux écarquillés de terreur et des larmes scintillaient sur ses joues.

Peter ne réfléchit pas. Il se précipita sur l'homme, son costume se refermant aussitôt autour de lui — son secret lui semblait bien dérisoire, à côté de la sécurité de Morgan. Il dirigea son poing sur l'homme, bien décidé à l'assommer. Malgré leur différence de taille, il n'aurait du avoir aucune difficulté à le mettre hors d'état de nuire : il était plus agile, plus rapide, plus fort que lui. Il était Spider-Man.

Mais l'homme l'esquiva au dernière moment, et quelque chose brilla dans sa main.

Une lame, pressée contre la gorge de Morgan.

Le monde de Peter devint blanc.

— NON ! Lâchez-la, espèce de monstre ! Lâchez-la ! se mit-il à vociférer, essayant de jeter une toile sur la lame.

L'homme l'esquiva à nouveau, avec une facilité inhabituelle — et déconcertante.

— Eh bien ? ricana l'homme. Tu n'es même pas capable de sauver la fille de Tony Stark ?

— Lâchez-la. Prenez-moi à la place, si vous voulez, mais lâchez-la. Ce n'est qu'une enfant !

— Oh, comme c'est noble de ta part. Tu serais prêt à te sacrifier pour une gamine que tu connais à peine ? Est-ce parce que tu es Spider-Man, ou est-ce parce que tu as des sentiments pour cette enfant ?

Il ne répondit pas.

Morgan ne détachait pas ses yeux de lui, ses grands yeux bruns si semblables à ceux de son père. Ils étaient noyés de larmes, mais elle restait parfaitement immobile, comme si la seule vue de Peter suffisait à la rassurer, à apaiser les battements paniqués de son coeur.

Il devait la sauver.

— Qu'est-ce que vous voulez ? murmura Peter.

— Oh, tu veux marchander, maintenant ?

— Vous voulez bien quelque chose. Les super-méchants veulent toujours quelque chose. Sinon, vous nous aurez déjà tués.

Il regretta immédiatement ses paroles lorsqu'un bref gémissement de terreur s'échappa des lèvres bâillonnées de Morgan.

L'homme esquissa un sourire narquois.

— Que me proposes-tu ?

— Je vous l'ai dit : prenez-moi à sa place. Morgan n'est qu'une petite fille. Elle est innocente. Je… je ferai tout ce que vous voulez, okay ? Je suis Spider-Man, je pourrais vous être utile. Je peux grimper aux murs. Je sais fabriquer des tonnes de trucs ; c'est moi qui ai inventé ces lance-toiles. Et mon costume doit valoir des millions de dollars. Mais laissez-la partir, s'il vous plaît… laissez-la.

— Je n'imaginais pas ça de ta part, Peter Parker, répondit l'homme dans un rire qui lui glaça le sang. J'ai entendu beaucoup de rumeurs sur toi, tu sais. Il paraît que tu serais le fils caché de Stark, son petit protégé, l'héritier secret de son entreprise… Je pensais que tu sauterais sur l'occasion pour te débarrasser d'un peu de concurrence. Je peux te faire cette fleur, si tu le souhaites…

Le coeur de Peter rata un battement.

Comment osait-il… ? Comment pouvait-il seulement insinuer qu'il laisserait quelqu'un faire du mal à Morgan, par jalousie ?!

Il serra les poings si fort qu'il en eût mal aux phalanges.

— Je ne laisserai personne toucher à Morgan, murmura-t-il. Et surtout pas vous !

L'homme n'eut pas le temps de répondre.

Un éclair vert s'abattit soudainement sur lui et il s'effondra comme une poupée de chiffon, lâchant Morgan ainsi que sa lame. Peter ne réfléchit pas : il se précipita sur la petite fille et l'arracha aux doigts de son ravisseur, le serrant contre lui de toutes ses forces. Il sentit son corps trembler contre le sien et son coeur battre de façon chaotique, tapissant le silence de petits « boum boum boum » effrénés.

Il s'empressa de retirer son masque afin que Morgan puisse voir son visage, qu'elle puisse attacher ses yeux aux siens et y lire toute la tendresse qu'il éprouvait à son égard.

— Je te tiens, Morgan. Je te tiens, murmura-t-il d'une voix plus paniquée qu'il ne l'aurait voulu. Tout va bien. Je te tiens.

Elle éclata en sanglots. Peter la laissa enfouir son visage contre son épaule afin que son agresseur ne soit plus dans son champ de vision. Il caressa ses cheveux et murmura, essayant de contrôler sa voix :

— C'est fini, ma Citrouille, tout va bien, je suis là… on va retourner à la maison, papa et maman vont s'occuper de toi, d'accord ? Shhh, c'est fini, c'est fini…

A leurs pieds, l'homme poussa un gémissement de douleur. Il tenta de se redresser, mais un nouvel éclair vert le heurta et il s'effondra à nouveau, inconscient.

Peter leva le visage et, incrédule, vit un deuxième homme descendre du ciel, une cape rouge se déployant dans son sillage. Il portait une combinaison vert foncé et son visage était dissimulé sous une sorte de bocal dans lequel tourbillonnaient des pans de fumée argentée ; des étincelles vertes dansaient au bout de ses doigts, et Peter comprit que les éclairs étaient de son fait.

— Rien de cassé, les enfants ? demanda-t-il avec douceur en se posant au sol.

Peter serra plus fort Morgan contre lui, davantage curieux que méfiant face à cette apparition inattendue. Qui que soit cet étrange homme, il venait de les sortir d'un bien mauvais pas, et il décida de lui accorder sa confiance — pour l'instant.

— Moi, non. Mais Morgan…

Il baissa les yeux et inspecta scrupuleusement la petite fille. Hormis les larmes qui avaient séchées sur ses joues, elle semblait intacte ; elle n'avait aucune éraflure à déplorer, pas même sur son cou. Malgré les apparences, la lame ne l'avait même pas effleurée.

Le soulagement l'étreignit si brusquement qu'il faillit éclater de rire.

— Elle n'a pas l'air blessée. Comment te sens-tu, Morg' ? Tu as mal quelque part ?

— N-non. Ai eu peur, murmura-t-elle d'une petite voix. Veux rentrer à la maison.

— On va y aller, Citrouille, promit-il aussitôt en la laissant enrouler ses bras autour de son cou et se lover contre lui de la même façon qu'elle le faisait avec Tony. On va rentrer à la maison et boire beaucoup de chocolat chaud pour nous remettre de nos émotions, d'accord ?

— Avec des marshmallows ? demanda-t-elle d'une petite voix.

— Avec tous les marshamallows que tu voudras.

Elle esquissa un mince sourire et acquiesça.

Rassuré, Peter reporta son attention sur leur mystérieux sauveur.

— Merci de nous avoir aidés, Monsieur… euh, vous avez un nom ?

— On m'appelle Mystério.

Oh. C'était un nom plutôt fort à propos.

— Et toi, tu es…

— P-Peter Parker, mais, euh, on m'appelle Spider-Man. Ou l'inverse. Je crois que le secret n'est plus vraiment de mise, admit l'adolescent en désignant son costume.

Il crut déceler un sourire derrière la brume qui flottait dans le bocal vissé sur les épaules de « Mystério ».

— Ne t'inquiète pas, Peter Parker. Avec moi, ton secret sera bien gardé. Je ne viens même pas de cet univers ; j'ai aidé propulsé dans cette forêt par erreur, après m'être disputé avec un sorcier — c'est une longue histoire que je t'épargnerai, retiens seulement que je n'appartiens pas à ce monde.

— Vous venez d'un autre univers ? répéta Peter. Waouh, vous voulez dire que… les Multivers existent vraiment ? Les mondes parallèles ? Ce n'est pas juste une théorie ? Et est-ce que les —

— Je peux te confirmer qu'ils existent, l'interrompit Mystério. J'ai été coincé ici quelques temps, mais j'ai réussi à réparer le portail qui m'a amené ici, et je ne vais pas tarder à retourner chez moi. Mais je ne regrette pas de ne pas être reparti plus tôt : vous aviez l'air en bien mauvaise posture, cette petite fille et toi, et je suis heureux d'avoir pu vous donner un coup de main. Cet homme semblait avoir complètement déraillé.

Peter approuva aussitôt.

— Je vais le prendre avec moi, dans mon univers, proposa Mystério. Ainsi, personne ne risquera de dévoiler ton identité secrète. Et il ne pourra plus jamais lever la main sur la Miss ici présente.

— Waouh… c'est un peu radical, mais euh, d'accord, Monsieur Mystério.

Les questions se bousculaient toujours sur sa langue, et il dut rassembler beaucoup de volonté pour se limiter à une seule — à la fois.

— Est-ce que votre univers ressemble au nôtre ?

— Dans le mien, personne n'oserait s'attaquer à une petite fille sans défense ; les conséquences en seraient bien trop terribles.

— Et votre planète s'appelle aussi la Terre ?

— Exactement.

— Et sur votre Terre, tout le monde porte un aquarium sur la tête ?!

— Ahem, même si j'aimerais beaucoup discuter avec toi, je crois que cette enfant a besoin de retrouver ses parents, l'interrompit Mystério. Vous devriez rentrer avant que la nuit tombe.

— Ah, euh, oui, vous avez sûrement raison.

Morgan hocha la tête en reniflant.

— On pourra reprendre cette conversation plus tard ? demanda Peter avec espoir, mais Mystério secoua son bocal d'un air qui lui sembla navré.

— Je te l'ai dit, je ne resterai plus très longtemps dans cet univers. Je ne pense pas que nous nous reverrons.

— Oh, c'est dommage… Même pas une fois ?

— Désolé, mon grand.

— C'est juste que… vous auriez pu envisager de rester un peu dans le coin. Notre monde aurait besoin de plus gens comme vous, Monsieur Mystério.

— De ce que j'ai pu voir de mon bref séjour ici, ton monde a déjà beaucoup de chance de t'avoir, Spider-Man. Pas besoin d'un nouveau super-héros sur le marché quand tu fais déjà si bien le travail.

Peter rougit légèrement, non sans ressentir une pointe de fierté face à l'admiration qu'il avait décelée dans la voix de son interlocuteur.

— Rentre bien, et prends soin de la petite.

— Merci, Monsieur.

Il fit volte-face, Morgan dans les bras.

— Tony Stark a beaucoup de chance de t'avoir, crut-il l'entendre murmurer dans son dos.

Oh, il connaissait aussi Tony ?

Peter voulut lui poser la question, mais lorsqu'il se retourna, Mystério avait déjà disparu, emportant avec lui l'agresseur de Morgan. La forêt était redevenue paisible et lumineuse, comme si tout cela n'avait été qu'un rêve.

Il battit des paupières, troublé, et prit le chemin qui menait à la maison des Stark.

OOO

Tony les attendait sur le pas de la porte. Son teint devint anormalement pâle lorsqu'il les vit arriver. Cela n'avait rien d'étonnant : Peter n'avait pas retiré son costume de Spider-Man — hormis son masque — et, toujours nichée dans ses bras, Morgan avait le visage gonflé par les pleurs.

— Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ? demanda-t-il en se précipitant sur eux, embrassant d'un regard leurs deux silhouettes.

— Euh… je vais tout te raconter, mais ne panique pas, d'accord ?

Tony le fixa comme s'il venait de lui suggérer de manger du savon.

— Tu me demandes de ne pas paniquer ? Tu portes ton costume, ma fille a l'air de sortir d'une essoreuse à salade, vous avez visiblement été attaqués, et tu me demandes de ne pas PANIQUER ?

Bon, okay, il aurait peut-être dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.

— Ne crie pas, Papa, s'il te plaît, demanda Morgan d'une petite voix. Tu nous fais mal aux oreilles.

— Papa ne crie pas, rétorqua Tony. Papa élève juste un tout petit peu la voix pour savoir ce qu'il vous est arrivé.

— C'est la définition de « crier », fit observer Peter, mais il se tut aussitôt face au regard de Tony.

— Je suis d'accord avec Pete, murmura Morgan.

— Okay, vous me semblez tous les deux un peu trop bavards pour avoir été blessés. Rentrez à la maison, vous allez m'expliquer ce qu'il s'est passé, et je promets de rester très calme, quoi que vous me dîtes.

Quelques instants plus tard, ils étaient installés à la table de la cuisine, Morgan désormais blottie sur les genoux de Tony. Comme Peter le lui avait promis, elle eut droit à un grand bol de chocolat chaud couronné de marshmallows qu'elle avala en souriant, toute peur visiblement envolée. Peter ne pouvait qu'espérer qu'un éventuel traumatisme ne viendrait pas la cueillir durant son sommeil, empoisonnant son esprit d'horribles cauchemars dans lesquels une lame frôlerait sa gorge.

Il raconta leur mésaventure à Tony en essayant de ne pas avoir l'air trop dramatique. Malgré ses efforts, le visage de son tuteur sembla s'allonger au fur et à mesure qu'il lui relatait les évènements, et sa mâchoire se crispa si fort que Peter crut entendre ses molaires crisser les unes contre les autres.

Lorsque Peter eut terminé son récit, Tony promena très délicatement les doigts contre la gorge de Morgan, des éclairs dans les yeux.

— Si jamais cet homme ose encore s'approcher de ma fille… murmura-t-il férocement.

— Mystério l'a pris avec lui. Il ne devrait plus revenir.

— Mhm, c'est ce qu'il t'a dit. D'ailleurs, parlons-en, de ce « Mystério ». Il portait un bocal sur la tête, c'est ça ?

— Oui, une sorte d'aquarium plein de fumée.

— Et tu dis qu'il vous a secouru.

— Oui. S'il n'avait pas été là…

Un frisson électrisa l'épiderme de Peter et il détourna les yeux, soudain envahi d'une vague de culpabilité. C'était lui qui aurait dû sauver Morgan, pas un super-héros venu d'un autre monde. Il aurait dû être capable de maîtriser l'homme, d'utiliser son lance-toiles contre lui, de se débarrasser de sa lame…

Mais il avait été incapable de l'avoir, incapable même de le ressentir. Comme si ses sens avaient été étouffés.

Un doute traversa ses pensées. Est-ce que quelque chose s'était cassé en lui en raison de l'Eclipse ? Est-ce que ses pouvoirs s'étaient émoussés, durant ses cinq années de disparition ?

— Peter, est-ce que tu m'écoutes ?!

Peter redressa le visage, surpris. Il n'avait pas réalisé que Tony lui avait parlé.

Son tuteur fronça les sourcils.

— Tu vas bien ? Tu as l'air un peu pâle. Tu es sûr que tu n'as pas été blessé ?

— O-oui. Je vais bien, cet homme ne m'a même pas touché.

— Mmh, okay, répondit Tony d'un air peu convaincu. Je te disais que ton fameux Mystério me semblait un peu suspect. Pourquoi est-ce qu'il serait passé dans ce coin, exactement au moment où vous auriez eu besoin de lui ? Quelle était la probabilité qu'un super-héros venu d'un autre monde tombe sur vous deux, à cet instant précis ?

Peter haussa les épaules, ne comprenant pas d'où venait la méfiance de Tony.

— Il nous a vraiment aidé. Il a jeté cette sorte de lumière verte sur le super-vilain, et il l'a empêché de faire du mal à Morgan, insista-t-il.

— Mhm, répéta Tony. Okay, si tu le dis… Il n'y a aucun moyen que je puisse m'entretenir avec lui ?

— Non, il nous a dit qu'il devait repartir dans son monde.

— Comme c'est pratique, fit observer Tony en plissant les yeux.

— Où est maman ? intervint Morgan, la bouche barbouillée de chocolat chaud, en remuant sur les genoux de Tony.

Leur conservation commençait visiblement à l'ennuyer.

— Elle devait faire un saut à New York pour le travail, mais elle ne devrait pas tarder à rentrer, répondit Tony d'une voix plus douce. Pourquoi, tu en as déjà marre de ton vieux père ?

— Veux Maman, répondit très sérieusement Morgan.

Peter ne put s'empêcher de pouffer de rire.

— Hé, je t'interdis de rire, toi ! protesta Tony en lui décochant un regard par-dessus les cheveux de Morgan.

— Désolé, répondit Peter avec un grand sourire.

— Tsss, l'impertinence des adolescents… Heureusement que toi, tu es encore un bébé, soupira Tony en déposant un baiser contre les cheveux de sa fille.

— Non, j'suis pas un bébé ! J'ai six ans. Et bientôt, je serai aussi grande que Peter, rétorqua vivement Morgan.

— Tu as tout ton temps avant de grandir, Morg', je t'assure, lui dit Peter en riant.

Elle sembla scandalisée par ces mots, mais redevint rapidement aussi affectueuse qu'un koala après qu'un bâillement ait froissé son petit visage et qu'elle ait murmuré en battant des paupières :

— Fatiguée. Veux aller dormir.

— D'accord, ma chérie. Je vais t'emmener au lit, murmura Tony avec un mince sourire duquel transperçait une tendresse inhabituelle, alors qu'il raffermissait sa prise autour de son petit corps somnolent. Tu as eu assez d'émotions pour la journée, il est temps de se reposer un peu. Toi aussi, ajouta-t-il en levant les yeux sur Peter, qui haussa aussitôt les sourcils.

— Quoi ? Mais il est à peine dix-neuf heures ! Je n'ai pas envie d'aller me coucher, protesta-t-il.

— Je pensais plutôt qu'on pourrait passer une soirée tranquille, toi et moi. Que penserais-tu de prendre une douche, de mettre ton pyjama et de me rejoindre dans le salon pour regarder tous les Star Wars que tu as raté, pendant ton… « absence » ? Histoire de finir cette journée d'une meilleure façon qu'elle a commencé. Laisse-moi juste le temps de mettre Miss Moustique au lit, et je te rejoins sur le canapé ? proposa Tony, sans se départir de cette tendresse qui adoucissait drastiquement les traits sévères de son visage.

Peter acquiesça aussitôt, le coeur empli d'une vague de chaleur qui se répandit en onde réconfortante dans ses veines. Tony lui rendit son sourire et se redressa, Morgan dans les bras. L'incident avec l'homme agressif et Mystério semblait déjà oublié, et leur quotidien — doux et rassurant — semblait prêt à reprendre de plus belle, comme si rien ne s'était passé. Quelque part, c'était un soulagement ; Peter n'avait pas envie de laisser une quelconque source d'angoisse ronger son quotidien, d'autant plus qu'il avait appris à aimer sa vie avec Tony, Pepper et Morgan. C'était une parenthèse inespérée dans sa vie de super-héros, un lueur d'espoir qui avait dissipé le deuil qui obscurcissait son coeur depuis la décès de May. Cet incident dans la forêt n'était qu'un malencontreux détail, un grain de sable qui ne parviendrait pas à enrayer les rouages de sa nouvelle vie…

Si seulement il avait su que toutes ses certitudes allaient bientôt voler en éclats…