Claude annonça à tous que l'assaut sur la capitale se déroulerait le surlendemain. L'ambiance se tendit encore plus, les soldats passèrent le reste de leur temps à se préparer pour l'assaut qu'ils attendaient tous.

Cyri était de plus en plus nerveuse, malgré les efforts de ses proches, ses doutes ne l'avaient pas quittée. Au fond d'elle, elle savait que cette appréhension n'était pas que la sienne, Byleth était devenu silencieux et passait de longs moments sur un point de vue du monastère à observer dans la direction de la capitale.

-Si nous sommes tous les deux fébriles à ce point, nous n'irons pas très loin… essaya-t-elle de plaisanter quand elle le rejoignit.

-Je suis désolé Dame Cyri, je sais que nous pourrons battre votre oncle mais ma colère contre lui ne m'a pas quitté et j'ai peur qu'elle vous mette en danger.

-Cela n'arrivera pas. Nous avons tous les deux fait un grand chemin pendant cette guerre. J'ai du mal à l'admettre mais j'ai l'impression que nous avons grandi toi et moi.

Le dragon sourit à son hôte puis détourna le regard, la jeune femme crut rêver en le voyant rougir légèrement.

-J'ai… Une étrange demande à vous faire… Puis-je vous serrer dans mes bras ?

-Comme quand j'étais enfant ? Avec plaisir !

Dans les bras de Byleth, un sentiment de nostalgie saisit Cyri. Puis une étrange sensation vint naître en elle, comme si leurs deux cœurs s'étaient mis à battre à l'unisson.

« Ne fais pas cette tête Cyri. Ce que tu ressens est normal, Byleth et toi êtes liés. C'est grâce à ceci que vous pouvez vous battre ensemble. Le jour où vos cœurs commenceront à battre en discordance, tu devras t'inquiéter… »

Cyri s'éloigna de son dragon et regarda Sothis qui se mit elle aussi à regarder l'horizon. L'expression de son visage donnait l'impression que quelque chose la préoccupait.

-Mère, tout va bien ? s'inquiéta Byleth.

« Comme l'a dit Claude, vaincre Arden ne marquera pas la fin de la guerre mais j'ai l'impression que beaucoup d'entre vous l'ont oublié… Il faut absolument trouver ce Tomas avant qu'il trouve le moyen de vous attaquer. »

-Nous avons déjà envoyé des hommes à sa recherche. Malheureusement, c'est tout ce que nous pouvons faire. fit la jeune femme

« Est-ce vraiment une bonne idée d'aller attaquer la capitale alors que les mages noirs sont encore actifs ? »

-Leurs forces ont été rudement réduites et suffisamment d'hommes resteront ici en cas d'attaque. répondit la Reine.

Mais elle comprenait parfaitement le ressenti de la déesse. Sa crainte était qu'effectivement Tomas profite de leur absence pour attaquer Garreg Mach. Claude partageait son point de vue cependant il ne pouvait pas faire attendre les soldats à cause d'une éventuelle attaque surprise alors que la capitale et Arden étaient à portée de main. Elle s'approcha de la rambarde et regarda vers le bas, les hommes qui s'affairaient à tout préparer pour l'assaut.

« Le coucher de soleil est magnifique ici. fit soudainement Sothis. Avant que la guerre n'éclate, une légende disait que si un couple faisait leur demande à ce moment précis, leur mariage allait être heureux. »

-Et cette légende était-elle vraie ? demanda Cyri.

« Evidemment que non ! Comment un coucher de soleil pouvait influencer une relation ? Les humains sont parfois ridicules… »

-Ce genre de croyances nous aide à voir le monde plus beau. Enfin ce n'est que mon avis…

« Le monde est suffisamment beau pour que vous ayez besoin de rajouter des légendes ridicules ! Enfin ce n'est que mon avis… »

Byleth et Cyri se mirent à rire puis tous les trois restèrent silencieux.

-Votre Majesté ! Votre Majesté ! hurla un soldat.

-Que se passe-t-il ? Pourquoi es-tu aussi essoufflé ?

-Nous vous cherchons partout. Vous devez venir tout de suite !

Le corps entier de Claude tremblait, sa gorge était douloureuse et des larmes coulaient sur son visage. Dans la pièce, on pouvait entendre des sanglots et des reniflements. Dans le couloir, des bruits de pas précipités se rapprochèrent et la porte s'ouvrit dans un fracas.

Cyri crut que ses jambes allaient la lâcher quand elle vit autant de visages autour d'elle. Ses yeux se dirigèrent vers le lit dans lequel se trouvait Hilda.

« Votre Majesté… C'est un plaisir de vous voir… » fit la jeune femme aux cheveux roses.

Claude prit sa fiancée dans ses bras qui ne put retenir ses larmes plus longtemps. Son réveil était inespéré et le jeune homme eut beaucoup de mal à réaliser.

-Je vous ai autant manqué pour que vous soyez tous dans cet état ? plaisanta Hilda.

-Les médecins nous avaient dit qu'il avait peu de chances que tu te réveilles… sanglota Léonie.

-Peu de chance ne veut pas dire aucune… Ce n'est pas ce que notre cher Claude nous disait toujours ? sourit la blessée.

Cyri regarda ce dernier, il avait de plus en plus de mal à ne pas fondre en larmes.

« Je ne suis pas certaine que les médecins apprécient de nous voir aussi nombreux dans cette chambre. Nous devrions peut-être la laisser se reposer. » suggéra-t-elle.

Claude suivit le groupe mais la jeune femme l'arrêta en lui faisant un clin d'oeil, il lui sourit et alla s'assoir près d'Hilda.

-Tu nous as fait une belle frayeur tu sais… soupira-t-il.

-Crois-moi, moi aussi j'ai eu très peur.

-Je suis désolé Hilda. Je n'ai pas arrêté de me sentir coupable depuis que tu as été blessée. Je crois que je m'en serai jamais remis si tu n'avais pas survécu…

-Regarde-moi Claude.

Le jeune homme leva les yeux vers son amie qui le regardait sévèrement.

-Je suis vivante et en un seul morceau, n'est-ce pas le plus important ? Tu n'as plus besoin de culpabiliser. Tu le sais peut-être déjà mais avec Marianne, nous avions hésité à te suivre dans cette guerre. Honnêtement, quelle amie j'aurais fait si j'avais pris la fuite en te laissant dans cette situation. Mais je ne te cache pas qu'à chaque bataille, je combattais la boule au ventre cependant Cyri et toi, vous m'avez donné le courage d'y aller.

-Nous sommes pourtant envahi de doutes et de regrets…

-Cependant à aucun moment vous n'avez eu envie de tout quitter et de disparaître.

Le Leistérien jetta un regard triste à Hilda.

-Tu te trompes. Cette guerre est éprouvante pour Cyri, j'ai peur qu'elle s'effondre à chaque instant. Quant à moi, je suis épuisé physiquement et moralement. Si tu me laissais le choix de rester ou de partir, je n'hésiterai pas une seconde, je déposerai les armes et je partirai avec Cyri.

-Je sais que tu ne le feras pas Claude. Tu as toujours fait passer l'intérêt des autres avant le tien au risque que tu sois blessé. Et je doute sérieusement que ta fiancée se laisse enlever aussi facilement. Elle a été élevée pour diriger de Royaume, il y a de fortes chances qu'elle ait intériorisé le fait de donner sa vie pour lui. Même si l'envie est forte, votre amour pour les autres vous empêchera de nous quitter.

Son amie avait raison. Décidément, elle le connaissait que trop bien. La jeune femme prit doucement la main de Claude et lui sourit tendrement.

-Je crois que je ne te l'ai jamais dit mais je suis heureuse que tu aies enfin pu trouver quelqu'un qui te rende heureux. J'ai hâte de voir les beaux bébés que vous nous ferez !

-Pour ça, il faudrait déjà que cette guerre s'arrête…

-Raison de plus pour la finir ! En attendant, il faut faire en sorte de ne pas perdre la main, mais j'ai entendu dire que vous vous entraînez souvent tous les deux … fit Hilda avec un regard rempli de sous-entendu.

-Ca devient gênant, je crois que je vais te laisser… Marianne veut sûrement passer du temps avec toi. dit Claude avant de prendre la fuite

Le jeune homme quitta la chambre sous les rires de son amie. Il rejoignit ensuite sa fiancée qui était déjà couchée. Quand elle le vit arriver, elle se redressa et lui sourit tendrement, Claude se réfugia tout de suite dans ses bras.

-Je n'arrive toujours pas à le croire… A la voir sourire de cette façon, on croirait que ses blessures n'étaient pas aussi sévères… dit-il le visage plongé dans la poitrine de Cyri.

-Je suis heureuse pour Marianne et toi. Hilda est importante pour vous deux.

-Elle l'est… Hilda est la seule avec toi à savoir ce que j'ai vécu avant que je décide de partir du palais.

-Je suis curieuse de savoir comment vous vous êtes rencontrés tous les deux.

-Un jour, je me suis retrouvée dans une situation délicate qui a failli me coûter une certaine partie de mon anatomie. Elle a débarqué feignant l'ignorance ce qui m'a permis de neutraliser mes ennemis. Pour la remercier, elle a voulu que je lui paye un bon repas et nous avons fini la soirée dans une taverne miteuse à boire de l'alcool. Je crois que depuis elle ne m'a jamais quitté.

Puis Claude se tut, profitant des caresses de Cyri dans ses cheveux et de ses doux battements de cœur contre sa joue.

-Je ne veux plus revivre cette douleur ma douce. Mon coeur ne supporterait pas de voir une personne que j'aime souffrir ainsi.

-Tu n'auras plus à la ressentir. Bientôt, je battrai mon oncle et notre monde retrouvera sa paix.

Le jeune homme voulut plaisanter sur la soudaine confiance de sa fiancée mais le bien-être qu'il l'avait envahi rendit ses paupières soudainement lourdes. La Reine ria légèrement en se rendant compte que Claude s'était endormi contre elle. Avec maintes précautions, elle l'installa confortablement dans leur lit et vint le rejoindre dans son sommeil.

Le lendemain, alors que Claude s'était une nouvelle fois enfermé dans un bureau, Cyri décida d'aller faire une visite à l'orphelinat du monastère.

-Je suis désolée de venir à l'improviste. s'excusa-t-elle en voyant la directrice légèrement paniquée.

-Votre visite est toujours un plaisir votre Majesté. Je suppose que vous êtes venue voir le petit garçon d'Edmund ?

La Reine asquieça et suivit la vieille femme. Elle croisa beaucoup d'enfants qui la dévisageaient, certains venaient même jusqu'à elle pour lui demander son prénom et d'où elle venait. Malgré la perte parfois violente de leurs parents, le visage de ces enfants était éclairé par une innocence adorable.

-Ne vous inquiétez pas. Ces enfants ne m'importunent pas du tout, cela me fait plaisir de discuter avec eux. dit la jeune femme en voyant les nourrices réprimander les orphelins.

-Le petit passe encore des nuits bien difficiles. expliqua la directrice. Il a aussi du mal à s'intégrer aux autres enfants.

-Est-ce qu'ils vous a parlé de ce qu'il a subi ?

-Pas à moi mais à une des nourrices qu'il a pris en affection. Mais il a beaucoup de mal à parler, ils communiquent surtout grâce à des dessins.

La vieille femme s'arrêta dans une grande pièce avec de nombreux tables, de livres et de jouets. Elle pointa un petit garçon au fond penché sur sa table, visiblement très concentré sur ce qu'il faisait. Cyri s'approcha de lui avec le plus de précaution pour ne pas lui faire peur. Elle le salua avec douceur quand celui-ci la regarda surpris.

« Tu ne te souviens peut-être pas de moi mais j'étais présente quand tu as été sauvé. Je suis venue voir comment tu allais. Je suis contente de voir que tu ailles bien. Tu veux me dire comment tu t'appelles ? »

Le garçon ouvrit la bouche avant de la refermer. Il prit une feuille et se mit à écrire lentement de grandes lettres.

« Bonjour George. Moi c'est Cyri. Tu apprends à écrire c'est ça ? »

Gorge fit oui de la tête.

-Tu te débrouilles comme un chef !

-Mmmm-me-merci.

La Reine comprit quand la directrice parlait de difficultés de communication. Elle regarda les lettres qu'il avait péniblement écrites et reconnut deux prénoms.

« Sylvain et Félix sont venus te voir ? »

Gorge secoua la tête de haut en bas.

-Ils ne t'ont pas fait peur ? Ils peuvent impressionner quand on les voit pour la première fois.

-Un-un-un pppp-peu.

-Mais tu verras, ce sont des hommes très gentils. J'ai un peu de temps devant moi, tu veux que je t'aide pour ton écriture ?

Le petit garçon sourit avant de lui tendre un crayon et une feuille. La jeune femme comprit qu'il n'avait surement jamais été à l'école. Même si son tracé tremblait ou n'était pas parfait, Cyri le félicitait, et à chaque fois le visage de George s'illuminait d'une expression fière.