25 octobre
Première danse (First dance)
Quand celui qui n'était encore que l'un des nombreux enfants du comte de Locksley avait vu la future Lady Locksley pour la première fois, il avait tout de suite été foudroyé sur place.
Elle n'était pas plus belle, plus intelligente ou plus cultivée que les autres. Elle n'avait pas non plus de ces petites fantaisies qui attirent parfois l'œil, des maladresses particulières, une robe plus colorée, des habitudes alimentaires étonnantes. Elle était juste ordinaire… C'était une jeune fille blonde, aux yeux bleus, qui portait une vêture tout à fait charmante mais banale, qui riait aux plaisanteries qui faisaient rire tout le monde, qui écoutait quand il le fallait et qu'il répondait quand c'était le bon moment, des choses tranquilles et vraies mais qui ne révolutionnaient pas non plus la conversation.
Cependant, il y avait quelque chose qui se dégageait de son visage. Quelque chose de doux et de bon. C'était une jeune femme remplie d'amour et de joie de vivre et le futur Lord Locksley le devina instantanément. Il la regarda longuement pendant toute la soirée et la jeune fille, loin de se troubler, lui sourit gentiment et lui fit signe de la main une ou deux fois.
Elle n'avait jamais eu l'occasion de danser à une fête. Dès que le jeune homme l'apprit, il eut envie de lui offrir sa toute première valse, pour qu'elle n'oublie jamais ce moment.
« Oh ! C'est avec plaisir, dit-elle avec un sourire quand il bouscula – mais avec subtilité – les sièges qui se trouvaient entre eux pour la rejoindre avant que quelqu'un d'autre ne le fasse.
-Merci ! J'espère que cette danse sera à la hauteur de vos attentes, répondit-il.
-Bien sûr ! Pourquoi ne le serait-elle pas ? »
Les deux futurs époux avaient donc dansé à cette réception et cette valse avait scellé leur lien, qui durerait sans nuages à travers les années. Ils étaient faits pour être ensemble et ils avaient profondément besoin l'un de l'autre. De leur union naquit un petit garçon adorable qui bénéficia de tout cet amour et d'un environnement propice à son épanouissement, grâce à leur très saine relation.
Deux décennies plus tard, en passant à cheval à travers les champs humides de rosée, Lord Locksley croisa le regard d'une paysanne qui cueillait des herbes au bord du lopin de terre de son père, ses cheveux châtain clair abrités de la bruine par un fichu vert. Elle leva le regard en l'entendant passer et il croisa son regard vert, profond comme les émeraudes. Elle était très belle. Le comte sentit son cœur bondir dans sa poitrine.
Il essaya de se persuader qu'il ne devait pas céder à ses envies, qu'il ne faisait pas partie de la vie de cette jeune femme et qu'ils n'avaient aucun avenir ensemble. Mais elle était si hypnotique et son esprit ne pouvait pas arrêter de penser à elle.
Alors, un soir, à la faveur d'une fête paysanne dont il avait aperçu la préparation, il revint au village où il avait vu la jeune femme, déguisé en marchand. Sur la place principale, des couples dansaient. La paysanne n'avait jamais participé à une telle activité et elle attendait sur le côté, un peu timide.
« M'accorderez-vous cette danse ? demanda Lord Locksley en apparaissant devant elle et en lui tendant la main.
-Oh ! Bien sûr, répondit la paysanne en plongeant dans ses yeux; elle l'avait évidemment reconnu. »
Lord Locksley repensa à Lady Locksley à ce moment-là et il sut, au fond de son cœur, qu'elle aurait aimé qu'il soit heureux. Alors, en la remerciant silencieusement, il plongea dans le regard de l'inconnue.
Les deux futurs amants s'enfuirent ensuite dans les granges derrière le village et s'y aimèrent profondément durant de longs mois. De leur union naquit un petit garçon adorable qui bénéficia de l'amour débordant de sa mère.
C'était les deux seules femmes, une comtesse et une paysanne, que Lord Locksley aima vraiment de toute sa vie. Et il avait toujours été leur première danse… comme les prémices d'un rêve dans lequel ils s'engouffrèrent volontiers, portés par la grâce de leur amour.
