Titre : La Pièce Vide

Fandom : Fullmetal Alchemist

Disclaimers :

- l'univers et les personnages ne m'appartiennent pas.

- L'idée initiale (Edward est un homonculus, Hawkeye meurt) m'a été soufflée par Shirenai.

- Le titre vient du livre de Lisa Gardner (vous commencez à comprendre que je suis une grande fan)

Mon petit blabla avant de commencer : Mon rythme devient de plus en plus chaotique et j'en suis désolée mais me revoilà pour la suite ! Effectivement, Musing-and-Music, il n'y a pas beaucoup d'action pour la team Mustang et heureusement, Remington et Evans sont là pour m'éviter des chapitres trop plats x) J'ai bien peur que du fait de leur plan, Mustang et Breda ne soient condamnés à attendre encore un peu ^^

Précédemment dans La Pièce Vide : Remington et Evans parviennent à fuir le Quartier Général et se mettent à la poursuite de Mustang. Pour cela, ils essaient de contacter le réseau d'Evans et Cassandre les envoie sur la piste d'Arthur. Malheureusement celui-ci a disparu sans laisser de trace et au détour d'une ruelle, Remington et Evans sont enlevés. De leur côté, Mustang et Breda patientent dans la planque le temps de reconstituer leurs forces. Toutefois, le Fullmetal refuse de laisser Roy tranquille tant que celui-ci ne se résoudra pas à achever l'homonculus...


Famille parfaite

Ils furent poussés dans une voiture, sans ménagement. Un sac sur la tête et le canon d'une arme collée contre leur crâne. Prévisible et d'autant plus irritant, du point de vue de Remington.

Il sentait le corps tendu de la journaliste à côté de lui et s'efforça de rester calme. Dans le pire des cas, l'armée avait retrouvé leur trace et Selim Bradley tenterait sans doute à nouveau de les replacer sous son contrôle - il leur faudrait alors reprendre à nouveau possession de leurs esprits, mais ils y étaient déjà parvenus. Ils le feraient à nouveau si nécessaire - sinon, une tierce partie semblait affreusement intéressée par Mustang. A eux de voir comment tirer leur épingle du jeu. Toutefois, Remington n'était pas inquiet : ils occupaient tous les deux des positions trop intéressantes pour finir face contre terre dans le caniveau.

Après ce qui lui sembla être une éternité, la voiture s'arrêta finalement et leurs ravisseurs les poussèrent à l'extérieur du véhicule. Quelques marches à monter, des coups contre une porte, cinq pas contre un sol vraisemblablement en parquet et à nouveau une volée d'escaliers.

Lorsqu'on lui retira son sac, Remington mit quelques secondes à s'habituer à la luminosité des lieux. Il se trouvait dans une pièces étroite - un bureau ? une chambre à coucher, vidée de ses meubles ? - dont les fenêtres avaient été barricadées grossièrement à l'aide de planches de bois. Une table sombre trônait en son centre et autour d'elle, quatre personnes dont une femme. Blonde, frêle, une cicatrice sur l'arcade sourcilière et un regard d'acier. Elle les toisa un instant avec de se tourner vers l'un de leurs ravisseurs.

"Qui sont-ils ?

- Aucune idée. Mais ils sont à la recherche de Mustang. Ils ont posé beaucoup de question à son sujet."

Remington retint un soupir. Il avait prévenu Evans. Il lui avait dit que sa méthode manquait cruellement de discrétion mais c'était "sa manière de faire". Derrière lui, la jeune femme jetait des regards affolés tout autour d'elle. Il soupira finalement.

"Pour quelle raison recherchez-vous Mustang ?

- En quoi cela vous intéresse-t-il ? rétorqua Remington. Énormément de personnes sont à sa recherche."

Son interlocutrice semblait presque amusée. Mais elle se tourna vers l'un de ses acolytes et lui adressa un signe de tête. L'homme en noir s'avança et lui assena un coup dans le ventre. Remington entendit l'air quitter ses poumons et sentit le choc du parquet sur ses rotules. Quelque part dans tout cela, Evans s'était mise à crier.

"C'est moi qui pose les questions, ici, déclara tranquillement la femme. Et je n'aime pas me répéter. Pour quelle raison recherchez-vous Mustang ?"

Le soldat inspira lentement et se redressa, non sans un regard pour intimer à l'ancienne journaliste de se calmer.

Ils n'avaient pas à faire à des amateurs. Ces personnes semblaient avoir l'habitude d'enlever des personnes en pleine rue, de les interroger. Ils n'avaient pas à faire à la rébellion. Non, ces personnes semblaient bien trop organisées et trop bien armées. Il s'agissait soit d'une branche en civile de l'armée, soit du crime organisé. Etant donné qu'aucune initiative de ce genre n'avait été lancée, à la connaissance de Remington, celui-ci penchait pour la dernière option : ils étaient entre les mains de la pègre, ce qui n'était pas nécessairement une mauvaise chose. A eux de tirer profit de la situation.

"De nombreux soldats n'apprécient pas les événements en train de se produire. S'il faut déserter, autant rejoindre un parti qui fait sens."

A nouveau, l'ombre d'un sourire, un geste de tête et un coup dans le ventre. Mais cette fois, Evans ne hurla pas. Remington grogna et lança un regard furieux à son interlocutrice. Il n'appréciait que très peu ce traitement, même si cela devait faire partie du code de conduite de la pègre. Jouer les gros bras pour se faire respecter, et dans le cas de la demoiselle, pour compenser son genre et son gabarit, sûrement.

"Vous mentez, affirma-t-elle avec assurance.

- Vous ne savez pas.

- Le mensonge aurait été crédible si seulement vos visages n'étaient pas aussi connus, colonel Remington. Et si Mlle. Evans n'était pas une civile."

Remington serra la mâchoire et se releva.

La demoiselle était informée, fort bien. Et ses questions portaient uniquement sur Mustang, signe que leurs identités n'avaient pas joué dans leur enlèvement. Leurs ravisseurs n'étaient donc pas intéressés par la valeur qu'ils pourraient avoir comme otages auprès de l'armée, mais uniquement par le fait qu'ils posaient des questions sur l'ancien président. Pourquoi ? Pourquoi la pègre s'intéressait-elle à des personnes qui recherchaient Mustang alors que toute l'armée et une bonne partie du pays étaient à ses trousses ?

Les rouages de son cerveau tournaient à toute allure : s'ils espéraient avoir une chance de s'en tirer, Remington devait se montrer plus intelligent et plus rapide que ses interlocuteurs et fort heureusement pour lui, son intellect était un atout sur lequel il pouvait compter.

"Le fait d'être colonel ne m'empêche pas de déserter, rétorqua-t-il sans se démonter.

- Le fait d'être président par intérim, un peu plus.

- Des idées reçues."

La jeune femme secoua la tête, mais avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, Remington poursuivit.

"Vous semblez très informée, madame, et très curieuse. Et j'avoue être également curieux de savoir pourquoi la pègre s'intéresse autant aux recherches concernant Mustang."

Leur interlocutrice haussa un sourcil mais encore une fois, Remington ne lui laissa pas l'occasion de parler. Il devait retourner la situation à son avantage et malheureusement pour elle, il était plus que rompu à l'exercice de gérer et plier à sa volonté des généraux à l'égo surdimensionné.

"Vous cachez assez mal votre identité, il faut le reconnaître : les armes, l'uniforme en noir et le fait que vos hommes aient l'habitude d'enlever des personnes en pleine rue. Rien de tout cela ne sent l'amateurisme alors il n'y a qu'une seule réponse logique : la pègre. En revanche, je serais bien curieux de savoir pour quelle raison Amanda s'intéresse à Mustang. Mais vous n'êtes peut-être pas capable de répondre à ma question."

Cette fois, le coup partit sans qu'il ne s'y attende et Remington grommela.

"Il n'y avait aucune raison à ce coup.

- Elle a dit qu'elle posait les questions, rappela le garde du corps.

- Effectivement, acquiesça la truande. Et ce qu'Amanda veut ou ne veut pas ne vous regarde pas.

- Un peu, persista Remington, puisque nos buts ne pourraient pas diverger totalement."

Il s'agissait là d'un pari osé, mais pas totalement insensé. Et Remington sut qu'il avait visé juste lorsqu'au lieu de faire signe à ses hommes, la jeune femme lui demanda : "Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

- Vous n'avez a priori aucune raison de vous intéressez davantage à nous qu'aux autres soldats à la recherche du président. Si vous étiez seulement intéressée par la position stratégique que j'occupe, jamais ce détail ne vous aurait interpelée. Les règles d'Amanda étaient donc claires : interrogez toute personne à la recherche de Mustang. Et si Amanda s'intéresse à ce sujet, c'est soit qu'elle veut elle-même retrouver Mustang, auquel cas elle a sans doute à sa disposition un réseau bien plus à même de retrouver sa trace sans avoir besoin de recourir à nous. Soit des personnes qui posent trop de question au sujet de Mustang l'intéressent. Peut-être parce qu'elle a intérêt à ce que personne ne retrouve Mustang."

Remington était sûr de lui. Comme toujours. Son instinct lui criait qu'il avait raison et son raisonnement était sans faille. En lui posant directement ces questions et en lui opposant leurs identités, la jeune femme en face de lui n'avait que lui dévoiler ses cartes. La pègre ne pouvait être intéressée par eux que pour deux raisons : ils voulaient exploiter sa position de généralissime par intérim ou l'idée qu'ils recherchent Mustang les inquiétait. Dans la seconde option, ils étaient forcément en contact avec lui et Evans et lui avaient tout intérêt à parler directement à Amanda au lieu de passer par ses sous-fifres.

Néanmoins, son interlocutrice resta impassible quelques instants puis soupira.

"Je n'aime pas me répéter. C'est moi qui pose les questions ici."

Un geste de la main et cette fois, le coup s'abattit sur son crâne. Remington entendit Evans crier avant de sombrer dans l'inconscience.


Mary Bradley avait fait des progrès.

Maria Ross avait travaillé toute la journée avec elle et le résultat était impressionnant, visible même sans engager la conversation. La veuve Bradley avait beaucoup moins de moments d'absence. Son attention dérivait moins fréquemment et même alors, une pression sur sa main, l'appeler suffisaient à la faire revenir dans le moment présent. Elle ne se souvenait pas de tout, bien sûr, mais de beaucoup et au moins, elle savait maintenant à qui elle s'adressait. Suffisamment pour que Mustang et Breda décident de l'interroger en compagnie d'Alphonse.

"Est-ce que vous avez une idée de ce qui a pu déclencher tout ça ? Son changement de comportement ?"

La chambre semblait avoir considérablement rétréci. Mary était assise sur le lit de camp tandis que ses trois interlocuteurs lui faisaient face, adossés comme ils le pouvaient contre le mur opposé. Néanmoins, cette pièce leur conférait un minimum de confidentialité, ce qui n'était pas le cas du séjour. Le problème lorsque l'on enfermait dix personnes dans une petite maison de campagne.

La veuve secoua la tête. Elle coopérait avec eux, principalement parce qu'elle n'avait pas le choix, mais son regard traduisait bien tous les reproches qu'elle adressait à Mustang. Il était responsable de toute cette situation et elle tenait à le lui faire savoir.

"Non, je ne sais pas. La chute dans les escaliers peut-être ?

- La chute ?

- Celle qui a eu lieu alors que les frères Elric étaient là ?" demanda Breda et Mme Bradley confirma d'un hochement de tête. "Ce n'est pas ça. Nous avons retrouvé Smith dans un état second. Cela signifie qu'à ce moment-là, Selim pouvait déjà prendre le contrôle des esprits."

Mary secoua la tête.

"Alors je ne sais pas."

D'après ce qu'elle avait pu se remémorer, Selim ne s'était pas contenté de modifier la mémoire de sa mère une ou deux fois. Il l'avait fait de façon répétée et le coup d'estoc final avait sans doute été son séjour chez Ploetz. Son fils l'avait condamnée à flotter dans un demi-sommeil duquel elle ne sortait qu'encore plus confuse. Et le médecin était là pour l'y replonger si besoin, même si pour le moment, ils ne savaient pas encore comment. Le tout donnait lieu à des souvenirs confus, mélangés dans une chronologie obscure et une grosse partie de l'entretien consistait à remettre les événements dans l'ordre pour tenter de comprendre ce qui s'était produit.

"Est-ce que Panaya vous aurait dit quelque chose à ce sujet ?" demanda Breda en se tournant vers Alphonse qui secoua la tête.

- Je ne sais pas. Edward avait réussi à retrouver sa mémoire, mais pas moi."

L'adolescent avait à peine prononcé un mot depuis le début et il était évident qu'il n'avait aucune envie de se retrouver dans la même pièce que Mary Bradley. Mustang ne pouvait que le comprendre. Lui-même n'avait aucune envie de parler à la veuve. Mais aucun d'entre eux ici n'avait le choix. Ils avaient un travail à faire.

"Est-ce que quelqu'un d'autre aurait pu être témoin des changements qui ont affecté Selim ?

- Pas grand monde, étant donné que personne ne devait connaître l'existence de Selim, rétorqua Mary d'un ton accusateur.

- Répondez à la question.

- J'imagine que Grace pourrait savoir. C'est la seule personne à nous avoir côtoyés ces dernières années."

Si Mustang parvint à maintenir une façade impassible, l'expression d'Alphonse se crispa encore davantage.

"Que s'est-il passé ? demanda Mary, en fronçant les sourcils. Est-ce que Grace et Elysia vont bien ?"

Breda et Mustang échangèrent un regard sombre.

"Que s'est-il passé ? Vous ne pouvez pas...

- Grace et Elysia sont vraisemblablement mortes, trancha l'alchimiste de flamme."

Mary plaqua ses mains sur sa bouche, les yeux écarquillés.

"Comment... ?

- Selim, indiqua Alphonse d'une voix sombre. Votre fils les a tuées. Elles et tout le reste de votre voisinage.

- Ce n'est pas possible.

- Et pourtant.

- Non, il n'aurait jamais...

- Vous avez vu Featherbranch Court, Mme Bradley, pointa Breda. Vous savez ce dont votre fils est capable. Et nous avons pu le constater en première ligne."

Un bref instant, Mustang eut pitié de la veuve. L'horreur et le choc étaient peints sur son visage. Son corps entier semblait s'être figé sous le coup de l'annonce. Mais l'expression d'Alphonse était encore plus choquante. De la haine à l'état pur et un regard à en pétrifier le soldat le plus aguerri.

"Sortons, décida Mustang."

Mary était sous le coup de l'annonce et ils n'obtiendraient plus rien d'elle désormais. Et il ne voulait pas risquer qu'Alphonse s'en prenne à elle.

"Toujours aussi peu d'information, déclara Breda avec un soupir."

La cuisine était déserte à cette heure-ci de la nuit et Mustang s'appuya lourdement contre le plan de travail, passant une main fatiguée sur son visage.

"Non, mais nous pouvons toujours la réinterroger plus tard. Peut-être qu'avec le temps, d'autres souvenirs lui reviendront.

- Vous croyez réellement que cela nous apportera quoi que ce soit ? demanda Alphonse. J'ai l'impression que cela ne sert qu'à la torturer et nous avec. Nous n'avons rien appris qui nous permette d'affronter Selim.

- Nous pourrions."

Peut-être était-ce quelque chose dans le ton de sa voix. Peut-être quelque était-ce quelque chose dans la façon dont Roy avait évité le regard du jeune homme. En tout cas, sa réponse évasive avait éveillé les soupçons d'Alphonse.

"Vous ne cherchez pas uniquement à obtenir des informations utiles pour combattre Selim, déclara-t-il d'un ton soupçonneux.

- Toute information est bonne à prendre."

Et intérieurement, Mustang se traita d'imbécile. Il y avait milles réponses plus pertinentes que celle-ci et il avait déjà traité avec des interlocuteurs plus imposants que le cadet des frères Elric. Mais pour une raison qui lui échappait - ainsi qu'à Breda, à en juger par son regard intrigué - Roy ne pouvait pas se résoudre à mentir à l'adolescent.

"Que vous a dit mon frère ?

- Quand ?

- Quand il vient vous parler, seul à seul."

Mustang lui jeta un regard surpris.

"Cette maison n'est pas suffisamment grande pour que vos conciliabules passent inaperçus. Répondez à ma question."

Le ton impérieux de l'adolescent le surprit. Ce n'était pas son genre de parler aux autres ainsi. L'alchimiste de flamme hésita un bref instant. Mais après tout, Alphonse avait le droit de savoir. Il s'agissait de son frère.

"Le Fullmetal est venu essayer de me convaincre que la conscience d'Edward Elric n'existe plus. Que d'une façon ou d'une autre, l'introduction de la pierre dans son corps a corrompu son âme. Et qu'il ne sera pas possible de le ramener."

Le jeune homme resta bouche bée un instant, accroché à l'un des meubles de la cuisine, avant de réagir.

"C'est une plaisanterie ?

- J'aimerais bien.

- Et sur quoi se base-t-il pour dire cela ?"

De façon concise, Mustang lui relata la conversation. L'absence de voix. Le cas de Hohenheim et Ling Yao. La question de l'intégrité de l'âme. Alphonse secoua la tête.

La cuisine semblait d'autant plus étroite maintenant, l'air d'autant plus lourd autour d'eux, mais au moins, Mustang n'était plus le seul à détenir cette information. Et s'il ne se trompait pas, au moins une ou deux paires d'oreilles indiscrètes écoutaient attentivement leur conversation.

"Ses arguments sont beaucoup trop faibles, souffla Alphonse en secouant la tête.

- Je le pense également.

- Mais dans l'éventualité où il aurait raison concernant les liens entre la pierre et l'âme d'Edward, alors... détruire la pierre compromettrait toutes nos chances de le ramener sain et sauf.

- S'il a raison, confirma Mustang, et c'est un grand "si"."

Alphonse hocha la tête distraitement.

"Il faudrait pouvoir mener des recherches. Obtenir d'autres informations avant de décider."

L'adolescent releva la tête vers Mustang, les yeux pleins d'un espoir et d'une détermination qui lui serrèrent le cœur.

"Les dossiers de Bradley. Toutes les recherches menées par l'équipe de Ploetz avant d'aboutir à King Bradley.

- C'est une piste, acquiesça Mustang avant de se tourner vers Breda. Est-ce que vous...

- Nous avons les dossiers ici, confirma le soldat. Tu peux y avoir accès, Alphonse.

- Et la bibliothèque de Centrale..."

C'était là que le bât blessait.

Encore une fois, Alphonse sembla lire directement dans ses pensées. Peut-être qu'avec le temps, avec toutes ces années, Mustang était devenu horriblement transparent pour le cadet des frères Elric. Ou peut-être que l'adolescent était bien trop intelligent pour ne pas saisir la totalité de la situation. Après tout, lui aussi était un alchimiste de génie.

"Vous ne me laisserez pas mener des recherches pour sauver mon frère, souffla-t-il, incrédule. Vous voulez régler son cas d'ici le combat avec Selim.

- Rien n'est encore décidé, Alphonse.

- Mais vous ne voulez pas prendre le risque.

- Rien n'est décidé, Alphonse, insista Mustang d'une voix ferme."

L'adolescent semblait fouiller son regard à la recherche d'une réponse et le soldat fit de son mieux pour paraître plus assuré qu'il ne l'était réellement.

"Toutes les options doivent être évaluées, tous les risques pris en compte. Tu sais comme moi que laisser Selim en vie a été une erreur incommensurable. Trop de personnes sont mortes et trop continuent d'en mourir. Nous ne pouvons pas...

- Mais vous n'envisagez que deux hypothèses, coupa Alphonse. Hypothèse 1, l'homonculus se trompe. Mon frère est toujours là et épuiser sa pierre le ramènera à nous. Hypothèse 2, l'homonculus a raison et détruire la pierre ne laissera qu'un corps sans âme ou une version incomplète de mon frère.

- C'est le pire cas de figure oui, mais...

- Mais vous le savez tout autant que moi : il reste la possibilité que la pierre et l'âme de mon frère se soient mélangées. Que nous ne soyons actuellement pas en mesure de séparer l'âme de mon frère de la pierre. Et qu'en nous précipitant, nous gâchions irrémédiablement les chances de retrouver Edward."

Mustang resta silencieux.

L'idée que l'homonculus puisse avoir raison avait fait du chemin dans sa tête et Alphonse avait parfaitement résumé la situation. Peut-être qu'il n'était pas possible de ramener l'âme du Fullmetal mais il serait infiniment pire de prendre une décision sous l'urgence et de s'apercevoir plus tard qu'il aurait été possible de ramener parmi eux l'alchimiste d'acier. Le problème était qu'ils n'avaient pas le temps de mener des recherches en bonne et due forme. Ils ne pouvaient pas repousser la décision et laisser un autre homonculus se promener.

"Si vous ne comptez pas mener des recherches pour nous permettre de prendre une décision basée sur des faits, comment sommes-nous censés savoir quoi faire ?"

Il n'y avait tout simplement aucune réponse. Aucune qui soit satisfaisante. Aucune qui permette de garantir la sécurité d'Edward Elric et même si cela lui brisait le cœur, Mustang ne pouvait prendre aucun risque. L'alchimiste d'acier serait peut-être une victime collatérale de ce conflit, mais il n'y avait aucune autre solution.

"Tu sais très bien que si nous autorisons le Fullmetal à quitter cette maison tel quel, nous ne serons pas en mesure de l'arrêter s'il décide de nous fausser compagnie. Sa vitesse le rendra inarrêtable.

- Il aurait pu décider de partir depuis bien longtemps. Pourtant il est toujours là.

- Là n'est pas la question et tu le sais, Alphonse."

L'adolescent secoua la tête.

"Après tout ce que mon frère a fait pour ce pays. Pour vous. Je n'arrive pas à croire que vous refusiez de lui donner une chance.

- Ce n'est pas...

- Cela reviendrait à le pousser sous un train et espérer qu'il survive et vous le savez.

- Je n'ai pas...

- Au moins, dites-moi que vous en êtes convaincu, le mit au défi Alphonse. Dites-moi que vous croyez réellement que l'âme de mon frère est définitivement perdue."

Mais Mustang serra les dents, incapable de répondre. Alphonse secoua la tête.

"Vous voyez ? même vous, vous n'y croyez pas."


Lorsqu'il reprit connaissance, Remington était allongé sur un parquet franchement dégoûtant. Il grogna et se redressa.

"Vous auriez pu vous abstenir de la provoquer, non ?"

Assise sur une chaise, dans un coin de la pièce, Evans se mordillait nerveusement les ongles et ne fit pas le moindre geste pour l'aider.

"Mais j'avais raison", rétorqua Remington en se massant le crâne. Une douleur sourde pulsait à l'arrière de sa tête, là où il avait été frappé. "Sinon, elle ne m'aurait pas fait assommer. Elle devait avoir besoin de temps pour reporter la situation à Amanda et obtenir ses ordres.

- Autrement dit, vous ne regrettez rien, résuma la jeune femme.

- Je ne regrette que peu de choses dans ma vie.

- Espérons que cela continue comme ça."

Ils avaient été enfermés dans une pièce encore plus étroite que la précédente. A peine plus qu'un placard. Là aussi, des planches de bois grossières avaient été clouées aux fenêtres et obstruaient la vue. Remington essaya coller un œil sur un des interstices mais peine perdue. Avec la pénombre, il ne distinguait rien. Il se retourna vers la journaliste, toujours recluse dans le coin et anormalement silencieuse.

"Vous savez que vous n'avez pas à craindre pour votre vie, n'est-ce pas ? Pas pour le moment.

- Je ne vois pas ce qui vous permet d'affirmer cela, rétorqua Evans en haussant un sourcil.

- Déjà, le fait que nous soyons toujours en vie : cela signifie qu'ils ont un intérêt à nous garder prisonnier. Ils veulent obtenir quelque chose de nous.

- Savoir où est Mustang.

- Savoir pourquoi nous cherchons à localiser Mustang, rectifia Remington. Si nous savions où il était, nous ne nous promènerions pas dans la rue en demandant à tout va si quelqu'un a des informations le concernant.

- Ils pourraient vouloir les indices que nous avons pu récupérer, fit-elle remarquer..

- C'est vrai. Mais ce n'est pas la question qu'ils nous ont posée."

Evans fit une grimace peu convaincue.

"Et puis, vous êtes une civile. Ce mouvement s'oppose au gouvernement alors vous n'êtes pas leur cible."

La jeune femme laissa échapper un petit rire sans joie.

"Vous laissez de côté le fait que j'ai collaboré. En temps d'insurrection, ce n'est pas le genre de chose qui s'oublie vite.

- Je n'ai pas dit que vous ne deviez pas craindre pour votre vie de façon générale. Uniquement qu'elle n'était pas en danger pour le moment.

- Vous devriez sérieusement revoir votre façon de rassurer les gens", soupira Evans en levant les yeux au ciel.

Néanmoins, la jeune femme se leva et fit quelques pas pour s'étirer.

"Combien de temps suis-je resté inconscient ?

- Aucune idée. Ce n'est pas comme s'il y avait une montre ou une horloge, ici. Mais le jour commence à se lever, indiqua-t-elle en pointant la fenêtre. Donc je dirais cinq-six heures, a peu près.

- Cette femme doit contacter Amanda et lui reporter. Cela lui prendra du temps, avança Remington. Nous avons donc encore du temps.

- Pour faire quoi ? Nous sommes coincés dans cette pièce.

- Réfléchir à ce qu'Amanda pourrait bien vouloir.

- Je ne suis toujours pas convaincue qu'il s'agisse d'Amanda, déclara Evans en secouant la tête. Votre raisonnement est tiré par les cheveux. Avec peu d'éléments pour le supporter. C'est à peine mieux qu'une intuition."

Mais Remington secoua la tête.

"Je suis certain de ce que j'avance. Quel intérêt sinon aurait eu la pègre à nous capturer et nous poser cette question précisément ?

- Vous n'avez aucune preuve qu'il s'agit bien de la pègre.

- Vous plaisantez ?"

Il n'avait pas travaillé toutes ces années sur leurs affaires crapuleuses pour être incapable de distinguer le crime organisé lorsqu'il l'avait sous ses yeux. Evans n'était pas plus convaincue mais il l'ignora. Malgré l'agitation qui l'animait, Remington se força à s'adosser contre le mur et inspirer calmement pour faire ralentir son cœur qui cognait dans sa poitrine. Ils en avaient encore pour quelques heures d'attentes alors mieux valait se reposer tant qu'il le pouvait et utiliser ces heures pour réfléchir, planifier leurs prochains coups. Les histoires d'enlèvement étaient tristement répétitives et la pègre n'était pas non plus des plus créatives dans son mode opératoire. Toutefois, des bruits de pas ne tardèrent pas à se faire entendre de l'autre côté de la porte qui s'ouvrit brusquement.

"Suivez-moi sans faire d'histoire. Inutile de tenter quoi que ce soit."

Le même homme de main qui avait assisté à la conversation, aux côtés de la jeune femme. Pas un de ceux qui les avaient enlevés. Un chef au rang intermédiaire donc, en déduisit Remington, au-dessus des sous-fifres.

Avec un soupir ostensible, le soldat se redressa et lui emboîta le pas. Derrière lui, Evans suivit le mouvement, blanche de fatigue et de tension, mais au moins, elle ne tremblait plus.

Ils descendirent un escalier étroit et grinçant. Mal éclairé, l'appartement ne semblait pas des mieux entretenus : tâches à divers endroits, poussière et toiles d'araignées. L'espace était si exigu que le terme même d'appartement semblait usurpé mais une vague odeur de renfermé et d'ail leur disait néanmoins que les lieux avaient été, jusqu'à un certain point, occupés. La jeune femme qui dirigeait les opérations les attendait toujours dans la même pièce. Cette fois, un homme renfrogné supplémentaire, tout de noir vêtu, avait fait son apparition à ses côtés.

"Alors, que dit Amanda ? demanda Remington."

A son grand déplaisir, son ton délibérément bravache fit apparaître un sourire froid sur le visage de la jeune femme.

"Elle dit que vous avez deux choix : coopérer ou mourir.

- Même elle ? demanda Remington en pointant Evans du doigt. Il me semblait que vous étiez du côté du peuple.

- Même elle, confirma la jeune femme calmement. Alors vous devriez commencer à parler, si vous tenez à lui éviter de mourir."

Du coin de l'œil, Remington vit Evans tressaillir mais il s'efforça de rester impassible. Visiblement, les informations qu'ils pouvaient avoir n'intéressaient que peu la pègre. Amanda avait décidé que peu importe les raisons pour lesquelles ils recherchaient Mustang, elle pouvait les sacrifier sans grand regret. Elle essayait donc d'empêcher qui que ce soit d'atteindre l'ancien président. Peu importe leur objectif, peu importe leurs raisons.

Le soldat fronça brusquement les sourcils.

"Vous essayez de protéger Mustang, n'est-ce pas ? déclara-t-il abruptement."

Peu importe les menaces et les coups, Remington savait qu'il avait raison. Et la brève surprise qui se peignit sur le visage du garde-du-corps le lui confirma. Mais ce n'était pas lui que le militaire observait. Leur interlocutrice restait de marbre et il ne pouvait qu'applaudir face à un tel sang froid. Seulement il savait qu'il avait raison : la pègre, en les abattant, ne faisait que protéger l'alchimiste de flamme.

Que celui-ci cherche de l'aide auprès des premiers opposants au régime n'avait rien de bien surprenant, au contraire. Le crime organisait disposait d'un réseau, de ressources conséquentes, tout ce dont manquait cruellement Mustang. En revanche, Amanda n'avait pas la moindre raison de lui venir en aide. Comme la moitié du pays, la pègre devait probablement vouloir sa tête sur un piquet, après tant de révélations. Alors cela ne pouvait signifier qu'une chose...

"Qu'a promis Mustang à Amanda ? Qu'il fermerait les yeux sur ses activités ? Une voix au chapitre peut-être, lorsqu'il reprendrait son poste ? Il a certainement dû..."

Mais un coup dans l'estomac lui coupa le souffle.

Le gorille s'était avancé avec une vitesse surprenante pour sa stature et lui avait assené un coup avant que Remington n'ait eu le temps de réagir. Celui se releva avec un grognement, à temps pour voir son agresseur reculer, puis dégainer.

"Vous parlez trop et je crois qu'on va arrêter toute cette petite conversion pour directement passer à la deuxième option. Vous allez..."

Mais, au grand soulagement de Remington, la jeune femme leva la main et le malfrat s'interrompit.

"J'ai raison, siffla le soldat avec un sourire victorieux. Mustang a obtenu l'aide de la pègre.

- Il n'est pas contrôlable, objecta le garde-du-corps avec calme. On ne pourra rien en tirer.

- Il pourrait avoir des informations, répondit sa comparse avec un haussement d'épaule. Et il pourrait redevenir contrôlable, grâce à elle."

Son geste de la tête désignait clairement Evans qui blanchit encore plus, si c'était possible.

Le gorille secoua la tête mais plus par dépit que par opposition. Visiblement, la décision ne lui appartenait pas.

"Je comprends qu'il ne puisse pas le supporter, soupira-t-il."

Il ? Qui ne le supportait pas ? Mustang ?

Son sourire victorieux s'élargit et Remington lança un regard avec Evans qui était parvenue à la même conclusion : il avait raison.

Le soldat prit une large inspiration et se redressa.

"Quand allons-nous pouvoir rencontrer Amanda ? Nous pouvons coopérer avec elle mais je veux la rencontrer."

Il n'était pas question de traiter avec des sous-fifres. Etant donné son grade et sa fonction au sein des rangs, la maîtresse de la pègre ne pourrait que se montrer conciliante sur ce point. Néanmoins, un nouveau coup le projeta à genoux. Cette fois, il s'agissait de l'homme qui les avait conduit dans cette pièce.

Remington releva la tête, confus, pour rencontrer le regard froid de leur interlocutrice.

"Vous parlez déjà, à Amanda. Et il va falloir parler ou la prochaine fois, je n'arrêterai pas Bobby."


L'ambiance au sein de la planque s'était considérablement alourdie, comme si une chape de plomb s'était soudainement abattue sur eux.

La conversation entre Alphonse et lui avait été entendue - forcément - et l'information s'était répandue comme une traînée de poudre. Aucun soldat n'avait osé en parler directement, mais les regards s'étaient assombris, les corps tendus et le peu de confiance qui existait jusque là en faveur du Fullmetal s'était effondré. Autant pour l'esprit d'équipe. La seule chose que Breda et lui pouvaient faire était d'espérer que ces dernières révélations n'affecteraient pas leur plan.

Mustang soupira et se pencha vers les cartons qui contenaient les dossiers Bradley. Colt les lui avait désignés avec une certaine surprise et l'alchimiste les avait déplacés dans le grenier pour les étudier à son aise. Il avait tout fait pour éviter de s'y replonger mais désormais, il n'avait plus le choix. La dernière fois qu'il avait lu ces documents remontait à deux ans auparavant et à ce moment-là, Hawkeye et lui étaient principalement à la recherche des complices de Ploetz. Une nouvelle relecture des comptes rendus s'imposait.

"Vous lui avez dit."

Mustang se retourna si brusquement que son dos en protesta.

"Fullmetal, tu ne peux pas continuer d'apparaître aussi brusquement dans le dos des gens, grommela-t-il."

L'homonculus se tenait dans l'encadrement de la porte, immobile au point d'en paraître inhumain. Mais après tout, il ne l'était plus réellement. Toujours aussi silencieusement, il se rapprocha.

"Pourquoi ?

- Parce que tu pourrais recevoir quelques balles ou pire, des flammes, répondit-il sombrement."

- Ce n'est pas le sens de ma question.

- Alors quel est le sens de ta question ?"

Il faisait l'imbécile, il le savait. Mais à cette heure de la nuit et après la soirée qu'il avait passée, Mustang n'avait pas envie de discuter et encore moins des sujets que le Fullmetal s'apprêtait à aborder.

"Pourquoi l'avoir dit à Alphonse ?

- Parce qu'il avait le droit de savoir. Et parce que ce n'est pas une décision que je pouvais prendre seul."

L'ancien Edward n'aurait pas hésité à le frapper si Roy avait songé à garder ces informations pour lui. Ils n'étaient plus des enfants à qui l'alchimiste pouvait cacher la situation pour les protéger. Et son cadet devait sans doute partager cette opinion.

"Alphonse n'est pas en capacité de prendre cette décision.

- Ton frère est plus capable que tu ne le crois.

- Il n'aurait jamais dû savoir, insista le Fullmetal.

- Parce que tu veux le protéger. Pas parce que tu le crois incapable de prendre la bonne décision."

C'était évident pour lui. L'homonculus n'était pas aussi indifférent qu'il le prétendait et sa volonté de protéger Alphonse était évidente. Alors qu'est-ce que cela pouvait bien signifier pour l'âme d'Edward ?

"Vous ne voyez que ce que vous cherchez à voir. Biais de confirmation."

Peut-être. Peut-être que Mustang ne remarquait que les détails qu'il voulait voir. Mais que pouvait-il faire d'autre ? Et il commençait à être fatigué de devoir se justifier auprès des deux frères. Quelle que soit la décision qu'il prenne, Roy devait être convaincu d'avoir fait son maximum et d'avoir agi au mieux. Sans quoi il ne pourrait plus jamais se regarder dans une glace.

Mais avant qu'il ne trouve la force de répondre, le Fullmetal secoua la tête, les yeux rivés sur les dossiers éparpillés autour du soldat.

"Je vous préviens uniquement : vous perdez votre temps. Jamais vous ne trouverez de réponse à temps dans ces documents. A supposer même que la réponse s'y trouve."


Remington ne put retenir une expression décontenancée.

La femme qu'ils avaient en face d'eux était Amanda. Il l'aurait imaginée moins frêle, plus imposante, plus impressionnante. Et pas aussi proche de son réseau. Son acolyte lui adressa un regard moqueur et le soldat se reprit rapidement.

"Vous protégez Mustang et nous voulons le retrouver. Nous avons effectivement beaucoup à nous dire.

- Pour quelle raison voulez-vous retrouver Mustang ?

- L'aider. Cela me semble pourtant évident.

- Pas de la part d'un traître", rétorqua tranquillement la jeune femme.

Et Remington ne put s'empêcher de grimacer.

"Qui a dit que j'étais un traître ?

- A qui croyez-vous que j'ai posé la question ?"

Mustang, bien sûr. Il avait déjà prévenu Evans, il n'était pas étonnant que dans le cadre d'une coopération avec Amanda, l'ancien président lui ait livré quelques indications sur les forces à l'œuvre au sein du gouvernement.

"Il se pourrait que... Mustang n'ait pas bien compris la situation."

Cette fois, ce fut Amanda qui haussa un sourcil presque amusé.

"Alors, dites-moi, colonel. Pour quelles raisons Mustang vous a-t-il cru traître, à tort ?

- Il avait de bonnes raisons, certainement, mais...

- Quelles raisons vous ont poussé à détourner des preuves laissées spécifiquement à l'attention de Mustang ?

- Je n'étais pas pleinement en état de décider...

- Il va m'en falloir davantage, le coupa-t-elle d'une voix froide. Et vous ne sortirez pas de cette pièce tant que vous ne m'aurez pas convaincue.

- C'est une histoire compliquée..."

Mais la jeune femme secoua la tête.

"Bobby ?"

Celui-ci s'avança vers Evans et dégaina une arme pour la pointer droit sur son front. Les yeux de la journaliste s'écarquillèrent de terreur.

"Vous n'avez pas besoin de...

- Je crois que vous n'avez pas compris la situation, grogna l'homme. On vous a dit qu'il était temps de parler ou de mourir. Et jusqu'à présent, vous ne nous avez rien dit de convaincant.

- Je vais parler, leur assura Remington. Je vais parler."

Il leva calmement les bras et se glissa entre le canon de l'arme et la journaliste. A cette distance, la balle traverserait probablement son corps pour atteindre Evans, mais cela pouvait encore lui éviter une blessure mortelle. A condition d'éviter la tête.

"Je ne sais pas précisément ce dont Mustang est au courant ou ce qui lui a donné à penser que j'étais un traître. Mais je vous assure que je n'étais pas au courant de mes faits et gestes.

- Votre excuse, c'est d'être stupide ? reformula Bobby. Inattendu, venant de quelqu'un de votre grade. D'habitude les militaires sont beaucoup plus orgueilleux que ça.

- Je n'ai pas agi de ma propre volonté, insista-t-il.

- Cette excuse-là par contre revient assez souvent."

Le soldat soupira. Même s'il leur disait la vérité, Amanda ne le croirait jamais. Qui, sans avoir jamais eu de preuve de leur existence, pouvait croire à cette fable d'homonculus ? Lui-même n'y aurait jamais cru sans avoir été attaqué dans son propre bureau.

"De la volonté de qui, alors ? demanda Amanda. Qui pourrait faire pression sur quelqu'un à votre poste ?

- Vous ne me croiriez pas.

- Faites de votre mieux pour me convaincre. Vos vies en dépendent, rappela-t-elle."

Remington serra les dents.

"Un enfant.

- Un enfant ? répéta Bobby, incrédule.

- Pas n'importe quel enfant, corrigea Remington. Selim Bradley."

C'était le mieux qu'il puisse faire. S'il leur disait tout de suite toute la vérité, ce Bobby appuierait sur la détente. Mais une demi-vérité pouvait leur faire gagner du temps. La pègre n'était certainement pas au courant que le fils Bradley avait survécu au coup d'état. Et tout le temps qu'il passait à les convaincre de sa survie était du temps gagné pour essayer de trouver une solution à leur survie à eux. Mais une expression étrange passa sur le visage d'Amanda qui croisa lentement les bras et fit signe à Bobby de baisser son arme.

"Qu'avez-vous à nous dire sur Selim Bradley, colonel ?

- Vous saviez qu'il n'était pas mort", devina Remington.

Amanda n'avait pas manifesté le moindre signe de surprise. Soit Mustang le lui avait dit, soit la pègre l'avait découvert par elle-même. Mais s'ils se trouvaient dans le premier cas de figure...

"Répondez à ma question ou cette arme refera bientôt son apparition.

- Vous ne vous croiriez pas, intervint Evans d'une voix mal assurée, pour la première fois.

- Essayez quand même.

- Cet enfant... n'est pas humain. Il est capable de faire des choses..."

Sa voix tremblait, de manière volontaire ou non, et la jeune femme était plus que convaincante dans le rôle de la demoiselle en détresse. En fin de compte, elle semblait se rappeler de davantage que ce qu'elle n'avait dit à Remington. L'avantage de rester enfermé avec ses propres pensées pour compagnie uniquement.

Néanmoins, Amanda ne sembla nullement impressionnée.

"Il peut manipuler l'esprit des gens, déclara abruptement Remington." L'impassibilité de la jeune femme commençait à lui taper sur les nerfs et l'envie de la prendre par les épaules pour la secouer le saisit. "Les plier à leur volonté. Ah et il est capable de faire de son ombre, une arme, également. Mais vous saviez déjà tout ça, n'est-ce pas ? Mustang vous avait prévenus."

Amanda resta à nouveau impassible et cela confirmait maintenant tellement de ses théories : Mustang avait quitté le gouvernement pour lutter contre cet homonculus. Il avait eu recours au crime organisé pour échapper aux forces du gouvernement et pire encore, il les avait informé de cette menace. Qu'avait bien pu passer par la tête de l'ancien président pour révéler autant d'informations à la cheffe de la pègre ? comment avait-il pu autant lui dire ? L'alchimiste avait gardé le secret tellement longtemps concernant le tunnel et les projets du gouvernement Bradley. Pourquoi tout avouer maintenant à une civile ?

"Et que comptiez-vous faire ? Rejoindre Mustang ?

- Le rejoindre et l'aider, acquiesça Evans.

- Comment ?

- De la manière dont il nous aurait demandé."

Bobby haussa un sourcil à la fois dubitatif et à la fois moqueur.

"Ecoutez, nous avons fui dès que nous avons pu et que nous avons compris, se justifia la journaliste. Selim Bradley manipule la quasi-totalité de l'état major. Nous ne pouvions pas rester au sein du Quartier Général. Et non, nous n'avons pas réfléchi outre mesure à la façon dont nous pouvions aider Mustang. Notre première réaction a simplement été de fuir et essayer de le retrouver.

- Nous ne savions pas à ce moment-là que l'ancien président collaborait avec le plus grand réseau de crime organisé du pays, rajouta Remington d'un ton narquois."

Il s'agissait là surtout de masquer leur manque de réflexion, mais non, ils n'avaient pas réfléchi davantage. Ils avaient fui pour leur vie et avaient songé à contacter Mustang. Lui aurait pu leur dire ce dont il avait besoin. Mais le soldat n'était pas prêt de l'admettre.

"C'est l'intention qui compte, rétorqua Bobby d'un ton sarcastique. On fait quoi d'eux, boss ?"

Amanda haussa les épaules : "Je pense qu'ils ont encore beaucoup de choses à nous confier. Ils doivent avoir des informations de première fraîcheur concernant la stratégie du gouvernement.

- Nous avons beaucoup de choses à confier à Mustang, convint Remington en fronçant les sourcils, mais pas à vous.

- Je crois que vous n'avez pas compris votre position, colonel : vous n'irez nulle part.

- Peu importe. Mais vous avez conclu un accord avec Mustang. Vous savez où il est ou en tout cas comment le contacter. Informez-le de notre présence.

- Certainement pas.

- S'il lutte toujours contre Selim Bradley, l'inclure dans les conversations est...

- Vous ne parlez pas avec Mustang, le coupa Amanda. Vous étiez sous le contrôle de Selim Bradley, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qui me dit que vous ne l'êtes pas encore ? Que tout ceci n'est pas qu'un piège tendu à son égard."

Le piège idéal, le prétexte parfait. Remington pouvait en convenir.

"Parce que retenus ici, nous n'avons pas le moindre moyen pour contacter Selim ou attirer Mustang dans un piège. Nous voulons uniquement lui parler.

- C'est toujours non, trancha Amanda. Toutes les informations que vous souhaitiez transmettre à Mustang, vous allez nous les transmettre à nous. Tout ce que vous savez sur Selim Bradley, sur la stratégie du gouvernement... vous allez tout nous raconter.

- Je ne...

- Parce que sans cela, je n'ai aucune raison de vous garder en vie. Vous avez eu votre petite prise de conscience, vous vous êtes rendus compte de l'emprise sous laquelle vous étiez ? Fort bien. Cela ne change rien au fait que vous êtes des traîtres et Mustang est beaucoup trop tolérant pour vous exécuter. Mais pas moi. Donc à moins de vouloir écourter vos jours, je vous conseille de nous prouver à Bobby et à moi votre utilité. Est-ce que j'ai été claire ?"

Remington jeta un coup d'œil par dessus son épaule. Le visage de la journaliste s'était crispé mais son regard trahissait toute sa panique.

Il ne pouvait pas confier toutes les informations dont il disposait à la pègre. Pas après avoir passé toute une vie à lutter contre elle. Mais il ne pouvait pas entraîner Evans avec lui.

"Laissez-la partir, tenta-t-il. Elle n'a rien à voir avec tout cela."

Mais Amanda laissa échapper un petit rire froid.

"Oh non, colonel. Nous avions bien compris que vous vous sentiez l'âme d'un chevalier. Vous parlez ou vous mourrez et elle avant vous."

A suivre...


J'aime beaucoup écrire Remington. entre son côté arrogant et son côté connard à tendances misogynes, je le trouve malgré tout assez marrant. Et le voir confronté à une femme beaucoup plus dure que lui est assez drôle (est-ce que mon esprit fatigué me souffle une idée assez folle d'OS Amanda x Remington ? vous ne pourrez jamais le prouver).

Le titre du chapitre est bien sûr ironique, entre Edward qui essaie de convaincre Mustang de le tuer sans trop d'arguments et Amanda qui a tendance à vouloir tuer tout le monde, mais je le trouvais assez bien adapté.

Encore une fois, n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire :)