CHAPITRE 6

Peu étonnamment, Severus n'avait pas envie de dormir. Quand le fantôme l'avait quitté, il était seulement neuf heures un quart et même s'il avait été fatigué auparavant, la vague d'excitation qu'il sentait maintenant aurait dépassé cela de beaucoup. Il n'était pas capable de raisonner clairement. Trop de pensées incohérentes traversaient son esprit. Peut-être devrait-il essayer de continuer sa lecture, alors. Commençant simplement à quelque point aléatoire --- il avait lu le livre deux fois déjà et le savait presque par coeur. Il le fermerait, le réouvrirait où qu'il s'ouvre tout seul et, les yeux fermés, il mettrait son index sur la page. Il commencerait à lire du mot même sur lequel le bout de son doigt reposait, sans regarder le numéro de la page, sans se soucier d'où exactement il en était. Il essayerait de calculer le point de l'histoire où l'avait déposé la chance et continuer à partir de là. Cela allait, il l'espérait, exiger assez de concentration pour empêcher son esprit de vaciller incontrôlablement.

Il ferma les yeux et le livre. Le tenant dans sa main gauche, le saisissant fermement par la tranche, sentant le doux cuir de sa couverture. En faisant glisser rapidement son pouce droit sur les pages, il imagina les jeux de lumière sur les bords dorés. Où s'ouvrirait-il ? Cela lui dirait-il quelque chose ? Les yeux toujours fermés, il sourit, parce que le visage impatient de Sibylle était apparu devant son oeil mental. Elle aurait été enthousiaste, bien sûr. Un Oracle de Livre! Il pouvait presque entendre sa voix, chantant "Détends- toi, Severus, libère ton esprit de toute pensée … Laisse l'esprit d'éternité, où le temps n'existe pas, prendre possession de tout ton être…"

Absurdités, pensa-t-il, l'esprit d'éternité n'existait pas. Le temps existait, parce que le mouvement existait. Où il y avait de la vie, il y avait du mouvement et donc il y avait aussi du temps. Pas de message du destin, pas d'oracle fragile. Il ouvrit le livre et ensuite, lentement, les yeux. Clignant des yeux, parce que ses pupilles s'étaient habituées à l'obscurité il regarda fixement la page.

Plus un homme est rusé, moins il soupçonne qu'il sera pris par une chose simple. Plus un homme est rusé, plus le piège dans lequel il doit être attrapé sera simple.

Severus trembla involontairement. Même avec la certitude que l'esprit d'éternité, lui dévoilant son avenir en employant ses propres mains et son propre livre n'existait pas, c'en était diablement près. Plus un homme est rusé … Il était certainement rusé. Autrement il n'aurait jamais été réparti à Serpentard. Rusé, ambitieux - tous ses camarades de Maison possédaient ces qualités à des degrés variés. Et il était exceptionnellement intelligent. Fier de cela, oui. Pas assez fier pour lui faire oublier qu'il n'était pas le plus intelligent. Pas le plus rusé. Mais Raskolnikov avait raison, bien sûr. Les esprits subtils étaient le mieux attrapés par des pièges simples.

Plus le piège dans lequel il doit être attrapé sera simple… Le Baron Sanglant lui tendait-il un piège ? Le Baron lui avait-il parlé des conséquences probables, au cas où il aurait favorisé la connaissance contre la sécurité, simplement pour le conduire à poser la question ? Cela aurait été une stratégie appropriée s'il avait voulu attraper un Gryffondor. Ces nigauds embrasseraient volontiers l'alternative la plus risquée, sans y penser deux fois eh bien, probablement que penser même une fois leur donnerait suffisamment de maux de tête.

Ignorant les commentaires sarcastiques de son soi raisonnable, lui disant que personne n'allait jamais le savoir et qu'il aurait bientôt oublié le savoir, ---sachant, sentant tout le temps, que c'était un des moments de sa vie qu'il n'allait jamais oublier --- il décida d'essayer l'oracle de nouveau. Dans une situation comme celle-là, où la logique refusait d'aider de quelque manière que ce soit, consulter un livre était aussi bon moyen de décision qu'un autre. Il pourrait aussi lancer une pièce de monnaie, ou effeuiller une fleur. Mais il se sentirait plus en sécurité si le livre prenait soin de lui. Il l'avait toujours bien traité, l'avait chéri, l'avait aimé. Il n'allait pas lui faire faux bond maintenant qu'il en avait besoin. De nouveau, la petite voix essaya de parler, l'appelant un imbécile, un idiot sentimental, un adolescent fou et lunatique, que la partie plus mauvaise de son esprit avait truqué à croire en des illusions …

Il dit à cela de s'arrêter. Son esprit était aussi clair que toujours, ses pensées … il pouvait sentir ses propres pensées, presque physiquement, leurs formes péniblement claires, comme des silhouettes de papier noir contre un fond blanc aveuglant, des bords impeccables, précis et propres … Il regarda les objets autour de lui --- leurs couleurs étaient plus fortes, plus prononcées que d'habitude et ils semblaient se bomber légèrement vers lui. Même son sens olfactif était intensifié. Il pouvait distinctement sentir l'odeur d'une goutte d'encre que quelqu'un avait renversée sur la table d'à côté. C'était comme être délirant de fièvre. Mais il n'avait pas de fièvre. Il savait seulement que le Baron ne lui avait pas tendu de piège. C'était important. Aucune preuve raisonnable, juste un sentiment au fond de ses tripes.

Severus prit une respiration profonde, ferma les yeux de nouveau et répéta la procédure. Il se sentait un peu irréfléchi quand il trouva finalement le courage de regarder.

Alors il se tortura, se tourmentant avec de telles questions et y trouvant une sorte de plaisir. Et pourtant toutes ces questions n'étaient pas des questions nouvelles auxquelles il ferait soudain face, c'étaient de vieux maux familiers. Depuis longtemps elles avaient commencé à saisir et déchirer son coeur. Il y avait longtemps, bien longtemps que son angoisse présente avait fait ses premiers débuts; elle avait grandi et pris de la force, elle avait mûri et s'était concentrée, jusqu'à ce qu'elle ait pris la forme d'une question craintive, frénétique et fantastique, qui torturait son coeur et son esprit, réclamant avec insistance une réponse. Maintenant la lettre de sa mère avait éclaté sur lui comme un coup de tonnerre. Il était clair qu'il ne devait pas maintenant souffrir passivement, à s'inquiéter sur des questions non résolues, mais qu'il devait faire quelque chose, le faire immédiatement et le faire rapidement. De toute façon il devait décider quelque chose, ou bien …

Oh, Dieux. Dieux Tous-puissants. Il connaissait ce passage. Il l'avait même beaucoup aimé, sentant immédiatement qu'il lui parlait la première fois qu'il avait lu le livre il y a deux ans. Il se rappela distinctement qu'il avait senti comme un doigt s'étendre du volume et toucher doucement son coeur, laissant un endroit endolori, comme une démangeaison douce. Mais maintenant … Maintenant ces phrases avaient été déchirées de leur contexte et placées dans un nouveau, dans le contexte de sa propre vie. Et acquis une nouvelle signification.

Soudain, toute la tension qui s'était accrue en lui fut partie et il se sentit épuisé. Jetant un coup d'oeil à sa montre, il fut stupéfié de voir qu'il était onze heures passées. Il n'aurait jamais pensé que cela lui avait pris si longtemps. Éreinté et se sentant déchiré entre l'euphorie et une tristesse étrange, inexplicable, il descendit lourdement l'escalier qui menait plus profond dans les intestins de Poudlard, vers les dortoirs des garçons.

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Si Severus s'était attendu à ce que son sommeil soit torturé par des cauchemars prodigieux, des démons voulant l'atteindre avec des tentacules glacials, pour l'entraîner dans un abîme de visions terrifiantes, il avait eu tort. Sa somnolence fut longue et paisible. Même régénératrice. Quand il se réveilla le matin suivant, il eut légèrement honte, à la fois de ses espérances et de sa réaction exagérée d'hier soir. Ou c'est ce qu'il en pensait. Ce qu'il voulait en penser. Se forcer lui-même de penser. Y réussissant presque. La lumière du jour dissipant les illusions et le bavardage sans signification des élèves et du personnel au petit déjeuner aidèrent beaucoup. Après le petit déjeuner, il alla à la bibliothèque et continua à travailler sur le projet. Plus que deux biographies et il aurait fini. Ensuite, il n'aurait plus qu'à mettre au propre et quand Lucius et Clarissa reviendraient après les vacances, ils pourraient remettre à Binns trois grands rouleaux de parchemin.

Il lut et prit des notes et alla chercher des livres et lut et prit des notes et ne pouvait pas s'empêcher de penser à Voldemort. Occuper ton esprit avec les semblables de Tom-Elvis Marvolo Jedusor ne t'apportera rien que des soucis …Qu'est-ce que le Baron Sanglant avait voulu lui dire ? Soucis --- Quels soucis ? Ce n'était pas comme si sa vie n'était que joie et harmonie en ce moment. C'était difficile et parfois intolérable. Il était pauvre. Sa mère était mentalement instable. Le nom de Rogue était tellement entaché qu'il ne pouvait pas entretenir d'espoirs réalistes d'obtenir un travail convenable. Il y aurait toujours ceux avec plus d'argent ou d'influence, qui pourraient facilement le rattraper sur la route vers le succès. Alors, quel était ce prétendu soucis que Lord Voldemort lui causerait ?

Après tout, le Baron Sanglant pouvait avoir beaucoup d'expérience de vie euh, non, de mort; il avait certainement vu autant de choix de vie qu'il avait vu d'élèves. Mais il était encore un fantôme, enfermé dans les murs du château. Il ne savait pas même que Tom-Elvis Marvolo Jedusor était maintenant Lord Voldemort. L'homme qui voulait voler la mort à la Mort Elle-même. Sombre ? Oh, oui, certainement que Voldemort était un Sorcier Sombre et l'avait probablement déjà été pendant qu'il était encore à l'école. Peut-être que cela n'aurait pas été connaissance commune, mais le Baron l'aurait su. Et alors ? Jedusor n'était ni le premier, ni le seul. Le fantôme aurait aussi bien pu l'avertir au sujet de l'amitié de Lucius. Le fils de Julius Malfoy pourrait certainement en donner à Jedusor pour son argent au sujet des Arts Sombres.

Oscillant ainsi entre la pensée raisonnable et l'excitation gênée qui le tiraillait d'impatience chaque fois qu'il pensait à sa rencontre suivante avec le Fantôme de Maison, Severus termina son travail. Il demanda à Mr Phorme la permission de laisser les livres sur la table quelques jours de plus, au cas où il aurait oublié de vérifier quelque détail et ensuite il ramassa ses affaires pour les rapporter au dortoir avant le déjeuner. Huit heures à faire passer. Une pour déjeuner, une pour dîner. Six longues heures vides. Et demain c'était Noël. Demain il saurait. Il aurait pris une décision, fait un choix irréversible, à moins d'aller voir Dumbledore pour lui demander de le mettre sous Oubliettes. D'habitude, vous ne saviez pas l'importance de certains moments dans votre vie jusqu'à après qu'ils soient arrivés. Savoir à l'avance que quelque chose allait probablement changer votre vie était très étrange en effet. Severus décida de savourer chaque minute de ces heures, au lieu d'essayer de tuer le temps.

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"Je suppose que tu as pris une décision ?"

La voix rauque du Baron Sanglant fit sursauter Severus. Aussi incroyable que cela lui semble, il s'était assoupi, probablement à cause de la chaleur qui rayonnait de la cheminée.

"O-oui, Monsieur. Bonsoir Monsieur!" murmura-t-il, se redressant et essayant de se donner une apparence plus respectable. À son horreur, il vit qu'il avait bavé sur ses robes en dormant. Bonjour la dignité.

"Et quel est ton choix ?"

"Je voudrais savoir tout ce que vous pouvez me dire, Baron."

Le fantôme hocha la tête lentement, comme s'il réfléchissait profondément. "Je n'attendais rien d'autre. Et quels ont été tes motifs, si je peux le demander ?"

Severus se mordit lèvre. Bien qu'il ait un soupçon que le Baron ait pu l'observer l'autre nuit, il ne voulait pas en parler ouvertement. En plus, il y avait plus de raisons que les seuls sentiments délirants d'hier. Il n'avait en aucun cas oublié son triomphe sur Lucius l'été dernier et y ajouter encore un autre en disant nonchalamment qu'il avait tout découvert sur Tom-Elvis Jedusor était une pensée simplement trop attirante pour être écartée comme sans importance. Et ensuite, bien sûr, il y avait sa soif de connaissance. Il ne pouvait simplement pas supporter de secret --- aussitôt qu'il apprenait leur existence, il devait en savoir plus. Mais il n'avait aucune intention de se révéler entièrement en présence du Fantôme de Maison.

"Cela semblait important," répondit-il. "Si c'était assez important pour que vous m'observiez et veniez me voir, c'est certainement assez significatif pour que je le sache."

Le Baron hocha la tête de nouveau. "Je vois. Mais je t'ai aussi parlé du danger qu'une telle connaissance contient pour toi. Pourquoi ignores-tu un avertissement sérieux ?"

Severus le regarda droit dans les yeux. "Si vous saviez à coup sûr que cette connaissance me fera un mal sérieux, je suis sûr que vous n'y auriez pas fait allusion, n'est-ce pas ?"

"Tu aurais trouvé tôt ou tard, de toute façon," répondit le fantôme, évitant le regard stable du garçon.

"Avec tout le respect que je vous dois, Baron, je crois que je vous ai posé une question. Pensez-vous que vous pourriez vous soucier d'y répondre ?"

"Un mal sérieux ne signifie pas nécessairement un mal irréversible," répondit le spectre après une brève hésitation.

"Aucun mal n'est irréversible sauf la mort."

Le Baron eut un rire creux. "Tu es très jeune, Severus Rogue et ainsi pas encore conscient du fait qu'il y a plus qu'une sorte de mort."

Supposant que le fantôme se rapportait à lui, Severus dit avec un sourire "Je ne pense pas que cela me dérangerait tant que cela d'être un fantôme."

"Tu ne sais pas de quoi tu parles, gamin," fut la réponse sévère, "Laisse-moi hors de ce jeu. Je suis une âme qui a perdu son corps. Je parlais du contraire exact. Le corps peut continuer à vivre, même quand l'âme est morte. Il faut … un miracle pour ressusciter une âme morte."

Malgré lui, Severus était fasciné par cette conversation. "Un miracle ? Quelle sorte de miracle ?"

"L'Amour. Oh, tu ne devrais pas sourire, mon garçon. Que pourrais-tu connaître de l'amour ?"

L'image passagère d'Yelena Malfoy émergea dans l'esprit du garçon et le fit rougir de façon éclatante.

"J'ai dit l'amour, mon garçon. Pas le désir. Ni une fantaisie, non plus. Ce qui est, j'imagine, le plus proche qu'un garçon de ton âge ait jamais pu être d'aimer. Seuls très peu de gens ont suffisamment de chance pour l'éprouver et moins encore sont capables de le reconnaître. Oui, le vrai amour est assez fort pour racheter une âme morte. Mais je n'y compterais pas, à ta place. Il est difficile d'aimer un homme dont l'âme est morte."

"Est-ce-" Severus avala "Est-ce que vous, je veux dire, une femme vous a-t-elle aimé comme ça ?"

Le Baron hocha la tête gravement.

"Et…qu'est-il arrivé ? Est-ce--- Est-ce que cela a un rapport avec le fait que vous soyez un fantôme ?"

"Ma réponse est oui. Et, non, je ne révélerai pas d'autres détails. Maintenant à notre affaire. Tu pourrais vouloir chercher le nom de Marlowe dans le Qui est Qui."

Severus put seulement hocher la tête, les yeux grands ouverts et silencieux, parce que sa gorge était soudain très sèche et sa langue semblait s'être métamorphosée en boule de coton. L'expression du fantôme changea soudain de grave à inquiète. Il flotta vers le garçon et, de sa main irréelle, toucha brièvement une joue brûlante. "Fais attention à toi, Severus Rogue," chuchota-t-il et il partit.

Lentement, Severus leva sa main droite et passa ses bouts de doigts à l'endroit encore froid et engourdi. "Marlowe …" murmura-t-il, oubliant la dernière remontrance du Baron. "Marlowe … Marvolo … bien sûr! Je savais que cela me rappelait quelque chose. Sauf que je ne l'avais pas entendu en Histoire de la Magie. Quel idiot j'ai été."

Mais alors, pensa-t-il, son esprit l'avait dupé. Parce que maintenant, quand tout semblait si évident, si … simple, ce qui, bien sûr, était facilement dit en rétrospective, maintenant il se rendait compte que cela avait été moins le nom que la ressemblance saisissante qui lui avait rappelé quelque chose sur laquelle il ne pouvait pas tout à fait mettre le doigt. Les mêmes yeux, le même arc de sourcils --- mais ce qui rendait la similitude vraiment frappante était l'expression identique des deux visages : Recherchant, curieuse, d'intensité attirante. Christopher Marlowe et Tom Jedusor.

Il se rappelait vaguement de la biographie des dernières pages de l'édition des quelques travaux restants du dramaturge. Penser qu'il avait vraiment cru que l'homme était un Moldu! Quand tout de lui criait magie. Et de Serpentard. Quoiqu'il n'ait pas manqué d'une certaine attitude je-m'en-fichiste qui aurait aussi pût faire penser à Gryffondor. Comme Black, par exemple. Mais Black, casse-cou comme il était, n'aurait jamais aimé jouer avec les gens autant que Marlowe l'avait fait. Cependant, ce n'était pas le bon moment pour penser à Black. Il devait se concentrer sur l'ancêtre de Voldemort maintenant. Qu'est-ce qui avait été écrit là sur lui ? Se penchant en avant, Severus reposa ses coudes sur ses cuisses et enterra sa tête dans ses deux mains, comme si la contraction physique était capable de forcer la concentration mentale. Essaye d'abord de te rappeler exactement l'apparence du volume …concentre-toi, concentre-toi sur le livre. Il ferma les yeux serrés.

L'image d'un petit volume émergea lentement de son subconscient et, aussitôt qu'il fut devenu reconnaissable, son esprit conscient s'en saisit impitoyablement et le traîna dans la lumière des projecteurs de la pensée raisonnable. Il était relié de cuir bordeaux, le coin supérieur droit de la couverture portait une éraflure profonde et le nom de Christophe Marlowe était gravé dessus en lettres dorées. Il fit s'ouvrir le livre par la volonté. Depuis la première page, Marlowe le regardait avec une curiosité moqueuse. Jusqu'ici, bien. Mais il avait besoin de la biographie. Dans le Qui est Qui, il allait trouver la version magique, mais d'abord, il voulait se rappeler de ce qui avait été dit aux Moldus. Pas pour la première fois, il était reconnaissant de la sorte de mémoire qu'il possédait. S'il se concentrait assez, les pages desquelles il était si désespéré de se souvenir reviendraient à l'oeil de son esprit.

L'effort était considérable, mais finalement, il réussit. 1564 à 1593. Il avait été conscient que l'homme était mort à un très jeune âge. Ou plutôt avait fait croire à sa mort, présuma Severus. Et bien, il allait lire tout cela plus tard. Seulement vingt-neuf ans. Fils d'un cordonnier. Les sorciers avaient choisi les professions les plus étranges dans ces temps, pensa-t-il. Mais aussi, les gens auraient plus aisément soupçonné un savant qu'un artisan, alors peut-être n'était-ce pas étrange après tout. Sa mère, fille d'un ecclésiastique ---était-elle une sorcière ? Difficile à imaginer, mais possible. Apparemment un agent du gouvernement. Un espion, un vrai Serpentard. Bien sûr, son éducation à l'école du Roi devait être un faux brillant, car il avait sûrement été élève à Poudlard. Des avis blasphématoires, prononcés négligemment en présence de quiconque voulait ou ne voulait pas les entendre. " Au commencement la religion était seulement destinée à garder les hommes dans la crainte." Severus rit sous cape. Le Ministère devait s'être arraché les cheveux. Ces temps avaient été dangereux et un sorcier qui énonçait publiquement que "Le Christ était un bâtard et sa mère malhonnête" mettait la communauté des sorciers en danger considérable. Alors probablement que cela avait été le Ministère qui avait insisté pour qu'il mette en scène sa propre mort.

Severus se déroula et se pencha en arrière dans son fauteuil, les yeux toujours fermés et un sourire jouant sur ses lèvres. Quel homme magnifique! Dépravé, brillant, forniquant avec des garçons et fréquentant de grands esprits comme Francis Bacon, Walter Raleigh ou Thomas Hariot. Et conscient de ses propres talents, un maître de relations publiques. Le sourire de Severus s'élargit quand il pensa au prologue du ' Juif de Malte '---par les meilleurs des poètes de cet âge, le Juif de Malte avait été et était fait. Les meilleurs des poètes, rien de moins.

Quel dommage qu'il n'ait pas apporté le livre à Poudlard, pensa Severus. Il aurait été délicieux de fouiller dans ces textes maintenant. S'il envoyait un hibou à sa mère tout de suite, elle ne pourrait pas lui envoyer le volume avant que les autres retournent de leurs vacances. Mais il n'était pas sûr qu'elle passe Noël en Angleterre ou en Italie cette année, alors peut-être valait-il mieux ne pas céder à la tentation, car si le livre arrivait trop tard, il aurait beaucoup à expliquer à ses camarades de Maison. Non, il valait mieux laisser les choses comme elles étaient. Mais maintenant, il devait chercher les Marlowes dans le Qui est Qui. Car, aussi remarquable que Christophe l'ait été, son rapport à Voldemort, le changement du nom "Marlowe" en "Marvolo" et l'importance que l'anciennement Tom Jedusor avait évidemment aux yeux de Julius Malfoy restaient toujours inexpliqués. Devait-il attendre jusqu'à demain ? Non, décida-t-il, sûr que cette nuit il n'allait pas pouvoir dormir beaucoup si ce secret continuait à harceler son esprit. Révéler ce mystère valait bien une sortie de nuit. Considérant qu'un si petit nombre d'élèves était resté à Poudlard, les enseignants avaient probablement réduit leurs rondes à un minimum, ou les avaient peut-être complètement laissées à Rusard.

Il avait assez d'expérience à éviter à la fois le concierge et son chat répugnant. Et, plus important encore, il savait que la porte de la bibliothèque n'était pas protégée par des sorts spéciaux ou des mots de passe --- il l'avait découvert durant sa deuxième année, quand il s'y était glissé avec Wilkes et McNair, une Sibylle réticente sur les talons, pour consulter les livres les plus intéressants de la bibliothèque sur les potions illégales, qui étaient bien sûr rangés dans la Réserve. Lestrange avaient mentionné quelque chose à propos de précédentes tentatives pour développer un sérum de vérité --- le Veritaserum comme on le connaissait de nos jours avait seulement été perfectionné à la fin du dix-neuvième siècle --- et que parmi beaucoup de résultats inutiles, il y en avait aussi eu d'assez fascinants. Pas aussi fort que le Veritaserum, mais assez efficaces pour faire cracher la plupart de ses secrets à quelqu'un pendant environ cinq minutes. Non seulement ces brouets étaient maintenant désuets et inutiles, mais le Ministère les avait aussi mis sur la liste des substances illégales, juste par précaution.

Descendant l'escalier vers les dortoirs, Severus avait un large sourire. Les Gryffondors n'avaient jamais su ce qui les avait frappé et les professeurs non plus n'avaient jamais découvert qui se cachait derrière la farce qui avait transformé la table des Gryffondors en champ de bataille. Ils avaient enrôlé l'aide d'un Elfe de Maison particulièrement soumis, que Sibylle avait presque fait mourir d'inquiétude en prévoyant qu'il recevrait des vêtements à moins qu'il ne les aide, mais que la même chose arriverait s'il laissait jamais échapper ne serait-ce qu'un seul mot sur l'identité des malfaiteurs. Trois cents points avaient été retirés à ces idiots insupportables, assurant ainsi la victoire de Serpentard à la Coupe des Maisons, et le château avait étincelé, en raison des détentions massives où Rusard avait fait bon usage des élèves, en leur faisant nettoyer le château tout entier.

Dans le dortoir, Severus enleva ses robes et échangea sa chemise blanche contre une chemise noire. Se dissimuler dans les ombres, au cas où quelqu'un arriverait pendant qu'il était dehors dans les couloirs, était beaucoup plus facile quand on portait du noir. Il mit sa baguette dans sa manche et retourna silencieusement en haut. Quand il parvint à la porte de la Salle Commune, il respira à fond et toucha le serpent taillé du côté droit du montant de la porte. La pierre solide se dissout en lumière verte. Il sortit dans le couloir. L'aventure pouvait commencer.