— 𝐍𝐎𝐏𝐏𝐄𝐑𝐀-𝐁𝐎 —
𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝑻𝒓𝒐𝒊𝒔
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Enroulée dans une grande serviette, les cheveux encore dégoulinants d'eau, Jean passe la porte de la petite salle de bain attenante à sa cabine. Une nuit s'est écoulée depuis son dernier échange avec Barbe Blanche et ses fils. Comme demandé, elle n'est pas sortie de sa cabine, se contentant de quelques heures de sommeil et d'une longue douche brûlante.
Distraitement, elle explore à nouveau la pièce du regard, dans l'idée de trouver des vêtements propres ou n'importe quoi de comestible à se mettre sous la dent mais elle fait chou blanc et s'avoue vaincue, tout en se laissant retomber sur le lit. Elle est morte de faim et si quelqu'un ne se décide pas bientôt à lui apporter à manger elle sera obligée de sortir de la cabine pour se mettre en quête des cuisines et faire un scandale.
Autour d'elle, le soleil matinal s'infiltre par l'unique hublot de la cabine et baigne la pièce d'une douce lumière bleutée. L'endroit est plutôt spartiate, un lit, une armoire, une table, le strict minimum. Une chambre simple et épurée aux airs de fausse prison. Mais la perle rare de l'endroit, c'est la salle de bain, simple elle aussi, mais terriblement rare sur un navire pirate. Elle se doute qu'ici la majorité des hommes doivent partager des dortoirs et des sanitaires communs et elle est reconnaissante envers le Yonko de lui avoir évité ça. Elle a d'ailleurs conscience de bénéficier en quelque sorte d'un traitement de faveur et tout serait réellement parfait si une bonne âme se décidait enfin à lui apporter de quoi manger.
Les bras posés au-dessus de la tête, les pieds balançant doucement dans le vide, elle fixe le plafond sans grand intérêt. A présent lavée et reposée, le temps lui semble aussi long que lorsqu'elle se trouvait dans les cellules plusieurs étages en dessous. Bien que cette fois-ci, elle ne soit pas, à proprement parlé retenue prisonnière, la porte de sa chambre n'étant même pas verrouillée, elle sait également qu'elle ne peut sous aucun prétexte mettre un pied dehors. D'abord parce qu'elle ne saurait absolument pas où aller malgré les panneaux de signalisation accrochés partout sur le navire, ensuite parce qu'elle est certaine que les pirates n'apprécieraient pas de la voir faire le tour du propriétaire en toute impunité et enfin parce qu'elle a promis à Barbe Blanche qu'elle n'en sortira pas et elle a beau être une mercenaire bornée au possible, elle tient trop à ses cinq-cents millions de Berry pour prendre le risque de contrarier l'empereur.
Cinq-cents millions de Berry. Rien que d'y penser, un sourire victorieux fleurit sur ses lèvres et elle se dandine sur le lit dans un genre de danse de la victoire discrète. Comme il est grisant d'être riche à ne plus savoir qu'en faire.
Trop occupée à imaginer différents moyens tous plus extravagants les uns que les autres d'user de sa fortune, elle ne sent pas immédiatement la présence approchant de sa cabine et les trois coups secs contre la porte la font légèrement sursauter, même si elle préfèrerait mourir plutôt que de l'admettre. Ajustant rapidement sa serviette autour de sa poitrine menue, elle glisse hors du lit et trottine souplement jusqu'à la porte qu'elle ouvre d'un geste plein d'assurance, très consciente de sa relative nudité.
Elle hausse un sourcil vaguement surpris alors qu'elle fait face au commandant de la seconde division tout en abdos et taches de rousseur. Elle laisse distraitement glisser un regard intéressé sur les larges épaules et le torse découvert du garçon avant de fixer toute son attention sur le plateau débordant de nourriture dans les bras du pirate. La salive au bord de lèvres, elle laisse fleurir un sourire excité par la perspective d'enfin pouvoir profiter d'un vrai repas, si bien que l'air renfrogné de Portgas lui passe complètement au-dessus de la tête.
- Toi, je t'aime pas beaucoup, annonce-t-il de but en blanc.
- Tant mieux Portgas, tu vivras plus longtemps !
Et sans demander son reste, elle se saisit du plateau repas et se détourne du pirate pour aller le poser sur la petite table au centre de la cabine.
L'attention totalement accaparée par le délicieux fumet s'échappant des plats juste sous son nez, elle entreprend de tirer la table jusqu'au bord du lit où elle prend place avec empressement sans faire grand cas du pirate à présent debout au milieu de la cabine qui la dévisage d'un air sombre.
- Je crois que t'as pas bien compris ce que je viens de dire alors je vais me répéter, enfonce-t-il. J'ai dit que je n'aimais pas les gens comme…
- Oui, oui j'ai très bien compris, coupe-t-elle. Bla Bla mercenaires méchants pas beaux Bla Bla Bla on peut pas leur faire confiance Bla Bla Bla le discours habituel quoi. Je trouve ça un peu hypocrite venant d'un pirate mais bon chacun sa vision de la morale, je suis pas là pour juger. Maintenant si tu veux bien, j'ai un repas à…
- Et puis c'est quoi tes pouvoirs d'abord ? Ils sont trop louches et j'ai jamais entendu parler d'un fruit du démon qui permette de changer d'apparence, ça cache quelque chose. J'aime pas ça !
Dépitée, elle regarde Poings Ardents faire des allers-retours au centre de la pièce tout en pestant après elle dans sa barbe inexistante. Il ne semble décidément pas prêt à la laisser manger en paix et si elle profite de ses allées et venues pour laisser son regard glisser sans discrétion sur le dos musclé du pirate il ne lui en tape pas moins sur les nerfs. A s'agiter comme ça il arrive à lui donner le tournis et si Jean à bien horreur d'une chose, c'est qu'on la dérange pendant qu'elle mange.
- Par pitié Portgas ! Tue-moi ou assieds toi mais arrête de courir dans tous les sens comme ça, tu vas me rendre malade ! Craque-t-elle.
Semblant l'écouter, il se fige et lui fait à nouveau face. Ils ne sont à présent plus séparés que par la petite table et bien que cela ne la dérange pas particulièrement, le regard de Portgas fixé sur elle pendant qu'elle mastique son morceau de viande n'est pas particulièrement agréable non plus. Elle pousse un nouveau soupir ennuyé et délaisse son plat pour relever la tête vers lui. Son regard se perd un instant sur les courbes encore enfantines du visage du second commandant avant de plonger dans son regard d'une profondeur abyssale.
- On ne t'a jamais appris qu'il est impoli de dévisager les gens pendant qu'ils mangent pirate ? Assieds-toi et pose tes questions au lieu de me fixer comme ça.
Jean devine sans mal que la carte des bonnes manières fait mouche parce que le brun semble être piqué au vif et dans un grognement rageur à peine contenu prend place sur le lit, le plus loin possible d'elle. Elle fait semblant de ne pas le remarquer et reprend son repas tranquillement.
- Vas-y, bébé commandant, pose tes questions, ricane-t-elle.
- Comment tu viens de m'appeler là ?!
- Bébé commandant, t'aimes pas ? Je trouve que ça te va plutôt bien…pour un pirate en culotte courte !
- Arrête ça !
Elle hausse un sourcil rieur, c'est si facile de le faire sortir de ses gonds, elle peut voir l'énervement grimper en flèche et la chaleur augmenter ostensiblement dans la pièce. Mais c'est plus fort qu'elle, elle n'arrive pas à s'arrêter. Après avoir passé autant de temps, seule dans les geôles ou dans sa chambre, elle ne résiste pas à l'envie de taquiner l'un des puissants et susceptibles fils de Barbe Blanche. Et puis, elle ne fait rien de mal de toute façon… ?
Délaissant provisoirement son repas, elle prend une moue la plus professionnelle possible et dévisage le garçon avec tout le sérieux dont elle est capable.
- Ah bon ? Pourtant je te donnerais quoi… quatorze ans ? Quinze à tout casser. T'es sûr que tu es en âge de boire de l'alcool ? Tes parents savent que tu sèches l'école pour aller jouer aux petits durs ?
Le sourire de Jean s'affaisse un peu lorsqu'elle remarque l'ombre qui passe dans les yeux du jeune commandant. Elle ne pensait pas toucher une corde sensible par inadvertance mais le soudain mutisme du pirate qui semble plongé dans d'obscures pensées lui confirme qu'elle a vu juste. Tout en réfléchissant à un moyen de relancer la conversation sur un autre sujet, elle attrape une cuillère de purée et repasse en vitesse toutes les informations qu'elle a sur le pirate à la tête de la deuxième division de Barbe Blanche.
Portgas D. Ace, originaire d'East Blue, ancien capitaine des Spade Pirates, incorporé à l'équipage de Barbe Blanche depuis seulement quelques mois et déjà commandant d'une division. Détenteur d'un fruit du démon logia de type feu, il a également refusé la place de grand corsaire que lui a proposé la marine. Avec une prime actuelle de 550 millions de Berry il est, à n'en pas douter, un homme dangereux mais également très mystérieux de par le manque d'informations à son sujet. Pas de famille connue, un pouvoir puissant et quelques faits d'armes remarquables mais rien qui ne nécessiterait une prime aussi élevée au vu des standards habituels de la marine. En résumé, pour quelqu'un d'un peu attentif, Portgas pue l'embrouille à plein nez.
Avec un discret soupir fatigué, Jean note dans un coin de sa tête de creuser plus tard la question des parents de Portgas qui semble l'avoir tant affecté. Qui sait ? Peut-être qu'elle trouvera un moyen de se faire un peu plus d'argent sur le dos du pirate.
- J'ai vingt ans, finit-il par lâcher.
Elle lui adresse un regard, surprise qu'il en soit encore là mais décide finalement de laisser couler pour cette fois.
- Et moi j'en ai vingt-trois, énonce-t-elle. Donc je suis ton ainée, tu me dois le respect bébé pirate.
- Je t'ai dit d'arrêter de m'appeler comme ça, grogne-t-il.
- Je vais me faire un plaisir de ne pas t'écouter. Allez, pose tes questions qu'on en finisse, j'ai pas toute la journée.
Il la dévisage quelques secondes puis observe la cabine complètement vide avant de revenir à elle avec une moue dubitative à la limite du moqueur. Évidemment qu'elle a toute la journée devant elle, elle n'a rien à faire et pas le droit de quitter la cabine mais elle se garde le droit de le balancer en dehors s'il lui prend à nouveau l'envie de se moquer d'elle.
- C'est quoi ton fruit du démon ? Finit-il par demander.
Enfin ! Jean a bien cru qu'ils n'en viendraient jamais au cœur du sujet. Elle repousse donc son plateau repas vide et s'adosse au montant du lit pour faire face au pirate, les jambes croisées en tailleurs dans une position qui, bien que très révélatrice, reste tout à fait chaste et cruellement innocente. Elle attrape d'ailleurs avec une certaine fierté le regard baladeur de Portgas dont les joues se sont joliment assombries d'un pourpre gêné. Quel gamin !
Mais l'heure n'est pas au flirt alors elle finit par déplier ses longues jambes bronzées sur le lit dans une position bien plus décente avant de lui répondre.
- Je n'ai pas mangé de fruit du démon Portgas. C'est plus compliqué que ça.
- C'est impossible, nie-t-il en bloque. Je t'ai vue te transformer, c'est forcément du fait d'un pouvoir démoniaque.
- Quand tu m'as vue me transformer, j'avais des menottes en granit autour des poignets. Jamais je n'aurais pu utiliser un fruit dans ces conditions.
- Tu as dû trouver un moyen de déjouer les menottes alors.
C'est qu'il commence à sérieusement lui taper sur les nerfs à toujours remettre en question la moindre de ses paroles.
- Eh bien jette moi à la mer qu'on puisse tous vérifier à quel point je nage bien alors ! S'exclame-t-elle.
Ce n'est que quelques secondes plus tard qu'elle se reprend en avisant l'air intéressé du pirate toujours assis face à elle.
- Ne me jette pas à la mer Portgas ! C'est une blague ! Mais je sais vraiment nager et le granit marin n'a aucun effet sur moi parce que je ne tire pas mon pouvoir d'un fruit du démon mais plutôt d'un gène héréditaire.
- Héréditaire ?
Devant l'air perdu du pirate elle ne peut retenir un rire qu'elle tente d'étouffer pour ne pas le vexer.
- C'est un don que je tiens de mon père qui l'avait reçu de son père avant lui et ainsi de suite. C'est un genre de pouvoir familial on va dire. Je suis née avec.
La compréhension se fait dans les yeux du commandant qui semble avoir oublié toute sa méfiance d'il y a quelques minutes au profit d'une dévorante curiosité.
- Oh ! Okay je vois et ça consiste en quoi au juste ? T'es pas vraiment humaine ou quelque chose comme ça ?
- Mes tous premiers ancêtres aimaient se faire appeler Noppera-Bo ou « Fantômes sans visages », ils passaient leur temps à effrayer les paysans de notre île natale ou les voyageurs pour leur voler leur argent. Par la suite nous sommes devenus des mercenaires de génération en génération mais le terme Noppera-Bo est resté et puis je le trouve plutôt cool de toute façon. Quant à savoir si l'on est vraiment totalement humain, personne n'a jamais essayé de savoir donc je n'ai pas la réponse non plus. Mais tu pourrais toujours me couper en deux et regarder à l'intérieur par toi-même pour savoir ?
Devant la mine renfrognée du garçon elle retient un nouveau rire, moqueur cette fois-ci. Si elle ne le savait pas aussi dangereux, Jean pourrait le voir comme un jeune garçon normal et curieux. Mais elle a beau savoir que sans une autorisation directe de son capitaine il ne pourra rien lui faire, il n'est pas normal pour autant et c'est pour ça qu'elle ne baissera jamais la garde face à lui. Elle ne lui donne que la version officielle, le strict minimum, rien de compromettant ou de trop proche de la vérité, aucun détail stratégique qui lui permettrait un jour de remonter jusqu'à elle.
- Et tes pouvoirs du coup ? Comment ça marche ? Tu peux prendre l'apparence de n'importe qui ?
- On peut dire ça oui, il me suffit de visualiser ce que je veux pour opérer une transformation.
- Donc, si je résume, tu peux te transformer en n'importe qui, à volonté ?
Le sourire de Jean se fait plus froid, tordu, commercial, faux. Pas de détails, rien de compromettant.
- En gros, c'est ça, oui.
- Même quelqu'un comme père ?
Elle marque un temps d'arrêt, prenant un seconde pour mesurer le sérieux de la question.
- Heu… Je n'ai jamais fait quelque chose comme ça mais j'imagine que oui ? Il me faudrait certainement beaucoup de temps pour pouvoir me transformer complètement mais je devrais pouvoir y arriver, pourquoi ?
- Pour rien, j'étais juste en train d'imaginer toutes les personnes en qui j'aimerais me transformer !
- En règle générale, j'évite de prendre l'apparence de personnes trop connues… Être mercenaire requière une certaine discrétion…
Les épaules de Portgas se raidissent soudain alors qu'il semble se rappeler du métier et de la raison de la présence de son interlocutrice. Jean esquisse un sourire narquois, définitivement, les pirates sont tous des inconscients trop sûrs d'eux.
Décidant qu'elle a épuisé son quota de sociabilité pour le reste de la journée, Jean s'étire doucement avant de resserrer les pans de sa serviette tout en passant une main dans sa chevelure noire et emmêlée.
- Bon, maintenant que j'ai répondu à tes questions bébé commandant, tu pourrais peut-être me rendre un petit service ?
- Je t'ai dit d'arrêter de m'appeler… !
- J'ai vu que tu apportais très bien la nourriture, ça ne te dirait pas d'aller me chercher des vêtements aussi ?
- Mais qu'est-ce que tu crois espèce de sale… !
- Oh tu sais, je ne suis pas très compliquée en termes de mode, tant que c'est propre, tout me va… peut-être du noir ? J'aime bien le noir, c'est classe et ça passe avec tout…
- Va te faire foutre !
Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le commandant de la seconde division a sauté sur ses pieds, traversé la cabine, avant de se jeter contre la porte pour l'ouvrir avec fracas.
Avec une moue hilare, Jean se lance à sa poursuite, s'arrêtant sur le pas de la porte et s'appuie sur le chambranle avec innocence.
- Hé ! Poings Ardents ! Oublie pas mes vêtements !
Dans l'obscurité des couloirs mal éclairés, seul un grognement rageur lui répond et elle éclate d'un rire sonore. Elle le trouve amusant pour un gamin primé à 550 millions. Et puis, elle peut bien se moquer de lui jusqu'à ce qu'il la déteste, ce n'est pas comme s'ils allaient travailler ensemble de toute façon.
𝐄𝐚𝐬𝐭 𝐁𝐥𝐮𝐞 : une zone maritime du monde de One Piece et le lieu des 6 premiers arcs de la série. East Blue peut être considéré comme un océan, composé de quelques îles dispersées et une frontière avec Red Line. C'est la mer considérée comme la plus "faible" dans le monde de One Piece
𝐆𝐫𝐚𝐧𝐝 𝐂𝐨𝐫𝐬𝐚𝐢𝐫𝐞 : Les 7 Grands Corsaires ou 7 Capitaines Corsaires sont un groupe de sept puissants et célèbres pirates, dirigeants ou non un équipage, ayant conclu un accord avec le Gouvernement Mondial.
𝐋𝐚 𝐌𝐚𝐫𝐢𝐧𝐞 : Elle est la force militaire principale du Gouvernement Mondiale et un des antagonistes de longue durée de la série. Elle est présente dans toutes les mers du monde. La Marine est présente dans ces mers sous forme de branches succursales légères. La majeure partie de ses effectifs est stationnée sur la plus dangereuse des mers, la Route de tous les Périls, où leur Quartier Général est situé. Leur drapeau est une mouette bleue avec l'inscription « Marine » en dessous et de couleur bleue. La Marine représente l'espoir pour la survie des habitants du monde qui ne sont pas des pirates et qui font régulièrement face aux attaques de ces derniers.
𝐏𝐨𝐢𝐧𝐠𝐬 𝐀𝐫𝐝𝐞𝐧𝐭𝐬 : Surnom de Portgas D. Ace
