31. La semaine des mûres
Ginny ne revint pas dans le salon avant un bon moment. Je devenais de plus en plus nerveuse quand, presque une demi-heure après que nous ayons suivi les enfants à l'intérieur de Drakeshaugh, elle grimpa finalement les escaliers avec un plateau de thé chargé. Elle se déplaçait bien plus rapidement que je n'aurais osé avec une telle charge.
Son arrivée et son apparence bien plus détendue fit s'évaporer les pensées paranoïaques qui flottaient dans ma tête. Elle ne s'était pas effondrée ou n'avait pas pleuré toute seule dans la cuisine. Quoi qui ait été dit pendant sa discussion avec son mari, cela l'avait visiblement apaisée. Elle restait abattue par la tragédie, évidemment, mais l'anxiété qu'elle avait révélé quand nous nous étions retrouvées sur le chemin avait presque entièrement disparu.
Les enfants avaient depuis longtemps terminé leurs jus de fruits et leurs cakes. Ils étaient tous allongés par terre, jouant avec le petit train en bois. Henry et James essayaient également de réciter 'Nous partons à la Chasse à l'Ours' à leurs frère et sœurs. Comme les garçons s'interrompaient, se corrigeaient et se détournaient constamment l'un l'autre, l'histoire n'avançait pas très vite.
Quand ils commencèrent leur récit décousu, je leur demandais le contexte. Ils me dirent que 'Mademoiselle' leur avait raconté l'histoire cet après-midi-là et qu'ils avaient été encouragés à intervenir. Leur tentative divertissante, si ce n'est incohérente, à raconter l'histoire s'était conclue seulement quelques minutes avant que Ginny n'arrive. Elle regarda longuement les enfants jouant joyeusement avant de poser le plateau de thé sur la table basse et de m'offrir un sourire reconnaissant. Ils étaient sérieusement absorbés par le travail sérieux qu'était la construction d'un circuit de petit train. Pendant qu'ils jouaient, leur discussion continuait de virevolter à un rythme étourdissant entre ce qui s'était passé à l'école et quelle direction devait prendre le circuit.
"J'ai parlé à Harry," me dit Ginny l'air heureux. "Il avait dit à Martha – sa secrétaire – qu'il était trop occupé pour prendre les appels de qui que ce soit, y compris moi." Ses yeux lancèrent des flammes et je savais qu'il allait avoir des problèmes. "Mais elle et moi avons un arrangement elle a ignoré son ordre et me l'a passé quand même. Il avait l'intention de rester travailler toute la nuit, mais je lui ai dit qu'il allait rentrer à la maison."
"Bien," dis-je. "Il a besoin de déconnecter, de décompresser."
"Exactement !" Elle hocha vigoureusement la tête. "Des fois il est son propre pire ennemi. Après tout, il devrait savoir depuis le temps qu'il a ses meilleures idées quand il est reposé." Elle secoua la tête avec agacement. "Du thé ?"
"S'il te plaît," dis-je.
"Oui, merci," ajouta James alors qu'elle servait le thé.
"Et moi," ajouta Henry, ne voulant visiblement pas être en reste.
"É moi, siteuplé," demanda Annie.
"Je vais chercher d'autres tasses," dit Ginny.
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"Je vais partir tôt demain matin, donc je prendrai le petit déjeuner avec toi," annonçais-je à Mike. "Je vais déposer Annie à Drakeshaugh, récupérer James et ensuite descendre à pied jusqu'à l'école avec lui et Henry."
"Tu es vraiment une perle," répondit-il en souriant. "Est-ce que je peux faire quelque chose pour aider ?"
"Pas demain," dis-je, "mais Ginny veut garder samedi le plus normal possible pour les enfants…" J'hésitais, attendant que mon mari fasse le lien.
"Harry va travailler toute la journée samedi, c'est ça ?" nota Mike. "On a déjà réussi à faire le trajet jusqu'à la piscine sans lui une fois, on peut facilement le refaire." Adossé dans le canapé perdu dans ses pensées, il se décala pour mieux voir mon visage.
"Tu sais, Jacqui, avant qu'on n'ait emménagé ici, on a passé une éternité à discuter pour savoir si c'était la bonne chose à faire," me rappela-t-il. "On a parlé de l'isolement dans lequel on serait et des problèmes auxquels on devrait probablement faire face, et – après énormément de discussions – on a décidé qu'on s'en sortirait. Mais on avait deux voitures, même à l'époque, parce qu'on en avait besoin ! Harry et Ginny ont déménagé jusqu'ici malgré le fait que Ginny n'ait même pas passé son permis de conduire ! Elle n'est pas moins isolée à Drakeshaugh que coincée là-bas. Je me demande s'ils ont vraiment réfléchi aux conséquences de leur déménagement. J'espère que l'éloignement de cet endroit ne lui pèse pas."
"Tu penses que ça pourrait ?" demandais-je anxieusement.
"J'sais pas," admit-il.
J'observais mon mari rassembler soigneusement ses pensées et essayer de leur donner du sens. "Ce ne sera probablement pas le cas. Elle a l'air d'être une vraie fille de la campagne, comme toi. Elle est parfaitement à l'aise à la campagne avec ses enfants et ses poules. Mais quand Harry n'est pas dans le coin, elle ne peut littéralement aller nulle part, du moins pas sans l'assistance de voisins amicaux. Il n'y a même pas de bus qui monte jusqu'ici ! Je suis juste…" Mike marqua une pause. "Quand je donnais le bain aux enfants, Henry m'a dit que James était 'son plus meilleur ami de tout le monde'. Je crois que je suis juste un peu inquiet de ce qui se passerait s'ils décidaient qu'ils ne pouvaient pas s'y faire, vivre aussi loin ici, et qu'ils partaient. C'est un sacré changement par rapport à là où ils vivaient, à Londres."
J'étais sur le point de l'interrompre, mais il me fit taire d'un geste. "Je sais, je sais !" dit-il avec un sourire. "On ne peut pas emballer nos enfants dans du papier bulle. Se faire, et perdre, des amis fait partie de la vie. Mais soyons sérieux, Jacqui, il n'y a aucun autre garçon de l'âge de Henry à l'école, et aucun des garçons plus âgés n'est à peine aussi proche de lui, physiquement ou en termes d'amitié, que James. Leur amitié leur fait du bien à tous les deux." Il soupira. "Je m'inquiète probablement pour rien, désolé."
"Je n'appellerais pas vraiment le bonheur de notre fils 'rien' !" Je me penchais en avant et l'embrassais.
"Il n'y a rien qu'on puisse y faire," admit-il. "Et de toute façon, ils pourraient se disputer demain."
"Improbable," dis-je. Je fis un geste d'impuissance.
"Donc, qu'est-ce que c'était que cette bataille que Ginny a mentionné, celle à laquelle cette pauvre vieille Polly à survécu ?"demanda-t-il. Quand il commença à parler, il souriait toujours de mon baiser, mais le temps qu'il atteigne sa question, ses yeux avaient un air lointain mélancolique. Je savais qu'il se remémorait notre brève rencontre avec cette femme. "Une idée ?"
Mike relevait souvent des choses qui m'échappaient, mais je ne voyais pas l'intérêt de sa question.
"Je n'ai pas demandé," admis-je. "Quand je suis arrivée à Drakeshaugh, après avoir récupéré James et Henry, elle était… Pour être honnête, Mike, je n'avais jamais vu Ginny aussi effondrée. Tout ce que j'ai fait, c'est écouter et essayer de lui remonter le moral. Même si au final tout ce dont elle avait besoin pour ça c'était d'un coup de téléphone à Harry ! Quel aurait été l'intérêt de la questionner sur un quelconque combat auquel Polly avait survécu ?" Posant ma tête sur son épaule, j'attendis qu'il passe son bras autour de moi avant de continuer.
"Ginny n'en sait probablement pas grand-chose. Je veux dire, elle a dit quelque chose à propos de 'quatre-vingt-dix-huit", je crois. Ce n'est pas comme si elle avait été là, si ? En quatre-vingt-dix-huit, Ginny était probablement – certainement – encore à l'école ! Mais elle n'était pas vraiment claire. Elle a parlé d'il y a onze ans, et d'une bataille, et de quatre-vingt-dix-huit, mais pour ce que j'en sais ça pourrait très bien être trois événements différents. C'est probablement le cas."
"Vrai," reconnut Mike. Il soupira. "C'est bizarre de penser qu'on l'a rencontrée il y a quelques semaines et que maintenant…" Il laissa sa phrase s'estomper.
"Et maintenant tu ne sauras jamais où était son tatouage d'hippogriffe."
"Jack !" Il était choqué.
"On ne l'a rencontrée qu'une seule fois, mais c'était suffisant pour savoir qu'elle aurait été la première à en rire."
Il eut un léger rire. "Oui," approuva-t-il. "Je pense qu'elle l'aurait fait."
Nous restâmes assis en silence en nous serrant l'un contre l'autre.
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Le lendemain matin, alors que je déposais James et Henry à l'école, je me retrouvais une fois de plus assiégée. Encerclée par un mur infranchissable de mères, dont le fleuve de questions assaillait sans relâche mes défenses, je n'eus d'autre alternative que de leur dire tout ce que je savais. Une des employées de Harry était morte. Non, elle ne s'était pas fait tirer dessus. Elle avait été dans une cave et elle s'était effondrée. Je n'avais aucune idée s'il y avait eu une explosion, parce que l'enquête était en cours. Je n'avais pas la moindre idée de pourquoi ça n'avait pas été aux informations.
"Tu n'en sais vraiment pas beaucoup, tu ne trouves pas ?" observa Amanda. Avec Mary silencieuse, il me semblait qu'Amanda avait décidé d'affûter sa propre langue.
J'admis ne pas en savoir plus. Étouffant encore plus de réparties cinglantes qui s'empilaient dans ma gorge, je dis simplement "Polly Protheroe est morte, Ginny est bouleversée et Harry est occupé. Je ne suis pas prête à leur demander tous les détails."
"Polly Protheroe !" Amanda bondit sur mon commentaire. "Tu connais son nom. Est-ce que c'était une des femmes à la fête de Harry ? Est-ce que c'était celle aux cheveux courts, la femme avec le mari hippie bizarre ?"
Je secouais la tête. "Polly n'était pas à la fête."
"Tu ne peux pas en être sûre," dit dédaigneusement Amanda. "Je suis sûre que tu n'as pas rencontré tout le monde."
"Je le peux, parce que je l'ai rencontrée quelques semaines avant la fête," répondis-je. Je regrettais mes paroles à l'instant où elles furent sorties de ma bouche.
Amanda commença immédiatement à me harceler pour plus de détails. Était-elle jeune ou vieille ? Est-ce qu'elle avait l'air d'un agent secret ? Face à cette offensive, il fut facile pour moi de décider de ne pas partager mes impressions de la Goth excentrique. Le faire ne mènerait qu'à encore plus de questions et je savais que je n'étais capable de répondre à aucune. Tout ce que je dis, c'est que c'était une rencontre très brève, qu'elle avait l'air d'avoir la quarantaine et qu'elle semblait sympathique.
Alors que j'essayais d'échapper à mes interrogatrices, Amanda abattit sa dernière carte. "Je pense que je vais passer voir Ginny pour lui dire que nous pensons toutes à elle. Est-ce que je t'emmène ?"
"Tu n'as pas besoin d'y aller," dis-je. "Je peux lui dire pour toi."
"Je préfère le faire moi-même," me dit-elle, réussissant incroyablement à sous-entendre qu'elle ne me faisait pas confiance pour transmettre le message. "Ma voiture est par là, viens."
C'était un ordre, pas une requête. Malgré cela, je l'ignorais.
"Non, merci Amanda. La marche me fera du bien."
"Ne sois pas ridicule. J'ai ma voiture juste là et tu as laissé la tienne à Drakeshaugh."
"Je préfère marcher," dis-je avec entêtement. "Et Ginny ne t'attendra pas." J'essayais d'étayer mon argumentaire avec autant d'arguments que je pouvais, mais c'était une raison pathétique.
Il était évident qu'Amanda n'allait pas relever mon sous-entendu. Le plus infime des secouements de sa tête m'indiqua que j'avais entièrement échoué. "Tu peux marcher si ça te chante," me dit-elle. "Quand je serais là-bas, je lui demanderais de mettre la bouilloire en route, d'accord ?"
"Elle sera allumée de toute façon." Je sentis la nécessité de défendre mon amie contre ce qui me semblait être une autre insulte voilée. "Ginny sait combien de temps il me faudra pour revenir à pied."
Secouant à nouveau la tête, Amanda monta dans sa voiture et se mit en route. Je la regardais partir et me demandais si je ne devrais pas appeler Ginny pour la prévenir. Ce fut alors que je remarquais que j'avais laissé mon sac, et avec lui mon téléphone, dans ma voiture.
J'étais à peu près à mi-chemin du chemin vers Drakeshaugh quand Amanda me croisa à vive allure, se dirigeant dans la direction opposée. Je remarquais l'expression inquiète sur son visage et me demandais ce qui avait pu se passer. Il me semblait improbable qu'elle ait eu assez de temps pour aller jusqu'à la maison des Potter. Qu'est-ce qui avait pu la faire changer d'avis ?
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Dès que j'entrais dans Drakeshaugh, il s'avéra que je ne m'étais pas trompée. La bouilloire commençait à frémir. La seconde chose que je fis – après avoir d'abord dorloté Annie, Al et Lily qui jouaient avec l'alphabet en brique de bois sur le sol de la cuisine – fut de raconter à Ginny ce qui s'était passé au portail de l'école. Elle fut assez amusée.
"Café ou thé ?" demanda-t-elle. Une grosse cafetière se dressait, prête à l'usage, sur le comptoir il était évident que Ginny allait prendre un café.
"Un café m'ira bien," lui dis-je.
"À quelle distance d'ici tu penses qu'elle s'est approchée ?" demanda Ginny en versant l'eau sur le café moulu.
Observant Ginny travailler, j'y réfléchis quelques instants. "Je ne suis pas sûre," répondis-je. "Je ne pense pas qu'elle soit allée plus loin que la barrière vers le chemin. Elle n'était pas verrouillée, n'est-ce pas ? Je ne sais pas parce que j'ai utilisé le portillon."
"Non," m'assura Ginny. "Elle n'est jamais verrouillée. Et Amanda avait l'air inquiète ?"
"C'est ce que j'ai pensé, oui," confirmais-je, essayant de décrypter le visage de Ginny. J'étais presque sûre qu'elle était contente du fait qu'Amanda ne soit pas arrivée à l'improviste, mais sous cela il semblait y avoir une autre réaction plus malicieuse.
"Tu n'appréhendes jamais de me rendre visite, n'est-ce pas Jacqui ?" demanda Ginny en appuyant sur le piston.
"Quelle étrange question," dis-je. "Bien évidemment que non. Je suis certaine que personne ne pourrait redouter de te rendre visite, Ginny," ajoutais-je sur un ton rassurant. Je m'inquiétais pour mon amie il semblait qu'elle craigne de devenir une paria sociale.
"Tu n'as pas idée de combien tu es spéciale, Jacqui," me dit-elle avec un sourire malicieux. "Lait, crème ou noir ?" Elle souleva la cafetière.
"Du lait, s'il te plaît. Demi-écrémé, si tu en as. Je ne suis absolument pas spéciale," protestais-je. "Je suis vraiment très ordinaire, même ennuyeuse."
Elle reposa la cafetière sans servir, avança jusqu'à moi et m'étreignit. "Pense ce que tu veux, Jacqui. Mais crois-moi, tu n'es pas ordinaire."
"Mike me dit que je suis extraordinaire," admis-je. "Mais je pense qu'il me taquine probablement. Après tout, à la façon dont il utilise ce mot, ça pourrait vouloir dire n'importe quoi !"
"C'est un brave type. Je suis certaine qu'il le pense," me rassura Ginny. Retournant à la table de la cuisine, elle servit nos cafés.
Je secouais la tête. "J'en doute. Il peut être un tel imbécile, et en plus, c'est mon mari, il est supposé dire des choses comme ça," lui dis-je.
"Être un brave type et un imbécile ne sont pas mutuellement exclusifs, tu sais," me dit Ginny avec un sourire. "Tu as rencontré mes frères, n'est-ce pas ?"
Je ris et hochais la tête.
"Et quelle est mon excuse?" demanda-t-elle. "Combien de fois est-ce que tu as besoin d'entendre un compliment avant de l'accepter ?"
"Je… euh… merci," dis-je ne souhaitant pas prolonger la gêne.
"Tu n'es vraiment pas douée pour accepter les louanges," rit-elle. "Tu ressembles beaucoup à Harry sur ce point."
"Et tu es bien plus joyeuse que tu ne l'étais hier," observais-je.
"Parce que Harry était bien plus heureux quand il est rentré à la maison hier soir," admit-elle. "Je pense qu'on pourra s'attendre à une arrestation sous peu."
Ce n'était pas la première fois qu'elle pensait que l'affaire était résolue, et elle avait eu tort par le passé. Je dus refréner une soudaine bouffée d'angoisse, donc mon hochement de tête fut assez superficiel. Cela n'avait pas d'importance elle se sentait de bonne humeur et mes doutes voilés et inexplicables ne l'atteignirent pas. J'avais un vague sentiment que d'autres ennuis nous attendaient, mais je n'avais aucune idée de quoi.
"Mike a accepté de vous emmener, toi et les enfants, à la piscine demain," lui dis-je. "D'autres plans pour la semaine des mûres, la semaine prochaine ?"
"La semaine des mûres ?"
"Désolée," dis-je, assez gênée. "C'est un peu vieux jeu de ma part, mais c'est comme ça que Maman a toujours appelé les vacances de mi-semestre en octobre. Tes mûres seront juste à point à ce moment-là – j'ai remarqué beaucoup de grosses très juteuses sur le chemin en remontant ici. J'en ai même goûté quelques-unes en passant." Je lui montrais mes doigts tâchés de violet comme preuve. "Elles sont très sucrées. Est-ce que tu vas les ramasser ? Ça fera quelque chose à faire pour les enfants."
"Mi-semestre ?" demanda Ginny.
"La semaine prochaine." Je hochais la tête, regardais le visage de Ginny et compris qu'elle ne semblait pas savoir de quoi je parlais. "Une lettre avec les dates de vacances a été donnée à Henry la première semaine de classe," expliquais-je. "Celles de mi-semestre sont la semaine prochaine. Les garçons ne seront pas à l'école. Toutes les vacances sont sur mon agenda depuis que j'ai eu la liste. Tu n'as pas eu la lettre ?"
Je la regardais tandis que la réalisation se faisait. "Je l'ai eue. J'ai noté toutes les dates dans mon calendrier, mais j'avais d'autres choses en tête," admit-elle.
"Vrai," approuvais-je. "Donc, tu n'as pas de programme ? Ça ne devrait pas être trop difficile de garder les enfants occupés. Il y aura des choses au centre des sports si on arrive à bout, évidemment. Ma sœur et moi passions au moins une journée avec Maman à cueillir des mûres et une autre à l'aider – en y repensant je dirais plus l'embêter – à faire de la confiture de mûres." Je souris à ce souvenir.
"Ça à l'air d'être une bonne idée," dit Ginny. "On sera pris dimanche, mais si les enfants sont libres toute la semaine, on pourra faire une récolte lundi."
"Je n'essayais pas de m'inviter," protestais-je.
Ginny me fit taire d'un signe. "Tu penses vraiment que James et Henry seront capables de rester toute une semaine sans se voir ?" Elle me regarda avec l'air étonnée et je vis l'expression de protestation de James sur son visage. "Une semaine tout entière ? Mais, Mouman, c'est comme… pour toujours !"
Je ne pus que rire. Elle avait exagéré sa prononciation assez excentrique du mot maman, mais au-delà de ça, son imitation de James était parfaite. "Super, je vais…"
"Ginny." La voix de Harry émana de sa poche. Elle en sortit son téléphone et le regarda.
"Salut Harry," dit-elle. "Jacqui est là, attend une seconde." Elle me regarda. "Pas de problème que je prenne ça dans le bureau ?"
"Aucun," dis-je.
Elle se précipita hors de la cuisine à travers le petit vestibule. Quand elle ouvrit la porte vers la pièce avec le grand bureau avec l'encrier et la plume, j'eus le plus bref des aperçus à l'intérieur. J'en vis juste assez pour être certaine que je ne m'étais pas trompée pour la plume, avant que la porte ne se referme et que le silence se fasse.
Je tournais mon attention sur les enfants qui discutaient.
"Vè," me dit fièrement Lily, tenant un cube en bois peint en vert.
"Trop fortes sarepi zouant vert," me dit Al en exprimant fièrement ses connaissances. "Canons nuls sont ranges."
"Désolé Al, je n'ai pas vraiment compris ça," admis-je, incapable de décrypter ce qu'il voulait me dire.
"Beuleu," interjeta Annie, tenant un cube bleu. Il était évident qu'elle ne voulait pas être exclue de la conversation.
"Oui, bleu," agréais-je. "Est-ce que tu peux le dire correctement, Annie ?"
"Beuleu." Elle hocha la tête.
"Rouge et jaune et rose et vert. Violet et orange et bleu," chantais-je. Annie de joint immédiatement à moi. Étonnamment, les deux de Ginny ne semblaient pas connaître les paroles.
Je m'accroupis sur le sol dur de pierre et recommençais. Cette fois je chantais plus lentement et encourageais Al et Lily à chanter avec moi.
"Rouge." Alors que nous commencions la chanson, Annie trouva une brique rouge et la posa devant elle. Al et Lily l'imitèrent. Cela devint une compétition, mais elle était très inégale. Annie avait l'énorme avantage de connaître la chanson par cœur elle ramassait les cubes avant même que les enfants Potter ne sachent quelle couleur chercher.
Nous chantâmes la chanson deux fois et la deuxième, j'encourageais les enfants à toucher un cube de la bonne couleur. Quand nous terminâmes, il y eu des applaudissements derrière moi.
"C'était adorable," dit Ginny. "Bien joué les enfants, et bien joué Jacqui.
"Encore," exigea Annie. "Rouge é…"
Al, Lily et moi nous joignîmes à elle.
"Ça suffit pour le moment, Annie," dis-je quand nous terminâmes. "Peut-être qu'on pourra encore chanter plus tard. Mais maintenant j'aimerais finir mon café."
"Acor," hocha-t-elle la tête.
Je me hissais sur mes pieds. "Tout va bien, Ginny ?" demandais-je.
"Je crois que oui," me dit Ginny. "Ils vont faire paraître le nom et la photo de l'homme qu'ils recherchent un peu plus tard aujourd'hui et Harry est confiant qu'ils ont enfin le bon homme. Mais ce n'est pas pour ça qu'il a appelé. Il voulait me dire que Polly l'a nommé son exécuteur testamentaire. Elle n'a pas de famille, donc elle a choisi son chef."
"Il devait le savoir," dis-je. "Il a dû signer quelque chose, non ?"
"Oui, mais il l'a fait il y a des années et il avait oublié. Il commence à organiser les funérailles selon les instructions très… particulières… de Polly." Elle choisit ses mots avec soin.
"Particulières ?" demandais-je.
"Elle a programmé son propre enterrement jusqu'au moindre détail. Musique, tout !" dit Ginny. "Elle a même nommé les quatre personnes qu'elle voulait comme porteurs du cercueil."
"Harry allait de toute façon y assister," dis-je pensivement, plus pour moi-même que pour Ginny.
Bien que je ne les aie rencontrés que moins de deux mois plus tôt, je connaissais suffisamment Harry pour être certaine de cela. Ginny hocha la tête et quelque chose dans la façon dont elle le fit me donna la certitude qu'elle serait aux côtés de son mari.
"On pourra garder les enfants," offris-je. "Vous ne pouvez pas à chaque fois traîner ta mère depuis le Devon c'est un trajet tellement long. Si on s'occupe d'eux, ça fera une chose de moins dont toi, et Harry, aurez à vous préoccuper – et à organiser."
"C'est vraiment gentil de ta part," dit Ginny. "Maman et Papa sont en France pour des vacances bien méritées. Ils sont chez Monsieur et Madame Delacour, les parents de Fleur, pour deux semaines. Même si ce sera un miracle si Maman arrive à supporter Apolline – la mère de Fleur – aussi longtemps." Elle se mit à rire. "Au moins, on aura pas à supporter la belle-famille avant un bon moment." Elle s'interrompit et revint au sujet initial. "Je parlerai à Harry de l'organisation pour les funérailles ce soir. Mais on vous doit tellement déjà. Les enfants attendent avec impatience les sorties à la piscine."
"Vous ne nous devez rien," lui assurais-je.
"Twain," demanda Annie. Nous emmenâmes les enfants dans le salon.
Je n'avais rien de prévu, je passais donc la journée entière avec Ginny et les enfants. Nous jouâmes et chantâmes, et cuisinâmes ensemble des biscuits au gingembre. À deux heures et demie, nous étions de retour dans le salon gigantesque des Potter avec quelques biscuits encore chauds et j'apprenais aux enfants à chanter 'The Keel Row'.
J'avais presque oublié l'affaire de Harry. La tragédie du monde extérieur était tellement éloigné de la vie familiale paisible et heureuse qui suivait son cours à Drakeshaugh. Les enfants étaient bienheureusement ignorants de combien le monde extérieur pouvait être horrible. Ce fut alors que Harry appela à nouveau. Quand Ginny revint, elle en avait beaucoup à me dire. Lorsqu'elle l'eut fait, nous préparâmes ce que nous dirions aux autres mères.
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"Ginny !"
Nous fûmes encerclées à l'instant où nous approchâmes de l'école.
"Il y aura quelque chose dans vos programmes d'informations ce soir," commença Ginny.
"Nos programmes d'informations ?" demanda Angela.
"Ginny n'a pas de télévision," expliquais-je. Il sembla que cette nouvelle était presque plus importante que celle que nous avions l'intention de leur annoncer. Ginny, qui avait été inhabituellement silencieuse après l'interruption d'Angela, m'offrit un regard reconnaissant et indiqua que je devais leur annoncer la nouvelle.
"Les équipes de Harry ont identifié le… l'homme qu'ils veulent interroger à propos des meurtres," commençais-je.
"Ils ne l'ont pas capturé ?" demanda Angela.
"Il s'appelle Pelias Hume." Je refusais de me laisser distraire.
"Pelias ? Quel genre de nom c'est, ça ?" demanda l'une des autres mères.
"Aussi connu sous le nom de…" Je marquais une pause et essayais de me souvenir les autres noms que Ginny m'avait donné.
"Pelias Fawley et Peter Garou," dit Ginny.
"Peter Garou…" Ce nom fut un caillou sur une rivière, ricochant de lèvres en lèvres.
Ginny continua malgré tout. "Son frère, Jason, a loué le bâtiment à Sheffield où la police a découvert ce jeune couple. Jason a déjà été arrêté."
"Ils devraient le pendre," dit quelqu'un. Je me hérissais, mais Ginny ignora aussi ce commentaire.
"Il y avait un autre homme mentionné il y a quelques semaines, un Mr Robards," ajoutais-je. "Il a été enlevé, ce qu'on a entendu hier matin était le résultat d'une descente à l'aube pendant laquelle Mr Robards a été libéré par l'équipe de Harry."
Il y eut une avalanche de questions et Ginny se plaça en avant. "Je ne peux pas en dire plus," dit-elle. "Vous pourriez en apprendre plus pendant vos journaux télévisés, mais je ne sais pas. Je ne sais pas ce que Harry va être autorisé à dire et je ne peux rien vous dire de plus, parce que c'est tout ce qu'il nous a dit."
Nous tenant côte à côte, Ginny et moi repoussâmes toute autre question, nous répétant simplement jusqu'à ce que les enfants commencent à sortir. À l'instant où nos interrogatrices furent, comme nous, obligée de s'occuper de problèmes plus terre à terre, nous fîmes notre sortie.
"Merci," dit Ginny pendant que nous remontions à pied vers Drakeshaugh avec les enfants.
"Avec plaisir," lui assurais-je.
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Le journal de début de soirée s'ouvrit sur l'affaire et Mike s'assit à côté de moi pour regarder avec moi. Le reportage contenait des photos peu flatteuses de Pelias Hume. C'était un homme émacié aux yeux sombres approchant ou ayant à peine dépassé la trentaine. Contrairement aux précédents histoires sensationnelles à propos de morsures de loup, le journaliste expliqua que les blessures des victimes avaient été ré-examinées et qu'il avait été établi qu'elles étaient consistantes d'une attaque frénétique au couteau. La porte-parole de la police était quelqu'un dont Ginny avait mentionné le nom, une Inspectrice Roberta Dubois. L'Inspectrice donna au journaliste les pseudonymes de Hume et le décrivit comme sévèrement dérangé psychologiquement. Le journaliste termina par un avertissement au public de ne pas l'approcher, mais de contacter la police immédiatement. Hume était, leur avait-il été dit, extrêmement dangereux et très vraisemblablement armé d'un couteau.
"Il a tué quatre personnes apparemment au hasard," releva Mike. "C'est une fichue bonne chose qu'il ne puisse pas mettre la main sur quelque chose de plus dangereux qu'un couteau."
"Fichue bonne," approuva Annie derrière nous.
Mike rit, je lui frappais donc le bras et le sermonnais.
