Potter revient le lendemain pour le déjeuner et apporte deux reçus avec lui. Un pour les ingrédients du ragoût de la nuit précédente, et un pour les lasagnes qu'il a apportées ce jour-là. Severus les vérifie, et remarque que ce sont d'excellentes contrefaçons pour l'épicier en ville, et il le range dans sa petite boîte en fer.

Severus était en train de préparer de la compote de pommes, et il lui faut bien dix minutes pour débarrasser suffisamment la table pour qu'ils aient la place de manger. Il est en train de terminer quand Potter sort les lasagnes du four, et Severus fixe du regard le jeune homme.

"Potter. Pourquoi est-ce que vous avez pensé que je n'étais pas réellement un Mangemort ?"

"Quoi ?" demande Harry distraitement. Il essaye de sortir une part d'un coin du plat, et lâche un juron quand son pouce touche le verre brûlant.

"Vous êtes revenu à Poudlard à la veille de la bataille, et pour la première fois dans votre misérable petite vie, vous m'avez écouté quand je vous ai dit ce que vous deviez faire."

"Ouais." Deux assiettes sont servies sur la table, et Potter sort le lait qui est au frais. Severus remarque que sa main se crispe sur la porte du frigo quand il voit à quel point il est vide.

"J'aurais aussi bien pu être un triple agent. Vous avez pris un grand risque en m'écoutant, j'aurais très bien pu vous envoyer directement à Voldemort," dit Severus avec un regard suffisant. Il est en réalité curieux de la raison pour laquelle Potter lui fait confiance, autre que la simple foi aveugle des Gryffondors.

"Mais ce n'est pas ce que vous avez fait, non ? De toute manière, je savais que vous étiez contre Voldemort depuis un bon moment," Harry a un grand sourire, en prenant une bouchée du déjeuner. Severus note que Harry ne le formule pas comme 'de notre côté.'

"Et comment ça se fait ?" grommelle Severus. Ces lasagnes sont ridiculement bonnes comparées à la barquette premier prix surgelée qui est dans le congélateur et que Severus a les moyens de s'acheter.

"Vous n'étiez pas au cimetière quand il est revenu. Apparemment, il n'y a que Voldemort qui voulait croire que vous aviez souhaité rester à Poudlard pour rassurer Dumbledore. Vous avez choisi de m'enseigner la legilimancie de la seule manière qui permettait que vous ne laissiez pas de trace de votre magie dans mon esprit, traces que Voldemort aurait pu trouver," énumère Harry en comptant sur ses doigts. "Vous m'avez laissé votre livre de potions en sixième année, et vous étiez là pour me conduire à l'épée de Gryffondor."

"Je ne vous ai pas laissé mon livre," nie immédiatement Severus.

"Ouais, bien sûr," interrompt Potter avec un sourire effronté. "Vous avez laissé votre vieux livre de potions, avec tous ces sorts terriblement utiles et ces notes additionnelles sur les potions en marge, juste pour que n'importe qui le trouve."

Tobias Snape avait enseigné trois règles très simples à Severus quand il n'était encore qu'un petit garçon, et elles lui avaient été très utiles au cours des années. Ait l'air surpris, montre que tu te sens concerné, et n'admets jamais rien. Et donc, Severus s'assied à table, et regarde impassiblement Potter, sans rien ajouter.

"Merci pour ça, d'ailleurs."

Severus incline la tête en reconnaissance. "Et l'épée ? Il n'y avait aucun moyen que vous puissiez découvrir qui vous y avait conduit."

"Et je n'aurais jamais deviné," accorde Harry. "Mais je savais quel était votre patronus."

"Foutaises !" cingle Severus, se sentant soudainement comme un imbécile. "Personne d'autre que le directeur n'avait vu mon patronus depuis des années."

"Certes. Mais pas depuis que vous étiez à Poudlard, peut-être."

"Quel est le rapport ?"

"C'est Remus Lupin qui m'a appris à conjurer un patronus. Il m'a raconté tous les patronus qu'il avait vus, et à qui ils appartenaient," répond Harry, marquant une pause pour manger. "Il a mentionné un petit fait amusant, que vous aviez le même patronus, une biche, que ma mère."

"Maudit Lupin," murmure Severus.

"Ça a tourné à mon avantage," prévient Harry, en pointant son couteau en direction de Severus. "Même moi je ne suis pas assez stupide pour suivre un patronus que je ne reconnais pas."

Severus cligne rapidement des yeux, et pendant une seconde il est clair sur son visage que c'est exactement ce qu'il avait pensé à l'époque.

"Changeons de sujet. J'ai des questions," poursuit Harry.

"Moi aussi."

"Votre baguette ne fonctionne que sur cette propriété." dit Harry, en enroulant un fil de mozzarella fondue autour de sa fourchette.

"Oui." répond Severus, le fusillant du regard. Mais les regards noirs n'ont jamais été très efficaces contre Potter.

"Mais vous avez le droit de quitter votre domicile pendant 4 heures chaque semaine. Est-ce que votre baguette fonctionne en public ?"

"Non. Et toute magie faite ici est enregistrée comme la mienne, alors gardez votre baguette pour vous, et résistez à la tentation d'agir comme un babouin ignorant armé d'un bâton."

"Vous ne pouvez pas avoir envie de vivre comme ça…" déclare Harry, son regard se posant doucement sur la seule fenêtre de la pièce. Son intérêt ne se porte pas sur les affaires de Severus, mais plutôt sur la fenêtre qui a terriblement besoin d'un coup de pinceau, et qu'on remplace l'un des carreaux de verre.

"Ce ne sont que des équipements moldus, Potter." dit Severus, se sentant un peu sur la défensive quand il s'agit du petit cottage qui lui a été alloué. "Aucune magie ne peut être utilisée pour améliorer la maison, et tout ce qu'on peut faire reprendrait son apparence d'origine à minuit, de toute manière."

"Vous êtes qui, Cendrillon ?" demande Harry, en le regardant. Ses lasagnes quasiment disparues, et il essaye d'embrocher un morceau de viande avec sa fourchette.

"C'est bien plus probable que de faire de vous un prince charmant," répond sèchement Severus. Il prend un peu plus son temps pour manger son déjeuner, parce que ça fait du bien d'avoir de la nourriture préparée par quelqu'un d'autre, pour une fois. Severus ne se laisse pas le temps de méditer sur la sensation domestique de tout ceci.

"Donc, vous ne pouvez pas améliorer cet endroit par la magie. Qu'est-ce qu'il y a dans le rapport à propos de la liste hebdomadaire ?"

Severus fait tournoyer le lait dans son verre. Il aurait aimé avoir du vin avec ses lasagnes, mais ce n'était pas sur sa liste de courses la semaine dernière.

"Tout ce qui est amené dans le cottage est catalogué dans une liste. L'auror qui vient pour la visite vérifie qu'il n'y aucun objet suspect sur la liste."

Il plisse les yeux face à Potter, et remarque que le jeune homme a un semblant de barbe de trois jours, au menton.

"Je frémis d'excitation en attendant de voir comment vous allez apparaître dessus."

Harry a l'air paniqué pendant un moment, et il y a un petit morceau de basilique collé à sa lèvre inférieure.

"Quand ? Est-ce qu'ils sauront que je suis venu ici ?"

"C'est rafraîchissant de voir que vous agissez encore avant de réfléchir aux conséquences. L'auror vient le vendredi."

Severus s'écarte de la table, et boîte jusqu'à l'évier où il nettoie son assiette. Sa jambe a encore quelques courbatures lui restant de ce matin humide, et l'air froid mordant qui passe par le carreau cassé n'aide pas. Une fois terminé, Severus sort une bouillote d'un placard à côté de l'évier et lance un sort pour la remplir d'eau chaude. C'est son second sort de la journée, mais il s'en fout. Il traîne les pieds jusqu'au salon, et place la bouillote contre sa cuisse, apaisant enfin la douleur. Potter peut faire sa vaisselle tout seul.

"Attendez, vous m'avez dit hier que vous gardez Tolstoy une fois par semaine, c'est bien ça ? Ils ne l'ont jamais remarqué jusqu'à maintenant ?"

Harry est maintenant devant l'évier, mais le cottage est minuscule, et la chaise usée sur laquelle est assis Severus n'est qu'à quatre ou cinq mètres de l'autre bout du cottage.

"Tolstoy est un moldu," répond Severus, ses yeux fermés et sa concentration portée sur rester silencieux pendant que ses muscles se détendent. Il peut entendre Potter mettre la bouilloire sur le feu.

"Oh. Comment est-ce qu'il fait pour traverser les sorts repousse-moldus que j'ai senti sur la porte ?"

"Il est autiste. Le sort ne s'applique pas pour lui, parce que son cerveau ne l'enregistre même pas. Assez avec les questions."

"Très bien. J'ai quelque chose à vous montrer, de toute manière," Harry hausse les épaules.

L'attaché-case revient sur le devant de la scène, et Severus lui lance un regard prudent. Il a l'air plus rempli que la veille. Potter farfouille dans les tiroirs de la cuisine, et revient avec une pince, dont il se sert pour sortir une lettre du sac.

Potter place la lettre sur la petite table basse et lâche la pince dans l'évier pour la laver plus tard. Il regarde la lettre comme si elle portait une malédiction, et pendant un moment, Severus se demande si ce ne serait pas exactement le cas.

"Est-ce que vous êtes assez idiot pour avoir apporté de la magie noire dans mon cottage ?" grogne Severus, ne reconnaissant pas les écritures sur l'enveloppe.

"Non, c'est juste que je ne veux pas détériorer les empreintes dessus," répond Harry.

Severus lui lance un regard circonspect et s'approche pour lire la lettre. Elle est courte, et écrite avec le ton faussement poli d'une personne qui a été élevée dans une famille de la haute société sorcière.

Mr Potter,

Veuillez recevoir nos félicitations les plus chaleureuses pour votre succès dans la Bataille de Poudlard. En signe de notre appréciation nous, habitants du Chemin de Traverse, avons arrangé pour vous un transport en première classe pour l'inauguration de la statue des héros de la guerre. Celle-ci aura lieu sur la place centrale du Chemin de Traverse, le 2 Octobre 1998. Comme convenu plus tôt, votre présence et soutien envers nos humbles commerces sont les bienvenus, et nous souhaiterions réitérer notre offre d'un rabais de 30% à vie pour tout achat effectué dans nos échoppes.

La limousine viendra vous chercher à 9h30 précises ; merci de nous prévenir si vous avez déménagé du Square Grimmaurd.

Salutations respectueuses,

W. Terrence Cardogan

ACCT.

"Le Square Grimmaurd est toujours censé être sous la protection du charme de fidelius. C'est censé être un endroit sûr, dont le public ne connaît pas la localisation," déclare Severus d'un ton fatal, exprimant son mécontentement et sa désapprobation d'un même souffle.

"Je sais," répond Harry, et son regard a l'air troublé. "Les protections sont tombées l'année dernière. Et je ne vis plus là-bas."

"Il vous reste donc une once d'intelligence," ricane Severus.

"Ouais, vous imaginez ça," continue Harry en se frottant la nuque. Il semblerait que ce soit un geste nerveux, et Severus l'observe avec curiosité. "Je crois que je suis suivi."

"Par qui ?" Severus sent les poils sur ses bras se hérisser, une sensation qu'il n'a pas eue depuis quelques mois. Il a été suivi par des Mangemort pendant toute l'année où il était directeur, ceux envoyés par Voldemort pour s'assurer qu'il lui restait bien fidèle, et ceux qui voulaient juste prouver qu'il était un traître.

"Pas par des Mangemorts. J'aurais presque envie de dire pas des aurors, mais…"

"Mais qui que ce soit, vous vous êtes contenté de le mener au Terrier tous les soirs. J'espère pour vous que vous avez été plus discret en venant ici," dit Severus, son ton dur et son regard perçant.

"Au Terrier ? Je ne réside pas au Terrier." Harry a un rire amer. "Je séjourne dans des chambres d'hôtes choisies au hasard dans le sud de l'Irlande."

"Vous voulez dire que le grand Harry Potter n'a pas son propre manoir quelque part en Angleterre ?" Il y a une certaine lueur de retour dans les yeux de Severus, et il se sent presque énergique.

"Oh, vous faites chier. Quand est-ce que j'étais censé m'acheter une maison ? J'ai été un peu occupé ces dernières années." rétorque Harry, crachant presque ces mots. Il se remet à faire les cent pas, tenant une pile de papiers dans ses mains et commençant à les froisser.

"Je suppose que oui," concède Severus d'un ton neutre, observant Harry de près. Il a l'air de déborder d'agitation.

"Vous supposez. Dumbledore m'a entraîné pour que je sois tout ce que j'avais besoin d'être pour la bataille. Vous ne pouvez pas me dire qu'il a eu une seule considération pour ce que serait le futur après la guerre," dit Harry, sa voix s'élevant mais son visage ne trahissant aucune vraie colère. Juste de la frustration, alors qu'il désigne le cottage. "Vous ne pouvez pas me dire qu'il en avait quelque chose à foutre de ce qui vous arriverait."

"Et qu'est-ce que vous allez faire à ce sujet, Potter?" Severus est agacé, et il se sent l'envie de lui balancer la bouillote à la figure. Severus avait réalisé avec amertume la vérité sur le manque de prévoyance de Dumbledore il y a déjà quelque temps, mais en toute honnêteté, il ne s'était pas attendu à survivre à la guerre lui-même.

"Vous allez défendre ma cause comme un noble petit Gryffondor ? Exiger votre procès pour les personnes que vous avez tuées ? Personne ne s'en souvient, comme vous l'avez dit plus tôt, donc, d'une certaine manière, vous vous en sortez avec le crime parfait."

Le visage d'Harry perd toutes ses couleurs et Severus se demande s'il ne serait pas allé un peu trop loin.

"Comment est-ce que vous comptez survivre à l'hiver ?" demande soudainement Harry, et la question désarçonne Severus. Il pense à la vente de ses produits, aux fruits et légumes qu'il fait pousser et qu'il a mis en conserve pour son usage, au maigre revenu qu'il tire du marché, et à la possibilité de faire du tutorat pour un ou deux enfants du village pendant sa fenêtre de quatre heures.

"En étant très économe," répond Severus. Il avait calculé en août qu'il n'aurait pas assez d'argent pour subvenir à ses besoins pendant l'hiver, pas sans devoir prendre dans sa réserve.

"Voilà, vous voyez," conclut Harry. "Je vais trouver un moyen de contourner les protections. Vous n'allez pas mourir de faim."

"C'est la mission de votre vie, maintenant ? Certainement que vous pourriez vous rendre plus utile, en propageant encore plus de Weasley," dit Severus, son ton aussi condescendant que si Potter avait suggéré de passer une maîtrise de potions avec lui. Severus n'a jamais été à l'aise lorsqu'il s'agit d'accepter de l'aide c'est un trait qu'il sait avoir hérité de son père.

Potter lui lance un regard peiné.

"Le dernier endroit où je serai le bienvenu est là-bas."

"Qu'est-ce qui vous fait penser que vous êtes le bienvenu ici ?"

À ces mots, Potter se fige. Le cottage de Severus est en P, la hampe de la lettre étant son petit salon, et la partie arrondie étant sa cuisine, la salle d'eau, et là où se trouve l'échelle. Potter se trouve là à cet instant, farfouillant dans le bol de pommes sur la table avant d'en choisir une. Severus ne le pousse pas à répondre, mais il ne le laissera pas partir sans avoir obtenu une réponse. Il revient dans le salon, se frottant la clavicule. Severus remarque que son jean est un peu sale, et que les muscles sous sa chemise sont bien plus définis que Severus se souvienne qu'ils aient jamais été.

"Je ne m'attends pas à être le bienvenu ici. Mais j'ai besoin de votre aide. J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé. J'ai besoin de savoir que je ne suis pas le seul à avoir été horrifié par la guerre."

"Vous me détestiez à Poudlard," rétorque Severus en croisant les bras.

"Oui. Mon professeur de potions était un connard."

Il n'y a qu'un autre fauteuil dans le salon. Il est vieux et une partie du rembourrage sort du bras, mais Potter se perche dessus, en prenant attention à ne pas s'adosser trop vite pour ne pas se cogner la tête sur la bibliothèque derrière lui.

"Mais je pense que je pourrais m'entendre avec Severus Snape." Harry a la tête tournée vers le haut, et ses yeux posent sur Severus un regard critique. Il y a de la terre sous ses ongles, ses pattes sont coupées de manière inégale, et Severus se demande curieusement si Potter se rase lui-même, ou s'il les fait tailler.

"Peut-être que oui. Je vais vous aider avec votre petit mystère, Potter. Mais ce ne sera pas gratuit."

"Il n'y a rien de bon dans la vie qui ne le soit, monsieur," sourit Harry, et c'est un petit sourire sincère.

Potter sort, et reste dehors où il passe les heures suivantes à désherber le jardin et récolter des pommes. Severus, lui, s'attelle à la table de la cuisine où il prépare des mélanges d'épices en mode automatique. Sa plus grande marmite est sur le feu, et elle est à moitié remplie de compote.

Potter ne lui a toujours pas raconté ce qui s'est passé exactement dans la Forêt Interdite pendant la bataille. Il est clair qu'il se souvient de chaque moment, et que d'après sa confession de meurtre, il y a un moment où les choses ont vraiment dérapées. Mais là encore, les instructions du directeur n'étaient pas plaisantes pour commencer.

Severus termine de verser le mélange d'épices dans la marmite et la recouvre en partie d'un couvercle. L'apple butter va devoir mijoter pendant encore quelques heures, alors il se retire à nouveau dans son salon et examine les papiers de Potter. Tirant un reste de calepin d'une bibliothèque et un bic moldu du petit bureau contre le mur, Severus commence à compter les morts.

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"Comment est-ce que vous avez appris à faire pousser les citrouilles ?" demande Potter quand il revient du froid. Il vient juste de ranger un panier de pommes sous l'appentis.

"Elles poussent à partir de graines, Potter. La nature sait ce qu'elle fait."

"Ce n'est pas ce que je voulais dire. Vous préparez des choses à partir de pommes et de citrouilles, vous les mettez en conserve aussi." Il s'approche de la gazinière et soulève le couvercle sur la marmite, inspirant les vapeurs qui s'élèvent de l'apple butter. "Mmm."

"Mon père était le quatrième fils d'un fermier," révèle Severus, observant pour voir si offrir des informations à Potter lui fera en partager à son tour.

"Mais vous avez grandi à l'Impasse du Tisseur…" Potter se laisse tomber sur une chaise de cuisine, confus.

"Le quatrième fils, Potter. Il a été élevé en apprenant à s'occuper d'une ferme dont il n'hériterait jamais," explique Severus, d'un ton froid. Ça a toujours été un sujet délicat dans leur foyer, en particulier quand son oncle avait perdu la ferme à cause de dettes de jeu.

"Oh."

Potter fait tourner sa baguette sur la table, n'en faisant pas usage mais semblant dessiner des symboles au hasard. Il a l'air plus calme que précédemment, quand il est sorti en claquant la porte après le déjeuner.

"Avez-vous déjà décidé de ce que vous voulez en échange ?"

Severus a déjà une liste de sept choses, une liste proprement pliée dans la poche de son pantalon de travail kaki. Il ne dit rien, cependant, se contentant de sourire à Potter avec une expression en tout point malveillante, et il a plaisir de noter qu'elle a encore le pouvoir de rendre Potter nerveux.

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Le feu dans l'âtre commence à mourir aux alentours de neuf heures trente. Les soirées en dehors de Kirkwell deviennent vite fraîches. Un léger parfum de tourbe imprègne l'air et Severus commence à penser à son lit avec ses nombreuses couvertures usées, surprenamment confortable malgré les restrictions. Severus observe attentivement son invité inhabituel, et remarque les cercles noirs sous ses yeux. Il sait que Harry ne dort pas bien, sait que Harry a été suivi par quelqu'un et qu'il n'a rien d'autre d'une auberge impersonnelle où rentrer. Les dossiers de l'attaché-case sont remplis des dernières nouvelles concernant les amis proches de Harry, dont aucun ne se souvient de ce qui s'est passé après l'assaut sur la Forêt Interdite. Severus a conscience du poids à porter lorsqu'on est le seul témoin des atrocités humaines.

"Vous pouvez passer la nuit ici, Potter," dit Severus, se levant avec autant de grâce qu'il avait possédé à Poudlard. Il y a un léger tremblement dans sa main lorsqu'il repose son livre avec attention, mais Potter ne le remarque pas et sa démarche est parfaite.

"Excellent," répond Potter, et la sincérité dans son regard transmet plus que le simple remerciement d'avoir un endroit où rester.

Severus l'observe pendant un moment tandis qu'il retire son pull et l'enroule sur lui-même pour en faire un oreiller. L'air est glacial dehors ce soir, les températures ont certainement chuté de dix degrés, et bien qu'il y ait un feu dans la cheminée, Severus sait que passé minuit, il fera froid dans la maison.

"Il y a un prix," interrompt Severus, observant toujours Potter qui attrape sa cape et commence à l'étendre comme une couverture. "Je n'ai pas de couverture à vous prêter. Le Ministère a une drôle de définition de ce qui est nécessaire, et je n'ai pas eu la place dans mon budget pour en acheter une autre," énonce sèchement Severus, pendant que Potter se recroqueville sur le canapé trop petit, et tire la cape ici et là pour s'en recouvrir.

"Ça ira," répond Potter. De manière troublante, il semble être coutumier de ce genre d'arrangement.

"Vous pouvez rester, mais vous devez me dire, en détail, comment vous en êtes venu à devenir un meurtrier."

Un regard hanté se pose sur lui pendant un instant, avant que Potter ne se tourne et ne se blottisse contre le canapé, allongé sur le côté.

"Est-ce que j'peux raconter ça au petit-déjeuner ?" demande-t-il, retirant ses lunettes et les laissant tomber au sol.

Severus ne répond pas, et monte lentement l'échelle pour la nuit.

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La salle d'eau de Severus est exiguë, et elle se trouve sous sa chambre. Il n'y a qu'une petite fenêtre qui est placée de manière très peu pratique dans le coin douche. Elle est utilitaire et toute simple, et sans baignoire Severus a besoin de s'asseoir sur une vieille chaise en plastique sous le jet d'eau chaude pour essayer de soulager ses muscles endoloris. Et les toilettes sont possédées.

Enfin, elles ne sont pas vraiment possédées, c'est juste que Severus ne s'est pas encore occupé d'aller au magasin de bricolage en ville afin de remplacer le clapet. Ainsi, la chasse d'eau se déclenche au hasard, mais assez souvent autour de deux heures du matin. Severus sait que ça les a réveillés tous les deux, parce qu'il est blotti sous ses couvertures pour tenter de rester au chaud, et qu'il peut entendre Potter à l'étage du dessous qui se retourne sur le canapé. C'est le semblant de sommeil d'une personne qui a légèrement trop froid pour s'endormir et cherche en vain la bonne position sous la couverture pour résoudre le problème.

"Potter," grogne Severus, sachant que sa voix porte dans tout le cottage. "Montez."

Une tête ébouriffée apparaît par-dessus le haut de l'échelle un instant plus tard, mais Severus est blotti dans son lit et ne peut pas voir.

"Il fait froid," commente inutilement Potter, et Severus peut l'entendre retirer son jean. Il applaudit brièvement la logique du garçon (et ignore son commentaire idiot), parce que si Potter dort tout habillé, il sera gelé quand il sortira du lit le matin venu.

Severus reste de dos, occupant une moitié du lit, et se concentre sur les mansardes devant lui pendant que Potter se glisse sous les couvertures. Potter se tourne lui aussi, jusqu'à ce qu'il ne se touchent que dos-à-dos, et qu'il fasse enfin chaud.

"Ils ne peuvent pas vous empêcher de retaper cet endroit à la manière moldue," marmonne Harry dans sa cape-devenue-oreilller, sa voix ne portant pas beaucoup, mais restant intelligible pour Severus.

"Et avec quels artisans ?" cingle Severus avec irritation. Il est épuisé et certainement pas prêt à admettre à quel point c'est rafraîchissant de passer du temps avec un autre être humain après près de trois mois de quasi-solitude.

Il attend une réponse pendant un moment, mais elle ne vient jamais. Il semblerait que le garçon soit déjà tombé de sommeil, et Severus est surpris de se rendre compte qu'il est rapidement en train de s'endormir lui aussi.

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Severus se réveille lentement, le grenier est baigné d'une lueur bleutée, offrant juste assez de lumière pour qu'il détermine que c'est le matin. Il est à peine six heures trente, mais tandis que Severus s'étire sous les couvertures il établit une liste mentale de toutes les choses qu'il doit préparer pour le marché de samedi, et il remarque que le lit est beaucoup plus chaud que d'ordinaire. Il tourne la tête sur sa gauche et examine la silhouette endormie. Potter dort dans une position défensive, sur le côté, avec les couvertures remontées complètement sur ses épaules, et ses deux poings serrés sous son menton.

Severus s'était résigné à passer une nuit de merde après avoir invité Potter à partager la chaleur, mais il est surpris de voir qu'il n'est pas plus fourbu que la veille. Sa jambe ne lui fait pas mal pour le moment, et Severus se demande si ça a à voir avec le surplus de chaleur. Il se redresse et se lève du lit, enfilant un pull en laine par-dessus sa chemise de nuit et se trouvant aussi une paire de chaussettes. Son pantalon de pyjama est assez épais pour le protéger des courants d'air dans la cuisine.

"Où vouz'allez ?" Potter n'ouvre même pas les yeux.

"Petit-déjeuner. Vous avez dix minutes."

"Nah. Je dors." Potter s'enfonce encore un peu plus dans les couvertures, ce que Severus n'aurait pas pensé possible.

"Debout, gamin. Je dois être en ville pour huit heures."

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Potter manque de peu de se cogner la tête contre la poutre au-dessus de l'échelle. Severus n'est pas non plus du matin, alors il ne dit rien. La salle d'eau est petite, et juste à côté de la cuisine, derrière l'échelle. Severus regarde par la fenêtre de la cuisine avec son café tout en ignorant les bruits que fait Potter dans la salle d'eau.

L'herbe a l'air mouillée dehors, et il y a plusieurs oiseaux installés sur toit de la petite cabane de Severus, avec leurs têtes cachées dans la chaleur de leurs ailes. Ils semblent s'être installés là au hasard, mais Severus peut voir qu'ils se tiennent à l'ombre d'un if. Il semblerait qu'il va pleuvoir dans peu de temps. Il se fait une note mentale de bêcher un espace dans le jardin pour y planter du maïs au début du printemps. Tobias Snape avait enseigné à son fils les leçons de son enfance, et au milieu de tout le temps passé à manier la magie avec ses mains, Severus se souviendra toujours de son père lui expliquant que du bout de son index à sa première phalange, c'était la profondeur nécessaire pour planter des pois. Jusqu'à sa seconde phalange pour planter du maïs.

"Ça fait beaucoup à cultiver pour un seul homme," dit Potter en se versant un café. Ses vêtements ont l'air bien froissés, mais son regard est brillant et il a brossé ses cheveux. Sa barbe de trois jours lui donne l'air bien plus vieux que Severus ne se souvienne.

"Ma presse à gallions est sous les verrous dans les cachots de Poudlard," lance Severus d'un ton impassible. Ça lui a manqué d'avoir quelqu'un avec qui échanger des piques, et il semblerait que le garçon ait enfin dépassé le stade où il passe immédiatement à la défensive.

Maintenant, Harry Potter se contente d'un sourire. Severus sort deux scones à la citrouille du four et les place sur un plat. Sa jambe se porte plutôt bien aujourd'hui, et il fait le tour de la cuisine avec confiance et facilité.

"Combien d'entre vous étaient dans la forêt ?"

"On était sept dans mon groupe," répond Potter, sur un ton très professionel. Severus préfère la version adulte de Potter à sa version étudiante.

"Vous, Granger, Weasley, Weasley… ?" Il y a de la vapeur qui s'élève du scone, et il est encore moelleux quand il l'ouvre.

"Ginny, Ron, Hermione, Moi, Neville, Luna, et George," Potter énumère les noms sans reprendre son souffle.

Seulement un jumeau ? Est-ce que le premier avait déjà été tué ? Severus n'a pas encore une bonne chronologie de cette nuit.

"Pourquoi est-ce que vous étiez entré dans la forêt ?"

"Cette fois-ci ? J'y étais allé pour me battre." Il y a une tension dans la voix de Potter, et Severus se demande ce qui se cache derrière cette pensée. Le garçon avait été entraîné pour se battre depuis ses onze ans, mais Severus n'avait encore jamais détecté ce niveau de colère sous-jacent dans sa voix à ce sujet.

"Il y avait plus de Mangemorts que je ne pensais."

Severus ferme les yeux à ces mots. Il savait qu'il devait y en avoir une centaine quand il occupait le poste de directeur, mais il avait craint que le Seigneur des Ténèbres n'en recrute beaucoup plus.

"Vous aviez peur," Severus connaît parfaitement la peur d'avoir affronté le même groupe de personnes.

"Je suis absolument terrifié depuis que j'ai onze ans," Harry le fusille du regard. Il a quelques miettes au coin de la bouche, et Severus ne peut pas s'empêcher de penser que ça lui donne l'air terriblement humain.

"Alors qu'est-ce qui vous a décidé à continuer ?" Ils n'ont qu'une heure avant que Severus ne doive partir pour son rendez-vous chez le docteur en ville, mais il a besoin de récupérer des pièces du puzzle avant de pouvoir comprendre ce qui se passe. Et il veut désespérément savoir ce qui s'est passé cette nuit-là.

"C'est Draco Malfoy," répond Harry à voix basse. La lumière du jour est juste suffisante pour que Severus puisse voir que les ombres sur le visage de Harry se font plus prononcées.

"Je vois," dit Severus, et il a un peu plus de mal à déglutir qu'il ne l'aurait pensé. Draco Malfoy avait été une tenace épine dans son pied depuis ses huit ans, mais il ne lui aurait jamais souhaité une fin horrible. "Est-ce qu'il a servi à faire un exemple ?"

"D'une certaine manière," répond Harry, et maintenant il s'occupe les mains avec son mug, n'importe quoi pour ne pas laisser Severus voir la culpabilité dans ses yeux. "Ses parents ont été jetés en pâture à des loups-garous. Littéralement."

La pluie annoncée commence à tomber doucement et Severus sait qu'il devrait fermer la fenêtre du haut, mais il ne peut pas se contraindre à bouger. Pas tant qu'il ne saura pas ce qui s'est passé.

"C'est à ce moment que Draco a changé de camp ?" demande Severus, essayant de ne pas imaginer l'élocution digne et snobinarde de Lucius se changeant en cris d'agonie.

"Draco n'a jamais changé de côté," Harry a un petit rire moqueur, qui est tout sauf amusé. "Voldemort l'a forcé à choisir. Soit devenir un loup-garou, soit être tué par eux comme ses parents."

Severus agrippe son mug plus fort, le café chaud n'offrant aucune chaleur à ses doigts tremblants.

"Est-ce que vous saviez qu'on ne peut pas se lancer le sortilège de mort sur soi-même ?" demande Harry, levant la tête pour rencontrer le regard de Severus.

Vert se connecte avec le noir, et Severus sait maintenant que cette guerre n'a jamais été toute noire ou toute blanche.

"Oui, je le savais."

Harry acquiesce, mais ne demande pas de détails. Des détails que Severus ne donnerait jamais.

"Il a essayé. Il a regardé ce qu'il restait, et il a essayé. Voldemort a ri de lui, et a ordonné aux loups de se jeter sur lui."

"Ils n'ont pas…" Severus sent son ventre se contracter et repose le café loin de lui.

"Non. Nous étions là, horrifiés. Nous… C'était nous. Il n'a pas souffert."

"Qui était-ce ?" demande Severus, et il se souvient de la culpabilité d'avoir tué Albus Dumbledore. Pas tout à fait un meurtrier, mais pas un innocent pour autant.

"Ron," expire Harry, et il prend une longue gorgée de son café. Severus se demande s'il ne devrait pas plutôt lui offrir du whisky.

"Je devrais le remercier pour avoir montré de la compassion à un ennemi en temps de guerre," dit Severus, bien que ce soit en partie pour lui-même.

"Vous voulez dire de la compassion envers un camarade de classe. Nous n'étions que des adolescents," corrige Harry. Severus se contente d'acquiescer.

"Vous ne pouvez pas de toute manière. Ron ne se souvient pas de l'avoir fait."

"Comment est-ce qu'il peut ne pas se souvenir ? Les loups-garous ne sont pas connus pour leurs bonnes manières, une rencontre avec eux est en général plutôt mémorable."

"Ça fait partie des souvenirs qui ont été pris."

"Hmm. Et miss Weasley ? Est-ce qu'elle pense enfin que vous êtes assez héroïque pour elle ?"

Severus n'est pas préparé à ce que le mug de Harry soit frappé sur la table, son contenu débordant et se renversant. Il n'a lu qu'un minimum de nouvelles dans la Gazette, et bien que ça a été gardé secret, le fait que Harry Potter est dorénavant célibataire n'est ignoré de personne.

"Elle a choisi de ne rien se souvenir de Voldemort. Pas de la bataille finale, pas des Carrows, pas de Ombrage, et pas plus de quand il l'a possédée en première année. Alors non, Snape. Je ne suis pas assez héroïque à ses yeux. Ma petite amie est allée à l'hôpital après la bataille pour retrouver un peu de paix de l'esprit, et elle en est ressortie sans se souvenir de qui j'étais."

Severus peut voir la défaite dans son regard, mais choisit de ne pas faire de commentaire. Il l'a déjà vu assez souvent dans son miroir.

"Et voilà, vous savez. La mort de Draco Malfoy a été le catalyseur. C'est à cet instant que mes amis ont découvert la valeur de la compassion, que Ginny a décidé qu'elle n'en pouvait plus des méchants hommes et des petits garçons effrayés, et que j'ai décidé que j'en avais assez. Je m'en foutais complètement du sacrifice. J'en avais fini."

"Et au final," continue Severus, parlant plus pour lui-même que Harry, "cela n'avait pas d'importance que vous vous sacrifiez pour eux ou bien pour vous-même. Vous avez quand même gagné."

"Vraiment?" demande Harry, passant une main tremblante dans ses cheveux en bataille. Ils sont mouillés et Severus peut voir la chair de poule sur la peau de Harry. Il résiste à l'envie ridicule de tenir la main du garçon dans la sienne jusqu'à ce qu'elle se réchauffe.

"J'y suis allé pour mourir, et j'ai parlé à Dumbledore dans l'entre deux. Au Purgatoire."

Les chaises de la cuisine sont impitoyables ; en effet, Harry s'agite inconfortablement tout en raconte son histoire. Mais Severus ne lui suggère jamais d'aller ailleurs, puisqu'il refuse de laisser la guerre entrer dans son salon et qu'il partage l'habitude de sa mère d'aller chercher refuge dans la cuisine.

"Vous avez rencontré Dumbledore pendant que vous étiez inconscient ?" demande Severus, et il a peu de doute que l'événement se soit réellement produit.

"Je ne pense pas que j'étais inconscient. Je pense que j'étais à moitié mort," répond Harry, ses sourcils froncés par la réflexion.

"Est-ce qu'il vous a parlé ? Ou est-ce qu'il a gardé le silence de manière exaspérante ?" attaque enfin Severus, se demandant pourquoi il est soudainement intéressé par cette chance d'être pardonné.

"Oh, il a parlé," confirme Harry, et il y a de l'amertume dans son ton maintenant. "Il a expliqué ce que le sacrifice avait fait, et que Voldemort serait mortel si je choisissais de revenir. Ou que je pourrais avancer et enfin rencontrer mes parents, voir à nouveau Sirius, savoir ce que ça faisait que d'avoir une famille. Je pouvais les entendre, Snape. Je pouvais entendre ma mère et mon père."

Severus exhale doucement. Ça fait dix-sept ans qu'il n'a pas parlé avec Lily. Pendant la guerre, quand Severus ne tenait que par un fil, il se demandait souvent à quel point il avait halluciné leur amitié.

"Et vos amis, Potter ? Est-ce que vous avez accordé une pensée à la manière dont vos amis réagiraient à votre mort ?" Il avait détesté l'enfant à Poudlard ; détesté que tout le monde lui ait donné le poids du monde à porter sur les épaules. Mais maintenant que Severus sait que cela a conduit Potter à sa mort, ce petit éclat de victoire sera à jamais teinté.

"Bien sûr que oui," Potter lui lance un regard furieux, "mais ça n'avait pas d'importance. Ils avaient leurs proches, et leurs familles. Je savais qu'ils iraient bien. J'étais enfin prêt à rencontrer ma famille."

"Et ? Le courage des Gryffondors vous a rattrapé au dernier moment."

"Vous n'avez vraiment pas compris, Snape ? J'ai choisi de mourir. De rester mort. Et Dumbledore a souri, et a sorti son regard pétillant, et m'a renvoyé en enfer."

Severus observe les mains de Harry, ses doigts pianotant sur la table.

"À la forêt," chuchote Severus, mais il ne regarde plus Harry. Il est en train d'imaginer comment Harry s'est relevé.

"Oui. Je me suis réveillé avec une douleur dans tout le corps, allongé dans la boue glaciale du sol de la forêt, avec trente Mangemorts autour de moi. Et ça n'a fait qu'empirer après ça," dit Harry, se levant et allant jusqu'à l'évier pour y mettre le mug. "Vous vouliez savoir comment j'étais devenu un meurtrier. Voilà comment ça s'est passé."

Severus acquiesce et termine son petit-déjeuner. Harry s'était peut-être réveillé entouré de Mangemorts, mais Severus est quasiment certain que ce ne sont pas leurs morts dont Potter se sent responsable. À ce point de la nuit, Severus était aux bons soins de l'elfe de maison, très loin du champ de bataille.

"Je reviendrai plus tard," marmonne Harry, dans l'embrasure de la porte. Ce n'est pas tout à fait formulé comme une question, mais Severus entend l'interrogation malgré tout.

"Apportez le dîner."

Avec un signe de tête, Harry passe rapidement la porte, les pas d'un homme habitué à se retirer en silence.

Severus est étourdi par la somme d'informations, la colère à peine cachée derrière des couches de choc en apprenant la vérité. Albus Dumbledore avait manipulé les deux camps selon sa volonté, mais d'avoir choisi la mort, d'avoir choisi sa famille, et de se la voir arrachée… Severus se lève et avance jusqu'à la gazinière, remuant et vérifiant l'apple butter qu'il a laissé mijoter pendant toute la nuit. Il est presque prêt, et le cottage embaume la tarte aux pommes. Severus ne peut pas apprécier ce parfum, se concentrant plutôt sur ce que se réveiller avec l'odeur de la terre, de l'humus et de la peur peut bien ressembler.

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La première fois que Severus voit Potter nu, il n'est absolument pas préparé et fini par se renverser du jus sur son haut. Il est debout, et passe devant la fenêtre du salon, quand il voit Harry Potter courir comme un dératé sur le chemin devant la maison, tenant un paquet de quelque chose dans les mains, et arborant un sourire des plus idiots. Il fait froid, à peine quinze degrés dehors, et les parties génitales de ce crétin se ballottent entre ses cuisses et son ventre comme un éléphant qui aurait des allergies. Severus va dans la cuisine, allume le feu sous la bouilloire, et va chercher un peignoir dans la salle d'eau.

"Je vous apporte du poisson !" dit l'homme, alors qu'il bondit dans la chaleur de la cuisine, et tend le paquet marron. Severus hausse un sourcil, et remarque la rougeur sur le visage de Potter, qui s'étend jusqu'à une traînée de poils autour de son nombril.

Si Potter ne tient pas particulièrement à se couvrir, Severus ne tiendra pas non plus à détourner le regard.

"Et ceci a causé la destruction de vos vêtements ?" Severus lui jette le peignoir et est presque agacé quand Potter l'attrape sans effort de sa main droite.

"Eh bien, non. Vous avez dit que les protections enregistraient tout ce qui entre dans votre propriété. J'ai pensé que des vêtements supplémentaires paraîtraient étranges."

Severus le fixe et a besoin d'un moment pour comprendre de quoi il peut bien parler.

"Vous portez aussi les vêtements quand vous sortez. Ainsi, ils ne restent pas ici, et sont enlevés de la liste. Idiot."

Harry se renfrogne après cette insulte, et la bonne humeur de son arrivée s'évapore presque instantanément.

"Comment je suis censé savoir comment ça fonctionne ? Je n'ai jamais été assigné à résidence avant."

Harry jette le poisson sur le comptoir, et ouvre l'un des tiroirs de la cuisine d'un grand geste. Il est un peu trop grand pour l'ouverture, et émet un grincement désagréable quand il le tire.

"Non ? Comment est-ce que vous appelez votre séjour chez votre famille moldue alors ?" raille Severus, faisant de grands pas jusqu'au frigo et en sortant des asperges. Il travaille rapidement tandis qu'il les lave et en coupe le bout. Harry travaille silencieusement à côté de lui, poussant parfois Severus de son coude pendant qu'il fait mariner le saumon.

"De l'esclavage," répond Harry avec un peu trop de retard pour en faire une réponse spirituelle. Il parle presque trop bas pour que Severus ne puisse l'entendre.

Severus passe son bras au-dessus des cheveux en bataille de Potter, et ouvre un placard, manquant de peu de le cogner au front.

"Les plaintes pour ça, vous pouvez les garder pour le cimetière."

Potter tressaille et Severus se sent un peu plus comme son ancien lui. Le saumon est envoyé dans le four, et Potter se tourne, laissant tomber les couverts sur la table d'un geste vif. Severus tient les assiettes dans ses mains et regarde avec curiosité tandis que Potter pose les couteaux et les fourchettes du mauvais côté.

"Partez si vous ne pouvez pas le supporter, Potter. Je ne vous retiens pas."

Harry se tourne et le fixe et Severus, pour une raison ou une autre, ressent le besoin de se préparer pour la suite. Cet homme, quoi qu'on en dise, a vaincu le Seigneur des Ténèbres. Severus ne sait pas comment, mais il comprend certainement le genre de désespoir nécessaire pour commettre un meurtre.

"J'ai parlé à Hermione aujourd'hui," dit plutôt Harry, et il prend place à la petite table. "Elle m'a dit qu'ils avaient enfin trouvé comment le sort avait rendu Ron sourd. Et aussi que le ministère refuse de lui rendre ses souvenirs."

Potter n'a vraiment aucune subtilité quand il veut changer de sujet de conversation, mais Severus admire le fait qu'il refuse de mordre trop facilement à l'hameçon maintenant.

"Ils refusent, comme s'ils les avaient perdus ?" demande Severus.

"Pas perdu. On dirait plutôt qu'ils les ont détruits."

"Ce qui rendrait vos souvenirs plutôt précieux, on dirait ?" conclut Snape, tapotant ses doigts sur la table. Il avait pour habitude de se passer les mains dans les cheveux quand il réfléchissait à quelque chose, mais depuis qu'il les a fait couper, Severus est guéri de cette manie.

"Oui, on dirait," accorde Harry, et son expression se fait sérieuse. "Ça pourrait aussi expliquer pourquoi je suis suivi."

"Je ne pense vraiment pas que quelqu'un pourrait vouloir voler vos souvenirs, Potter."

"Non, je ne pense pas que ce soit le cas non plus," accorde Harry. Il jette un coup d'œil au calendrier que Severus a suspendu au mur, à côté du frigo, celui qui détaille ses productions hebdomadaires. "Mais dans les journaux ils n'arrêtent pas de dire que le Monde Sorcier est de retour sur ses pieds, haut les coeurs, gardez courage, le monde est beau. Et s'ils ne voulaient pas que je partage mes souvenirs de ce qui s'est vraiment passé ?"

Severus a soudainement une sensation étrange dans l'estomac, une sensation qu'il a rarement, mais qui l'a parfois visitée la veille d'événements accablants. Il s'avance jusqu'au frigo, et tend la main au-dessus du congélateur, là où il conserve le vieux journal de cultures de son père. Son père avait souvent installé une petite serre au fond du jardin pour l'hiver, et avec les apparitions de plus en plus fréquentes de Potter, Severus va avoir besoin de plus de nourriture.

L'histoire est écrite par les vainqueurs, pense Severus en s'asseyant à la table.

"C'est une possibilité très perturbante, mais tout à fait réelle," admet-il enfin. Il tend la jambe, et cogne le carton qui est sous la table, la livraison du ministère pour la semaine. Une boîte de Dragées Victoire s'en échappe, et Severus les lorgne avec mépris.

"C'est drôle, j'étais à Poudlard l'autre jour, et j'ai entendu des gamins parler des Dragées Victoires," dit Harry avec un petit rire.

"Vous étiez à Poudlard," répète Severus avec son ton de professeur exprimant l'incrédulité la plus compète. "Vous m'avez bien dit que vous êtes suivi, on est d'accord ? Est-ce que garder profil bas a un sens dans votre petite caboche ?"

"Vous ne pouvez vraiment pas vous empêcher d'insulter les gens, hein ?" demande Potter, son agacement clair.

"Toutes mes excuses, Seigneur Potter. Et pourquoi vous êtes-vous donc aventuré à Poudlard ?"

Harry souffle, mais lui répond quand même. "Pour parler aux portraits. Ils ont pu me raconter pas mal de choses à propos de ce qui est arrivé aux occupants du château cette nuit-là."

"En effet," pondère Severus. "Ils devaient avoir un point de vue plutôt avantageux, j'imagine."

"Ouais. Enfin bon, ces deux gamins discutaient d'à quel point ils adorent les Dragées Victoires, et qu'ils pensaient que ça serait cool d'avoir des grenouilles Victoire aussi."

Cette fois, Severus ne feint qu'en partie l'expression écoeurée sur son visage.

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Potter ne passe pas la nuit au cottage. Non, plutôt il passe le début de matinée du vendredi (quand Severus est au marché) à déconstruire un vieux gant de toilette de Severus et à faire un étrange bricolage dans la cabane. Il est parti lorsque Severus revient, avec une nouvelle semaine de victuailles sous le bras, et l'auror qui attend sur le pas de sa porte.

Severus range ses courses pendant que l'auror vérifie ses sorts ainsi que la liste des objets de la semaine. Ses muscles sont tendus, parce qu'il ne sait pas exactement comment Potter va apparaître. Il a les reçus pour la nourriture supplémentaire cependant, et l'auror ne semble pas s'inquiéter de quoi que ce soit cette semaine. Severus range l'assiette qu'il a achetée au magasin d'occasion, pour remplacer celle qu'il a lancée à la tête de Potter. Il sait qu'il ferait mieux de ne rien acheter de neuf, étant donné qu'il s'est acheté une radio neuve en juillet et a failli se la faire confisquer immédiatement quand l'auror avait pensé qu'il l'avait volée.

"Avez-vous été en contact avec Harry Potter?" demande à nouveau l'auror.

"Vous êtes au courant que j'ai travaillé d'arrache-pied pour le faire exclure de Poudlard durant l'intégralité des six années qu'il y a passé, n'est-ce pas ?"

L'auror lui lance un regard critique.

"Vous cachez quelque chose. Est-ce que vous savez où il se trouve ?"

Severus a envie de rire de la transparence de l'auror, mais il ne veut pas risquer qu'on endommage ou confisque d'autres de ses biens.

"Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où il peut se trouver. C'est curieux, on dirait presque que vous l'avez perdu."

"Le ministère," et l'auror gonfle la poitrine en disant ces mots, "est intéressé par sa localisation pour des questions de sécurité et pour d'autres raisons."

"Pour sa sécurité, ou pour la vôtre ?" demande Severus, versant du thé dans la théière. "Néanmoins, je ne sais pas où il se trouve. En tant qu'adulte, cependant, j'imagine qu'il ne doit pas apprécier d'être suivi partout comme un petit chien, et doit donc prendre ses précautions pour éviter que cela ne se produise."

Il a réussi à s'arrêter avant que l'auror ne se sente proprement insulté, et l'homme part quelques instants plus tard.

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Harry revient dans la nuit de dimanche, et apporte des provisions. Severus regarde avec curiosité depuis la fenêtre de la cuisine tandis que Potter coince plusieurs sacs sous une pierre à côté d'une pile de terre, qu'il éparpille un peu. Il a un grand sac avec lui, et il a l'air de préparer une sorte de mise en scène. Severus se demande s'il ne devrait pas foutre Potter dehors, et reprendre sa routine quotidienne, mais ensuite, il décide qu'il apprécie la stimulation mentale que lui offre ce petit mystère, et qu'il peut s'accommoder de la compagnie.

Une fois dans le cottage, Potter place le sac sur la table, et sort une couette toute neuve pour le lit. Severus la convoite, ses yeux errent sur le matériel épais, et ses poches de bourres régulièrement espacées. Elle a l'air très confortable et terriblement onéreuse.

"Elle est enchantée pour avoir l'air d'une vieille couverture aux yeux des autres," explique fièrement Harry. Il sort un bout de papier qu'il lui tend. "Vous l'avez payée seulement quinze balles."

La seconde chose qu'il sort de son sac est une paire de sous-vêtements longs. Severus se souvient qu'on appelle ça des Long Johns. Ils sont noirs, fins, et Harry prétends qu'ils garderont la blessure à sa jambe des crampes. Severus a des doutes, mais décide qu'il n'y a pas de mal à les essayer.

"Et grâce à quelle aubaine ai-je pu me procurer tout cela ?" lâche Severus d'une voix traînante.

"Vous avez vendu de la terre." Harry a retiré ses chaussures devant la porte d'entrée, et s'avance maintenant vers l'échelle, emportant la couette avec lui.

"Pardon ?" demande Severus, et cela n'a rien à voir avec le fait qu'il soit poli.

"De la terre, de votre propriété. Mise en sacs, et vendue à des moldus en tant qu'engrais de première qualité. L'auror pensera que c'est ingénieux et futé, comme tout bon vieux Serpentard devrait l'être." Potter a monté l'échelle, et Severus regarde son ombre tandis qu'il étale la couverture sur le lit.

"Mr Potter, il n'y a pas de maisons dans la vraie vie. Ce serait excessivement stupide de votre part de penser que seuls les Serpentards sont malhonnêtes, les Serdaigles intelligents, les Gryffondors courageux, et les Poufsouffles diplomates."

Potter est silencieux, et Severus est sûr qu'il est en train d'y réfléchir. Il prend le paquet de sous-vêtements longs dans sa main, et remarque qu'ils proviennent d'une marque moldue, de Marks & Spencer. Il les suspend à l'échelle pour les emmener en haut, demain il est prévu qu'il fera encore très froid, et Severus va pouvoir les tester.

Severus se rend dans le salon, il approche le fauteuil du feu et s'installe confortablement. Il tire un petit papier de sa poche, une feuille sur laquelle sont notés les indices qu'il a considérés par intermittence tout au long de la journée.

"Potter !" appelle-t-il en passant en revue les détails. "La lettre que vous avez reçue, est-ce qu'il s'agit du même homme qui vous a abordé au sujet du discours ?"

Potter est encore en train de s'affairer à l'étage, mais il est littéralement à moins de six mètres de lui, et il n'est pas nécessaire d'élever la voix pour tenir une conversation.

"Ouais. Il a l'air d'un vieux con, aussi, avec ses belles robes très business et ses cheveux gris. Je l'ai vu sur le Chemin de Traverse aujourd'hui."

"Qu'est-ce que vous faisiez au Chemin de Traverse ?" interroge Severus. Il est soudainement très reconnaissant que ses efforts de guerre avec Potter soient de l'histoire ancienne, parce qu'il aurait certainement étranglé le gamin s'il avait dû travailler directement avec lui.

"J'étais sous couverture," le rassure Harry, bien que Severus ne se sente absolument pas rassuré. "Ça a l'air d'un beau bazar. J'avais juste l'intuition que je devais être là-bas."

"Bon dieu. Une intuition. Comment est-ce que vous avez survécu une année tout seul pendant votre chasse aux horcruxes ?"

"J'avais Hermione," admet Harry. "Enfin bon, j'avais cette intuition, et j'ai croisé Percy Weasley, vous imaginez. Je lui ai donné un faux prénom, et je lui ai dit que je travaillais avec ACCT."

"L'Associations des Commerçants du Chemin de Traverse ?" grogne Severus, plissant les yeux pour déchiffrer les pattes de mouches de Potter. Heureusement que l'opticien lui a promis que ses lunettes de lecture seraient prêtes d'ici une semaine, et qu'il a accepté de lui faire une réduction en échange de petits plats.

"C'était inscrit sous le nom de W. Terrence Cardogan, sur la lettre." Harry s'assied à l'étage, ses pieds reposant sur le dernier barreau de l'échelle.

"Comment est-ce que ça se fait que Percy Weasley ait pu conserver son emploi ?"

"C'est pas important ça," dit Harry avec impatience. "Il a entendu parler de ACCT, et c'est pas tout, ils ont des liens étroits avec le Ministère. Il m'a demandé si je me rendais à leur réunion de restructuration, avec le ministre et le magenmagot."

"Hmm," pondère Severus. Il tapote la page de ses doigts, une nouvelle habitude qu'il a prise quand il est plongé dans ses pensées. "Le Chemin de Traverse n'a pas été ravagé pendant la bataille finale."

"Non, en effet," Potter bâille à moitié en haut de l'échelle. "La question est, qu'est-ce qu'ils restructurent et pourquoi est-ce qu'autant d'officiels sont intéressés par ça ?"

"Ne vous endormez pas sur l'échelle, Potter," sermonne Severus, après s'être tourné et avoir remarqué que Potter piquait légèrement du nez.

"Je vais pas m'endormir."

"Pour combien de temps avez-vous préparé vos affaires ?" demande Severus en regardant le petit sac en toile noire qui a été à moitié caché derrière le canapé.

"Quelques nuits," dit Potter, très doucement.

"Au moins vous avez apporté une couverture," soupire Severus, prétendant être agacé alors qu'il se lève du fauteuil et se dirige vers l'échelle.

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La pluie n'avait encore jamais posé problème à Tolstoy jusqu'à maintenant, et Severus l'observe avec attention. Le garçon, qui jusqu'à maintenant avait toujours été méticuleux et calme, semble comme être démangé par des sortes d'insectes invisibles sur sa peau. Tostoy attend sur une chaise de la cuisine, et gazouille en direction de Severus. Le son ressemble presque à celui d'un oiseau, les gazouillis étant rapides et inintelligibles. C'est un comportement déconcertant, et Iain n'a jamais mentionné la marche à suivre si Tolstoy devient trop excité ou agité pour une raison.

Severus va pour sortir le déjeuner du frigo, tout en gardant un œil sur Tolstoy. S'il le faut, il peut charmer le garçon afin qu'il reste collé à la chaise, mais Severus ne veut pas gaspiller un sort s'il n'en a pas besoin.

Harry parcourt les quelques pas qui séparent le salon de la cuisine au cas où Severus aurait besoin d'aide, mais il est tout autant dans le flou face à ce comportement.

"Vous lui avez donné un drôle de truc à manger ?" demande Harry, décontenancé par le sourire inégal qui s'affiche sur le visage de Tolstoy. Harry ne l'a jamais vu… heureux.

"C'est pas encore l'heure du déjeuner, Potter. Je ne lui ai encore rien donné à manger," Severus résiste à la tentation de traiter Potter d'imbécile, mais il est vraiment évident, étant donné ce qu'il est en train de préparer, que personne n'a eu à manger pour l'instant.

Iain a seulement demandé à Severus de surveiller Tolstoy jusqu'au dîner, cinq heures de plus que ce que le garçon passe chez lui d'habitude.

"Erik, est-ce que tu as pris quelque chose ?" appelle Severus, mais il n'est pas surpris quand Tolstoy n'a aucune réaction. Les gazouillements continuent, et sont maintenant accompagnés de battements des mains excités.

"Tolstoy. Raconte-moi ce que tu as mangé aujourd'hui," essaye encore Severus. Cette fois-ci, Tolstoy tourne légèrement la tête et descend de sa chaise. Severus et Harry le suivent du regard pendant que Tolstoy traîne légèrement des pieds sur le sol en pierre. Il se dirige tout droit vers le placard contre lequel Harry s'est adossé, et fait aussi rouler sa langue quand il gazouille. Tolstoy saisit la poignée du placard, la fixant du regard, et gazouillant jusqu'à ce que Harry s'écarte. Il n'est pas suffisamment rapide, cependant, quand Tolstoï ouvre la porte en grand, et que la poignée percute Harry.

Harry tombe comme une masse, ses mains sur son entrejambe, pantelant. Severus grimace par empathie, pas assez froid pour s'amuser de ce genre de douleur. Il est sur le point d'offrir de la glace quand il voit que Tolstoy tient un petit paquet qu'il a tiré du placard maintenant ouvert, affichant un immense sourire. Les gazouillis se sont changés en une répétition de 'sucrerie.'

"Potter. Il tient une boîte ouverte de Dragées Victoire," décrit Severus, plongé dans ses pensées.

"Je m'en fous de vos putain de Dragées Victoires !" siffle Harry, plié en deux au sol. "Il m'a frappé dans les couilles !"

"Vous ne vous attendez pas à ce que je vous fasse un bisou magique, non ?" lâche Severus d'un ton pince-sans-rire, son expression un mélange d'amusement et d'horreur.

Harry grogne, et Severus sait que si Tolstoy n'était pas ici, il aurait reçu une réponse beaucoup plus vulgaire.

Tostoy a déversé le contenu de la boite de Dragées Victoire sur la table, et est en train de les aligner. Severus inspecte la boîte, cherchant la liste des ingrédients contenus. Les nourritures magiques mentionnent rarement la totalité de leurs ingrédients et Severus n'est pas surpris de trouver peu d'informations. Il observe les dragées, et l'expression heureuse de Tostoy. Le garçon bourdonne presque d'excitation.

Au sol, Harry parvient à se redresser et à se traîner jusqu'à une chaise de la cuisine.

"Je me sens un peu mal," grimace-t-il. Severus agit par automatisme, allant jusqu'au placard à côté de celui où il range les mugs et sortant une fiole de potion anti-nausée. Il se tourne pour la passer à Harry et se fige, fixant la bouteille.

"Est-ce que vous pouvez aller me chercher une boîte de Dragées Surprises de Bertie Crochue traditionnelles, Potter ?" demande Severus, parlant à la bouteille et l'étudiant de plus près, comme s'il s'agissait des restes d'une potion qui aurait explosé spontanément.

"Pas maintenant, je peux pas," lui parvient comme réponse, et le visage d'Harry a pris une teinte étrangement pâle. Severus remarque cela et lui tend la fiole avec empressement, ne voulant pas avoir à nettoyer du vomi dans sa cuisine.