Chapitre 4 – Vivre sans vous.

Le lit grinça pour la énième fois, exprimant, sans vraiment le vouloir, le poids des regrets qu'il portait sur ses épaules. Il faisait jour dans ce monde et pourtant, le lit était plongé dans le noir encore. Depuis deux jours durant, il n'avait pas croisé les rayons du soleil et n'avait pas pu saluer la poussière naissante qui se trouvait sous lui. De toute la chambre désormais, c'était lui qui avait hérité de la plus lourde tâche qu'on puisse donner à un vieux meuble dans un chalet d'un de ces pays froids ou l'on part en vacances parfois. Ni la commode, ni le miroir n'avait su venir à bout de cette mission si importante, pas même le rouge à lèvre et le mascara n'avait su s'en charger et tous étaient désormais abandonné à leur triste sort, celui d'être, petit à petit, oubliés par les habitants. Mais le lit, ce lit double, composé d'une tête de lit en bois de cerisier et habillé de draps aux couleurs bleutées, le lit, lui, n'avait pas encore totalement perdu espoir et une part de son âme -si l'on peut considérer qu'un lit ait une âme- avait décidé de s'occuper de cette lourde tâche accompagner sa propriétaire dans cet étrange et long moment d'hésitation, accompagné de reniflements et de soupirs. Elle ne dormait plus, cette propriétaires et c'était désormais toute la chambrée qui s'en inquiétait. Les livres avaient laissé entendre qu'elle mourrait de chagrin, semblable aux sanglots long des violons de l'automne. Aussitôt l'inquiétude avait emplit la pièce et tous attendaient, anxieux. Si bien qu'à force, l'air s'était empli d'une tension qui ne faisait qu'accroître au fil du temps. Le lit grinça de nouveau. C'était devenu une habitude, à une sorte d'intervalle régulière, la propriétaire se retournait dans son lit. Et celui-ci savait que tôt ou tard, elle soupirerait, comme elle avait l'habitude de le faire depuis maintenant deux jours ici.

La propriétaire n'était autre que June qui, depuis l'instant où elle était rentrée chez elle, deux jours plus tôt, n'avait fait que regretter ses gestes et ses propos. Comprenez-là. Si soudainement que cela, elle avait plongé dans un monde frôlant la magie et tous ses rêves d'enfants s'étaient réunis au même instant. Elle avait frisé la grande aventure que veulent vivre tous les héros les plus épiques des romans qu'elle avait lu. Puis subitement, et par sa faute, elle avait chuté de se nuage de bonheur et de joie, pour ne plus que s'efforcer de nager dans un cauchemar sombre et inquiétant où elle avait fini par se noyer. Elle aurait voulu rebrousser chemin et retourner sur ses pas pour tenter de retrouver cet étrange homme. Qu'il soit véritablement le Lord Ténébreux ou pas lui importait peu maintenant, tant qu'elle puisse retrouver ce semblant de magie qui avait animé sa vie. Mais malheureusement pour elle et fort heureusement pour le bon déroulement de cette histoire, June, en jeune femme parfaitement réaliste, savait qu'il était déjà bien trop tard. Pour sa plus grande peine. Alors, elle n'avait trouvé autre solution que la plus évidente, mais aussi, la plus simple se morfondre dans son lit. Heureusement qu'il était là d'ailleurs, son lit ! Avec lui, elle était sûre qu'elle ne risquait rien. Parfaitement en sécurité sous ses draps, elle s'était enfermée dans le noir le plus total et avait ignoré les appels inquiets de ses parents qui avaient fini par l'ignorer aussi. Elle n'avait pas faim, elle n'avait pas soif. C'était comme si subitement, tout avait cessé de fonctionner en elle pour ne plus laisser place qu'à une certaine mélancolie.

Mais le pire dans tout cela, c'était qu'elle allait bientôt devoir quitter cet endroit pour rentrer chez elle, en Angleterre. Adieu la neige et les rêves à base de potions et de sortilèges, elle devrait de nouveau embrasser la vie à l'anglaise, le thé et surtout les études dans lesquelles elle seule s'était embourbée. Et la réalité était bien trop mauvaise au goût de la jolie brune qui refusait de devoir y faire face. Depuis toute petite, elle avait pris la fuite devant chaque problème en tentant d'y trouver là une solution comme une autre. Être adulte, June, bien que majeure, n'avait jamais su l'être et refusait même parfois de l'admettre. Si seulement elle avait été plus courageuse, quelques jours plus tôt, si seulement elle avait écouté cet homme, plutôt que de prendre peur et de fuir, comme à chaque fois qu'elle en avait eu l'occasion, alors nul doute qu'elle aurait pu vivre un bout de vie radicalement différent. S'il était vraiment Voldemort, alors il avait su changer sa vie en à peine une nuit et quelques heures. Et, bien après tout cela, alors qu'elle quittait sa chambre -son refuge- sous les mots mielleux de sa mère, June réalisa la plus incroyable des choses, la plus inavouable aussi sans doute, tellement inavouable qu'au moment où elle se retourna pour s'assurer que tout était en ordre avant son départ, elle n'osa que murmurer du bout des lèvres cette vérité dérangeante :

« Je suis incapable de vivre sans magie… »