Allongée dans son lit, Valencia fixait les holochiffres sur sa table de nuit. Il était presque quatre heures du matin et il était impossible pour elle de trouver le sommeil.

Depuis deux jours, elle avait récupéré son téléphone. Bien entendu, elle avait tenté d'en parler à sa sœur en ayant bien vérifié au préalable que ses parents n'avaient pas traficoté son portable en y installant leurs fameuses puces. Cela n'était pas le cas. Elle n'était pas limitée dans ses contacts. Non pas qu'elle n'avait pas grand monde à appeler, mais cela pouvait permettre à sa sœur de prendre contact avec ses amis.

Le seul problème c'est que, depuis quelques jours, Tecna était très peu à la maison. Elle sortait avec leurs parents, Androméda était de moins en moins là. Valencia avait vu le nombre de ses cours de soutiens diminués… Tout comme Lucio. Par deux fois, la semaine passée, le lundi et le vendredi, ils n'avaient eu qu'une journée de lycée tout ce qu'il y avait de plus normal. C'était très étrange.

Non pas qu'elle allait s'en plaindre, elle avait pu travailler sur ses prises de vues. Grâce à des tutos en ligne, elle avait appris de nouvelles techniques. Lucio, de son côté, s'enfermait dans sa chambre. Lorsqu'il en sortait, il était tout sourire. Elle se demandait bien ce qu'il faisait.

Valencia n'avait revu sa sœur pour la première fois en trois jours qu'il y a quatre heures et treize minutes exactement. Elle avait reçu un message de la part d'Iris qu'elle souhaitait les retrouver toutes les deux le lendemain vers quatorze heures.

- C'est impossible.

- Pourquoi ?

- Nous sommes en cours à cette heure-là. Toi comme moi.

- Mais…

- Elle aussi devrait être en cours à cette heure-là. Elle devrait penser à son examen.

Valencia avait été choqué. Ça ne ressemblait définitivement pas à Tecna. À l'époque où elle étudiait encore sur Zénith, elle se moquait des horaires de cours. Ses résultats excellents et l'influence de ses parents suffisant largement à compenser des absences injustifiées. Puis, l'examen, ça n'avait jamais été son objectif.

- Mais Tec…

- Je suis fatiguée, je vais me coucher. Ne fais pas de bêtises demain d'accord ?

Et elle était partie dans sa chambre sans un regard pour elle.

Cette scène, elle la repassait en boucle dans sa tête.

Tecna n'avait plus rien à voir avec la sœur qu'elle connaissait. Jamais elle n'aurait craché sur ce genre de plan, jamais elle n'aurait refusé de parler à Iris ou de prendre contact avec elle.

Ce n'était pas sa sœur.

Valencia n'avait pas répondu à Iris la laissant sur un « vu » peu glorieuse. Elle ne savait pas trop comment gérer ça. Qu'allait-elle dire à la jeune femme ?

Désolée, mais ma sœur, une de tes meilleures amies, ne veut plus te parler ?

Non, c'est n'importe quoi.

Elle n'allait pas lui dire ça. Pas par messages. Ce serait trop douloureux.

Puis…

Même si Tecna ne venait pas, Valencia, elle, avait envie d'y aller.

Mais ne serait-ce pas trahir sa jumelle que de faire ça derrière son dos ?

Tout ça la tourmentait, l'empêchant de trouver le sommeil dont elle aurait terriblement besoin pour affronter sa journée de lycée.

Elle se redressa dans son lit. Se rallongea ensuite. Se tourna une fois, une seconde fois, tentant de forcer pour l'unième fois le sommeil.

Elle se releva d'un coup et sortit de son lit.

Rien à faire.

Il fallait qu'elle réponde à Iris avant que les cours ne commencent sinon elle n'arriverait pas à dormir et la jeune femme risquerait de les attendre en vain…

Elle prit son portable, le déverrouilla et sélectionna la conversation qu'elle avait avec Iris. Ses doigts flottèrent au-dessus du clavier numérique tandis que ses yeux la picotaient à cause de la lumière artificielle.

« Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? »

Elle ne savait vraiment pas quoi lui envoyer.

Elle lança ses couvertures sur le côté, déposa son téléphone et sortit de son lit.

Elle ne pouvait rien faire dans le dos de Tecna, ça reviendrait à de la trahison pour elle qui avait toujours été si transparente avec sa jumelle. Elle allait lui dire qu'elle comptait aller à ce rendez-vous. Elle aviserait en fonction de sa réponse.

Elle sortit de sa chambre et marcha dans un pas vif afin de se rendre dans la chambre voisine où sa sœur dormait. Elle appuya sur le bouton situé sur le côté pour déverrouiller la porte. Cette dernière coulissa de suite réveillant à Valencia une pièce éclairée comme en plein jour et une Tecna penchée sur son bureau.

Valencia entra, Tecna ne semblait pas s'être rendu compte de sa présence. Elle lui tournait le dos et avait toujours le nez plongé dans… quelque chose.

Valencia espérait qu'elle se repenchait sur la question de la puce qui bloquait son téléphone. Peut-être que c'était par fierté qu'elle avait refusé d'utiliser son téléphone ou celui de Lucio, parce qu'elle souhaitait trouver la solution par elle-même.

Elle l'aborda.

- Tec ?

La jeune femme aux cheveux magenta sursauta et se retourna vivement. Elle soupira en voyant sa sœur à quelques pas d'elle.

- Val ? Tu m'as fait peur…

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Je révise… C'est bientôt l'examen.

Valencia pencha sa tête sur le côté et remarqua que Tecna tenait l'holotablette qu'on leur fournissait à la Madison School. Elle ne plaisantait donc pas.

- Tu sais qu'il est quatre heures du matin ?

- Déjà si tard ? Mince, je n'ai pas vu l'heure.

Tecna rigola, un peu gênée, mais son rire sonnait faux. Ce n'était pas une vraie gêne. Valencia envisagea l'espace d'un instant que sa sœur ait fait exprès de rester éveiller pour qu'elle ne tombe sur elle en train d'étudier.

- Mais… toi, que fais-tu debout à cette heure ? On doit se lever dans… trois heures trente non ?

- Euh…

Valencia voulut lui dire pourquoi elle était venue, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge tandis que son cœur se tordait. Elle sentait que sa sœur lui mentait délibérément. Cela lui faisait mal, la tiraillait. Tout un coup, cela lui paraissait absurde de faire preuve d'honnêteté auprès de quelqu'un qui lui mentait. Toute sa démarche semblait ridicule, mais ça avait au moins l'avantage de l'aider à prendre sa décision finale.

- Je… En fait, je ne me sens pas très bien.

- Comment ça ?

- Des crampes, des nausées…

Valencia avait dit cela tout en évitant de croiser le regard de sa jumelle. Dans son cerveau, tout allait très vite, mais semblait très clair. Demain, elle irait rejoindre Iris à la pause de treize heures. Les cours reprendraient à quatorze heures, mais elle se ferait porter pâle pour le début d'après-midi. Tecna l'avait fait en son temps, ça ne devait pas être si compliqué. Ce que sa sœur avait si brillamment réussi, elle devrait faire de même non ? C'était dans ses gênes. Puis disséminer des informations sur une prétendue maladie un peu à l'avance, ça lui apporterait en crédibilité si son absence venait à être remarquée n'est-ce pas ?

Tecna se leva de son bureau et s'approcha de Valencia. Elle lui posa une main sur le front.

- Tu n'aies pas l'air d'avoir de fièvre. Tu as mal à la tête ?

Valencia répondit par la négative. Elle lisait l'inquiétude sur le visage de sa jumelle et se sentit instantanément mal de lui dissimuler la vérité. C'était la première fois qu'elle lui mentait.

- Peut-être que c'est de l'angoisse. J'avais pareil à A…

Tecna s'interrompit. Valencia vit une ombre furtive dans son regard comme si, l'espace d'un instant, on avait levé le voile reposant sur son passé récent. Ce fut bref. Très bref. Rapidement, Tecna reprit le contrôle d'elle-même et poursuivit comme si de rien n'était. Comme si elle énumérait simplement des faits.

- Avant des examens importants. Tu devrais peut-être prendre une boisson chaude. Flora…

À nouveau, sa voix flancha. Et, à nouveau, elle fit comme si de rien n'était.

- Enfin une amie m'a recommandé le thé dans ce genre de situation. Cela t'aiderait peut-être.

- Je vais y penser.

- Tu n'as besoin de rien ? Une bassine au cas où… Tu vois ? Tu vomirais ?

- Oh non non non. Je pense que ça va aller. J'ai déjà pris un truc d'ailleurs. Je vais retourner me coucher.

- D'accord. Si tu as besoin de quoi que ce soit : viens me voir.

Valencia lui fit une brève accolade que sa sœur lui rendit. Elle lui souhaita bonne nuit et reprit la direction de sa chambre.

Oh que oui, ça allait beaucoup mieux.

Maintenant, elle savait ce qu'elle avait à faire. Même si tout son corps sous tension lui criait de ne pas trahir sa sœur, elle avait désormais la certitude que c'était la meilleure des décisions à prendre.

Dans l'obscurité de sa chambre, Valencia trouva à tâtons son lit puis son téléphone qu'elle alluma. La lumière bleue de son téléphone éclaira son visage fatigué, mais satisfait alors qu'elle rédigeait, à l'intention d'Iris, une réponse claire à sa proposition.

« Okay pour demain. Tiens-moi au courant pour les détails. »


Dans un transport en commun qui évoquait à Bloom un bus sorti tout droit d'un film de science-fiction terrien, les élèves de Fontaine-Rouge et Alféa somnolaient presque tous afin de rattraper leur courte nuitée. La plupart étaient tombés sous les charmes des activités nocturnes de la ville et n'étaient rentrés qu'il y a deux, trois heures. D'autres, plus sages, ne semblaient pas avoir passé une nuit des plus reposantes à l'hôtel. C'était le cas de Musa ayant de sacrées valises sous les yeux ainsi que de Sky et Hélia.

- Incroyable le bruit qu'il y a sur cette planète… Maugréa Musa dans sa barbe.

- Quel bruit ? s'interrogea Riven.

- Les bruits de la circulation, de la musique. Tout ce qui vient de la rue.

- Je n'ai rien entendu…

- Tu te fiches de moi, on n'entend que ça !

- Non, non, je t'assure. Demande à Timmy si tu ne me crois pas.

Le spécialiste roux assis deux sièges plus loin redressa la tête.

- Moi¸ dit-il, le bruit ne me dérange pas. Je me suis déjà endormi dans une salle de machines.

Musa leva les yeux au ciel tout en bougonnant. Franchement, c'était n'importe quoi. Le bruit des navettes, les discussions de l'extérieur, le son provenant des écrans géants. Elle avait même distingué de la musique, mais n'avait pas su en profiter à cause de tout ce melting pot de bruits divers et variés. C'était insupportable…

- Quelqu'un sait où on va ? demanda Flora afin de changer de sujet.

- Visiter un lycée dans la périphérie de Nocturna. Répondit Ortensia qui était assise devant elle.

- Génial, grommela Riven, la visite du siècle.

Le Winx et spécialiste ne purent s'empêcher de se remémorer la conversation qu'ils avaient eue avec les amis de Tecna la veille. Être un élève Zénithien ne semblait pas être une situation très enviable et bien que visiter un établissement scolaire dans ce genre soit quelque chose d'instructif, ils n'étaient tous pas vraiment d'humeur.

- Ce n'est que pour la matinée, leur rappela-t-elle face à leurs mines déconfites, on aura l'après-midi devant nous. D'ailleurs, est-ce vous avez réussi à prendre contact avec Tecna ?

- Non. Soupira Flora.

À cet instant pile, à savoir neuf heures et cinq minutes du matin, Musa reçut un message d'Iris les invitant à les retrouver, Eva et elle, au même bar que la veille aux alentours de quatorze heures.

Ça, c'était du timming.

A peine Musa avait-elle confirmer leurs présences que leur simulacre de bus s'arrêta devant un bâtiment qui se voulait être une école publique où des élèves, tout ce qu'il y avait de plus normaux selon elle, entraient en trainant des pieds.

Pas d'uniformes, pas de mines renfrognées seulement des sourires.

Musa eut une étrange sensation.

Ça ne ressemblait pas à ce dont les amis de Tecna leur avaient parlé la veille.


À treize heures et zéro seconde pile, tous les écrans de la Madison school s'éteignirent au grand damne de certains élèves. Cette coupure était volontairement provoquée et durait une demi-heure afin de signifier aux jeunes qu'ils étaient temps de faire une pause et de satisfaire certains de leurs besoins primaires. Ce système avait été mis en place il y a cinq ans suite à une étude montrant qu'énormément de jeunes ne mangeaient pas à l'école par manque de temps. La pause midi avait beau durer une heure depuis toujours, les étudiants étaient tellement sérieux qu'ils la passaient à réviser oubliant même de s'alimenter. C'était donc pour leur bien être que cette coupure avait été rendue obligatoire dans toutes les écoles de Zénith les obligeant à s'accorder au moins une trentaine de minutes sans révisions.

Cette trentaine de minutes était cruciale, la plupart des élèves des sept premières classes de chaque année s'empressaient d'aller chercher à manger à la cantine tandis que ceux des cinq dernières classes déballaient le repas qu'ils avaient ramené de chez eux. Le système Zénithien accordait des privilèges aux élèves les plus brillants et ceux que comptait la classe de Valencia n'en faisaient pas partie. S'ils souhaitaient manger à la cantine, ils devaient laisser passer les élèves des onze classes mieux classées que la leur avant eux. Ils n'avaient d'avantages que sur les élèves de la treizième classe de leur année qu'on ne voyait jamais dans la cantine. Normal, s'ils tentaient de faire la queue, il était probable que l'heure de table s'achève lorsqu'ils auront enfin quelque chose dans l'assiette. Et ne pas réviser pendant la pause c'était mal vu. Ils étaient donc rares de voir des élèves des dernières classes à la cantine, surtout s'ils espéraient évolués dans le classement.

Valencia comptait là-dessus pour s'éclipser de sa classe. Elle avait volontairement omis de prendre son repas ce matin.

Comme tout le monde, elle prit son sac et se mise à fouiller dedans avant de soupirer bien bruyamment pour que tout le monde l'entende. Cela attira l'attention de Davina, la responsable de classe actuelle. Les responsables de classe changeaient régulièrement. Il s'agissait de l'élève ayant le plus de chance de passer dans la classe supérieure. Lorsqu'on avait cette position, on devait tâcher de la quitter au plus vite, car elle était très ingrate. On avait presque ce qu'il fallait pour passer dans la classe onze : hors de question de tomber à nouveau en disgrâce. De plus, on se voyait attribuer des tâches très contraignantes comme celle d'autoriser ou non les sorties de la classe durant les pauses et les intercours à ses camarades… Et d'en assumer les conséquences. Le ou la responsable de classe devait assumer tous les potentiels retombés de cette sortie si l'élève arrivait en retard, des points de pénalités étaient affligés au dit élève et au responsable.

C'est donc à reculons que Davina vient s'enquérir de l'état de Valencia. Non pas qu'elle le faisait avec tous les élèves, mais la jeune femme avait remarqué qu'on lui prêtait une attention bien particulière depuis que sa sœur était venue lui rendre une petite visite.

- Que c'est qui se passe Anderson ?

- Je n'ai pas pris mon repas…

La responsable de classe serra les dents.

- Comment ?

- Je… Je ne sais pas je…

- Tu ne pouvais pas choisir pire jour pour ça…

- Je suis désolée Davina. Je ne me sentais pas très bien ce matin et…

- Tu vas aller chercher de quoi mange à la cantine maintenant ! Sois de retour ici à 13 h 50 et si tu n'as pas le temps de manger : ce n'est pas mon problème !

Elle lui tendit sa carte étudiante, Valencia fit de même. Les deux s'entrechoquèrent rendant officielle la balade de la jeune femme dans l'établissement. Valencia hocha la tête, la remercia et sortit en sachant pertinemment qu'elle ne reviendrait pas. Elle se sentait un peu coupable pour Davina, mais tâcha d'enfouir ses remords au fond d'elle.

Une fois dans le couloir, son ventre se mit à gargouiller.

Valencia réfléchit un bref instant. Aurait-elle le temps de se chercher à manger avant d'aller au point de rendez-vous qu'Iris lui avait fixé ?

Ce serait l'occasion, elle n'était jamais allée à la cantine et elle aurait été curieuse de voir à quoi ressemblaient ses fameuses files que Tecna lui avait décrites. Une file par année où les étudiants s'alignent par classe pour récupérer leur repas. Faire une photo de ce phénomène serait plus qu'intéressant. Sur la planète de la modernité où tout est censé être rapide, il existe encore des files d'attente dans les écoles.

C'était absurde.

Et photographier l'absurdité du système : c'était plus que tentant !

Puis, Valencia se rappela une cruelle vérité : elle n'était pas invisible.

Tout le monde la regarderait et la jugerait dès qu'elle entrerait dans cette fameuse cantine. Elle passerait toute l'heure à attendre pour manger, serait frustrée de ne pas y arriver. Et si elle abandonnait l'idée de manger en cours de route, on la toiserait en la voyant prendre la direction de la sortie.

Elle sentit un frisson la parcourir rien qu'à cette idée.

En plus, elle risquait de croiser Tecna.

Et elle n'assumerait plus du tout de rejoindre Iris dans son dos.

Alors, elle laissa tomber et prit la direction de l'infirmerie.

Celle-ci était pleine à cette heure. Particulièrement d'élèves préférant profiter de leur temps de pause pour rattraper une nuit trop courte en dormant sur les lits. Valencia jeta un coup d'œil rapide dans la salle bondée. Tous les lits étaient déjà occupés. La plupart des personnes présentes dormaient en partie.

Il n'y avait pas d'infirmière. Jamais. C'était un robot qui se chargeait de prendre les constantes vitales des étudiants malades et de décider ou non s'il était bon de les renvoyer chez eux. À l'heure du repas, comme pour les écrans, le robot était inactif permettant de transformer cet espace en zone de sieste pour jeunes adultes.

Valencia alla s'asseoir dans un coin de la pièce à même le sol. Iris lui avait demandé de la retrouver ici. Elle ne savait pas trop pour quelle raison.

Elle était en avance.

Ce n'était pas plus mal. Elle avait très peu dormi et une sieste ne lui ferait sans doute pas de mal.

Elle ferma les yeux. Le silence de la pièce était apaisant dans ce tumulte qu'étaient les journées de cours à la Madison School.

- Val ?

- Hum…

- Val ?

Valencia ouvrit péniblement les yeux et vit Iris à genoux devant elle.

- Dépêche on va être en retard !

- Quoi ?

- Les cours reprennent !

- Hein ?

Valencia cligna des paupières en voyant les étudiants se précipiter à l'extérieur. Elle regarda l'horloge, il était moins le quart. Ici, être pile à l'heure c'était déjà être en retard. Rien d'étonnant à ce que tout le monde se presse pour rejoindre sa classe, mais elle… Elle s'était endormie ? C'était fou ça, elle avait à peine fermé l'œil que presque une heure s'était écoulée ? Comment était-ce possible ? Et puis : pourquoi Iris lui parlait-elle de cours ?

- Bah alors Val, tu as mauvaise mine. Tu te sens mal ?

- Iris qu'est-ce que…

- On ferait peut-être bien d'attendre l'infirmier que ce que tu en penses ?

Valencia ne dit rien. Elle était perdue. Iris continua son petit manège en interpellant un élève de sa classe qui s'en allait.

- Eh toi ! Tu peux dire à la responsable de la classe douze que Valencia Anderson est à l'infirmerie ?

- Pourquoi tu ne le ferais pas toi ? J'ai pas le temps !

- J'ai une autorisation de sortie pour l'après-midi. Je dois partir. Et Valencia est la sœur de Tecna de la classe une. C'est l'occasion de gagner des points de conduite que de faire preuve de civilité tu ne penses pas ?

Le garçon soupira, mais accepta. Après tout, Iris n'avait pas tort. Il n'était pas connu pour être la personne la plus serviable, le coefficient de civisme n'était pas aussi élevé qu'en science et en mathématique, mais, en cette période de l'année, il fallait penser stratégique. Tout point était bon à prendre.

Iris fit mine à Valencia de ne pas parler et attendit que les derniers élèves soient sortis.

- Tecna n'est pas avec toi ?

- Non. Désolée…

Iris se tut quelques instants puis reprit la parole.

- Pas grave. Tu viens avec moi. On va sortir d'ici.

- Mais… Et les cours ?

- J'ai pas menti, j'ai une autorisation de sortie. Et toi, tu auras une justification d'absence

- Comment ça ?

Iris lui fit un clin d'œil.

- Eva est une grande pro pour sécher les cours. Le robot infirmier a un bug qu'elle exploite pour éviter d'être collée.

- Quoi ?

- Le robot est désactivé entre 13 h et 14 h. Il se réactive de manière automatique vers 14 h, mais pas 14 h pile. Il y a un temps de latence de quelques secondes. Eva programme une cyberattaque à ce moment-là afin d'implanter un faux souvenir dans sa mémoire. Un souvenir dans lequel il aurait examiné Eva et l'aurait renvoyé chez elle pour cause de maladie.

- Hein ? Comme c'est possible ?

- Pardon, je ne suis pas très aux faits des aspects techniques. Disons donc qu'Eva exploite une faiblesse dans la programmation du robot grâce à laquelle elle peut lui faire croire qu'il a examiné quelqu'un et de ce fait entrainer une absence justifiée de l'élève.

- Elle l'aida à se révéler.

- On va marcher tranquillement vers l'entrée. Le robot infirmier ne doit pas te voir sinon ça ruinera le plan.

Valencia suivit Iris dans les couloirs désormais déserts de la Madison School avec appréhension. Elle ne s'était jamais baladée dans les couloirs en dehors des heures de cours. Ne risquaient-elles pas de croiser un professeur ou un robot surveillant ? Est-ce que le plan d'Iris et Eva était vraiment fiable ?

- Iris ?

- Oui ?

- Tu es sûre que ça va marcher ?

- Oui, t'inquiète, une fois que ton justificatif d'absence sera chargé sur ta carte étudiante, Eva m'enverra un message et on passera les portiques.

- Elle fait ça souvent ?

- Qui ça ?

- Eva : elle sèche souvent ?

- Oh ça oui ! Je dirais qu'elle passe presque autant de temps à trainer en dehors de l'école que dans l'école. Ce qui est un exploit sur notre jolie planète.

Valencia demeura muette face à cette déclaration. Eva séchait et elle était mieux classée qu'elle qui était contrainte d'étudier sans relâche… Est-ce que ça voulait dire qu'elle était idiote ?

Elle se posait beaucoup de questions depuis que Tecna lui avait offert un appareil photo. Elle l'avait encouragé à poursuivre ses rêves. Ses rêves à elle, pas ceux des autres. Alors, elle s'était interrogée. C'était quoi ses rêves au juste ? C'était dur à dire, se projeter dans l'avenir était si compliqué. Ce n'était pas quelque chose qu'on lui avait demandé de faire. Jamais au grand jamais on ne lui avait demandé « Et toi Valencia ? Que veux-tu faire quand tu seras plus grande ? ». Non, on lui avait sans cesse répété qu'elle devait réussir son examen de fin d'études pour entrer dans une bonne université et avoir une belle vie. Il n'avait jamais été question de désir ou d'accomplissement personnel.

Alors.

Qu'est-ce qu'elle voulait faire ?

Et si elle découvrait ce qu'elle souhaitait vraiment faire, serait-elle capable d'attendre son but en ayant de si mauvaises notes depuis toujours ?

Iris marchait un peu devant elle. Valencia aurait bien voulu lui demander si elle avait une idée de ce qu'elle voulait faire ensuite. Elle ne connaissait rien des plans d'avenir des amis de sa sœur tout comme ceux de ses propres amis. Enfin, de ce qui se rapprochait le plus selon elle d'amis. Des gens comme elle, bon dernier, bon raté. C'était leur seul point commun. Elle s'en était rendu compte à son anniversaire. Les amis de Tecna avaient chacun quelque chose de spécifique qui les reliait à elle. Ned et sa passion dévorante pour les jeux vidéos, Eva avec ses hacking et son côté tête brûlée, Iris et sa fragilité…

Qu'avait Valencia en commun avec ceux qu'elle appelle ses amis si ce n'est une même expérience du rejet ? Est-ce une bonne base pour une amitié solide ?

Iris l'interrompit dans ses ruminations.

- Super ! Eva vient de me confirmer que le bug a bien eu lieu. Ta carte est en ordre !

- Oh okay.

Valencia décida de garder ses réflexions pour elle alors qu'elle s'apprêtait à transgresser les règles pour la première fois et de son propre chef.

Elle ne savait pas où elle irait dans la vie, ni comment.

Mais elle sentait que le chemin pour le découvrir passait par là, par cette résolution à aider Tecna.


Attablés à l'une des tables flottantes du « Buzz Méga », les Winx et les spécialistes attendaient l'arrivée d'Iris. Elle était en retard au plus grand damne de la majorité d'entre eux qui avaient les traits tirés et de gros cernes sous les yeux. Eva, qui était avec eux, n'hésita pas, histoire de détendre un peu l'atmosphère, de le leur faire remarquer.

- Houlà ! Mes valises sont sous vos yeux ! Vous avez fait la nouba toute la nuit ? Je pensais que vous étiez trop claqués par le voyage. Si j'avais su, je vous aurais forcé à tous venir en boite.

Musa secoua la tête.

- Non, non, je n'ai pas fait la fête et j'aurais préféré, crois-moi. Ce n'est pas possible : il n'y a jamais de silence dans cette ville ? Je n'ai pas dormi de la nuit ! s'exclama-t-elle en se bouchant les oreilles alors qu'un jeune garçon se mit à crier après un autre un peu plus loin.

- Tu as essayé de créer une bulle de silence pour dormir ? L'interrogea Layla qui, quant à elle, semblait être en pleine forme.

- NON ! Je n'ai pas essayé, car j'ai besoin d'un environnement calme pour la lancer et entendre des navettes voler et klaxonner à longueur de temps : ça n'aide pas du tout !

Tu as besoin de silence pour lancer un sort de silence ? Ça craint. Ironisa Riven avec un sourire.

- Riven, si je n'étais pas aussi fatiguée : je te giflerais.

Eva rigola face à cette scène. Elle comprenait pourquoi Tecna aimait tant passer du temps à Alféa. Il y avait de l'animation. Si tous les gens hors de Zénith avaient de telles personnalités, cela lui donnait une raison de plus de partir pour de bon.

- Je vous avais prévenu. Nocturna est une ville qui ne dort jamais. Tout va à cent à l'heure en permanence. N'empêche que c'est bizarre, pourquoi vous n'avez pas enclenché les occulteurs de lumière et de son dans vos chambres ?

Une dizaine de paires d'yeux la fixèrent avec mécontentement et une certaine note de désespoir.

- Quoi ? Tu veux dire qu'il y avait moyen de…

Ben oui. Comment pensez-vous qu'on dort ? Ou même qu'on ne devient pas fou ? Toute la population de Zénith en possède. D'ailleurs, ajouta-t-elle à voix basse, si vous faites attention aux oreilles des gens, vous remarquerez qu'ils portent un petit appareil permettant de réduire l'intensité du volume sonore d'un lieu. Les réglages se font automatiquement. C'est assez génial, fini les maux de tête.

Intriguée par son propos, Flora se tourna vers la table voisine et avisa de son regard une femme aux cheveux bleu électrique très élégante. Elle se focalisa sur son oreille et y vit, effectivement, une sorte de bille blanche incrustée en son creux.

Décidément, Zénith était un lieu surprenant… Et épuisant. Depuis son arrivée, Flora était épuisée. La ville de Nocturna ne disposait pas de beaucoup de végétations. Aucune plante ne poussait naturellement sur cette partie de la planète ce qui n'empêchait pas leur présence forcée par la main humaine. Flora sentait leur détresse. Cela lui drainait le peu d'énergie qu'elle avait étant donné qu'elle n'avait ici qu'une source moindre pour utiliser son pouvoir. Prise d'un léger étourdissement, elle s'affala sur la table.

- Ça ne va pas Flora ? S'inquiéta Hélia.

- Pas vraiment, je suis assez fatiguée.

Veux-tu qu'on rentre à l'hôtel ?

Flora secoua la tête avec toute la vigueur dont elle pouvait faire preuve.

- Non, non. Je préfère rester jusqu'à l'arrivée d'Iris.

Elle est en retard… maugréa Bloom.

La fée de la flamme du dragon porta à ses lèvres une boisson orange fluo, commandée un peu plus tôt, dont elle but une gorgée. Quasiment instantanément, elle se mit à tousser. Sky, qui était assis à ces côtés, lui tapota de suite le dos.

- Normal, c'est Iris. Elle est toujours en retard. Ah ! Je vois que tu as décidé de goûter au Desparanata. T'es courageuse !

Bloom toussa encore avant d'articuler péniblement :

— Ça… Ça brûle !

Normal, c'est un mélange coriace d'alcool et d'aliments piquants. Au moins, maintenant, tu peux te targuer d'être une vraie Zénithienne. Ici, on en boit à la bouteille ! Bon, je reviens, je vais te chercher de quoi faire passer ça !

Eva se leva prenant la direction du comptoir en fond de salle tandis que Bloom virait un peu au rouge. Elle ne toussait plus, mais elle sentait toujours sa gorge et son œsophage la brûler. Elle avait déjà touché aux alcools forts terriens, mais ça… C'était autre chose ! « L'alcool tu » prenait tout son sens en une fois. Elle n'en avait jamais senti l'effet aussi rapidement et se félicitait de ne pas avoir tout avalé cul sec, elle serait décédée dans la minute qui suivait si cela avait été le cas.

Bonjour, s'exclama une fois familière.

Tous les convives de la table se retournèrent pour faire face à une Iris particulièrement de joyeuse humeur.

Bonjour, répondirent-ils tous d'une voix monocorde.

La jeune femme hausse un sourcil tout en posant ses deux mains sur ses hanches.

Ben alors, s'étonna-t-elle, je m'attendais à un meilleur accueil et particulièrement pour la personne qui m'accompagne.

Piquée au vif, l'intégralité du groupe se mit à regarder aux alentours directs et indirects d'Iris. Il n'y avait personne.

- De qui tu parles ? L'interrogea Musa visiblement déçue.

Étonnée par ses propos, Iris se retourna. Effectivement, il n'y avait personne. Mince ! Où était-elle donc passée ? Elle avait dû la perdre dans la foule. Elle balaya la salle du regard.

« Ah ! Enfin ! »

De loin, Iris aperçut son amie. Elle était à l'arrêt non loin de l'entrée et semblait complètement sonnée. Le lieu sans doute, l'agitation. Il faut dire que la jeune femme sortait encore moins souvent que les jeunes Zénithiens lambda. Elle ne devait pas se sentir très à son aise.

Le regard bleuté de la nouvelle venue croisa finalement le sien. Iris se mit à lui faire de grands signes afin qu'elle la repère mieux puis l'invita à la rejoindre d'un geste de la main. Rien de plus simple : en même pas une petite minute, elle fût à ses côtés.

Lorsque Valencia arriva à la hauteur d'Iris, elle sentit immédiatement que son arrivée avait jeté une sorte de froid. Elle avait l'impression que toute l'ambiance du bar était retombée du simple fait de sa présence. Et, elle avait de quoi le penser : ce n'était pas tous les jours qu'une dizaine de personnes restait béate devant vous avec les yeux écarquillés.

Valencia aurait voulu dire quelque chose, mais elle n'y arriva pas. Au lieu de ça, elle dévisagea chacune des personnes assises à la table. Elle reconnut rapidement Timmy (dont sa sœur lui avait déjà montré des photos), Musa, Stella, Layla, Bloom et Flora (dont elle lui avait beaucoup parlé) et eut plus dur avec le reste du groupe. Le gars blond, était-ce Sky ou Brandon ? Celui aux cheveux longs qui tenait la main de Flora, elle était quasiment sûre qu'il s'agissait d'Hélia, mais pour les autres ?

Elle n'allait tout de même pas engager la conversation alors qu'elle ne se souvenait pas de tous les noms, ce serait terriblement inconvenant.

Que faire ?

Heureusement pour elle, elle n'eut pas à faire le premier pas. Flora s'en chargea.

- Tecna ? Tu as changé tes cheveux ?

Riche idée pour échapper à tes parents ! Ça a l'air hyper naturel ! Il faudra que tu m'apprennes le sort que tu as utilisé. Ça se voit toujours quand je fais des colorations magiques. S'exclama Stella avec un immense sourire.

Les visages se détendirent comme si une chape de plomb avait été retirée de la conscience de chacun. Tecna était là, ils allaient pouvoir reformer leur petit groupe et tout redeviendrait comme avant !

Seul Musa et Timmy ne partagèrent pas l'enthousiasme général.

Ce fut l'instant que choisit Eva pour revenir avec, dans sa main, un verre d'un liquide grisâtre très terne.

- Salut, Iris, salut Val ! Riche idée d'être venue ensemble.

À l'évocation du second prénom, qui ne sonnait pas très « Tecna », l'euphorie retomba laissant place à une certaine perplexité.

Wow wow, il y a quiproquo là, je pense. Dis Iris.

Un sourire amusé sur les lèvres, Eva reprit place à table tendant, au passage, le verre à Bloom en lui sommant d'en avaler son contenu rapidement. Ce que la jeune femme fit et, au fur et à mesure des gorgées, elle sentit les effets de la boisson précédente se dissiper ! Quel bonheur !

Elle put à nouveau se concentre clairement sur la situation et observa avec plus d'attention la nouvelle venue. Celle-ci avait une ressemblance troublante avec Tecna, il était même difficile d'affirmer que ce n'était pas elle malgré une couleur de cheveux diamétralement opposée. Elle avait le même physique et les mêmes mimiques. Bloom avait rarement vu la fée de la technologie gênée, mais, quand cette dernière l'était, elle avait la même manière de baisser les yeux et de fuir le regard tout en triturant la manche droite de son vêtement.

Difficile de ne pas reconnaître Tecna dans cette personne.

Qui était-elle d'ailleurs ?

Valencia décida soudainement d'éclaircir la situation.

- Euh… Tecna est ma sœur. Dit-elle avec une timidité évidente.

Suite à sa déclaration, personne ne réagit. Valencia avait envie de disparaître sous terre, elle se sentait ridicule. Qu'est-ce qu'elle faisait là ?

« Tu fais ça pour Tecna » pensa-t-elle pour s'encourage à ne pas fuir.

Elle vit apparaître un sourire sur le visage de Flora.

Tu veux t'asseoir ? lui demanda-t-elle aimablement.

Valencia hocha la tête tout en prenant place sur la dernière chaise de libre. Iris reçut un appel et s'éloigna, disparaissant dans la foule d'habitués. C'est cet instant précis que choisit Stella pour mettre les pieds dans le plat.

- Tecna n'est pas enfant unique ? J'ai raté un chapitre ?

Personne ne répondit. Le malaise était à nouveau palpable et Iris tardait à revenir. Valencia lança un regard désespéré en direction d'Eva qui lui fait signe de se débrouiller toute seule. Visiblement, la situation l'amusait. Les amis de Tecna, tous les mêmes ! Elle commençait à se demander si Iris ne tardait pas à revenir exprès pour voir comment elle s'en tirait.

« Allez, courage ! »

En fait, non. On est quatre… Quatre enfants. Enfin. Vous comprenez…

Flora sourit en voyant la jeune femme rougir. Elle avait beau ressembler à Tecna, leur caractère semblait largement différé. Pourtant, la fée de la nature avait le sentiment que son amie était comme sa sœur au fond : intimidée, gênée, en insécurité… Seulement, Valencia avait moins de mal à l'exprimer.

Flora sentait déjà qu'elle se prenait de sympathie pour elle.

- Vous êtes quatre ? Sérieusement ? S'exclama Brandon, tu savais ça Timmy ?

— Oui, je savais qu'elle avait deux sœurs et un frère, mais sans plus. Elle ne m'en parlait pas beaucoup.

Visiblement, elle ne souhaitait pas en parler. Conclut Musa qui semblait un brin vexé par cette découverte.

- Est-ce que vous lui avez déjà demandé de parler de sa famille ? L'interrogea Sky.

Non. Je plaide coupable, répondit Bloom, j'avoue que je n'ai jamais pensé à lui poser des questions à ce sujet.

Vu qu'elle n'abordait jamais le sujet elle-même, j'étais partie du principe qu'elle était enfant unique. Moi-même, je n'aborde jamais le sujet de la fratrie étant donné que je n'en ai pas.

Layla lança un regard peiné à la fée de la musique qui le remarqua et lui rendit un petit sourire empli de gratitude. La princesse d'Andros se sentit revivre. Elle avait réussi à rétablir un contact amical avec son amie après de longues semaines de tension.

- On est quasiment tous enfants uniques à cette table en fait. Réalisa Stella.

Valencia observait tout ce beau monde en train d'échanger et réalisa qu'elle était en dehors de la conversation. Comme si on l'avait oubliée, effacée. Elle ne semblait plus exister pour les personnes en face d'elle.

Elle se fondait dans le décor. C'était classique avec elle, mais, que pouvait-elle bien faire pour y remédier ? Elle ne savait pas comment réintégrer la conversation et, pourtant, elle devait réussir à le faire. Elle devait leur parler de sa sœur. Elle avait besoin d'eux pour l'aider. C'était une chance inespérée qu'ils soient tous réunis ici sur Zénith et elle, elle n'arrivait pas à exprimer quoi que ce soit. Ça n'allait pas, mais vraiment pas…

- Ouais, enfin, tout ça, c'est bien beau, mais on en parle du fait que Tecna vous cache plein de trucs ? Ça ne vous emmerde pas qu'elle agisse comme une peste en faisant la précieuse sur sa vie privée ? Vous êtes ses amies à la fin et toi mec, dit Riven à l'intention de Timmy, tu es son petit ami et elle n'était même pas fichue de t'en parler, ça ne te fait rien ça ?

Lorsqu'elle entendit cette phrase, le sang de Valencia ne fit qu'un tour. Elle s'était laissé convaincre par Iris de venir ici malgré les cours. Elle l'avait convaincue de sécher, c'était le seul moment possible pour échapper à la surveillance de ses parents. Sûrement qu'elle allait chuter dans le classement, redescendre d'une classe et être à nouveau l'objet de moquerie, mais elle l'avait fait en connaissance de cause. Pour sa sœur. Sa sœur qui n'était plus la même depuis quelque temps, sa sœur qui l'évitait. Elle voulait l'aider, mais elle ne savait pas comment faire. Ses amis de Magix : c'était sa seule solution.

Et voilà que maintenant, elle était incapable de leur parler, qu'elle était quasiment invisible, mais en plus qu'elle entendait sa propre sœur se faire insulter par la seule aide qu'elle puisse avoir.

C'était trop.

Au diable les convenances.

Elle se leva d'un coup sec et frappa ses poings sur la table tout en criant.

- NE PARLEZ PAS DE TECNA COMME ÇA !

Stupéfait, tout le monde se tut dans la tablée ainsi que celles aux alentours. Bloom sentit alors ses sens la titiller. L'atmosphère semblait légèrement plus lourde si ce n'est… Électrique. C'était très perturbant.

- Je vous interdis de parler ainsi de ma sœur devant moi. Poursuivit Valencia avec une voix encore forte.

Bloom la fixa et plus elle fixait la jeune femme, plus elle ressentait ces picotements, cette électricité. Elle émanait d'elle, mais pas seulement. Cette sensation magique lui était à la fois étrangère et familière.

Les poings serrés, la mâchoire crispée, Valencia sentaient l'adrénaline parcourir tout son corps. Jamais elle ne s'était mise en colère de cette manière. D'ailleurs, s'était-elle déjà vraiment mise en colère de toute sa vie ? Elle fixait le garçon qui avait osé insulter sa sœur devant elle. Qui était-il lui pour rapport à elle ? Un ami ? Elle ne se souvenait plus de son nom, elle ne se souvenait pas de ce que Tecna avait bien pu lui dire à son sujet et elle ne parvient pas à se calmer afin de fouiller dans sa mémoire. Non, là, elle ne souhaitait qu'une seule chose : laisser sa colère s'exprimer.

Une bonne partie du bar avait son attention fixée sur elle. Elle en avait conscience et, étrangement, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Au loin, elle aperçut Iris qui la fixait avec un mélange d'inquiétude et d'incompréhension. Tous semblaient suspendus au moindre de ses gestes et de ses mots.

Tant que le jeune homme ne se sera pas excusé, elle n'arrivera pas à se calmer.

« Pourquoi… Je… »

Eh Valencia, calme-toi. Relax. Tenta Eva, il ne pensait pas à mal.

Cette intervention ne parvient pas à la calmer.

En fait, elle ne savait plus trop pourquoi elle était en colère.

Elle ne pouvait plus réfléchir.

La seule chose qu'elle ressentait, c'était cette énergie qui la parcourait, qui brûlait en elle, qui ne demandait qu'à s'exprimer.

Et, surtout, elle ressentait ce lien.

Tecna. L'ennui. La tristesse. La résignation.

La résignation, oui.

Elle la ressentait avec une telle intensité.

Elle ferma les yeux.

« Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? »

Une voix familière se fit entendre.

- Calme-toi Val.

En la reconnaissant, la jeune femme sentit son esprit s'apaiser.

Elle rouvrit les yeux et crut apercevoir sa jumelle un bref instant devant elle.

Puis s'effondra sur le sol.


- Mademoiselle Anderson ? Mademoiselle Anderson ? Vous sentez-vous bien ?

Dans la classe une de la dernière année de la Madison School, Tecna était assisse par terre, haletante.

Que venait-il de se passer ?

Ce n'était pas logique.

Elle s'était levée pour répondre à son professeur bien qu'elle eut la tête ailleurs. Elle ressassait beaucoup depuis quelques jours, mais cela ne l'empêchait pas de savoir jouer son rôle de bonne élève quand il le fallait.

Et puis…

Elle s'était sentie envahie par une colère sourde.

Une colère qui n'était pas la sienne.

Une énergie la parcourir.

Une énergie magique.

Elle s'était ensuite retrouvée dans une étrange obscurité.

En face d'elle, Valencia avait la tête baissée, les poings serrés.

Tecna avait tout de suite compris que la colère qu'elle ressentait n'était pas la sienne, mais celle de sa sœur.

Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

Elle n'avait pas ouvert la bouche et pourtant Tecna avait entendu sa voix lourde de rancœur à son égard.

Tecna n'aimait pas l'idée que sa sœur soit en colère, surtout après elle. Cette phrase lui avait fendu le cœur.

- Calme-toi Val.

Ce sont les seuls mots qu'elle avait eu le temps de prononcer.

Quelques instants plus tard, elle s'était à nouveau retrouvée dans sa salle de classe, prise d'énormes vertiges.

Elle se sentait vidée.

Comme lorsqu'elle avait lancé son sort le plus puissant, comme si elle avait eu recours à une convergence magique. En bref, elle était épuisée.

Que venait-il de se passer ? Bon sang, mais que venait-il de se passer ?

- Un volontaire pour amener votre camarade à l'infirmerie ?


- Val ! Val !

Iris se précipita aux côtés de Valencia. Elle s'était effondrée d'un coup ! Comment était-ce possible ? Que venait-il de se passer ?

Avant que Valencia ne s'effondre, elle avait cru voir un flash de lumière. C'était peut-être dû aux éclairages. Un néon aurait explosé et provoqué l'évanouissement de son amie ?

Elle s'agenouilla, tendant le bras pour secouer son amie. Mais, à peine effleura-t-elle son épaule qu'une sensation désagréable, électrisante lui parcourut le bras.

Elle recula sa main tout en poussant un cri de douleur.

- Iris ! Qu'est ce qu…

- Je ne comprends pas Eva. J'ai ressenti un truc bizarre.

Eva se pencha à son tour sur la jeune femme inanimée et eut le même mouvement de recul après avoir tenté de la toucher.

- BORDEL ! C'est quoi cet… aïe !

Ce fut au tour des Winx de se rapprocher. Flora fut la première à se pencher vers Valencia. Elle réussit à attraper son poignet et prit son pouls.

C'est régulier.

- Pourquoi ? Pourquoi vous n'avez pas été… ?

- C'était de la magie. Intervient Bloom.

- Oui, ça en avait tout l'air. Confirma Sky, toujours assis.

Eva et Iris échangèrent un regard perplexe. Comment ça, c'était de la magie ? C'était déjà exceptionnel qu'une Zénithienne comme Tecna ait des pouvoirs alors Valencia…

Elles n'étaient pas les seules à être perplexes.

L'entièreté du bar semblait s'être figée devant la scène qui venait de se jouer.

Il n'y avait plus aucune musique ni ambiance, aucun chuchotement.

Puis, un homme à la carrure imposante fendit la foule.

Le patron du Buzz Méga.

- Que se passe-t-il ici ?

Sky se leva.

- On s'excuse monsieur. On ne voulait pas faire de grabuge.

L'homme désigna du menton Valencia toujours inconsciente.

- Qu'a-t-elle ?

- Un souci avec sa magie. Répondit spontanément Stella. On devrait l'amener à Faragonda.

La dernière partie de sa phrase était plus à destination de ses amies que du patron qui s'était crispé à l'évocation du mot « magie ». Eva fit signe aux garçons toujours attablés. Elle leur montra son poignet en espérant qu'ils comprennent. Heureusement pour elle, Timmy avait l'esprit plus vif que ses amis. Il se leva et dévoila son bracelet violet.

- Excusez-nous. Nous venons de Magix, nous sommes en voyage scolaire. Notre amie Val… Valérie est une fée de…

- De la nature, intervint Riven, elle est privée de sa source de magie depuis que nous sommes ici et nous étions censés la ménager, mais j'ai été un peu trop taquin. Ça l'a énervée et elle est ensuite tombée d'épuisement.

- Pourquoi porte-t-elle un uniforme de la Madison School ?

Cette question prit tout le groupe au dépourvu.

- Et vous deux. Dit-elle en désignant Eva et Iris, je vous ai déjà vu. Vous êtes aussi de la Madison. Comment se fait-il que vous ne soyez pas en cours ? Je vais devoir avertir les autorités.

« Les autorités ? Carrément ? »

Layla était choquée d'entendre ça et, à voir les têtes que tiraient Iris et Eva, ce n'était pas pour plaisanter cette histoire. C'était sérieux. Le patron de ce bar était prêt à appeler personnellement les autorités pour signaler qu'elles n'étaient pas en cours.

En quoi cela le concernait ?

Cette situation lui rappela leur escapade sur terre l'année dernière et comment elles avaient été abordées par un policier les soupçonnant aussi de faire l'école buissonnière.

Il fallait qu'elle intervienne, la clé, c'était la confiance.

- Eva et Iris viennent bien de la Madison, mais elles ne font pas l'école buissonnière. Nous sommes étudiants à Magix et nous explorons la ville. Nous avons au préalable établi une correspondance tout le long de l'année scolaire avec cette école. Nous avons visité leur lycée ce matin et elles ont été désignées comme guides par leur enseignant pour nous faire découvrir la ville.

Le patron leva un sourcil interrogateur, Layla poursuivit.

- Notre amie Valérie a eu un souci avec ses vêtements, on lui a prêté un uniforme.

Elle n'était pas certaine que ce dernier bobard soit avalé par le patron alors elle prit son téléphone.

- Notre directrice s'appelle Faragonda. Elle encadre également le voyage et le programme de correspondance. Je peux l'appeler tout de suite et elle vous mettra en relation avec l'école pour que vous ayez confirmation de tout cela.

L'homme secoua la tête. Il regarda autour de lui. Les conversations reprirent ci et là. L'atmosphère redevient un peu plus normale.

- Ce n'est pas nécessaire, mais j'aimerais que vous partiez.

- Nous allons le faire, mais nous aurions besoin d'un véhicule.

Le patron fit la grimace et désigna les poignets des jeunes gens du doigt.

- Vous avez déjà assez de facilité comme ça, demandez à vos fichus bracelets et déguerpissez au plus vite.

Il fit demi-tour tout en ordonnant à un de ses robots serveur de relancer la musique. Avant de disparaitre, il se retourna et s'écria.

- Les demoiselles de Madison. Vous êtes en dernière année ?

Terrorisées, Iris et Eva hochèrent la tête.

- Bonne chance pour votre examen. Faites attention de ne pas faire n'importe quoi avant.

Il inclina légèrement la tête. Cela aurait été à peine perceptible pour un œil lambda si Iris et Eva ne le lui avaient pas rendu de manière simultanée. Musa se demanda si cela n'était pas une sorte de salutation entre locaux. Elle s'interrogea aussi furtivement sur cette histoire d'examen, mais reporta rapidement son attention sur Valencia qui était toujours inconsciente.

Il fallait prendre les choses en main.

- Brandon, tu peux la porter ? demanda Stella à son copain.

Le jeune homme hocha la tête et souleva Valencia de terre. L'ensemble du groupe prit la direction de la sortie. Plus personne ne faisait attention à eux, l'ambiance du bar était redevenue exactement la même qu'auparavant.

Une fois à l'extérieur, Iris parla :

- Vous voulez qu'on se rende dans votre hôtel ?

- C'est bien le Venisia ?

- Oui, il serait préférable qu'on… L'amène auprès de notre directrice au plus vite. Précisa Bloom.

- C'est impossible. Déclara Eva.

- Pourquoi ? L'interrogea Layla.

- Nous ne pouvons pas entrer dans votre hôtel. Et nous n'avons pas accès à vos navettes. Même si on tentait de monter avec vous, le vaisseau refuserait de démarrer.

- En plus, précisa Iris plus à l'attention d'Eva qu'aux autres, je n'avais le vaisseau de mon père que pour venir… Il est parti avec et ne rentrera pas avant neuf heures du soir.

Stella les regarda en rigolant légèrement.

- Qui a besoin d'un vaisseau quand on a de la magie ?


Hello, hello.

Deux mises à jours en une année ! C'est fantastique !

Je plaisante, j'aime beaucoup écrire cette histoire. Je note plein d'idées par-ci, par là. Les fanfictions ne me lâcheront pas de sitôt.

Le soucis, c'est que j'écris beaucoup de choses en même temps. "Je pense donc j'écris" devrait être ma devise :D

Bref ! Valencia et les Winx se rencontrent enfin ! J'avais écris cette scène alors que je postais à peine les premiers chapitres (dans ma tête, c'est toujours la charrue avant les boeufs). J'aime beaucoup trop Valencia. Je ne sais pas trop pourquoi mais pour moi Tecna a toujours une jumelle. Dans mes anciennes fanfictions, je voulais vraiment l'introduire mais je n'y arrivais pas. Je sais pas... C'était pas LE bon scénario.

Merci beaucoup à toi Kilibilie pour ton commentaire :D Je suis contente que l'histoire te plaise et que tu continues à la suivre malgré mon irrégularité. J'en profite pour m'excuser des nombreuses fautes inattentions que je continue de laisser malgré mes relectures et les années qui passent. Je relis souvent des passages lorsque j'écris la suite et je me rends compte uniquement à cet instant-là qu'il y a d'énormes fautes ! Qui, en plus, peuvent changer le sens de la phrase.

Malheureusement, je pense qu'on ne me changera plus, tout ce que je peux faire : c'est corriger au fur et à mesure.

Le chapitre 17 est en cours d'écriture :D Le point positif : c'est que plusieurs extraits sont déjà écrits en vrac ! Je dois dire que je suis toute excitée par la suite et fin de cette fanfiction !

(Peut-être parce que c'est la première fois que j'en finirai une ailleurs que dans ma tête w)

(Et je vous réserve de sympathiques surprises !)

Rien à voir mais je cherche à m'inscrire sur Archive of Our Own (A03). C'est un nid à fanfictions ! Je veux en faire partie ! Mais visiblement, il faut attendre une sorte de validation pour pouvoir s'inscrire.

C'est long mais je prendrais mon mal en patience.

A la prochaine ou à l'année prochaine (ce sera selon),

Memori Plume