Note préliminaire : je suis toujours à la recherche de défis techniques innovants (notamment en fin de rédaction de fic à chapitres, où j'ai besoin d'entretenir la machine), et je me suis pour cette fois intéressée à un challenge « Pitch en scène ». Le principe : un genre imposé, une période temporelle fixée, une phrase d'accroche pour débuter. Je me suis dit que c'était une bonne occasion pour caser du pirate de l'espace partout, comme d'habitude.


Genre imposé : comédie
Période : Moyen-âge

« Bardes et troubadours étaient las de traverser le pays pour divertir les seigneurs de la cour. Cette fois-ci, ils voulurent redonner le sourire au peuple lors d'un spectacle unique qui allait les enchanter… »

Note de l'auteur : pour les connaisseurs, vague évocation de Johan et Pirlouit. Je ne sais toujours pas ce qui m'a pris.

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Pirates et troubadours

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Scène 1 – Extérieur jour. Orée de bois, feu de camp. Roulotte en arrière-plan. Trois hommes, deux femmes. Un âne.

Au camp, les discussions s'enlisaient.

— Un dragon, proposa un freluquet en hauts-de-chausses rouges.
— Tu tiens tant que ça à ce que le bailli nous jette au cachot, Philibert ?
— Mon cousin connaît un garde du roi dont la voisine de la sœur par alliance a parlé à un rémouleur qui a vu une troupe présentant un dragon, insista l'intéressé. Fafnir, qu'il s'appelait. Il crachait de l'eau.
— Non. Et puis où tu veux trouver un dragon, morbleu ?
— Ben… Tu te souviens des flammes qu'on a vues hier, du côté du Bois aux Roches ?

Scène 2 – Extérieur soirée. Orée de bois, mais avec des arbres plus gros et plus menaçants. Deux hommes, dont un avec un caractère de cochon et une cape. Un vautour-cormoran-pélican, noir et assez moche au demeurant.

La situation se présentait mal.

— Alors le mieux ce serait de trouver de l'uranium, bien sûr, mais je peux toujours m'arranger pour recalibrer les cartes-mères avec du métal noble. De l'or, par exemple.
— Tochiro… La vague spatio-dimensionnelle nous a fait sauter au diable vauvert, et avant de songer à développer une exploitation minière j'aimerais bien savoir nous avons atterri. Et quand, surtout.
— Vieille Europe, début des années mille. Pas sûr qu'ils aient de l'uranium, mais ils doivent bien posséder de l'or, tu ne crois pas ?
— Et tu penses qu'ils vont nous le donner, Tochiro ?
— On est des pirates ou non ?

Scène 3 – Extérieur crépuscule. Chemin creux assez sombre. Deux troubadours, dont Philibert. Le pélican mutant.

— Philibert ? Tu ne trouves pas qu'il a une drôle d'allure, ce corbeau ?
— Trop gros pour un corbeau. C'est pas plutôt une dinde ?
— Ieeek.

Ce « ieeek » n'était pas amical, songea Philibert. Il pensa à ses fanfaronnades sur « le dragon du Bois aux Roches ». « On va ramasser des montagnes d'or, si on capture un animal fantastique ! » Cela ne lui parut soudain plus une aussi bonne idée. Il poussa un petit couinement quand une ombre en cape surgit devant lui. Un noble, s'il en jugeait sa tenue. Chevalier peut-être ? Entièrement vêtu de noir ? Avec une, euh… tête de mort comme armoiries ? Et une épée qui ressemblait à un sceptre ?

— Oh monseigneur, je ne voulais pas vous déranger… Vous êtes ici pour chasser le dragon ?

Silence perplexe. Philibert sursauta quand un deuxième personnage bondit sur le chemin.

— Ils ont dû voir l'atterrissage, Harlock. C'est pas discret, une entrée en atmosphère…

Accent bizarre et rugueux. Philibert décida qu'il s'agissait de voyageurs bavarois. Il se demandait encore s'il était opportun de poursuivre la discussion quand son compagnon, de manière aussi inhabituelle qu'inattendue, débloqua une réserve de courage.

— Il y a vraiment un dragon, alors ?

Scène 4 – Extérieur nuit. Prairie, lune montante. Temps clair. Deux troubadours, deux pirates, dont un de mauvais poil. Un pélican qui cercle au-dessus d'eux en faisant « ieeek » tel un vautour affamé.

— Ça ne va pas être possible.
— Il est apprivoisé, non ? Il pourrait peut-être apprendre des tours ! Et vous imaginez ? Le croisement contre-nature d'une cigogne et d'une dinde ! Avec lui, le succès est garanti !

Harlock se pinça l'arête du nez. À un moment, la conversation lui avait échappé, mais quand ?

— Si vous voulez je peux même vous construire un dragon ! s'exclama Tochiro.

Harlock foudroya son ami du regard.

— … en bois, corrigea aussitôt celui-ci. Je peux vous le construire en bois. Bien sûr. En quoi d'autre ?

Tant qu'il n'en faisait pas une maquette télécommandée… à cette époque, cela relèverait de la magie, et ils devaient encore sûrement brûler les sorciers, dans le coin.

Scène 5 – Extérieur jour. Place de village animée. Nombreux badauds, étals de marché, musique. Attroupement autour de la roulotte des troubadours. Jonglerie, acrobaties. Le pélican est perché sur une table et boit une bouteille au goulot. Les spectateurs applaudissent.

— Approchez mesdames et messieurs, venez contempler l'oiseau le plus moche du monde !

Vaguement consterné, Harlock ne put s'empêcher de hausser un sourcil admiratif lorsque les pièces commencèrent à pleuvoir.

— C'est bien la première fois que cette volaille est utile à quelque chose, constata-t-il.
— T'es jaloux ? persifla Tochiro.
— Écoute, si ça peut m'éviter d'avoir à braquer une banque…

Une entreprise qu'il aurait exécutée avec plaisir (ça défoulait, il en avait bien besoin) si toutefois il avait été en mesure d'identifier une banque dans ce bled d'arriérés.
Mais bref. L'essentiel c'était le résultat, hein… Assez de « métal noble » pour réparer ces foutues cartes endommagées et redécoller. Vite.

— … et maintenant, l'infâââme chevalier noir va combattre pour vous le terrrible dragon !
— Attends… Quoi ?
— Ah, je ne t'ai pas prévenu ?