Chapitre 6

- Aragorn !

Frodon se redressa brusquement, en nage. Il mit quelques secondes à réaliser qu'il faisait jour et qu'il s'était assoupi sur un banc, dans le jardin d'hiver du château. Sam accourut, inquiet.

- Frodon, que se passe t'il ?

- Je… j'ai fait un cauchemar… Aragorn… Non, ce n'était pas un rêve… Il lui est arrivé quelque chose…

Le Hobbit tremblait de tous ses membres et son ami s'assit à côté de lui avant de le prendre dans ses bras.

- Je suis sûr qu'il va revenir, murmura l'ancien jardinier.

- Pourvu que tu dises vrai, Sam…

Legolas ne pouvait arrêter les larmes qui coulaient sur ses joues. Il lui semblait que son cœur allait exploser dans sa poitrine. Il murmurait sans cesse :

- Mélan tye, mélan tye… ne me laisse pas…

Ses mains, couvertes du sang d'Aragorn, étaient toujours crispées sur la pierre magique, posée sur la poitrine de son ami. Ses larmes ruisselaient et tombaient sur la pierre qui se mit soudain à scintiller. Legolas eut un léger sursaut de surprise, mais reprit espoir. Il vit avec stupéfaction la blessure faite par la dague du Gobelin se refermer d'elle-même.

- Estel, reviens…

A ces mots, Aragorn ouvrit les yeux. Il parut surpris de voir son ami pleurer.

- Legolas, que t'arrive t'il ?

- Tu es revenu…

Devant le regard d'incompréhension de l'Homme, l'Elfe lui expliqua :

- Tu étais aux portes de la mort. Tu es revenu grâce à la pierre. Comment te sens-tu ?

- Comme si j'avais été piétiné par un oliphant. Mais, j'ai connu pire.

Legolas l'aida à s'asseoir et remit la pierre dans sa tunique. Un sourire étirait ses lèvres et Aragorn sourit à son tour.

- Bon, si on rentrait au château ?

- Il faut d'abord qu'on sorte d'ici.

Ils se levèrent doucement, l'Elfe aidant son ami. L'Homme leva les yeux et soupira :

- Il va falloir remonter.

Alors que Legolas allait répondre, un bruit de voix humaines lui parvint.

- Tu entends quelque chose ?

- Des humains. Ils approchent d'ici.

- Les Rohirrim ?

- Je ne peux le dire. Mais, je suis certain que ce ne sont pas des Gobelins.

- C'est déjà une bonne chose. Je…

Il s'interrompit car il vit qu'une partie de la corniche sur laquelle ils étaient était en train de se désagréger. L'Elfe était concentré sur l'écoute des voix qui lui parvenaient de la salle et ne se rendit pas compte qu'il était prêt à basculer dans le vide. Soudain, la roche se brisa et Legolas ne dut la vie sauve qu'aux réflexes de son ami qui l'attrapa par le bras et le tira vers lui, à l'abri contre la paroi. Ils se retrouvèrent ainsi collés l'un contre l'autre, yeux dans les yeux, leurs visages à seulement quelques centimètres l'un de l'autre. L'Elfe sentit son corps réagir intensément à cette proximité et il se dégagea un peu de l'étreinte de son ami en baissant le regard, gêné. Aragorn en fut surpris et allait lui demander la raison de son trouble lorsqu'une voix forte retentit au-dessus d'eux.

- Ils sont là !

Les deux amis levèrent la tête et virent le visage bienveillant de Faramir qui les observait.

- Je vois que nous sommes arrivés à temps !

Legolas rougit violemment avant de comprendre qu'il parlait du précipice et non de sa proximité avec le Roi du Gondor.

Deux cordes furent lancées et ils furent remontés dans la grande salle. Une fois en haut, Aragorn se tourna vers Faramir qui le prit de court.

- Je sais que vous m'avez interdit de vous accompagner, mais vous ne m'avez pas interdit de venir vous aider.

Le Roi sourit et demanda :

- Comment êtes-vous arrivés jusqu'ici ?

Eomer arriva derrière eux et répondit :

- Mes hommes et moi sommes partis dès que nous avons été certains que vous étiez à l'intérieur. Nous n'avions fait que quelques lieues lorsque nous sommes tombés sur l'équipage des hommes du Rohan qui venaient à votre rescousse.

- Le Roi Theoden a réfléchi après votre départ et il s'est dit qu'il était temps de reprendre le bastion aux Gobelins. Alors, je suis parti avec quelques hommes et nous avons rencontré les Rohirrims qui quittaient les lieux. Ensemble, nous avons attaqué le fort et nous voici. Mes hommes doivent être en train de traquer les derniers Gobelins qui restent dans ces grottes.

Soudain, il parut remarquer le sang qui tachait la tunique d'Aragorn.

- Vous êtes blessé ? Lui demanda t'il.

- Je vais bien grâce à la pierre magique et à Legolas.

L'Elfe, gêné, se détourna un peu pour que les Hommes ne voient pas son trouble. Il savait que ce n'était pas ses pouvoirs elfiques qui lui avaient permis de sauver Aragorn, mais que c'était la force de son amour pour celui qu'il considérait comme son meilleur ami depuis toujours qui avait réussi à canaliser le pouvoir de la pierre guérisseuse.

- Si nous sortions d'ici ? Proposa Eomer.

- Nous vous suivons, répondit Aragorn.

Les Hommes et l'Elfe sortirent de la salle, puis du bastion. Legolas accueillit avec soulagement la chaleur du soleil sur son visage. Je ne suis décidément pas fait pour vivre dans une grotte ! Au bout de quelques secondes, il se rendit compte qu'Aragorn le fixait intensément. Il se détourna, maudissant la rougeur qu'il sentait envahir ses joues. L'intervention de Faramir repoussa le temps des explications.

- Rentrons au Rohan. Vous allez avoir besoin de repos avant de repartir vers le Gondor. Eowyn sera ravie de voir que vous allez bien, tous les deux.

Ils firent le chemin en silence jusqu'au château de Theoden. Pendant tout le trajet, Legolas ne put s'empêcher de jeter de fréquents coups d'œil à Aragorn qui chevauchait devant lui, n'arrivant pas à chasser de son esprit le regard intense de son ami lorsqu'ils s'étaient retrouvés l'un contre l'autre sur la corniche.

Aragorn était perplexe. Il ne comprenait pas l'attitude de son ami. A certains moments, l'Elfe paraissait prêt à lui révéler un grand secret et l'instant suivant, il se refermait sur lui-même, comme s'il avait peur de la réaction de son ami. Il avait remarqué le trouble qui naissait chez Legolas à chaque fois qu'il le regardait, mais essayait de ne pas y accorder trop d'importance. Pourtant… Ce n'est pas possible… Pourtant, je l'ai entendu… Allons, mon vieux, tu étais à moitié mort, tu as eu des hallucinations ! Et si… Dès que nous serons rentrés, je lui demanderais des explications et on sera fixés. Mais, si ce n'est pas ce que je pense ? Et s'il avait compris ce que je ressens ? Je lui fais peut-être peur…

Il fut sorti de ses pensées par leur arrivée devant Edoras. Il descendit de cheval et suivit Faramir et Eomer dans le château. Eowyn et Theoden les accueillirent chaleureusement, mais Legolas resta en arrière. Alors que les Hommes commençaient le récit de leurs aventures, l'Elfe sortit. Il avait besoin de la lumière et de la chaleur du soleil pour remettre de l'ordre dans ses pensées. Il ne voulait pas rester au château, de peur qu'Aragorn le rejoigne et lui demande des explications sur son attitude. Il descendit dans le village et se promena un peu, saluant les villageois qui le reconnaissaient. Soudain, une vieille femme aveugle déboucha devant lui et il évita de justesse la collision.

- Excusez-moi, Mon Seigneur. Je ne vous avais pas entendu arriver. Vous devez être un Elfe. Seuls les Elfes sont capables de marcher aussi silencieusement.

- En effet. Vous n'avez pas à vous excuser. Voulez-vous mon aide ?

- Volontiers. Je dois me rendre chez le cordonnier, à l'autre bout du village.

Legolas prit le bras de la vieille femme et la conduisit à destination. Une fois arrivés, elle se tourna vers lui :

- Vous devriez dire à cet homme ce que vous ressentez pour lui.

L'Elfe, surpris, mit quelques secondes à réagir.

- Comment savez-vous ?

- Je suis un peu magicienne, lui souffla t'elle sur un air de conspirateur. Si vous ne lui parlez pas de vos sentiments, vous risquez de passer à côté du bonheur.

- Je le sais. Mais, c'est si difficile. Il… je ne veux pas perdre son amitié…

- Vous ne la perdrez pas si vous êtes franc avec lui. Si vous lui mentez, il le saura et c'est à ce moment-là, que vous risquez de le perdre à jamais.

- Merci de vos conseils, Ma Dame.

- Je vous en prie, Prince Legolas.

Avant que l'Elfe ait pu réagir, elle entra dans l'échoppe du cordonnier. Comment sait-elle tout ça ? Peut-être devrais-je suivre son conseil… Mais, s'il me rejète ! Je lui parlerais quand on sera de retour chez lui. Sur cette résolution, Legolas retourna au château de Theoden.

A suivre…