Hello à tous et à toutes,
Ce chapitre très longuement dû a mis du temps à venir, mais il est enfin complété ! Je mettrai en ligne dans les prochains jours le dernier chapitre quasiment fini et l'épilogue en deux parties, histoire de clore ce que j'avais commencé.
Comme convenu, voici les binômes encore en lice. Vu qu'il se passe beaucoup de choses dans ce chapitre, je remettrai à jour la liste exceptionnellement dans le suivant aussi.
* Adélaïde Fleury - Kid Gil/Gilgamesh (Archer/Caster)
* Waver Velvet / Lord El-Melloi II - Iskandar (Rider)
* Dorian Janson - Mystérieuse Héroïne X (Assassin)
* Sakura Matou - Médusa (Rider) [Éliminées]
* Shirou Emiya - Chiron (Archer)
* Rin Tohsaka - Ishtar (Archer)
* Fiona d'Elvaren - Gilles de Rais (Saber)
* Evelyn d'Elvaren - Jeanne d'Arc (Lancer)
* Cédric d'Elvaren - Gilles de Rais (Caster) [Éliminés]
* Agnès Dufors - Médée (Caster) [Éliminées]
* Lucas Renoir - Charlemagne (Saber) [Éliminés]
* Master Inconnu.e - Emiya (Assassin) [Éliminés]
* Reika Sakamoto - Tohno Shiki (Assassin)
* Akito Sakamoto - Ryougi Shiki (Assassin)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
* Master Inconnu.e - Servant inconnu.e (Saber ?)
Comme d'habitude, je reste à votre écoute par MP et je lirai avec attention vos retours.
Je vous souhaite une bonne lecture et je vous dis à la prochaine au détour d'une ligne !
Lenia41
Chapitre 23 — De Sang et De Cendres
Parc du Champs de Mars, 7e arrondissement, Paris, France. Une heure plus tard.
Pas de repos pour les braves ! Tout s'était enchaîné avec la vitesse et la vigueur d'un torrent. Dès l'aube, ils avaient reçu un coup de fil de l'agent d'Elvaren pour les enjoindre à gagner un point particulier de la capitale française, où la présence du Graal avait été détectée ainsi que celles d'autres Servants en approche. Ils devaient s'y rendre le plus rapidement possible, afin d'éviter que les Âmes Héroïques hostiles et leurs mystérieux Masters ne viennent mener les combats dans les rues de Paris. Ce serait un bain de sang qu'ils voulaient absolument éviter, autant qu'ils le pouvaient en tout cas.
Adélaïde estima qu'il s'agissait d'une maigre consolation : le Graal avait visiblement choisi comme rituel de sa future apparition un lieu à la fois vaste, dégagé et qui pouvait être en partie isolé du reste.
Les règles avaient été convenues par avance, aussi s'étaient-ils rendus répartis par groupes sur place. Si Fleury n'aimait pas se crêper le chignon avec Waver, la professeure était en partie rassurée qu'ils aient crevé et vidé l'abcès au sein de leur couple avant de se rendre à cette dernière bataille royale à laquelle il n'était pas du tout sûr qu'ils en réchappent. Cela ferait un lourd regret de moins à porter. Elle était tout aussi rassurée d'avoir son ancien doctorant dans leur équipe, afin de garder un œil sur lui et s'assurer autant qu'elle le puisse qu'il s'en tire d'une façon ou d'une autre. Non, son seul regret était de n'avoir pas pu honorer sa parole auprès de Fiona puisqu'ils n'avaient pas eu le temps de réaliser le duel qu'ils avaient convenus de faire avec Saber et Archer. Elle espérait qu'elle pourrait faire amende honorable une fois la menace principale abattue, ces mystérieux et puissants chevaliers.
Ils n'eurent cependant pas la possibilité de rejoindre les autres groupes au point de rendez-vous qui avait été entendu et auquel devait les attendre Sakura. L'ennemi avait pris également ses dispositions.
Trois chevaliers les attendaient de pied ferme. Un grand chevalier élancé était tourné dans sa direction, de longs cheveux roux soulevés par la brise tandis que ses épaules étaient drapées par un long et épais manteau blanc liseré d'or et au col garni d'une fourrure. Une armure sombre agrémentée de plaques claires transparaissait sous le manteau, tandis qu'il tenait en main un curieux mélange d'arc et d'harpe. Á ses côtés se tenait un autre chevalier à la silhouette plus élancée, une épée à la taille, avec un surcot vert sombre tranchant avec ses plaques d'armures claires. Il se distinguait cependant avec ses longs cheveux blancs, son visage altier et la vivacité de ses yeux verts résolus ainsi que par l'étrange prothèse qui remplaçait son bras droit. Un troisième Servant complétait leur groupe, entièrement recouvert par une armure intégrale avec d'épaisses plaques de métal claires liserées de pourpre et dont le visage était dissimulé sous un casque arborant de grandes et épaisses cornes grisées. Dans sa main droite reposait une lourde épée tirée au clair, silencieuse mais très menaçante pour autant. Plutôt que confronter les trois ensemble – si les théories de Dorian étaient justes, il valait mieux les affronter séparément plutôt que groupés – ils décidèrent de se les répartir autant que faire se puisse. Le premier chevalier avait rivé ses yeux bleus-gris sur Dorian et Assassin, qui naturellement vinrent le défier, tandis que Waver et Rider engagèrent le combat contre le troisième chevalier, dont se dégageait la plus grande puissance. Alors que ses deux semblables se ruaient pour combattre le directeur de la Tour de l'Horloge et Rider ainsi que son post-doctorant et Assassin d'autre part, le deuxième chevalier était resté immobile, ses yeux verts acérés et plus posés fixés sur l'archéologue et sur Archer.
Ils n'allaient certainement pas lui refuser ce duel, si cela pouvait le tenir à l'écart de ses compatriotes et de son mystérieux chef. Dans l'oreillette connectée, réglée sur une fréquence particulière, qui avait été prêtée par l'agent des renseignements pour l'occasion, Adélaïde eut confirmation que d'autres combats s'étaient engagés un peu plus loin : le groupe composé de Rin, Shirou et leurs deux Archers avait été intercepté par deux chevaliers, tous deux de classes Saber. Les deux Servants, l'un à la sombre armure et l'autre à l'armure claire et à la lourde claymore, étaient résolument très puissants. Elle eut aussi écho d'un autre combat à deux contre deux, puisque l'agent D'Elvaren et Fiona avaient été amenées à faire face à deux derniers chevaliers aux côtés de Gilles Saber et de Jeanne d'Arc de classe Lancer. Si l'un d'entre eux était clairement de classe Lancer vu la longue lance qu'il portait en main, ils n'étaient pas encore parvenus à déterminer avec assurance la classe à laquelle appartenait leur mystérieux et solide second opposant, armé d'un grand bouclier. Quant à Reika et Akito, les jumeaux étaient partis avec leurs Assassins à l'écart, en éclaireurs, cherchant à identifier le mystérieux leader de ces chevaliers et de savoir où se trouvaient les Masters. Les deux franco-japonais s'étaient portés volontaires pour cette mission, estimant avoir les meilleures capacités pour agir en toute discrétion. Ils reviendraient vers eux dès qu'ils auraient des informations qu'ils espéraient.
Pour l'heure, Adélaïde savait ce qu'elle avait à faire, et elle ne comptait pas attendre que le chevalier qui leur faisait face vienne les attaquer sans rien faire. Ouvrant d'un geste souple le codex mystique de sa famille, l'archéologue saisit des cristaux dans une main et se tourna vers son jeune ami.
- Tu es prêt, Godric ?
- Je suis né prêt, voyons ! C'est plutôt à toi qu'il faut demander ça. Répliqua le petit Archer.
Fleury savait ce qu'il impliquait par là. Ce serait un combat à mort, où la loi du plus fort, du plus habile ou du plus rusé prendrait place. Ce serait un duel où une seule équipe devrait ressortir debout, et probablement vivante si elle en croyait les méthodes expéditives de leurs opposants. Á l'instar de Warka, elle devrait être prête à ôter des vies s'il le fallait, s'ils voulaient éviter un désastre sans nom.
- Saber, Bedivère. Je n'ai aucun grief contre vous, mais ma lame est au service de mon roi.
- Adélaïde Fleury. N'y voyez rien de personnel non plus de mon côté, messire Bedivère. J'ai donné ma parole, et je compte bien la respecter. Deux dernières questions avant que nous ne croisions le fer, si vous me le permettez. Répondit l'archéologue avec calme aplomb.
L'ambiance était déjà tendue et s'il ne dégageait pas la même puissance écrasante que celle décrite par leurs alliés qui avaient eu l'infortune de croiser l'un de ces mystérieux chevaliers, les yeux verts de leur opposant étaient aussi perçants qu'intelligents. Saber acquiesça sans un mot, très vigilant. Adélaïde décida de ne pas mâcher ses mots et reprit la parole d'une voix à la fois grave et assurée.
- Je ne vois pas votre Master à vos côtés. Ce combat ne semble-t-il pas en votre défaveur ?
- Je n'ai pas besoin de l'aide de celui qui m'a appelé. Je ne réponds qu'aux ordres de mon roi.
Une réponse à la fois efficace et élusive, l'archéologue devait bien le reconnaître. On reconnaissait bien là l'habileté du chevalier que l'on disait le plus loyal et le plus proche du roi Arthur. Elle ne s'attendait pas de toute façon à ce qu'il lui livre l'entière vérité, mais ses propos n'en étaient pas moins intéressants, surtout son choix de mots. Ainsi, il semblait distinguer deux figures : l'individu qui l'avait invoqué, le Master, et la personne qu'il sert réellement, ce fameux « roi ». Cela voulait dire qu'il avait accès à suffisamment de mana pour agir en toute indépendance, sans l'appui d'un mage. Sans avoir l'arrogance d'affirmer sans la moindre hésitation qu'il serait vainqueur de ce combat, il était aussi confiant sur ses chances de victoire et bien résolu à les défaire. Adélaïde regretta en cet instant de ne pas s'être davantage penchée sur la Matière de Bretagne, autant que son ancien doctorant, mais elle ferait avec les éléments qu'elle avait à sa disposition et avec ce qu'elle pourrait apprendre. La professeure décida donc d'ajuster un peu son approche et tenta une autre ouverture, plus directe.
- Je l'entends. Je connais un peu les légendes qui vous entourent, vos pairs et vous. Je suis étonnée que des gens de votre qualité acceptent de bafouer leur honneur de chevaliers en fermant les yeux sur des pratiques douteuses des mages au service desquels vous vous trouvez.
Là encore, les traits du chevalier semblaient impassibles et ses yeux verts insondables, avec une expressivité parfaitement maîtrisée qui ne laissait rien transparaître sur ce qu'il pensait. Adélaïde eut toutefois le sentiment de voir ses doigts de sa main libre se crisper davantage, refermés en poing.
- Ma loyauté ne saurait être questionnée. Mon épée et mon bras sont au service de mon roi, mais trêve de bavardage. Laissez-moi vous montrer la tyrannie qui fait aussi office de loi.
- Bon, ce n'est pas tout mais je m'ennuie, et tu es sur mon chemin. Il est grand temps de vous discipliner comme il se doit, tes semblables et toi.
Estimant qu'ils avaient bien assez discuté sans doute et impatient d'en découdre, le jeune Gil s'interposant entre Saber et elle, ses vêtements civils s'estompant pour laisser place à son pantacourt kaki et la veste blanche avec lesquels elle l'avait rencontré à Warka. Son torse découvert laissait entrevoir des tatouages incarnats, les pièces d'armure en or massif réapparaissant sur ses hanches tandis que des chaînes, véritables serpents argentés de mailles et de fer, tournoyaient autour de lui. Ses yeux carmin semblaient plus brûlants et perçants encore alors qu'il fit signe à Fleury de reculer. Ils avaient convenu qu'elle serait plus efficace en arrière-ligne pour lui prêter son appui magique. Cela se justifiait d'autant plus qu'ils faisaient face à un servant de classe Saber, classe reconnue non seulement pour sa puissance brute respectable que pour sa grande efficacité au combat rapproché. Fronçant des sourcils, la franco-britannique fit une dernière recommandation à son régal équipier.
- Je te conseille de garder un œil sur son bras droit. Il n'a pas l'air tout à fait normal.
- Je ne comptais pas baisser ma garde de toute façon.
Adélaïde approuva de la tête et concentra sa magie dans le codex mystique de sa famille. Elle non-plus, elle ne comptait pas sous-estimer l'adversaire, même s'il s'agissait d'une seule âme héroïque. L'archéologue n'attendit pas davantage alors que ses lèvres psalmodiaient des incantations en langue hébraïque, sa main libre sacrifiant des cristaux de magie. Tout autour d'eux, une douzaine de golems se levèrent de terre, hauts de plusieurs mètres, pour défendre la professeure mais aussi et surtout pour assister Archer. Elle s'en mordait la lèvre et aurait souhaité pouvoir déployer davantage de ses arts magiques, mais ses mains étaient liées tant par Archer que Caster. Elle leur avait donné sa parole.
En aucun cas, il ne lui était permis de recourir à la Bête scellée dans le sang et la magie de sa lignée, sous risque d'insulter et de provoquer l'ire du Prince/Roi Sage qu'elle assistait dans cette Guerre.
Après tout le chemin parcouru, ce n'était pas une fin que souhaitait poursuivre la franco-britannique. Elle avait un rôle à jouer, il était de son devoir de mage d'en assurer la responsabilité jusqu'au bout.
Parc du Champs de Mars, 7e arrondissement, Paris, France. Un peu plus tard.
Fiona avait un peu de mal à comprendre les chevaliers qui venaient leur barrer la route. L'adolescente avait l'impression que quelque chose ne tournait vraiment pas rond. Qu'il s'agisse de celui armé d'une lance ou bien de celui portant un immense bouclier en plus d'une longue épée, la jeune fille n'avait pas l'impression qu'ils étaient de mauvaises personnes. Le chevalier à l'armure violette et noire faisait certes preuve d'une grande froideur et indifférence à leur égard, mais son regard ocre ne trahissait aucune colère. Quant au premier, encore plus grand et intimidant que son confrère, il dégageait une grande prestance et irradiait de confiance, se dénotant par son imposante armure blanche, liserée de noir au niveau de la taille et agrémentée d'un lourd manteau de neige doublé d'or. Son épaule gauche comportait une curieuse épaulière, écrasante, qui semblait aussi résistante qu'un bouclier conventionnel. La jeune fille avait été surprise par son regard, d'abord strict, qui s'était un instant adouci en se posant sur elle. Pour peu, Fiona aurait pu penser qu'il était attristé, mais très vite ses traits s'étaient faits distants.
- Il est grand temps de couper votre ligne de front. Au nom de mon roi et de Master, je, le chevalier Perceval, vous défie et vous vaincra !
Tels avaient été les mots du chevalier à la lance, tandis que son compagnon s'était juste contenté d'acquiescer. Fiona avait été surprise de ne pas les voir accompagnés des mages qui devaient les avoir appelés, mais curieusement, sa tante Evelyn semblait moins étonnée qu'elle. D'humeur plus ombrageuse, c'était sûr, mais pas très surprise. Ce fut tout naturellement que Gilles se plaça en première ligne et accepta d'engager le combat contre le Lancer et l'autre Servant, tandis que Jeanne agissait en renfort pour les protéger, Evelyn et elle, quand elle n'allait pas prêter main-forte à Saber.
Fiona faisait de son mieux pour aider son grand ami, puisant dans ses grandes réserves de mana et faisant danser les flammes sur le champ de bataille, pour défendre ses alliés et gêner les mouvements de ses adversaires. Elle avait aussi renforcé la force de frappe de Saber en recourant à son deuxième sort de commandement. Curieusement, les deux chevaliers ne semblaient être guère importunés par ses flammes habituelles, aussi était-elle contrainte de puiser dans ses plus puissants enchantements. Malgré ses efforts, le chevalier noir au bouclier s'interposait toujours et protégeait son comparse quand lui-même n'allait pas à l'attaque. L'adolescente fût impressionnée par leur grande coordination. Jeanne et Gilles n'en étaient pas en reste et tenaient bon, malgré tout. Saber lui avait expliqué, une fois, que le lieu d'invocation et le lieu où se déroulaient les combats pouvaient influencer la puissance d'une Âme Héroïque. Puisque la Guerre du Graal avait lieu en France, où leurs légendes étaient bien enracinées, cela lui permettait ainsi qu'à la Pucelle d'avoir plus de forces spirituelles à utiliser. Et pourtant, malgré cet avantage et la coordination rôdée de Lancer et de Saber, ils n'arrivaient pas à percer la défense de leurs adversaires et à retourner la situation à leur avantage, à quitter ce très mince équilibre des forces qui semblait s'être installé entre sa tante, Jeanne, Gilles, elle-même et eux.
Gilles parvenait à un constat similaire. Il était parvenu jusque lors, tant bien que mal, à tenir en respect leurs deux assaillants avec l'aide de Jeanne, qui s'efforçait d'occuper l'attention du second Servant. Si les différents combats qu'ils avaient menés les avaient endurcis, Fiona et lui, le chevalier sentait que cette mêlée et celles qui s'ensuivraient seraient d'un tout autre niveau. Homme de lettres autant qu'amateur d'art, il ne pouvait pas ne pas connaître les légendes de Bretagne, y compris celles autour du Roi des Chevaliers et de ses Chevaliers de la Table-Ronde. Et les prouesses de ses adversaires y concouraient jusque lors. Saber était contraint désormais d'utiliser le premier arcane de son Noble Phantasm pour renforcer la puissance de ses coups et la vélocité de ses mouvements, afin de ne serait-ce qu'égaler et faire pression face à son formidable adversaire, qui refusait de céder du terrain.
- Les jeunes sont précieux, n'est-il pas ? Ils incarnent l'essence même des possibilités. Les élever, les instruire représente ma plus grande joie, en tant que leur aîné. Déclara Perceval.
- En effet, ils sont précieux. Leurs sourires éclairent vraiment ma journée. Je ne veux pas les décevoir, et encore moins quand il s'agit d'elle. Répondit Saber.
- Les enfants sont des amours, un véritable trésor. Il est de notre devoir de les protéger. Insista son formidable opposant, ses traits affables et indéchiffrables, le regard plus tranchant.
Leurs échanges se firent plus intenses, Saber s'efforçant de se rapprocher de son adversaire à la lance pour reprendre le dessus, sachant qu'il serait nettement plus efficace que lui en courte portée. Il avait bien distingué une épée ceinte à la taille du Lancer adverse, mais le Maréchal était confiant en ses capacités et en celles de ses alliés. Il se battait en terre de France, Jeanne était à ses côtés et il avait désormais une solide raison de plus pour se battre jusqu'à son dernier souffle. Fiona, la lueur innocente qui l'avait aidé à s'extirper des ténèbres de son être comptait sur lui, il ne la décevrait pas. Aussi prit-il sur lui pour ne pas se laisser être attisé par les paroles réfléchies de son adversaire.
- Vous me voyez surpris, Saber, tant vos paroles semblent sincères. Agréablement surpris, bien que confus. Voyez-vous, votre réputation vous précède, messire de Rais. Poursuivit Lancer.
- Je sais mieux que quiconque qui j'ai été, mais je suis au regret de vous indiquer que vous ignorez tout de l'homme que je suis. Répliqua Saber en brisant par la force leur bras de fer.
L'homme qu'il était réellement… il gageait que seule la Pucelle, Fiona et ses plus proches compagnons d'armes savaient qui il était. Eux-seuls auraient pu connaître ou s'approcher de la vérité, même si c'était un secret de Jeanne qu'il ne trahirait pas et qu'il comptait bien emporter dans sa tombe. Gilles s'engouffra dans la rare brèche laissée par son adversaire et fit pleuvoir sur lui de nombreux coups. Il observait l'habileté du Lancer, qui parvint malgré son désavantage à éviter plusieurs assauts ou à dévier sa lame sur l'étrange bouclier qui surmontait l'une de ses épaules. Sa ferveur lui permit cependant d'atteindre le chevalier arthurien à son autre épaule, qu'il entailla profondément. L'homme fût ainsi forcé de reculer de quelques pas pour réajuster sa posture, après avoir inspecté sa blessure.
- Belle estafilade, c'était bien essayé. Malheureusement, je suis aussi obstiné que robuste. Figurez-vous qu'assurer ma propre protection fait partie de mes spécialités. En revanche, je ne peux pas dire qu'il en va de même pour vous. Constata Lancer.
Un sourire aiguisé se tissa sur les lèvres austères de Saber. Le constat n'en était pas moins vrai, même si cela n'inquiétait guère le Maréchal de France. Il n'était pas ressorti tout à fait indemne de leurs échanges en effet, mais de ce qu'il pouvait sentir, aucune blessure ne l'empêchait de se battre. Aucune d'entre elles n'était mortelle. C'était un risque qu'il acceptait de prendre pour être plus efficace. Saber ne pût retenir un éclat de rire de lui échapper des lèvres, heureux de faire face à un solide opposant.
- Ha, ha, ha ! Magnifique, vous êtes un formidable opposant messire Perceval ! Ne vous détrompez pas, je suis ravi d'avoir l'opportunité de croiser le fer avec des adversaires de votre tempe. En temps de paix, j'aurai été enclin à vous concéder la victoire. Hélas, nous n'avons pas ce luxe en temps de guerre, et la vie de Fiona est une mise que je ne saurais risquer. Aussi, permettez-moi de vous donner un aperçu de ce qu'est ma véritable spécialité.
Il n'eut à attendre que quelques instants avant que Fiona ne lui donne son accord par la pensée. Ils n'étaient pas dotés d'autant de puissance et de réserves magiques que leurs opposants, aussi le Maréchal décidait qu'il était temps de tenter une percée décisive sur leur assaillant le plus dangereux. Stabilisant sa position sur ses jambes, il tendit son épée vers les cieux, concentrant une énergie spirituelle qui courait sur la lame de fer. Pour l'heure, cela ressemblait au premier arcane de son Noble Phantasm, celui qu'il avait déjà montré au Lancer par nécessité, mais il ne comptait pas s'arrêter là.
- Nous combattons pour la justice. Il est temps d'avancer, chevaliers ralliés sous l'étendard de la Pucelle. Rejoignez-moi, suivez mon commandement et sus à l'ennemi ! Saint War Order !
Plutôt que de simplement lui conférer plus de force de frappe, d'agilité et de rapidité au mépris de sa propre défense, leurs alentours immédiats commencèrent à se déformer et à s'altérer très rapidement. Les terres d'Orléans apparurent sous leurs yeux, les menant sur un champ de bataille qu'il connaissait intimement. En dehors de la ville-forteresse et des machines de guerre, ce fût surtout une quarantaine de chevaliers d'élite qui répondirent à son appel et apparurent, comme s'ils étaient à nouveau pourvus de chair, d'os et de sang. Il espérait qu'une fois de plus, le miracle révélé par sa Master les porterait. Le Reality Marble, comme il en avait appris le nom par la suite, donnerait à ses alliés un terrain de jeu qui leur serait plus propice qu'à leurs opposants en plus des renforts qui leur seraient fidèles. S'il ne pouvait conquérir un avantage de puissance magique sur son adversaire, il miserait sur l'avantage de terrain et de nombre, ainsi que dans la diversité des armes portées par ses chevaliers. Sa spécialité, avant même son aptitude de bretteur et de cavalier, résidait en premier lieu dans la tactique militaire.
L'avance de leurs deux adversaires s'arrêta alors qu'ils étaient pris au piège de son Noble Phantasm. Tant qu'ils ne pourraient pas le défaire, lui, ou occire Fiona, ils ne pourraient pas s'en échapper aisément. Ses efforts et ceux de ses hommes leur permirent de meurtrir davantage le Lancer, sans que ce dernier pour autant ne concède une once de terrain. Sa force de frappe en paraissait presque monstrueuse, mais recourant à ce deuxième arcane de son Noble Phantasm, Gilles ne pouvait pas s'appuyer en retour sur les effets du premier arcane pour renforcer plus encore ses propres aptitudes. Bien que sérieusement blessé, le chevalier arthurien s'éloigna de quelques mètres et s'exclama :
- Vous consacrez tellement d'efforts pour me vaincre que le chevalier Perceval se doit de vous répondre ! Fort bien. Galahad, j'abattrai les ennemis de mon roi avec l'autre Lance Sainte !
Un destrier apparût au côté du chevalier arthurien, tandis que sa lance commençait à briller de mille feux. Le second chevalier, dont l'attention était retenue tant bien que mal par Jeanne et Evelyn, parût donner son accord. L'éclat de la lame se fit plus intense encore tandis que Saber se repliait avec ses hommes près des deux d'Elvaren, dans l'idée de s'interposer ou d'interférer avec l'assaut adverse. Il allait lui-même puiser dans les ressources de son Noble Phantasm pour quérir son propre destrier lorsqu'il entendit la Pucelle l'en dissuader et se placer aussi vite qu'elle le pût devant eux.
- Que la lumière soit ! Ô autre Lance Sainte, viens à moi. Le double sceau est levé. Qu'un miracle radieux nous guide ! Longinus, Lance Éclatante du Destin !
- Voici l'œuvre du Seigneur ! Mon étendard, défends nos camarades ! Luminosité Éternelle !
L'éclat perçant, déchirant de la Lance mystique s'entrechoqua avec violence sur la barrière spirituelle et divine invoquée par la Pucelle, dont les mains étaient fermement serrées sur son étendard déployé. Si la puissance dévastatrice les épargna, Dame Evelyn, Fiona, Jeanne et lui, la Pucelle ne pouvait protéger que les êtres vivants, et non pas l'illusion. Gilles crispa sa mâchoire en voyant son Noble Phantasm être réduit à néant par la dévastation de l'une des reliques les plus sacrées de leur foi. Néanmoins, la barrière obligea messire Perceval à reculer de plusieurs mètres, ainsi que son comparse.
- Jeanne. Entendit-il murmurer la voix d'Evelyn près de la Pucelle, les yeux de l'agent fédéral étant rivés sur le chevalier arthurien à la lance et surtout sur sa destructrice arme.
- Nous n'avons plus le choix, si nous voulons réussir. Elle approche, et nous ne pouvons pas laisser la Sainte Lance entre leurs mains. Dieu nous a guidés jusqu'ici, je ferai ce que je dois. Répondit Jeanne avec grande gravité, alors qu'elle reprenait encore son souffle.
- Nous ferons ce qu'il faut. Je n'irai nulle part. Je te donnerai tout le mana dont tu as besoin. Ajouta la tante de Fiona en posant amicalement une main sur le bras de la Pucelle.
- Merci, Evelyn. Je suis vraiment ravie et honorée de t'avoir rencontrée, ainsi que Fiona. Je ne saurai jamais vous remercier toutes deux assez pour ce que vous avez fait pour Gilles et moi.
Avant qu'il ne puisse prendre la parole, alors que la barrière s'effondrait et qu'ils étaient revenus dans les espaces du parc parisien, la Pucelle se tourna vers Saber avec un sourire triste mais résolu. Jeanne posa ensuite ses mains sur les siennes, secouant doucement la tête pour lui indiquer que c'était inéluctable, avant de lui déclarer avec douce fermeté.
- Si notre Seigneur a soulagé un peu tes blessures, tu ne pourras pas te battre longtemps face à de tels opposants dans cet état. Evelyn et moi nous ne pourrons pas vous accompagner. Sache que j'ai été heureuse de pouvoir te revoir ainsi. Nous nous recroiserons un jour, j'en suis convaincue. En attendant, veille sur Fiona pour nous, d'accord ? Que Dieu veille sur vous.
Le chevalier aurait aimé la dissuader de commettre une telle folie, de perdre une fois de plus celle qui avait éclairé de sa lumière des jours bien sombres de la terre de France. Seulement, il décelait dans ses yeux célestes que son choix était fait. Elle ne reviendrait pas dessus, que cela lui plaise ou non. Et il était de son devoir de veiller à la sécurité de sa jeune Master, de la jeune fille sous sa responsabilité. Bon gré mal gré, il s'inclina et se força à relâcher la main de la Pucelle, de se reculer puis de se tourner vers Fiona. L'adolescente était pâle, exténuée et agitée, comme si elle savait ce qu'elles fomentaient. Sans un mot, Saber s'agenouilla à sa hauteur et la saisit avec douceur afin de la porter dans ses bras.
- Saber, relâche-moi ! Ne m'oblige pas à utiliser le dernier sort de commandement qu'il me reste. Tante Evelyn est en danger, je ne peux pas la laisser ! Et Dame Jeanne non plus, je…
- Il n'y a pas d'autre choix. C'est Jeanne elle-même qui me l'a rappelé. Tu es ma Master, tu es ma responsabilité. Ta protection est et doit rester ma priorité absolue.
- Saber !
- Je sais, Fiona. Crois bien que je le sais, mais je le dois. Ne me rends la tâche plus difficile qu'elle ne l'est déjà, s'il te plaît. Dit Saber d'une voix calme d'où perçait une peine immense.
L'entendre crier de la sorte et ne pas pouvoir accéder à ses demandes était douloureux pour lui, mais pas autant qu'entendre la voix de la Pucelle clamer à voix haute la ligne d'un funeste poème. « Ô Seigneur, je te confie ce corps » … ses doigts se crispèrent sur l'épaule et les genoux de Fiona alors qu'il portait et tenait fermement l'adolescente. Revivre cet enfer… c'était sans doute sa repentance. Alors qu'il tournait le dos au combat, allant contre ses instincts et son honneur chevaleresques, laissant derrière lui la femme qu'il avait toujours admirée et une proche de l'enfant qui lui était chère, Saber s'efforçait pourtant de presser le pas et ses foulées rapides virèrent à l'amble, puis à la course. Il devait remettre de la distance entre leurs adversaires et sa Master, autant qu'il lui en était possible.
Hélas, ils n'eurent à peine plus qu'une paire de minutes de répit avant d'être entourés par les flammes. Saber serra Fiona contre lui, la gardant fermement immobile alors que l'adolescente était en proie à la panique, à juste titre d'ailleurs. Quiconque ne connaissait pas Jeanne comme lui paniquerait. Ils n'avaient rien à craindre de ces flammes. Ils n'étaient pas les ennemis de la Pucelle, mais ses alliés. Jeanne ne pouvait recourir à ces flammes sans la volonté non pas de détruire, mais de protéger. Elle offrait sa vie, ainsi que celle d'Evelyn qui avait choisi de lui céder toutes ses forces, pour les sauver.
La fumée recouvrit longtemps les alentours, avant de se disperser petit à petit. Le cœur serré, Gilles savait pourtant déjà qu'il ne verrait aucune trace de l'être qu'il avait tant admiré et admirait encore.
Sous ses yeux sombres, il ne restait aucun témoignage de la présence de Jeanne et d'Evelyn, comme il l'avait craint. La détresse qu'il tâchait de museler dans son cœur et dans son esprit monta d'un cran en voyant une silhouette s'approcher d'eux à pas lents. Instinctivement, Saber déposa avec délicatesse Fiona sur le sol et l'intima d'un signe de tête à s'éloigner alors qu'il se tournait vers la menace. Sir Perceval semblait, par-il-ne-savait-quel-miracle, encore debout, bien qu'en aussi piteux état que lui. Il ne restait rien de la Sainte-Lance, si bien que le chevalier avait révélé son épée bâtarde au poing.
- Bien joué. Si Galahad… si Galahad ne m'avait pas protégé en plus de la Sainte Lance, j'aurais été anéanti moi-aussi. Il s'en est fallu de peu, mais mon devoir n'est pas encore accompli.
- Ma mission n'est pas davantage terminée. Pas un pas de plus, ou vous passerez au fil de l'épée. Répliqua Saber avec une once de menace tout en tirant son épée-bâtarde au clair.
- Ah, les ordres de mon roi… sont cruels, mais incontestables. Je n'ai aucune envie de lever mon épée sur un enfant, aussi vous me rendriez un grand service si la petite rend les armes.
Ses yeux noirs froids et résolus, Gilles confronta le regard du chevalier. Ses paroles semblaient sincères, il était aussi tourmenté par le commandement qu'il avait reçu que résolu à l'accomplir. Malgré ses blessures, plus nombreuses et certaines bien plus sérieuses que la majorité, le Maréchal de France raffermit sa propre force de volonté et endossa une posture de duel neutre-offensive.
- Vous devrez alors me passer sur le corps. Je ne vous laisserai pas meurtrir ma Master plus que vous et vos semblables ne l'ont déjà fait. Nul doute qu'un jour je brûlerai en enfer mais en attendant, je continuerai de me battre au nom de la justice jusqu'à ce que la lumière me brûle.
Sur ces paroles résolues, Gilles lui fit face et resta fermement campé sur ses positions alors que son opposant se précipitait vers eux. Le rapport de forces n'était pas à son avantage, il en était bien conscient. Quel que fût le Master de cet autre Saber, il devait être encore plus puissant que Fiona si le Servant pouvait agir avec une telle autonomie, infatigablement. En outre, en termes d'importance de la légende, il ne pouvait pas non plus comparer avec un chevalier au service du Roi Arthur. Cependant, il était résolu à ne pas laisser les efforts de Jeanne et d'Evelyn rester vains de la sorte.
Les deux chevaliers entrechoquèrent avec violence leurs lames, dans un bras de fer bientôt rompu par Gilles et qui se mût en enchaînements entrecroisés de passes d'armes. Les lames filaient si rapidement que leurs déplacements n'étaient pas visibles à l'œil nu. Saber ne se fiait plus à ses yeux seuls. Il était alerte à ses autres sens, y compris la sensation de l'épée comme une prolongation de son propre bras. C'était une sorte de sixième sens qu'acquérait les bretteurs accomplis avec le temps et l'expérience. Son opposant avait beau avoir été invoqué en tant que Lancer, il n'en restait pas moins doué à l'épée. Eût-il été lui-même en possession de tous ses moyens, Gilles estimait qu'il aurait eu des chances raisonnables de se défaire de son adversaire dans le cadre d'un duel « classique » d'escrime.
Sous les yeux horrifiés de Fiona, épuisée et impuissante, la lame de l'autre chevalier transperça Gilles au flanc, à l'un des rares endroits moins protégés par son armure. L'adolescente restait pétrifiée, ne pouvant que remarquer sans comprendre que les traits de l'autre Servant se crispèrent. Ce ne fût qu'alors qu'elle réalisa que leur adversaire avait été profondément pourfendu juste en dessous de ses plaques d'armure, l'épée-bâtarde ressortant ensanglantée de l'autre côté dans le dos de l'agresseur. De violents sanglots commencèrent à secouer le corps de Fiona, qui secouait la tête sans comprendre. Ses yeux bleus, paniqués, constataient que les marques des sorts de commandement s'estompaient, même s'il y en avait un qu'elle n'avait pas utilisé. Tremblante, elle se releva et fit un pas vers eux.
- Je suis désolé, Jeanne, Fiona… Je… je ne pourrais pas… tenir parole. Je ne pourrais pas… aller plus loin mais… lui non-plus… ne le pourra pas. Affirmait avec peine Saber.
L'adolescente, les yeux rougis par les larmes, secoua la tête. Elle refusait d'y croire ! Saber était fort, Saber s'était toujours relevé. Il avait promis. La voix de son grand-ami se fit plus forte et plus pressante alors qu'une aura dorée commençait à entourer et à estomper les traits des deux Servants.
- Fiona, je suis désolé. S'il te plaît… enfuis-toi ! Pars, tant qu'il en est… encore temps. File !
Sursautant face à la fermeté du ton de Saber, l'instinct fût plus fort que la volonté de la jeune fille et transie de peur, elle sursauta et céda à sa prière. Se faisant violence pour ne pas se retourner et s'arrêter, elle courut droit devant elle, sa vision embrumée de larmes. Un sourire adouci échappa aux lèvres austères de Saber alors qu'il la voyait disparaître, la main serrée sur son rosaire. Ses traits se détendirent, comme apaisés, sans qu'il ne lâche prise vis-à-vis de Lancer. Quoi qu'il puisse advenir il n'avait pas de regret, sinon celui de n'avoir pu partager plus de temps avec elle.
Parc du Champs de Mars, 7e arrondissement, Paris, France. Au même moment.
Les nouvelles tombaient au fil de l'oreillette connectée dont disposait Adélaïde, majoritairement plus mauvaises que bonnes. Dès qu'elle avait entendu la voix de Waver coordonner leurs efforts, l'archéologue avait compris le message tacite : l'agent des renseignements intérieurs britanniques, Evelyn d'Elvaren, n'était plus en état de les aider. Était-elle liée à cette explosion de flammes qu'ils avaient entendue, un peu plus loin ? Cela correspondait près ou prou à la dernière position qu'elle leur connaissait. Aucune certitude, mais son instinct lui soufflait que cela devait être le cas. Jeanne et elle avaient dû être vaincues. Si elles étaient tombées, cela voulait dire que Fiona… le cœur de la professeure se crispa à cette pensée. Non, il y avait encore de l'espoir tant qu'elle n'en entendait pas confirmation par son conjoint. Si Dorian était en vie et était parvenu avec X à éliminer deux chevaliers venus en renfort– un Lancer et un Saber – ils avaient perdu face au chevalier de classe Archer qui les avait défiés. Bien que secoué et légèrement blessé, son doctorant était parvenu à se replier jusqu'au sanctuaire qu'ils avaient établis en retrait. Quant au groupe de Rin, Shirou, Ishtar et Chiron, le bilan était mitigé : ils avaient réussi à éliminer les deux puissants Saber face à eux, mais au prix de Chiron, qui avait été défait. Emiya avait donc été contraint de se replier au sanctuaire à l'instar de Dorian. Conformément à leur plan, Rin avait donc poursuivi son avancée avec Ishtar pour débusquer le fameux « chef » de ces chevaliers, afin de pouvoir formellement l'identifier et engager le combat le temps qu'ils puisent la rejoindre. Waver, pour sa part, avait aussi réussi à vaincre avec une certaine peine la coriace Saber qu'il avait défié, et était en chemin avec Iskandar pour soutenir Rin et Ishtar.
Si leurs déductions étaient juste et au vu de la puissance des chevaliers qu'ils avaient confrontés, ils n'avaient aucun doute que le mystérieux meneur de ces derniers serait difficile à mettre à terre.
« Et toi, Adélaïde ? Est-ce qu'il y a du nouveau de votre côté ? » Demanda Waver via l'oreillette.
- Godric et moi sommes toujours là. On a réussi à s'en tirer avec le Saber qu'on a eu en face. Il était plus robuste que prévu mais on est encore en état de se battre. Répondit Adélaïde en jetant un coup d'œil vers Archer, qui bombait le torse, pas peu fier d'y être parvenu sans l'aide de son alter-ego.
- Tu peux lui dire qu'on s'est bien amusés, je lui ai collé une bonne dérouillée ! C'est tout ce qu'il a mérité, à me sous-estimer. On a fait une sacrée pagaille par contre, il faudra faire un grand ménage.
Enfin, une dérouillée… ce n'est pas forcément les mots qu'aurait privilégié Adélaïde. Sans vouloir froisser l'égo prononcé de son jeune ami, l'hérault du Roi leur avait donné beaucoup de grain à moudre. Il n'avait pas été facile à tuer, et son étrange bras surnaturel s'était révélé particulièrement puissant en termes de force de frappe brute, regorgeant de puissante magie. Ironiquement, dès lors qu'ils étaient parvenus à le saisir entre les chaînes de Godric, c'était la nature proche de la divinité de ce membre supérieur qui leur avait permis de renforcer plus encore leur prise. Des dires du jeune Gil, les chaînes qu'il appelait « Enkidu » étaient plus redoutables sur les déités et autres assimilés. Ils n'avaient pas réussi à lui arracher plus d'informations, le Saber était resté droit dans ses bottes, résolument braqué sur la loyauté qu'il ressentait envers son roi. Il ne dirait rien qui puisse lui nuire.
« C'est l'essentiel. Avez-vous eu d'autres informations, à tout hasard ? » Poursuivit Waver après un soupir à la fois las et résigné par rapport aux propos de God que Fleury lui avait rapportés.
- Rien, sinon qu'il ait bien mentionné un « roi » qu'il servirait autant que son Master. Ce Saber nous a donné son identité. Il s'agissait du chevalier Bedivère, ou Bedwyr pour les puristes.
« Bedwyr est l'un des chevaliers les plus loyaux. S'il a mentionné un roi, en plus de son Master, il y a peu de doute que ce souverain soit le Roi Arthur. » Précisa Dorian dans la communication.
Ils auraient donc véritablement affaire au fameux Roi Arthur, qui avait occupé un rôle important au cours des deux dernières Guerres du Graal qui avaient précédé la leur, ravageant Fuyuki. Les témoignages en faveur de sa puissance en tant que Servant de classe Saber ne manquaient pas dans les chroniques évoquant les Guerres du Graal les plus récentes, alors l'archéologue pressentait que quelle que soit la classe dans laquelle cette âme héroïque serait appelé, elle ferait un adversaire mortel.
« Que tout le monde m'écoute, je n'ai pas de temps à perdre ! » S'écria la voix de Rin, impérieuse, avant de poursuivre « J'ai engagé le combat avec leur maître. Sa puissance spirituelle égale au moins celle d'Artoria Pendragon apparue à Fuyuki… mais elle n'a pas la même apparence que sous sa classe Saber. Elle combat à cheval, armée d'une lance, et elle est bien plus coriace. »
« La classe Saber est réputée pour être la plus puissante des sept classes, mais cela peut s'expliquer par les capacités du Master qui l'a invoquée, si la théorie d'Elvaren était avérée... » Répondit Waver en se lançant dans de complexes explications qui perdirent bientôt Fleury.
Adélaïde écoutait d'une oreille aussi attentive que possible les différents échanges sur l'influence des homoncules créés sur le sol français par un mage réputé alors qu'elle pressait son pas. Elle retenait essentiellement que les créations qui avaient survécu devaient être dotées d'exceptionnels circuits magiques, comme en témoignaient les documents réunis par l'agent des renseignements. Cela pouvait expliquer leur invocation fructueuse d'aussi puissantes âmes héroïques liées à la mythique table ronde.
L'archéologue estimait être la plus éloignée de leurs positions approximatives, alors Fleury évaluait qu'elle serait la dernière à atteindre l'endroit où devait se trouver Rin. La professeure maugréa entre sa mâchoire serrée en entendant d'autres mauvaises nouvelles, à savoir l'élimination et la mort de ses deux étudiants franco-japonais. Á l'instar de Warka, cette funeste annonce ne fit qu'accroître sa résolution et sa rage à terrasser leurs adversaires, alors que des golems nés de sa magie jaillissaient tout autour d'heure à l'instar d'une vaste escorte de pierre, de terre et de roche.
L'heure de mettre un terme à cette farce sanglante qu'était la Guerre du Graal était plus que due.
Quelques heures plus tard.
Á trois contre un, les probabilités étaient théoriquement de leur côté n'est-ce pas ? Eh bien les probabilités avaient démontré leurs limites et leurs écueils. Il était difficile de déduire la classe de la formidable opposante qui leur faisait face, ainsi armée d'une lance et montée sur un puissant destrier. Certaines de ses attaques laissaient à penser à une appartenance à la classe de Lancer, tandis que d'autres de ses dynamiques empruntaient aussi à la classe Rider. Enfin, sa puissance brute surpassait nettement ces deux classes. Pendragon représentait donc une dangereuse énigme, des plus mortelles. Même leur répartition plutôt équilibrée de classes de Servant avec un Rider et deux Archer ne suffisait pas à percer les défenses du Roi des Chevaliers, en dépit des compétences diversifiées des Servants.
Bien qu'ils faisaient de leur mieux, Adélaïde se sentait dépassée sur le plan de la force pure et vite ils avaient été contraints de reposer sur la puissance plus marquée d'Iskandar et surtout d'Ishtar, tandis que le jeune Gilgamesh et elle-même venaient en appui. Elle avait hésité à plusieurs reprises ces dernières minutes à suggérer à Godric de passer le relai à son autre-lui, mais s'était ravisée en ne voyant pas de fenêtre d'opportunité. Le jeune Archer estimait en outre que le moment n'était pas venu. Adélaïde allait protester en voyant leurs coéquipiers mis en difficulté mais il ne se ravisait pas. Après un long soupir, elle le vit s'arrêter, ses chaînes en suspend autour de lui, avant de maugréer.
- Tch…bon, ça suffit. Elle n'en fait vraiment qu'à sa tête, elle l'a bien cherché. Sha Naqba Imuru !
Adélaïde sentit une plus grande part de son mana être puisée par son équipier alors que les yeux carmins de ce dernier prenaient une lueur incarnate soutenue, ses pupilles s'étrécissant jusqu'à se noyer dans ses iris. Elle ne l'avait jamais entendu prononcer ces mots qui ressemblaient à une langue ancienne. Les sourcils du jeune roi se froncèrent alors qu'il s'adressait à sa Master par la pensée.
« C'est de la triche et je n'aime pas avoir à m'en servir, mais ils ont triché les premiers. »
« Comment ça ? » Demanda Adélaïde de la même façon, tout en coordonnant ses golems.
« Tout ce que tu dois savoir, c'est que je vois plus clair dans son jeu. Je peux te dire qu'elle triche, et comment les lâches derrière tout ça la font tricher. Sois attentive et communique exactement ce que je te dis à nos alliés. » Lui rétorqua avec impatience et agacement Godric.
Adélaïde décida que le moment n'était pas propice à lui demander de plus amples explications et préféra plutôt lui faire confiance. Au fil des informations que lui transmettaient Archer par le lien psychique qui les unissait en tant que Master et Servant, Fleury communiquait avec Waver et Rin. D'abord dubitatifs, ces derniers se firent plus coopératifs et réceptifs en constatant que les indications du jeune Gilgamesh se révélaient plutôt exactes, et furent plus enclins à suivre ses suggestions.
« Tu arrives à prédire ses actions ? J'ignorais que tu avais cette corde à ton arc » Commenta succinctement par télépathie Adélaïde à son équipier, la majeure partie de son attention accaparée par la coordination de ses golems et par son rôle de relai entre Archer et leurs alliés.
« Plutôt à prévoir ses actions. C'est normal, tu devais l'ignorer à la base. Tu emporteras ça avec toi dans ta tombe. Je n'avais pas l'intention d'y recourir et l'Ancien non-plus, cela tue tout le plaisir du jeu, mais ils m'ont forcé la main et je refuse d'être vaincu par des lâches et des tricheurs. J'ai besoin d'être concentré par contre. » Grommela Godric d'un ton sec.
« Entendu, je continue mon rôle de messagère dans ce cas » Répondit Fleury sans s'en vexer.
En effet, s'il arrivait ainsi à conseiller et à orienter les stratégies de Rin et Waver, il ne pouvait pas se battre activement en retour et encore moins assaillir leur formidable ennemie de son côté. Adélaïde devait donc déléguer une bonne partie de ses golems vers lui pour renforcer sa propre protection, et s'efforcer de fait d'en créer et d'en piloter un plus grand nombre de ces entités de pierre et de bois. Leurs efforts combinés et coordonnés parurent un bon moment porter leurs fruits, contraignant l'étrange Pendragon à être davantage sur la défensive et à perdre quelques centimètres de terrain. Fleury ne pouvait cependant pas s'empêcher d'être confuse et perplexe face à la Servant qui leur faisait face, totalement seule et pourtant totalement surpuissante, avec une énergie presque infinie. Comment pouvait-elle expliquer ce phénomène, que même l'agent d'Elvaren n'avait pas anticipé ?
« C'est parce que tu es humaine et mortelle, comme tes semblables. Vos connaissances sont limitées. C'est dans votre nature-même. Au moins il y en a quelques-uns qui, comme toi, qui s'efforcent de réduire leur ignorance. » Commenta avec un peu d'arrogance le jeune Gil avant de poursuivre d'un ton plus amical « Ce pourquoi je veux bien te donner quelques tuyaux ».
Adélaïde décida de ne pas faire cas de la pointe d'insolence de ses premiers propos, sachant que le combat était perdu d'avance sur cet aspect et étant habituée à ne pas prendre pour elle ses critiques. Sa patience pragmatique sembla récompensée alors que son équipier prit la peine de lui expliquer.
« Vous partez du principe qu'une âme héroïque invoquée ne peut appartenir qu'à une seule classe à la fois. C'est généralement vrai, pour des Guerres du Graal normales. Cette guerre-là est tout sauf normale. Ce Graal-là est instable. Il n'est donc pas étonnant que des anomalies surviennent quand des imbéciles les favorisent. Cette Artoria-là ne correspond en rien à la Saber que vous connaissez. Ce n'est pas qu'elle appartient à la classe Rider ou à la classe Lance, elle 'est' à la fois Rider et Lancer. Elle est une anomalie, elle a une double-classe ».
Cela corroborait avec les hypothèses les plus récentes de Rin et de Waver, alors qu'ils la confrontaient. Adélaïde transmit avec l'accord tacite d'Archer ces informations aux deux autres Masters encore debout à l'aide de l'oreillette connectée au micro intégré, avant de s'hasarder à une hypothèse.
« Les mages auraient pu exploiter cette faille potentielle et ainsi invoquer à coup sûr l'ensemble des chevaliers de la Table Ronde malgré les infimes probabilités. Si l'invocation anormale de ces chevaliers est liée à celle de leur leader qui est une anomalie, bien que provoquée, ne pourrait-elle pas avoir causé d'autres répercussions tout aussi anormales ? »
Alors que la franco-britannique espérait que son hypothèse ne soit pas jugée comme plausible par son équipier tant elle lui semblait terrifiante, à la perspective que des mages puissent interférer et tricher avec les règles d'un rituel aussi sanguinaire que pluriséculaire, elle sentit son sang se glacer dans ses veines en percevant la satisfaction d'Archer, bientôt suivie d'une approbation avec un brin d'humour.
« Je me disais bien que tu parviendrais à cette conclusion si je te laissais un peu de temps. Ne t'arrête donc pas en si bon chemin, ne me laisse pas autant sur ma faim »
« Ce n'est qu'une hypothèse, mais te semble-t-il possible que ce Roi des Chevaliers soit plus lié que jamais avec sa Table Ronde et que vaincus, il puisse hériter de leur puissance ? »
« Tu aurais sans doute préféré que je te dise que non. Désolé de te décevoir, mais oui. Ce ne serait pas un jeu d'enfant, mais avec un Graal instable et des mages retors, c'est possible. »
Elle ne perdit pas un seul instant pour soumettre son hypothèse glaçante à ses collègues. D'abord circonspects et clairement suspicieux pour Rin, ils parvinrent cependant à reconnaître que c'était une possibilité plausible à la lumière de leurs propres constatations. Cela pourrait ainsi expliquer comment une Âme Héroïque esseulée pourrait tenir bon face à trois autres Servants associés à leurs Masters. Cela aurait nécessité de longues préparations, des matériaux bien spécifiques et d'excellente qualité, un lieu minutieusement choisi et des Masters faits sur-mesure, ainsi que des incantations très précises, mais ils auraient pu affecter les règles du rituel d'invocation pour parvenir à leurs fins. Cela impliquait cependant l'existence d'une organisation de mages particulièrement bien rôdée, influente et puissante, une perspective qui n'était réjouissante pour aucun d'entre eux mais qu'ils ne pouvaient plus écarter. Comme s'il avait senti son inquiétude croissante, Godric s'adressa à elle avec fermeté et aplomb.
« Je t'interdis de baisser les bras pour autant. Tu as promis de te battre à mes côtés, et il est trop tôt pour abandonner. Si le plan A ne marche pas, on passera simplement au plan B »
« Je ne reviens jamais sur une parole donnée. » Répliqua Adélaïde avec résolution.
Le Plan B, celui qu'ils avaient convenu entre eux et qu'ils n'avaient pas communiqué à leurs alliés, par souci de prudence. Celui qui ne plaisait guère à Godric mais qu'il avait lui-même échafaudé avec son appui, puisqu'il remplissait les objectifs concrets et conjoints qu'ils voulaient mener à terme. Plus le temps passait et plus Adélaïde craignait qu'ils ne fussent justement contraints à y recourir. Son inquiétude monta d'un cran alors qu'en cherchant à protéger Waver de la lance infernale du Roi des Chevaliers, le chassant hors de son char, Iskandar fût transpercé en plein cœur par l'ennemi. Avec distance, elle le vit échanger quelques mots qu'elle n'entendit pas avec son compagnon, dont elle entendait clairement l'émotion à travers ses propos relayés par l'oreillette-micro connectée. Laissant sa compassion et son affection poindre dans sa voix à la gorge nouée, Adélaïde s'adressa au concerné.
- Waver, vous avez fait de votre mieux lui dans ces circonstances. Si tu veux lui faire plaisir…
« Pas besoin de me le rappeler, je le sais mieux que personne. » Répondit sèchement le mage avant d'ajouter d'une voix toujours crispée « Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Il m'a rappelé à ma promesse. Je lui avais promis de vivre. »
Adélaïde pouvait entendre sa douleur, à peine perceptible dans sa voix grave et faussement calme. Elle savait à quel point perdre l'un de ses plus anciens et meilleurs amis, le roi qu'il avait appris à connaître et s'était résolu à servir, lui était pénible et douloureux, plus encore une seconde fois.
« Tu n'as pas intérêt à mourir, Adélaïde. » Somma Waver « Peu m'importe qu'il soit le Roi des Héros ou je ne sais quoi, mais tu dois me revenir avant tout. Tu dois vivre »
« Parce que tu pensais que vous aviez le droit de mourir, Adélaïde et toi ? Si c'est le cas, tu es aussi naïf que Shirou. Comme si je vous laisserai mourir, tiens ! » Répliqua Rin sur le ton ferme, un brin suffisant, de celle qui ne souffrirait d'aucune contestation que ce soit.
Malgré la gravité de la situation, Fleury ne put s'empêcher de sourire avec un soupçon d'amusement et de lassitude amicale. Rin ne changerait probablement jamais. Elle entendit Godric soupirer alors que ses yeux reprenaient leur teinte cramoisie habituelle et que ses chaînes se remirent à danser et à s'agiter autour de lui. Il se tourna un instant vers elle avant de bondir vers la mêlée sans plus attendre.
- On va se diriger vers ce chemin-là, alors. S'il le faut... on retourne en première ligne, Adélaïde !
Ils reprirent la place laissée vacante après qu'Iskandar et Waver aient été vaincus, afin de permettre au dernier de se replier et de s'éloigner vers la sécurité de leur sanctuaire un peu plus loin. Ayant clairement la force de frappe et l'endurance les plus élevées des deux Servants, Ishtar maintint son engagement principal contre le Roi des Chevaliers, et demeurait leur fer de lance avec l'appui de Rin. Adélaïde se plaça pour sa part en support défensif et de renfort, assurant la protection de leur équipe avec ses enchantements terrestres et en utilisant au maximum de ses capacités ses propres golems. Conformément à sa promesse tant avec le jeune Gil qu'avec le Roi Sage, elle résista à la tentation de recourir à la Bête scellée dans le sceau familial et s'efforça de ses débrouiller avec ses propres moyens. Bien qu'elle permettait ainsi à Rin de se concentrer uniquement sur l'offensive et l'appui de la déité, Adélaïde sentait de façon écrasante l'absence de Waver et du Roi des Conquérants sur leur ligne. Il lui était devenu impossible d'apporter une plus grande contribution en assaut à distance tout en veillant à maintenir une défense aussi optimale que possible, répartie entre les quatre combattants.
Au moins, elle put constater que les efforts de Waver, Rin, Ishtar et Iskandar n'avaient pas été vains. Ils avaient réussi à blesser le Roi des Chevaliers, même si ce dernier semblait être pourvu d'une endurance et d'une résistance tout à fait inhabituelle. Godric ne déméritait pas non plus, se servant de sa plus grande vitesse et agilité pour attaquer leur opposante dont l'attention était en grande partie accaparée par Ishtar, qu'elle considérait comme une plus grande menace, et chercher à entraver sa mobilité partiellement ou temporairement à l'aide de ses chaînes regorgeant de magie. Il n'hésitait pas non plus à recourir, à moyenne échelle, aux trésors auxquels il avait accès du haut de sa jeunesse dans les Portes de Babylone, en moindre quantité que son alter-ego qu'il surnommait « Goldie ». Hélas, l'équilibre fragile qui avait été rétabli fût de nouveau remis en question alors qu'Artoria levait sa lance vers les cieux et concentrait sur la pointe de celle-ci une masse terrifiante de force magique.
- C'est qu'elle remet ça en plus ! Á couvert Adélaïde et le gamin, on s'en charge ! S'écria Rin.
- Crois-bien que je vais lui faire ravaler son insolence ! Clama Ishtar avec aplomb et courroux.
La franco-britannique ne chercha pas à discuter et laissant la moitié de ses golems pour protéger et faire écran entre Rin et la menace, elle plaça l'autre moitié entre le danger et elle. Prise d'un mauvais pressentiment alors que l'énergie autour de la lance était encore plus aveuglante et saturée que jamais, l'archéologue se mit à prononcer différentes incantations en langue hébraïque ancienne et réunit ses golems en un immense golem de bois et de pierre, dont les contours se firent plus malléable. Elle se tenait prête à devoir convertir le géant en pure énergie pour se constituer un bouclier d'urgence, doutant qu'elle ait le temps de se replier assez loin et sous un abri assez solide malgré sa course. Elle entendit Godric en pensée lui déclarer qu'elle était trop lente et qu'il fallait qu'elle se hâte davantage alors qu'il cherchait à la rejoindre. Alors que les chants respectifs des Âmes Héroïques pour utiliser leur Noble Phantasms respectifs se terminaient, un instinct la poussa à se coucher au sol dos à terre, son intuition la poussa à fusionner son golem et à le muer en un épais bouclier renforcé par les pierres précieuses préalablement chargées de magie. Godric était encore trop loin pour pouvoir venir l'aider.
Un sifflement et des vibrations qui lui rappelaient de très mauvais souvenirs la maintinrent au sol, alors qu'elle s'efforçait avec la rage de vivre de maintenir son bouclier face à la déflagration de pure magie envoyée par la lance d'Artoria, qui se confrontait avec rage à la lumière dévastatrice de la flèche divine envoyée par l'arc d'Ishtar. Face à ces deux puissances monstrueuses qui se confrontaient, Adélaïde n'était pas certaine de pouvoir maintenir ses défenses assez longtemps pour être épargnée. Elle eut à peine le temps de sacrifier l'un de ses trois sorts de commandement pour donner assez de mana à Godric pour qu'il puisse assurer sa propre défense à l'aide de son armement mythique. Son bouclier s'effritait petit à petit malgré ses efforts, alors qu'elle entendait Rin crier non loin d'elle. Il tombait en miettes au moment où le chaos finissait par se disperser et un silence irréel par s'installer. Adélaïde se redressait lentement avant de constater qu'elle ne s'en était pas tirée indemne pour autant. Cela lui avait sans doute sauvé la vie, mais ses jambes avaient reçu plusieurs lacérations brûlantes, tout comme ses bras et ses épaules. Elle sentait un mince filet de sang couler sur sa tempe gauche, laissant présager une coupure au niveau de sa tête. Se relevant avec peine, Adélaïde héla, inquiète.
- Rin ? Godric ?
Horrifiée, elle vit Rin qui gisait quelques mètres plus loin, le visage en sang et immobile. Le visage d'une immobilité de pierre, le Roi des Chevaliers dévisageait celle-ci sans mot dire, sans affecter la moindre émotion, ses yeux verts aussi froids que des émeraudes tranchantes, brutes. Il n'y avait plus de traces d'Ishtar, sinon une vague silhouette dorée qui se dissipait petit à petit. Ses yeux gris-bleus finirent par trouver Godric plus loin encore, qui, les dieux soient loués, était blessé mais debout, alors que les boucliers qu'il avait conjurés à la manière d'une carapace se dissipaient petit à petit. Lancer levait sa lance comme pour achever son amie. Furieuse, Adélaïde crispa ses doigts sur son codex mystique tout en sommant sur la bande sécurisée qu'ils utilisaient via leurs oreillettes connectées.
- Waver, j'ai besoin de toi et de Dorian si vous êtes encore en état. Rin est grièvement blessée, elle n'est pas en état de se battre, il faut l'évacuer de toute urgence.
« Entendu, Dorian est en route. On a vu l'explosion jusqu'au sanctuaire. Mais… qu'en est-il de toi ? Est-ce que toi, tu es en état ? » Répondit Waver avec gravité et fermeté.
- Plus ou moins et Godric aussi, mais on ne peut pas laisser ce monstre s'emparer du Graal. Il est du même avis que moi. On va terminer ce qu'on a commencé. Affirma Adélaïde avec détermination, sentant la propre résolution du jeune Roi via le lien spirituel qu'ils partageaient.
« On ne peut pas les laisser s'emparer du Graal, certes, mais est-ce que vous avez ne serait-ce que l'ombre d'un plan ! » Répliqua Waver avec une rare véhémence.
Adélaïde garda le silence, plusieurs minutes durant, alors qu'elle consolidait une lance de magie terrestre et aquatique renforcée par des diamants enchantés, qu'elle lança en direction de leur ennemie. Sans surprise, celle-ci la réduisit en éclats à l'aide de sa propre lance, avant d'esquiver les chaînes envoyées par Archer, ses yeux impassibles se détournant de Rin pour se diriger vers Godric et elle. Inhabituelle sérieuse, Fleury se contenta de répondre de façon très concise à celui qu'elle aimait.
- Je te laisse t'occuper de Rin. Nous, on va aller mettre fin à cette plaisanterie de mauvais goût.
Sans attendre, elle coupa le son de son oreille. Artoria s'était tournée vers elle, sentant sans doute qu'elle était le maillon faible, et s'apprêtait à la charger. Elle entendit Archer lui indiquer, résigné.
« On passe au Plan B, Adélaïde. Je passe le relai »
« Compris. Merci pour ton aide, Godric »
L'archéologue fit face au Roi des Chevaliers qui galopait vers elle, sur son fier destrier, la pointe de la lance tournée vers elle. Elle ne s'inquiéta pas quand elle sentit le pendentif chauffer contre sa peau, ressentant le halo doré de la porte ouverte derrière elle. Un sourire mauvais se tissa sur ses lèvres.
Sans l'ombre d'une hésitation, résolue, l'archéologue recula d'un pas et laissa la porte l'engloutir.
