Ce texte a été rédigé suite à la cent cinquante-quatrième nuit du FoF, inspiré par le thème « sable ». Pour plus d'informations vous pouvez m'envoyer un mp.
En-dehors du très épisodique tournoi des Trois Sorciers, il fallait convenir que la communauté britannique de Poudlard vivait assez repliée sur elle-même, ce qui favorisait des comportements, au mieux grégaires, au pire sectaires. Les élèves étaient, de fait, mal préparés à s'ouvrir à la communauté internationale. Les anciens élèves préféraient rester entre eux, et encore plus entre anciens de la même Maison.
La directrice McGonagall avait donc décidé de profiter des anciennes relations internationales de Dumbledore pour tenter de remédier à cet état de fait. Elle avait également recherché de nouveaux contacts extérieurs, et elle avait encouragé ses différents professeurs à faire de même, avec plus ou moins de bonheur. Outre les Patil, les Chang, et autres familles sorcières aux liens encore étroits avec les communautés étrangères, certains de ces contacts lui avaient été fournis par des sources aussi inattendues que les Lovegood ou les Londubat. Mais peu importaient les moyens, l'objectif était d'ouvrir Poudlard à d'autres cultures, d'autres formes de magie, aussi diversifiées que possible.
Elle avait instauré, cette année-là, une série de séminaires, qui se déroulaient un samedi après-midi par mois. Les élèves qui y participaient étaient censés être pour la moitié des inscrits d'office – en faisait tourner les inscrits sur l'ensemble des années et des Maisons – et pour l'autre moitié des volontaires. Cette proportion de volontaires s'était d'abord grandement limitée à une poignée de Serdaigles aventureux, enthousiastes à l'idée de nouvelles connaissances à engranger. Mais la diversité des cultures, et de leur approche de la magie, avait nourri la curiosité initialement hésitante des élèves, qui avaient fini par se prendre au jeu de ces ateliers de découverte.
En premier lieu, il y avait eu les danses amérindiennes, où les parures de plumes et de pigments avaient commencé par susciter méfiance et dérision, plus encore que l'hypothétique possibilité de modifier ensemble et ponctuellement le climat au-dessus de Poudlard. Mais leur premier intervenant, Isha Smith, ne s'était pas laissé démonter par cet a priori dénigrant. Après avoir expliqué patiemment les symboles mis en jeu, il avait d'autorité coiffé et marqué chaque élève, avant de les placer fermement dans le cercle de danse, autour du totem que la Salle sur Demande avait érigé. La musique des percussions et des mélopées avait alors entraîné les participants dans un mouvement rythmé et synchronisé qu'ils ne se soupçonnaient pas être capables de pratiquer ou maintenir. Ils n'avaient presque pas perçu leurs corps bouger, portés par les autres, et s'étaient même retrouvés étrangement délassés, et en même temps conscients du moindre souffle sur leur peau. Et ils s'étaient sentis à la fois surpris et victorieux quand les nuages de cette après-midi pluvieuse s'étaient déchirés pour laisser place à un large rayon de soleil, dont ils avaient ensuite pu profiter dans le parc. Aucun n'avait regretté sa participation, même quand elle avait été imposée.
La cérémonie d'invocation à la Pachamama, qui avait eu lieu le mois suivant, avait réuni, en plus des participants obligés, les professeurs et étudiants de botanique. Elle s'était déroulée en lisière de la Forêt Interdite, autour d'une grande pierre abattue qui avait été choisie comme autel. En ce temps d'automne avancé, les élèves avaient été tout étonnés par l'exubérance exotique des fleurs rapportées de l'autre hémisphère par Wayra Chuquisengo. Mais ils avaient dûment aidé à les disposer autour de l'autel, accompagnées des multiples bougies colorées et des offrandes de bonbons. Wayra avait ensuite allongé la chicha cérémonielle d'un peu plus d'eau que d'habitude, afin de permettre à chacun d'y goûter. Les feuilles de coca avaient été reçues avec circonspection : peu s'étaient d'abord risqués à les mâcher dans un coin de la joue, mais le défi silencieux de faire de même avait conduit les autres à suivre leur exemple. Dans la fumée du tabac expirée par leur guide, debout autour de l'autel improvisé, ils avaient ensuite écouté longuement les mythes hérités des Incas, ainsi que les vieilles chansons en quechua. Et, pris dans l'élan communiqué par Wayra, tous avaient prié en leur langue pour la déesse-mère, qui s'apprêtait en Angleterre à retourner en dormance, prié pour son retour avec plus de force et de générosité au printemps prochain. La promesse de meilleurs résultats avec les plantes n'avait pas été vaine, et plus d'un avait pu en constater les effets au cours du mois suivant.
Dans l'immobilité feutrée de l'hiver, en plus petit comité d'une dizaine d'élèves soigneusement sélectionnés pour leurs difficultés relationnelles, avait eu lieu la cérémonie du thé. Takahashi Akemi leur en avait expliqué d'abord les étapes, sans préciser l'effet que cette cérémonie pourrait avoir sur leur magie : elle préférait les laisser ressentir eux-mêmes les résultats. Par ailleurs, les deux Serdaigles qui avaient fait les recherches adéquates étaient trop rationnels pour y prêter foi. Quelques aménagements s'étaient cependant imposés : les élèves anglais avaient eu l'autorisation de s'installer en tailleur, sur les tatamis qui recouvraient pour l'occasion le sol de la salle de classe, et on les laissa porter leur uniforme habituel. Puis, impressionnés par la grâce élégante d'Akemi, ils s'étaient laissé guider par les gestes mesurés et cérémoniels, plongeant sans le vouloir dans un profond silence méditatif. Les wagashi sucrés avaient agréablement adouci le palais avant l'amertume de l'épais thé vert. Et de geste en geste, de court commentaire des rouleaux de calligraphie en silence attentif, ils avaient atteint insensiblement et collectivement un état de sérénité qui effaçait toute distance sociale et toute velléité d'agression. Ils en étaient ressortis à pas feutrés, toujours en demi-silence et presque fâchés de devoir se séparer, la magie et les sens adoucis par l'expérience commune.
Le mois suivant vit toutes les places destinées aux volontaires être prises d'assaut par les adolescents en quête de rébellion ; il fallut tirer au sort. Manua Tetuani les introduisit en effet aux tatouages polynésiens. Ceux qui craignaient ou espéraient d'être marqués de manière permanente furent bientôt rassurés ou déçus, car même si les siens étaient définitifs, et gravés traditionnellement sans le secours d'un anesthésiant, ceux qu'il allait proposer aux élèves de Poudlard s'effaceraient après une bonne douche. Manua fascina les participants en leur montrant comment les grands tatouages noirs qui martelaient ses bras musclés, son torse imberbe et la moitié de son visage, lui permettaient d'exercer sa magie, lançant sort après sort sans le secours de la moindre baguette, mais avec une précision redoutable. Il encouragea les élèves à choisir la poudre de charbon qui s'accordait le mieux avec le bois de leur baguette, et leur proposa divers sortilèges à tatouer de manière éphémère sur leur peau. Tous ne réussirent pas à respecter le tracé, et moins encore obtinrent les effets convoités, mais suffisamment reçurent les compliments de Manua pour un Lumos, un Accio, ou, pour le plus ambitieux, un Expecto Patronum, lancés dans l'éclat bref et unique du charbon s'activant en une vague sur la peau. On regretta souvent la douche qui suivit, charmé du potentiel de cette pratique.
Avec la nouvelle année survint Amrita Dudul, dans sa robe de safran au pli drapé sur son bras. Elle apportait à Poudlard de petites boîtes de sables colorés, constitués de poudre de marbre et de colorants naturels. Fermement mais avec bienveillance, elle regroupa les jeunes participants dans la salle de bal, leur commandant de former des cercles de quatre personnes, un à chaque point cardinal. Puis, de sa baguette, elle traça un grand mandala géométrique au centre de chaque cercle. Alors, de sa voix posée que les sortilèges de traduction portaient à leurs oreilles, elle leur expliqua l'équilibre recherché entre les cinq éléments – la terre, l'eau, le feu, le vent et l'espace – et la manière dont cet équilibre nourri par leur magie ouvrirait leur esprit à une plus haute spiritualité, préparant aux arts mentaux comme l'occlumancie et la légilimancie. Le scepticisme qui suivit cette explication fut tempéré par les transes précédemment ressenties par les élèves dans d'autres ateliers : l'expérience leur avait appris que la magie pouvait en effet se manifester et se ressentir différemment selon le médium utilisé. Alors, ils se laissèrent guider au son des bols tibétains qui résonnaient à différentes fréquences : ils déposèrent d'abord le sable violet pour ouvrir leur spiritualité, puis le sable orange pour renoncer à leurs distractions quotidiennes, le sable bleu pour s'ouvrir à la compassion, … Appliqués à remplir en points et vagues le tracé du mandala, ils oublièrent peu à peu tout leur environnement, hypnotisés par le doux écoulement du sable coloré, sans bruit autre que la vibration des bols et leurs respirations se mettant à l'unisson, soigneusement mesurées et apaisées pour ne pas déranger le motif qui se créait au bout de leurs doigts. Deux heures passèrent insensiblement, où leur perception s'affina tout en se rétrécissant, les laissant face à eux-mêmes, leur humanité, leurs aspirations à un idéal. Le mandala complété, la main reposée inconsciemment à leur côté, ils restèrent suspendus dans le temps et l'immensité jusqu'à ce qu'Amrita passe balayer chaque mandala un par un, rompant leur transe. Et ils quittèrent la salle, toujours muets, chérissant la clarté et l'éveil qu'ils avaient gagné sur eux-mêmes.
Les séminaires suivants ne désemplirent pas : il y eut encore les masques africains, les poupées vaudou, le chamanisme sibérien, les délicates danses indonésiennes, ... À chaque mois correspondit la découverte d'une nouvelle culture et d'une nouvelle manière d'exercer la magie.
On proposa également aux élèves de trouver des correspondants dans les diverses nations présentées, et les candidats se firent de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l'année. D'enrichissantes amitiés commencèrent à se nouer à travers le monde, simplifiées par les sortilèges de traduction que presque tous les élèves de Poudlard étaient désormais capables de jeter sur un parchemin ou sur leurs oreilles.
Il y eut bien des protestations de la part de certains parents ou de certains élèves, vent debout contre l'incursion de ces pratiques étrangères et le dévoiement de la tradition de Poudlard. Mais McGonagall sut gérer ces accusations avec tact et fermeté, restant fidèle à sa ligne de conduite. D'ailleurs, la majorité était bienveillante, heureuse et curieuse de découvrir ces nouvelles pratiques.
Les résultats aux B.U.S.E. et A.S.P.I.C. ne furent pas meilleurs que les autres années.
Les demandes d'introduction auprès du Département de la Coopération Magique Internationale furent nombreuses, et plus d'un élève décida de prendre un congé sabbatique pour aller se former dans une autre approche de la magie.
McGonagall avait gagné son pari.
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