Chapitre 5
Aragorn et Legolas reprirent la route dès l'aube, pressés d'arriver au bout de leur quête. Ils ne savaient pas encore comment ils allaient réussir à pénétrer dans la forteresse si elle était toujours aux mains des Gobelins, mais ils savaient qu'ils devraient y arriver coûte que coûte. Ils chevauchèrent en silence pendant plusieurs heures, jusqu'à ce que l'Elfe aperçoive un groupe de cavaliers qui approchait.
- Ce sont des Rohirrims. Je crois reconnaître Eomer parmi eux.
Lorsque les cavaliers s'arrêtèrent, leur chef rejoignit les deux compagnons. Il leur lança en souriant :
- Que font un Homme et un Elfe sur les terres du Riddermark ?
- Nous nous rendons au Gouffre de Helm, répondit le Roi du Gondor, souriant lui aussi au souvenir de leur première rencontre avec le frère d'Eowyn.
- Vous savez qu'il est entre les mains des Gobelins ?
- Oui, nous l'avons appris à Edoras où nous avons passé la nuit. Mais, nous n'avons pas le choix. Nous devons trouver la sépulture du Nain Drouain.
- Dans ce cas, nous allons vous aider.
- Merci.
Ils repartirent tous ensemble et ne s'arrêtèrent que lorsqu'ils furent en vue du bastion. Ils cachèrent leurs chevaux dans un vallon et discutèrent d'une stratégie.
- Je suis d'avis d'entrer en force, proposa l'un des Rohirrim.
- Ce n'est pas une bonne idée, contra Eomer. Nous ne savons pas combien ils sont, ni comment ils sont armés.
- Un anneau d'invisibilité nous aurait été bien utile… murmura Aragorn.
Il avait parlé si bas que personne ne l'avait entendu. Personne… ou presque car Legolas lui lança un regard surpris, seule son ouïe fine ayant pu capter les paroles de son ami.
- Aragorn, quelle solution proposez-vous ? L'interrogea Eomer.
- Je crois qu'il vaut mieux que Legolas et moi entrions seuls dans la forteresse. Ce sera plus facile pour nous de passer inaperçus si nous sommes deux plutôt qu'une compagnie entière.
- Aragorn a raison, continua l'Elfe. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'une diversion, afin de nous permettre d'entrer.
- Ca, nous pouvons le faire ! S'exclama Eomer avec enthousiasme. Chevaliers, avez-vous envie de massacrer quelques Gobelins ?
Un "hourra" accueillit sa proposition et Legolas se demandait si le bruit n'avait pas averti l'ennemi de leur présence lorsque son regard croisa celui amusé d'Aragorn, qui avait pensé exactement la même chose que lui.
Les cavaliers sortirent de leur cachette et se dirigèrent vers le bastion. Aragorn et Legolas restèrent en arrière afin de profiter de la diversion pour entrer dans la forteresse par une porte dérobée, la même que Gimli et le Roi du Gondor avaient utilisée au cours de la bataille du Gouffre de Helm. Dès que le groupe arriva à portée de voix, Eomer lança à l'attention des Gobelins :
- Holà du bastion ! Nous savons que vous êtes là ! Nous sommes venus reprendre possession de la forteresse qui appartient au peuple du Rohan.
Un être immonde sortit du bastion et fit quelques pas sur le mur de garde.
- Partez, humains ! Ce lieu appartient aux Gobelins ! Si vous voulez le reprendre, il faudra vous battre ! Et, nous sommes beaucoup plus nombreux que vous !
- Il est hors de question que nous partions avant d'avoir repris possession des lieux, continua Eomer, s'obstinant à provoquer l'ennemi.
Il jeta un coup d'œil aux deux compagnons qui n'attendaient que son signal pour se ruer vers la porte secrète. Alors qu'Eomer allait relancer la discussion, une flèche siffla à son oreille. Il eut un sourire rageur et hurla :
- A la charge !
Il lança ses cavaliers à l'assaut du bastion. Une centaine de Gobelins sortirent de la forteresse et se ruèrent sur les humains. Aragorn et Legolas se frayèrent un chemin parmi les combattants et atteignirent la porte sans se faire remarquer. Ils eurent la chance de voir que celle-ci n'était pas tout à fait fermée et ils purent l'ouvrir sans peine. Ils entrèrent et refermèrent derrière eux, se retrouvant alors dans une obscurité presque totale. Alors qu'ils avançaient en tâtonnant, s'éloignant des bruits de la bataille, l'Elfe demanda à son ami :
- Comment allons-nous trouver le tombeau de Drouain ?
- Theoden m'a dit que tous les tombeaux des Nains se trouvaient dans une grande salle, dans les profondeurs des cavernes, répondit Aragorn en murmurant. Il suffit de suivre les coulées de Mithril dans les parois. Elles convergent toutes vers cette salle.
Ils firent quelques pas en silence et s'arrêtèrent lorsqu'ils arrivèrent devant l'entrée d'une grande salle dans laquelle des Gobelins discutaient de la bataille qui faisait rage au dehors.
- Ces humains sont idiots et couards. Ils ne sont pas restés longtemps ! Quand ils ont vu qu'ils ne gagneraient pas, ils ont fui comme des lâches !
Un rire gras résonna dans la salle. Les deux amis se regardèrent, heureux que le fougueux Eomer ait abandonné la partie sitôt qu'ils furent entrés. Ils se faufilèrent sans bruit et réussirent à avancer jusqu'aux grottes sans se faire repérer. Ils avaient vus beaucoup de Gobelins, mais, grâce à l'ouîe et à la vue très développées de l'Elfe, ils avaient réussi à tous les éviter. Au bout de longues minutes de marche dans un couloir bas, ils arrivèrent dans une salle immense dont la majeure partie était constituée par un précipice. Un pont l'enjambait pour arriver sur une sorte de promontoire au milieu de la grotte. Un flash traversa la mémoire d'Aragorn et il revit Gandalf emporté par le Balrog dans les profondeurs des mines de la Moria. Legolas remarqua le trouble de son ami et posa une main apaisante sur son bras.
- Je vois des sépultures à l'autre bout de la salle.
- Allons-y !
Ils traversèrent le pont et se précipitèrent vers les tombes. Ils avaient été surpris de ne voir aucun Gobelin dans la grotte, mais ils ne cherchèrent pas à en connaître la raison. Une fois devant les sépultures, ils cherchèrent celle de Drouain. Ce fut Aragorn qui la trouva.
- Ici ! Dit-il simplement à l'attention de son ami qui le rejoignit aussitôt.
L'Elfe s'agenouilla auprès de la tombe et passa une main sur les inscriptions couvertes de poussière.
- Ici repose Drouain, fils de Trouain, chef d'ouvrage des grottes de Helm.
- C'est bien lui.
La tombe ressemblait étrangement à celle de Balin, le cousin de Gimli qui était mort dont ils avaient trouvé la dernière demeure dans la Moria. Ils se mirent de chaque côté et tentèrent de soulever le couvercle du sarcophage, mais celui-ci était trop lourd. Alors, Legolas rejoignit son ami et ils poussèrent le couvercle de façon à le faire glisser sur son socle pour entrouvrir la tombe. Au prix de nombreux efforts, ils y arrivèrent enfin. Legolas jeta un œil dans le sarcophage et vit immédiatement qu'ils n'avaient pas fait tout ça pour rien. Il tendit la main et ramassa une pierre blanche qui était posée sur le torse à moitié décomposé du défunt Nain. Aragorn contempla la pierre comme si elle était le plus grand trésor que la Terre du Milieu ait jamais porté.
- Nous allons pouvoir sauver Frodon.
- Espérons seulement que les pouvoirs de cette pierre ne sont pas qu'une légende ! soupira Aragorn.
Legolas rangea la pierre dans sa tunique et ils repartirent vers la sortie. Alors qu'ils allaient atteindre le pont, neuf Gobelins entrèrent dans la salle, leur bloquant la sortie. Ils étaient fortement armés et bien décidés à se débarrasser des deux intrus. Sans même dire un mot, ils se ruèrent sur les deux amis qui sortirent leurs armes. Avant même qu'ils aient traversé le pont, deux Gobelins s'effondrèrent, tués par les flèches de l'Elfe. Un autre tomba dans le vide, poussé par le corps mort de ses compagnons. Ils ne restait que six ennemis à abattre et les deux amis étaient bien déterminés à s'en débarrasser. Ils se battirent si bien qu'au bout de quelques minutes, les Gobelins n'étaient plus que deux. Mais, c'était leurs deux plus forts guerriers. Aragorn avait du mal à se débarrasser de son assaillant. Il se battait comme un beau diable, mais le Gobelin réussissait à avoir le dessus. En déviant un coup d'épée, l'Homme ne vit pas qu'il avait baissé sa garde et l'ennemi en profita pour lui enfoncer un poignard dans le ventre. Aragorn tomba à genoux, la souffrance lui déchirant les entrailles. Alors qu'il allait achever l'humain, le Gobelin s'effondra sur le sol, terrassé par une dague lancée par Legolas.
L'Elfe se débarrassa de son propre assaillant en lui plantant une flèche dans le cœur puis se précipita vers son ami. Il réalisa avec horreur que l'Homme et le Gobelin se trouvaient dangereusement près du bord du précipice et que la monstrueuse créature n'était pas morte. Le Gobelin rampa de façon à attraper Aragorn par le bras et se laissa tomber dans le trou béant, attirant ainsi son ennemi à sa suite. Legolas n'eut pas le temps de rattraper son ami et se prépara au pire lorsqu'il regarda par-dessus le bord de l'abîme. Il eut un sursaut d'espoir en voyant que les deux combattants avaient atterri sur une corniche, quelques mètres plus bas. Il descendit prudemment, le cœur battant à tout rompre. Il remarqua à peine que le Gobelin était enfin mort et s'agenouilla auprès de son ami. Aragorn ouvrit les yeux difficilement et essaya de sourire.
- Je crois que tous mes os sont brisés…
Sa voix n'était qu'un murmure et Legolas sentit sa gorge se serrer.
- Je vais utiliser la pierre pour te sauver.
Il sortit la gemme magique de sa tunique et la regarda fixement. Aragorn fit un effort surhumain et réussit à poser une main sur le bras de son ami.
- Laisse-moi, Legolas. Tu dois aller sauver Frodon.
- Non ! Je ne t'abandonnerais pas ! Estel !
L'Homme ferma les yeux et, s'il n'avait pas vu sa poitrine se soulever régulièrement mais difficilement, l'Elfe aurait pu croire qu'il était mort. Il posa la pierre sur le torse de son ami et psalmodia en elfique. Mais, rien ne se produisit. Les larmes envahirent les yeux de Legolas et coulèrent sur ses joues pâles. Il passa ses doigts fin sur le visage de celui qu'il aimait depuis des années en silence.
- Je t'en supplie, Estel, ne me laisse pas ! J'ai besoin de toi ! Mélan tye, Estel…
Il se pencha et déposa un léger baiser sur les lèvres entrouvertes d'Aragorn qui n'eut aucune réaction. L'Elfe avait toujours les mains posées sur la pierre, qui était elle-même sur la poitrine de l'Homme. Legolas sentit couler ses larmes le long de ses joues, mais ne fit pas un geste pour les retenir. Il sentait que son cœur se brisait sous le poids du chagrin et n'eut qu'un désir : rejoindre son amour dans l'au-delà.
A suivre…
