CHAPITRE 3

Au cours des quatre dernières heures, il avait découvert un monde nouveau, éblouissant. Un univers qui l'attirait étrangement, il sentait d'une façon ou d'une autre qu'il y avait sa place , même si ses chances de vraiment y arriver étaient minimales. Ce ne fut ni l'envie, ni l'avidité qui firent tourner à plein régime l'esprit de Severus Rogue et bourdonner ses oreilles lors de cette première soirée de ses vacances d'été. Il ne désirait pas posséder une tapisserie française médiévale comme celle qui était suspendue dans le salon des Malfoys parce que c'était un signe visible de richesse. Il ne désirait pas non plus le contact doux d'une chemise en soie sur sa peau parce qu'il pensait que c'était mieux que du coton. Au contraire, si le coton lui avait semblé aussi approprié, il aurait méprisé la soie. Les choses précieuses étaient ressenties comme justes, avaient bon goût, étaient bonnes pour lui, faites pour lui, parce qu'il était capable de les apprécier pour ce qu'elles étaient.

Regardant dans son miroir après être revenu dans ses chambres, Severus avait essayé de transformer la sensation qui rôdait dans son estomac en une pensée articulée. Et telles furent ses conclusions. La pauvreté n'était simplement pas une bonne chose pour lui. Elle pouvait convenir à d'autres, mais pas à lui. Des gens du type d'Arthur Weasley pourraient être heureux à être simplement assis dans un salon peu meublé, à jeter un coup d'œil affectueux à leur épouse, peu importe si les chaises et les tables étaient dépareillées, ou s'ils buvaient du thé bon marché et mangeaient des sandwichs au beurre rance avec des tranches de concombre fanées. Ils seraient heureux de toute façon. Severus se sentait profondément heureux quand il touchait la tête d'une statue antique ou passait ses doigts si légèrement sur la surface ridée d'un portrait de femme par Holbein. La beauté lui parlait. D'une voix charmante qui faisait picoter sa peau d'excitation. Un peu comme … sa voix.

Il regarda sa réflexion de nouveau et fronça les sourcils. Non. Peut-être qu'il était tombé amoureux pour la première fois de sa jeune vie, mais non seulement Yelena Malfoy était son aînée de plus de vingt ans, il devait aussi admettre qu'il était laid. Il n'y avait aucun autre mot pour cela. Laid. Peut-être cela passerait-il en grandissant, peut-être que son nez ne semblerait plus tout à fait si grand pour son visage mince dans, disons, cinq ans, mais il ne serait jamais beau. Il ne se faisait pas d'illusions à ce sujet. Peut-être aurait-il l'air intéressant, mais il en doutait. Le manque constant de vitamines pendant son enfance avait fait prendre à sa peau un ton jaunâtre et cela n'avait certainement rien fait rien en faveur de ses dents. Elles étaient irrégulières et d'une nuance impure de blanc cassé, presque beiges. Il sentait rarement la forte envie de sourire, mais quand il le faisait, il la restreignait rapidement --- mieux valait cacher ces dents.

Une nouvelle montée de haine contre le ministère et ses acolytes fit rougir ses joues. S'ils n'avaient pas traité son père si injustement, s'ils avaient donné une pension moins misérable à sa mère, il aurait toujours eut un nez de tapir, mais il aurait sûrement meilleur air dans un visage sain avec des dents normales, blanches. Tout était de leur faute … Mais il n'était pas le seul à héberger de sinistres pensées. Son esprit revint au dîner.

D'abord, tant qu'ils avaient tous été réunis autour de la grande table, la conversation avait été intéressante, mais polie et un peu superficielle. Ils avaient surtout parlé d'école, laissant les quatre enfants bavarder entre eux, tandis que les adultes faisaient de temps en temps leurs observations. Severus avait été assez calme, faisant plus attention à son environnement et --- il devait se l'admettre avec un air coupable --- à Mme. Malfoy qu'à l'échange verbal. Il pourrait fermer les yeux maintenant et donner une description détaillée de chaque objet de la salle à manger --- les portraits, chuchotant entre eux, les ornements de la cheminée énorme, les motifs délicats de la porcelaine, jusqu'à la forme exacte des ongles de Mme. Malfoy. Ils étaient longs et ovales, leur rose aussi pâle que la première lueur d'un lever de soleil d'été et très courts, avec seulement l'allusion la plus petite de blanc tout au bout du doigt, quand elle levait la main, sa paume en face de lui … Paumes douces, courbes voluptueuses … Il rougit de nouveau, mais cette fois ce n'était pas de fureur.

S'il avait eu quelque connaissance de l'étiquette du dix-neuvième siècle, il aurait observé que le rituel de fin de repas au Manoir Malfoy était très Régence. Les hommes, ou plutôt les occupants masculins de la salle à manger, car Lucius et Severus étaient à peine plus que des garçons, se retiraient dans la bibliothèque, tandis que les dames passaient vers le salon. Même sans aucune connaissance d'histoire culturelle, Severus fut légèrement déconcerté. Les Serpentards étaient d'habitude un groupe très égalitaire, qui ne faisait pas de distinctions de ce genre. Il était suffisant d'exceller; que vous soyez homme ou femme n'importait pas le moins du monde. Mais peut-être que Mme. Malfoy n'était pas une ancienne élève de Poudlard et, du moins à en juger par le traitement que Lucius réservait aux femmes, les Malfoys semblaient chérir une tradition définitivement patriarcale. Le business pour les hommes, la beauté et les affaires domestiques pour les femmes.

Les conclusions de Severus furent prouvées justes, car immédiatement après qu'ils se soient installés dans de grands fauteuils confortables en cuir, Voldemort et Malfoy avaient commencé à parler sérieusement, ne se souciant à l'évidence pas que les garçons écoutassent, mais ne se donnant pas la peine de donner des explications ou de les encourager à participer à leur conversation. Severus, qui avait lu et relu tous les volumes de la bibliothèque de son père et possédait une mémoire presque photographique, comprenait beaucoup plus que Lucius. Il sourit intérieurement à cette réalisation, qu'il n'avait aucune intention de révéler. Il était bien mieux de garder ce trésor pour lui et de le regarder de temps en temps, se réchauffant dans son rougeoiement chaud.

Il était évident de conclure des paroles des deux sorciers adultes que tous les deux avaient un grand intérêt envers les Arts sombres, quoique Voldemort semblât être un peu plus du côté pratique, pour ne pas dire plus. Severus essaya d'estimer son âge et arriva à la conclusion qu'il devait plus ou moins être l'égal de celui de Julius Malfoy; peut-être il était légèrement plus vieux, mais pas de beaucoup.

L'attention de Severus fut soulevée quand il entendit le nom de Grindelwald. Il avait tout lu sur le Sorcier Sombre qui avait été défait par leur présent Directeur, Albus Dumbledore. Grindelwald, le fils d'un père allemand et d'une mère russe, avait fouillé profondément dans la nécromancie, l'alchimie et aussi dans les cultes les plus sombres de l'Egypte antique, mais il n'avait en aucun cas méprisé les découvertes des scientifiques moldus, à condition qu'il puisse les employer pour ses propres buts.

Au dîner, on avait permis à Severus de boire du vin pour la première fois de sa vie. Il l'avait très apprécié, mais maintenant il remarqua combien cela le rendait fatigué. Il devenait de plus en plus difficile de suivre la conversation des deux sorciers, parce que ses paupières tombaient obstinément. Avant de s'assoupir, il entendit Voldemort dire quelque chose à propos de "… groupes sanguins … érythrocytes … groupe de corpuscules … McLachlan …"

Il se réveilla pour voir le regard fixe et sombre de Lord Voldemort forer dans ses yeux. Tournant la tête, il remarqua que Lucius était en train d'être réveillé par son père et soupira de soulagement --- il n'avait pas été le seul à s'endormir.

"Vous devriez aller vous coucher, garçon," dit Voldemort de sa voix de baryton étrangement rauque. "Nous aurons plus qu'assez d'occasions de parler ces jours-ci. Ce sera très … intéressant. Dépêchez-vous maintenant d'aller dormir!"

Incertain de la manière de s'adresser à lui --- Votre Seigneurie semblait étrangement incongru --- il murmura "Oui, Monsieur," et se leva, souhaitant bonne nuit aux deux hommes. Avec Lucius, il quitta la bibliothèque. Son ami semblait exceptionnellement soumis, peut-être parce que lui aussi avait été réveillé d'un sommeil profond.

"Tu n'avais jamais rencontré Voldemort auparavant, n'est-ce pas ?" risqua-t-il. Lucius secoua simplement la tête. "Il est…un peu étrange, ne penses-tu pas ? Je veux dire… Lord Voldemort … nous n'avons pas cette sorte d'aristocratie, c'est une affaire moldue," continua-t-il d'un air songeur.

"Il ne peut pas être beaucoup plus vieux que mon père, qu'en penses-tu ?" demanda Lucius, "Alors je suppose qu'ils sont allés à Poudlard ensemble. Peut-être n'étaient-ils pas dans la même année, mais quand même … je n'ai jamais entendu mon père mentionner quiconque de ce nom," murmura-t-il, "ce qui est étrange, parce qu'il parle beaucoup des vieux jours … et ils semblent être amis …"

Ils avaient atteint la porte de Severus et se souhaitèrent bonne nuit. Lucius continua le long du couloir vers ses propres chambres. Les filles n'étaient nulle part en vue. Elles étaient probablement déjà allées se coucher.

Maintenant, il était complètement éveillé de nouveau, après que les vapeurs d'alcool aient abandonné leur prise sur son cerveau. Il regarda fixement dans le miroir --- qui ne fit aucun commentaire; peut-être était-il endormi --- et essaya de décider ce qu'il pensait exactement du visiteur étrange de Julius Malfoy. Voldemort. Vol de Mort. Il se dirigea vers les bibliothèques qui, à sa surprise, contenaient de nombreux dictionnaires. Cela était facilement expliqué par la variété de textes alignés sur les étagères, il y avait des livres de toutes les langues, depuis ce qu'il supposait être du chinois au grec Antique, en passant par l'arabe, le latin, le français et l'italien. Il prit un dictionnaire français-anglais et l'apporta vers l'un des fauteuils, se débarrassa de ses robes et s'assit. La chaise se tenait près de la cheminée et Severus sentit une ondulation plaisante passer sur la chair de son dos quand il s'assit et remarqua que le tissu vert foncé avait été réchauffé par les flammes.

Il connaissait le latin bien assez pour être sûr pour "mort". Cela signifiait mort. Mais "vol" ? Cela venait-il de "velle", signifiant "vouloir" ? Ou de "volare" - "voler" ? Voiture … vol …voila. "voler" …aha, alors cela venait de "volare". Mais aussi … quoi ? "Chapardage" ? "Envol de mort" ? Comme c'était poétique! "Chapardage de mort" ? Si vous le disiez assez souvent, cela emmêlait la langue. Chapardagedemortchapardagedemortchapardagedemort… Non. Définitivement envol de mort. Voler dans la nuit sur les ailes de la mort … s'envoler vers la lune sur les ailes de la mort … vers la lune … la nymphe lunaire, portée par les ailes de la Mort … leur son de vitesse … calmant le corps et l'esprit … une voix comme une cloche d'argent …

Severus s'endormit rapidement sur son fauteuil près de la cheminée.

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Il était assis dans la bibliothèque le matin suivant, profondément immergé dans "de daemonis succubisque", un titre qu'il avait lu dans une note en bas de page dans "Épreuve : un Essai sur Idées fausses des Moldus" à Noël dernier. Cela avait été un choix aléatoire, la première chose qui lui était venue à l'esprit, car il avait été totalement perdu parmi les milliers et les milliers de volumes alignés sur les murs. Mais il avait été satisfait de ce qu'il avait obtenu, utilisant Accio, avec hésitation, parce qu'il n'avait pas la moindre idée d'où le tome pouvait être, et il était déjà arrivé à la page trente-sept. D'habitude, il était un lecteur rapide, mais le latin baroque avec son tas d'abréviations le ralentissait. Severus était si absorbé dans sa lecture qu'il n'avait pas entendu la porte se refermer et avait seulement levé les yeux quand une ombre était tombée sur le livre.

"Lord Voldemort…Monsieur," balbutia-t-il, "je … désolé, je ne vous avais pas entendu …"

Le grand sorcier lui fit un sourire et tendit une main vers le volume. Avec obéissance, Severus le lui remit.

"Intéressant", murmura-t-il, regardant le titre et inclinant la tête, "Pas le passe-temps habituel du sorcier de treize ans moyen. Pourquoi n'êtes-vous pas à l'extérieur ?"

"Je ne suis pas du genre très extérieur," répondit le garçon, "Mais si vous voulez rester au calme, je …"

"Non, non," l'interrompit Voldemort, s'asseyant à côté de lui, "S'il vous plaît restez. Restez ici et tenez-moi compagnie." Severus le regarda d'un air un peu soupçonneux. Pourquoi Lord Voldemort désirerait-il sa compagnie ? Il n'avait pas semblé excessivement intéressé par les plus jeunes invités hier soir. Tout à fait le contraire, en fait. Son soulagement, une fois que leur parti avait été séparé et qu'il avait finalement été libre de parler avec Julius Malfoy avait été seulement trop visible, alors - "A l'école, votre père était mon idole, vous savez ?"

Ces mots non seulement terminèrent sa rêverie, mais attrapèrent immédiatement son attention. "Votre … mais … mais … vous ne pouvez pas avoir été là-bas en même temps, n'est-ce pas ?"

"Non, bien sûr que non. Quand je suis né, votre père avait presque fini l'école. Mais il y avait beaucoup de ressemblances, la plus évidente étant que nous sommes … étions tous les deux des Serpentards jusqu'à l'os. Nos …choix professionnels ont été un peu différents, cependant".

Oubliant tout ce que sa mère lui avait appris de civilité, Severus demanda à brûle-pourpoint "Alors, que faites-vous ? Et à propos de votre nom ? Il est si étrange --- je me suis demandé …" Sous le regard fixe et sérieux de l'autre sorcier, il prit conscience de combien il venait d'être impoli, rougit et ne termina pas sa dernière phrase.

Voldemort, cependant, ne semblait pas être excessivement ennuyé. Un fantôme de sourire sembla même traverser son visage. "Vous vous êtes demandé … en effet. Et quel a été, si je peux demander, le résultat de vos réflexions ?"

Severus se sentit pris au piège. "Oh, rien," était une réponse stupide, enfantine. Alors cela devrait être le résultat de ses songeries de l'autre nuit, ou bien il devait inventer quelque chose de plausible aussi rapidement que possible. Il se décida pour la seconde solution. "Cela semble un peu, euh, artificiel." Le sourcil droit de Voldemort monta en flèche. "Je veux dire, cela pourrait signifier 'Chapardage de Mort ' ou ' Envol de Mort ', cela semble un peu trop beau pour être vrai pour … un … nom, euh … réel." Cela avait presque eu l'air aussi stupide que "Oh, rien." Severus n'était pas très satisfait de lui. L'autre sorcier ne semblait pas s'en offenser, cependant.

"Vraiment très rusé," murmura-t-il, regardant le garçon avec des yeux rétrécis. "Alors, que préféreriez-vous, Severus? Envol ou Chapardage ?"

Sans hésitation, il répondit "Envol, bien sûr. C'est un peu, eh bien, poétique, mais c'est une image très suggestive. Le chapardage, d'autre part … à qui voleriez-vous la mort ? Cela n'a pas beaucoup de sens."

Voldemort se pencha en avant dans sa chaise, jusqu'à ce que son visage soit très près de Severus. "A la Mort elle-même, bien sûr," chuchota-t-il.

Severus se sentit frissonner malgré lui. "Quel … profit en retireriez-vous ?"

"Si je réussissais à voler la mort à la Mort Elle-même, je serais capable de l'infliger à quiconque je souhaiterais, à part moi," fut la réponse de Voldemort. "Cela a-t-il plus de signification maintenant ?"

Le garçon hocha la tête, pesant les mots. "Oui … oui, certainement. Et est-ce que c'est ce que vous voulez faire ?" Maintenant c'était le tour de Voldemort de hocher la tête. "Donc ce n'est pas votre nom réel ?"

Voldemort inclina sa tête légèrement. "Cela dépend, je dirais. Disons … votre nom est Severus Rogue." Il regarda le plafond un instant. Involontairement, le garçon imita son mouvement. Il n'y avait rien là, sauf un lustre énorme.

"Laissez-moi l'expliquer de cette manière : si mon nom réel est Lord Voldemort, le vôtre serait Sergeus Verou."

Severus mit quelques instants à comprendre. "C'est comme …" il cherchait l'expression juste "comme devenir qui vous êtes vraiment de ce comment vous êtes nés, n'est-ce pas ?" dit-il finalement.

Voldemort sourit d'un air appréciatif. "Très bien dit. Vous possédez un esprit brillant, Severus Rogue. Et qui êtes-vous ?"

Quelle question embarrassante. Trompeusement simple, mais il était oh tellement difficile d'y répondre. Qui était-il ? "Je suis … et bien, tout d'abord, je suis un sorcier. Et-" Cela ressemblait à descendre des escaliers avec un bandeau sur les yeux. Vous connaissiez la direction générale, mais vous deviez être très prudent pour ne pas trébucher. "-Je pense que j'en suis un bon, aussi."

"Vraiment ? Que faites-vous le mieux ?"

"Mmh …" Severus baissa les yeux vers ses mains, qui se reposaient sur ses genoux. Détendues, pas serrées nerveusement. Étrange, pensa-t-il, il aurait dû être nerveux, mais il se sentait calme et tranquille. En fait, il aimait assez cette conversation. Normalement, il détestait être le centre de l'attention de quelqu'un, parce que cela aboutissait d'habitude à de la dérision ou à une retenue. Cela, cependant, était différent. "Mes notes sont excellentes dans tous les sujets. Mais pour certains d'entre eux, je dois étudier un peu plus dur, comme en métamorphose par exemple."

"Et quel sujet exige le moins d'effort ?"

"Oh, Potions bien sûr. Cela me vient tout à fait naturellement."

La main droite de Severus fut saisie par un pouce et un index frais et fermes. Voldemort lui donna un regard intense, puis la relâcha et se pencha en arrière dans sa chaise. "Vous avez très certainement les mains d'un Maître de Potions. Sèches, habiles, élégantes. Ah, les possibilités …" Son regard fixe devint un peu moins concentré, et il regarda brièvement par la fenêtre, vers la ligne apparemment infinie de collines vertes se perdant elle-même derrière l'horizon. "Vous avez le pouvoir de distiller la grandeur, de mettre la gloire en bouteille, d'enfermer la mort dans un flacon … Et, bien sûr, de distiller l'amour," ajouta-t-il avec un sourire rusé, ses yeux retournant au garçon qui rougissait maintenant de façon éclatante.

"Je…euh …" bégaya-t-il, ne sachant pas s'il se vendrait plus en niant ou en feignant d'ignorer les derniers mots.

"Cela a été une conversation très plaisante," dit Voldemort, "je dois partir maintenant, mais je crois que nous continuerons bientôt."

Il se leva de sa chaise et quitta la bibliothèque, grand, sombre et mystérieux---laissant Severus à ses propres pensées très chaotiques.

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En somme, le sorcier énigmatique resta au Manoir Malfoy environ quatre semaines, allant et venant sans aucun commentaire de ses hôtes. Sa première conversation dans la bibliothèque avec Severus fut en effet suivie par plusieurs autres. À la surprise de Severus, il était le seul des adolescents résidents à qui Voldemort prenait la peine de parler. Quant aux filles, il ne semblait pas même les remarquer et chaque fois que Lucius faisait une tentative de conversation, il était coupé, avec divers degrés de politesse.

Avec une appréhension croissante, mais indéniablement aussi avec fierté, Severus prit conscience du fait que Lucius était … jaloux ? Oui, il était sans aucun doute jaloux. Il était le prince héritier, alors il était celui qui devait être choisi, pas Severus le Personne. Un jour, peu avant le dernier départ de Voldemort, Severus surprit involontairement une conversation entre Julius Malfoy et son fils. Évidemment Lucius s'était plaint que l'invité de son père le négligeait. La réponse qu'il obtint fut étonnamment abrupte.

"Vous ne mettrez plus en doute les choix, le comportement ou quoi que ce soit de Lord Voldemort. Est-ce clair ?"

Il y eut un son de marmonnement, probablement que Lucius s'était plaint. Le son suivant que Severus entendit fut celui d'une main se posant péniblement et durement sur la peau et, immédiatement après cela, un autre. Un halètement puis le silence. La voix de Julius Malfoy de nouveau.

"Personne ne serait plus heureux que moi, si Voldemort vous avait choisi au lieu de Severus. Croyez-moi. Mais je ne mettrai pas en danger votre vie, ma vie, ou la vie de votre mère en doutant ouvertement de ses choix. Vous ne l'avez peut-être pas compris, garçon, mais jouer des jeux avec Voldemort mettra votre vie en danger. Pas pourrait mettre, mais mettra. Retenez bien cela. Si vous voulez faire quoi que ce soit, essayez de travailler plus dur à améliorer vos compétences et capacités magiques. C'est tout ce que vous pouvez faire. Vous feriez mieux de garder cela en mémoire. Allez maintenant..."

Severus n'avait pas besoin d'en entendre plus. Il s'éloigna sur la pointe des pieds aussi rapidement qu'il le pouvait et se cacha derrière une porte ouverte. Lucius passa rapidement devant lui, sans le remarquer, ne regardant ni à gauche, ni à droite. Sur ses joues, deux marques rouges brûlaient et sa gorge était blanchie, ce qui était un signe d'agitation extrême.

Quand Severus eut entendu la porte de ses chambres se refermer, il sortit soigneusement de sa cachette et alla à la bibliothèque. Il avait beaucoup de choses auxquelles penser.