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Miyako

Vous savez, avant l'accident de Dai, je l'avais toujours considéré comme un enquiquineur de première. Ma perception a drôlement changé depuis son retour. Lui aussi a changé d'ailleurs. Ah, l'amour! Je me suis quand même amusée quand Hikari est arrivée un matin et m'a reproché de ne pas lui avoir dit que Dai était bi. Vraiment, ce n'était pas à moi de lui dire ça, mais à Daisuke et puis, Hikari veut dire lumière non? Justement, Hikari est tellement habitué à avoir le spot braqué sur elle qu'elle en est aveuglée et qu'elle ne voit pas ce qui se passe autour d'elle[1]. Mais c'est bonne fille pareille, une des meilleures amies qu'on peut avoir[2].

Toujours est-il qu'à cause de sa détermination et ses petits yeux larmoyants, Daisuke réussit enfin à me traîner à l'hôpital ou est son petit Ken en sucre[3]. Ça fait une semaine que Daisuke va voir Ken chaque jour. Ses parents ont carrément fait une crise cardiaque quand leur fils est revenu à dix du soir un jour d'école ou sa mère l'attendais pour trois heures. Ce n'est que quand Ichijouji-san a appelé les parents de Dai pour les rassurer que Daisuke a obtenu la permission d'aller voir Ken tous les jours. Enfin, j'imagine que le fait que Ken soit une personne renommé ait aidé un peu…

Quoi qu'il en soit, je suis maintenant devant l'hôpital en question et je peux vous assurer qu'il me fait froid dans le dos. Moi, je l'aurais peinturé d'une autre couleur que gris. En fait, tous les hôpitaux me fout la trouille. Et celui-là ne fait certainement pas exception. Nous entrons et alors que l'infirmière nous regarde d'un air hargneux, Daisuke me rassure en disant qu'il est ami avec tout le personnel du deuxième étage. En fait, la seule personne qui le déteste, c'est justement l'infirmière de la réception, une certaine Irumi.

Un docteur passe devant nous en courrant et me bouscule un peu. Daisuke lui cri de faire attention et le médecin ne se retourne même pas. Dai commence à pousser des jurons quand le même médecin ne nous attend pas pour l'ascenseur. Je le calme en lui disant que c'est sûrement une urgence. Daisuke, comme le gars impatient qu'il est ne nous laisse pas moisir en bas et décide de prendre les escaliers.

Arrivés au deuxième étage, j'ai l'impression que tout l'étage est en mouvement. C'est bizarre parce que Daisuke m'avait raconté plusieurs fois que cet étage était toujours très tranquille. Nous passons devant le bureau ou les infirmières s'affèrent avec urgence. Une d'elles nous voit et vient rapidement à notre rencontre. Je l'identifie tout de suite comme étant Yumeni Mai, l'infirmière la plus sensible d'après Daisuke. Celle qui aurait mieux fait de se trouver un job moins démoralisant tellement elle pleure pour les patients.

Yumeni-san pleure justement, elle essaye de nous informer sur ce qui se passe, mais tout ce qui sort de sa bouche ne sont que des gargouillis inintelligibles. Puis finalement, un docteur avec qui Dai s'entend bien passe et secoues Daisuke. « La chambre de Ken. Vite! » dit-il seulement. Daisuke tourne un regard affolé vers moi et se précipite vers la chambre du Kaiser. Je le suis de près. Je prie le ciel pour qu'il ne soit pas mort ou sur le point de. Ça détruirait Daisuke et je ne veux pas que ça arrive.

Devant la chambre, Rika Ichijouji s'est affaissée contre la porte et pleure doucement. Daisuke se précipite vers elle et la serre dans ses bras, le visage tordu par la tristesse. Je prie toujours. « Je t'attendais Daisuke. » C'est tout ce qu'elle est capable de prononcer avant de reprendre ses sanglots. Daisuke lui frotte le dos, de plus en plus désemparé. Puis un homme dans la soixantaine en sarrau blanc arrive en courrant. Il semble l'homme le plus désorienté du monde. Arrivé devant Ichijouji-san, il reprend son calme et prend la dame par les épaules. « Ichijouji-san, dans toutes mes années de médecine, je n'ai jamais rien vu de tel. Félicitation! C'est un miracle! Un miracle! »

Dai croise mon regard. Il relève la mère de Ken en vitesse avec l'aide du médecin et nous entrons tous les quatre en même temps. Ken est étendu dans son lit comme tout comateux devrait l'être, mais je suppose que la main devant les yeux ne devrait pas être là. De plus, on n'entend plus le cardiogramme. Près de son lit, un médecin et Tsuyoshi Ichijouji parle doucement au garçon qui s'est miraculeusement réveillé. Je crois que je vais commencer à prier plus souvent. « Ichijouji-kun, il est normal que tu ais mal aux yeux, tu n'as pas vu la lumière depuis un bon bout de temps. Sais-tu quel jour nous sommes?

- 21… avril. 2001. répond Ken les yeux toujours fermés et la voix enroué.

- Bon, il se rappelle le jour de l'accident, M Ichijouji, après que votre fils aura bue un peu d'eau il va falloir tout lui raconter. Il restera encore avec nous. Après tout ce temps dans le coma, je doute qu'il se remette à marcher tout de suite. Maintenant, je demanderais à tous sauf le père et la mère d'attendre dehors. Cette partie demande du tact. »

Et je suis bien d'accord avec lui. Je m'imagine mal me réveiller après un an et demi de sommeil et trouver ça tout à fait normal. Apparemment, ce n'est pas l'avis de Daisuke, ni du vieux docteur. Il faut presque que je le traîne et l'autre médecin doit presque menacé son collègue. Reste plus qu'à attendre.

***

L'attente est longue pour Daisuke. Le médecin a abandonné après une heure. Je suppose que même un miracle peut attendre quelques jours comparés aux patients. Dai explore le corridor de fond en comble et il rebrousse le chemin vers moi quand la mère de Ken sort de la chambre. Daisuke se jette littéralement sur elle. Rika lui sourit et le regarde avec sérénité à travers ses yeux remplis de larmes.

« On a dû tout lui remémorer et  lui annoncer la mort de son frère. C'est un coup très dur pour lui. Il n'a pas versé une seule larme, il semble plus sous le choc que d'autre chose. Je crois que ça serait bien qu'il voie son ami, ça lui changerait les idées. Attention, il est très faible. »

Daisuke se jette sur la porte et comme une bonne amie, je le suis. Pourtant, une fois la porte ouverte, Daisuke est extrêmement nerveux, il prend une grande inspiration et s'avance timidement dans la pièce. Quand j'entre à mon tour, j'aperçois un ange dans le coin de la chambre. Daisuke est si nerveux qu'il ne l'a pas vu du tout. L'ange ressemble à Osamu, d'après ce que je peux me rappeler de lui. Après tout, je ne l'ai vu que dans un magasine.

Il plante son regard dans le mien et je sens tout de suite que quelque chose ne va pas. Quelque chose qui m'échappe, mais qui est sûrement très évident. L'ange tourne son regard vers Ken. J'en fais de même. Le jeune homme discute doucement avec son père, une expression neutre sur le visage. Probablement dû au choc. Je trouve son manque d'expression effrayant.

Puis le père de Ken remarque Daisuke qui n'a pas bougé du milieu de la pièce. Tsuyoshi fait signe à Dai de s'approcher. Il commence à radoter des histoires à propos de la belle amitié qui lie les deux garçons et Daisuke attend sagement qu'il ait fini pour parler avec Ken. Je vois bien que Dai meure d'impatience, il dévore Ken des yeux. Par contre, c'est l'expression de Ken qui m'inquiète et soudain, je crois comprendre. Je me tourne vers l'ange. Il regarde tristement la scène puis hoche la tête pour répondre à ma question silencieuse.

Ken, la tête légèrement incliné du côté droit écoute son père avec attention et observe Daisuke avec impatience lui aussi. Seulement, pas du tout le même genre d'impatience. Finalement, Tsu se tait et les deux garçons continuent de s'observer. « Euh, salut Ken… je dirais que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, mais je mentirais. Tu vois ce que je veux dire? demande Daisuke dont la nervosité lui fait dire des imbécillités.

Non, pas du tout le même regard. Dans les yeux de Ken, il n'y a pas de désir réprimé. Il n'y a que de la curiosité.

- Qui es-tu? » demande Ken d'un ton curieux.

Le visage de Daisuke tombe. Il est blanc comme un drap. Il se tourne vers moi, les yeux affolés, le corps tout tremblant. Je cligne des yeux et il a déjà atteint la porte. Je reste figé par la tournure des événements. Daisuke avait regagné confiance et son cœur vient à nouveau d'éclater en tous petits morceaux.

MERDE!!!!!

Je crois que je ne prierai pas plus souvent finalement!



[1] Non, ne me tuez pas fan d'Hikari! Pitié! Je l'aime, ne me tuez passssssssss!!!!

[2] Voilà, tout est réparé! Vous êtes content? Euh… (Cri fuit les fans d'Hikari qui la suit avec haches et marteaux)

[3] Hummm, Ken en sucre… miam!