CHAPITRE 11

Pour éviter les soupçons, les cinq aspirants membres à la Fraternité de Voldemort se déplaçaient rarement en groupe compact, préférant se séparer en formations variées. Ainsi, deux semaines après l'incident nocturne de la Salle commune de Serpentard, Lucius entra nonchalamment dans la Grande Salle pour le petit déjeuner en compagnie de Clarissa et Heather, tandis que Severus suivit un peu plus tard avec Owen McNair. L'atmosphère était étrangement tendue, remarqua Severus quand ils entrèrent, jetant un coup d'œil à travers la lumière du soleil brillant qui tombait à flots du plafond de la Salle.

À la table de Serdaigle, certains des plus jeunes élèves --- Severus aurait dit des deuxièmes ou troisièmes années ---et les deux préfets formaient un groupe autour ce qu'il pouvait seulement supposer être l'un de leurs camarades, le groupe étant trop serré pour discerner ce qui était à l'intérieur. Pour une fois, les enseignants assis à la Grande Table, qui ne toléraient d'habitude pas que les élèves se comportent de cette manière pendant les heures du repas, ne semblaient pas objecter. Au contraire, les regards de la plupart d'entre eux étaient posés sur le groupe, mais pas d'une façon désapprobatrice. Le bourdonnement habituel des conversations et des rires n'était aucunement aussi fort que d'habitude. Il semblait réduit, comme s'il venait de dessous une lourde couverture qui assourdissait la plus grande part du son.

Ils s'étaient arrêtés à la porte d'entrée, déconcertés par la vague de malaise les submergeant. "Qu'est-ce qui se passe ?" murmura Severus à Owen, bien qu'il soit bien conscient que l'autre en savait probablement autant que lui ---ce qui était exactement rien.

"Je ne sais pas," répondit McNair, "Étrange cependant, n'est-ce pas ? Regarde Dumbledore, il semble avoir vieilli de cinquante ans d'un coup!"

C'était vrai, Severus le vit en continuant son chemin vers la table. Alors son regard tomba sur Lucius, dont les yeux scintillaient. Il poussa McNair du coude. "Regarde, on dirait que Lucius a eu des informations!"

Quand ils eurent presque atteint leurs sièges, le groupe de Serdaigle s'ouvrit. Ils avaient été debout autour de Constance et Lydia McKinnon, troisièmes années et cousines. Comme elles n'étaient ni dans la même maison, ni dans la même année que lui, Severus n'aurait normalement pas su leurs noms. Mais elles étaient aussi deux très jolies filles --- la tête de Constance était couronnée par une masse sauvage de frisettes rousses qui rendaient son petit visage ovale encore plus fragile et contrastait agréablement avec une paire de grands yeux bleus et Lydia avait des cheveux châtains épais, rougeâtres et les yeux violets les plus étonnants --- et étaient ainsi en haut de la liste noire des conquêtes possibles de Lucius. Pas qu'il ait quelque intention sérieuse que ce soit, car son avenir était déjà fermement lié à celui de Narcissa Lestrange. La tradition de choisir des partenaires appropriés pour leurs enfants n'était pas encore morte parmi les familles de sorciers les plus importantes et les Malfoys et les Lestranges étaient certainement dans cette catégorie. Mais non seulement Narcissa était à Beauxbatons, elle aurait aussi été taboue pour son futur mari si elle avait été dans la même école. Les rites de mariage antiques toujours observés par les vieilles familles exigeaient que la jeune mariée soit vierge et même quelqu'un comme Lucius savait qu'il valait mieux ne pas attirer la sorte de scandale qui devait nécessairement éclater si pendant la cérémonie il s'avérait qu'elle ne l'était plus.

C'est pourquoi Lucius, dont l'appétit sexuel était à peu près aussi étonnant que celui de McNair---ils étaient souvent complices de crime quand il s'agissait de la chasse aux filles et partageaient leur proie plutôt libéralement --- était constamment à la recherche de filles qu'il considérait comme accessibles.

"On dirait que les Centaures avaient raison pour une fois," chuchota-t-il à Severus, qui s'était assis à sa gauche.

Momentanément, Severus fut perplexe, mais il se rappela alors leur conversation avec Sibylle il y a deux semaines. Il avait été plutôt fatigué ce soir là, et très inconfortable, se souvenait-il, à cause de sa considérable excitation due au Professeur Lestrange et à Tabitha. "Qu'est-ce qui s'est passé ?" chuchota-t-il en réponse.

Sous la table, Lucius lui fit passer la Gazette du Sorcier sur les genoux et indiqua l'énorme titre. "LA FAMILLE MCKINNON ASSASSINÉE - LA MAGIE NOIRE EN REVEIL ?" Pour rendre sa lecture moins importune, Severus remplit son assiette de porridge et commença à en enfourner distraitement des cuillerées dans sa bouche, le regard continuellement fixé vers le bas. Il semblait que la famille entière ait en effet bien été anéantie, laissant seulement les deux filles. Qui que les criminels soient --- pas que Severus ait quelque doute que ce soit à cet égard, mais les autorités étaient complètements paumées --- ils avaient choisi le moment de leur attaque très soigneusement. Selon le témoignage d'une Elfe de Maison terrifiée, car personne d'autre n'avait réchappé de l'assaut, la famille célébrait le cent cinquantième anniversaire d'Angus McKinnon et tout le monde, jusqu'au cousin du quatrième degré par mariage le plus insignifiant, avait été là. Constance et Lydia avaient seulement échappé à la mort à cause de leur âge --- leurs frères et sœurs avaient eu trois, cinq, huit et neuf ans et avaient ainsi été trop jeunes pour être à Poudlard et tous de leur nombreuse famille, soit avaient aussi été trop jeunes, soit avaient déjà reçu un diplôme.

"Regarde l'image!" siffla Malfoy. Severus retourna le journal, qui était plié pour le rendre moins visible quand il circulait sous la table et vit une photographie du château des McKinnons.

"Et alors ?" demanda-t-il, "je sais qu'ils vivent dans un château."

Avec un geste impatient de la main, Lucius poussa en arrière le bord de la nappe qui couvrait une partie de l'image et maintenant Severus le voyait : Au-dessus du château, baignant la construction et les gens qui couraient précipitamment et sans but dans tous les sens, d'une pâle lumière à faire frémir, planait un énorme crâne. De temps en temps, un serpent sortait de la bouche du crâne --- ou plutôt du trou bâillant qui était là au lieu d'une bouche, un ovale légèrement déformé, qui semblait sourire au spectateur et lui tirer la langue.

"WOW!" souffla Severus, "c'est énorme! De quelle couleur penses-tu que c'est ?"

"Considérant que Tu-Sais-Qui était un Serpentard, je dirais vert ou argent," répondit Lucius. Ils avaient consenti à ne jamais prononcer le nom de Voldemort en présence d'autres, comme le risque d'être entendu était toujours là. Le nom du Lord était réservé pour les réunions où ils pouvaient être sûrs que personne n'écoutait.

"Comment penses-tu qu'il a inventé ce truc de crâne ?" murmura Severus, "Ou est-ce que c'est un symbole antique ?"

"Sais pas," répondit Lucius en chuchotant, "Mais ne pourrais-tu pas le demander à Lestrange ? Tu as une session de tutelle ce soir, n'est-ce pas ?"

Severus hocha la tête puis tomba dans une songerie silencieuse. Voldemort n'aurait pas pu choisir une cible plus appropriée pour son premier coup, pensa-t-il. Les McKinnons étaient une vieille famille puissante, des partisans fervents du Ministère --- Au cours des quelques deux cents dernières années, il y avait eu au moins trois Ministres de la Magie de ce nom --- et à l'esprit très ouvert quand il s'agissait de moldus. De temps en temps, l'un de leurs rejetons allait même jusqu'à épouser un moldu, car ils clamaient que la consanguinité continue entre les personnes magiques était nuisible. Les familles strictement pures de sang comme les Malfoys ou les Lestranges n'auraient rien aimé mieux que de les éviter, mais devaient se contenter de les mépriser secrètement, car les McKinnons étaient bien trop riches et influents pour être frappés d'ostracisme. En outre --- et c'était pourquoi l'attaque allait encore plus causer de tumulte --- ils étaient extrêmement populaires. Un certain nombre de fondations caritatives portait leur nom, la plus connue d'entre elles étant l'Orphelinat Magique McKinnon près d'Edimbourg, mais il y avait aussi un bâtiment McKinnon à Sainte Mangouste et la Bibliothèque McKinnon à l'Université Magique d'Urquhart, pour n'en nommer que quelques-uns. Quiconque avait le droit de porter le Tartan bleu et noir des McKinnons, orné par une broche d'argent en forme d'aigle, du bec duquel un serpent mort pendait, le faisait avec fierté et était considéré avec respect. Oui, Voldemort avait choisi ses victimes très soigneusement.

Les pensées de Severus s'arrêtèrent brusquement quand Clarissa, assise à sa gauche, le poussa du coude, lui demandant de passer le journal. Il le poussa vers elle. Lucius lui fit un sourire rusé, puis se pencha à travers la table pour s'adresser à McNair. "Hé, Owen, que penses-tu d'une petite démonstration de chevalerie ? Pour continuer le processus de mûrissage ?"

Les yeux de McNair, d'un brun si pâle qu'il semblait orange, se rétrécirent et ses dents se découvrirent en un sourire prédateur. "Pas une mauvaise idée, Malfoy," dit-il de manière appréciative. "Cela pourrait être exactement ce dont elles ont besoin. Deux paires consolantes de bras forts, prêts à les recevoir à chaque fois qu'elles ont besoin de consolation."

Severus secoua la tête d'étonnement. "Vous êtes vraiment incorrigibles. Ne pensez-vous jamais à autre chose ?"

"Seulement très rarement," répondit Lucius en haussant les épaules, "ne me dis pas que tu ressens quelque chose comme de la compassion pour ces deux poussins ?"

"La seule chose que je ressens est que vous perdez beaucoup de temps précieux, à courir après toute jupe qui passe à votre portée," dit Severus avec irritation, "Vous feriez mieux d'étudier."

"Nous préférons te laisser cela, Rogue," coupa McNair, "puisque tu ne sembles pas intéressé par les filles --- ni les garçons, à cet égard …"

"Si j'avais le choix entre une bibliothèque gigantesque et un paquet de femmes riant sottement, j'opterai certainement pour les livres. Ils ne répondent pas insolemment, pour simplement nommer une de leurs nombreuses qualités qui les rendent supérieurs aux filles --- ou aux garçons, à cet égard," répliqua Severus, imitant les derniers mots de McNair.

Lucius renifla simplement et, inclinant la tête en direction de la table de Serdaigle, fit signe à son complice de se lever et de le suivre là-bas. Malheureusement, Severus était assis du mauvais côté de la table aujourd'hui, en face des Poufsouffles, donc il dut demander à Heather une description détaillée de ce que se passait. Il n'approuvait pas le passe-temps favori des deux garçons, mais regarder par-dessus son épaule aurait manifestement pu éveiller les soupçons des filles et ruiner les tentatives de Lucius et d'Owen et il n'avait aucune intention de faire cela. Tant qu'ils continuaient à forniquer joyeusement, leurs humeurs étaient équilibrées et ils le laissaient tranquille.

A en juger du regard maussade de Heather, ils avaient du succès. Heather était la petite amie de McNair --- plutôt d'une façon de parler et pour éviter l'utilisation de l'invention de Tabitha des ' toilettes éjaculatrices '--- et avait exactement autant de raisons d'être jalouse que Poudlard comptait d'élèves filles de plus de douze ans. Ni Malfoy ni McNair ne faisait attention au fait qu'il existait une telle chose que l'âge de consentement.

"Es-tu devenue temporairement muette ou ne se passe-t-il rien ?" lui demanda Severus.

"Il se passe assez pour me mettre très, très en colère," répliqua Heather, "Et tu devrais leur demander toi-même, si tu veux le savoir, espèce de brute indélicate!"

"Comme il est chanceux que nous ayons Histoire de la Magie en premier," dit Severus, souriant, "Comme cela il y aura amplement de temps pour parler. Tu viens ?"

Il se leva et mit son sac sur le dos. Heather hocha la tête et partit avec lui et Clarissa vers la salle de classe du Professeur Binns.

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Prenant la fiole de corne de Licorne en poudre des mains de Lestrange et mesurant soigneusement une dose minuscule, Severus dit "Monsieur, puis-je vous poser une question ?"

"…dix, onze, douze. Bien sûr, M. Rogue. Demandez donc. Mais n'oubliez pas de remuer encore douze fois en sens inverse des aiguilles d'une montre dans exactement deux minutes."

Severus hocha la tête et retourna le petit sablier. "Je … je voulais en savoir plus au sujet de ce crâne, Monsieur," dit-il, fixant prudemment l'enseignant blond. Son visage resta impassible et donc Severus continua "celui qui flotte au-dessus du château des McKinnons, vous savez. J'ai vu l'image dans la Gazette du Sorcier. Est-ce quelque Symbole antique ou Lord Voldemort l'a-t-il créé ?"

"Toujours à la recherche de connaissance, n'est-ce pas ?" Lestrange sourit. Il se débarrassa de ses robes de travail --- la potion était presque finie, à part pour la poudre de Licorne et encore deux autres remuages --- et s'assit sur le bord de l'établi. "Pour étancher votre soif d'érudition : c'est en effet un symbole très antique, dont l'origine est perdue dans les brumes du temps --- Binns ne vous apprend-il donc rien ?" demanda-t-il avec humeur.

Sans regarder l'enseignant, car ses yeux étaient fixés sur les derniers grains de sable glissant par le petit trou dans la partie inférieure du sablier, Severus dit avec un petit sourire satisfait "Trop, si vous me demandez mon avis, mais seulement très rarement de choses importantes."

Il saisit la grande cuillère de cristal et commença à remuer, comptant jusqu'à douze, ajouta la corne de Licorne et retourna le sablier de nouveau, écoutant pendant ce temps la voix de Lestrange.

"Bien sûr il n'y a pas besoin de vous dire que le crâne est un symbole de mort," dit le professeur, étant retourné brusquement en mode enseignant, "mais très peu de personnes seulement savent qu'un crâne souriant, comme celui que vous avez vu sur l'image, signifie le triomphe sur la Mort. Il y a-" il fit signe à Severus de se reconcentrer sur le sablier, car le garçon l'avait regardé fixement bouche bée "-il y a des pierres tombales montrant des crânes ailés, souriant ou pas-"

"L'Envol de Mort!" chuchota Severus, tellement frappé par cette trouvaille inattendue qu'il saisit la cuillère juste à temps après que le dernier grain de sable ait quitté la partie supérieure du sablier. "Dans le sens des aiguilles d'une montre de nouveau, c'est cela, Monsieur ?" demanda-t-il, avant de plonger la cuillère dans le liquide miroitant aux tons d'ambre.

Lestrange inclina la tête. "Oui. Et …oui aussi, au sujet de ce que vous avez dit auparavant. Le crâne souriant prend son envol pour dépasser la Mort. Quant au serpent bien sûr c'est un hommage à Salazar Serpentard, mais alors Serpentard l'a choisi comme son propre signe pour une raison."

Severus éteignit la flamme et mit un couvercle sur le chaudron. La potion devait maintenant refroidir pendant environ une demi-heure, mais la vapeur devait rester à l'intérieur du chaudron, autrement le mélange perdrait beaucoup de son effet.

"Prenez le sablier de trente minutes et venez dans mon bureau," dit Lestrange, "Nous ferions aussi bien de nous asseoir confortablement tandis que nous parlons."

Il saisit ses robes et précéda Severus dans la chambre adjacente, une sorte de salle de séjour-cum-bureau, meublée de belles pièces antiques de l'héritage de famille de Lestrange. Bien que Severus et ses pairs aient surtout dû venir ici pour des engueulades et des remontrances sérieuses, il aimait tout à fait cette pièce. L'enseignant s'assit sur une des quatre chaises devant la cheminée, posa ses pieds sur celle qui lui faisait face et fit signe à Severus de prendre place lui aussi. Ouvrant les deux premiers boutons de sa chemise blanche immaculée, il demanda "Voudriez-vous quelque chose à boire ? Il faisait assez chaud là-bas."

Le garçon hocha la tête avec reconnaissance et Lestrange fit sonner une cloche semblable à celle que Severus avait vue dans le bureau du Directeur. Un Elfe de Maison apparut et il lui fut ordonné d'apporter du jus de citrouille, un verre de cognac et un pichet d'eau froide. Quand ils eurent tous deux étanché leur soif, Lestrange, réchauffant soigneusement le verre de cognac entre ses mains, continua sa narration.

"Comme je l'ai dit auparavant, Serpentard Salazar chérissait le symbole du serpent à cause de ses nombreuses significations. Et je ne parle pas de ce que les Moldus en ont fait," dit-il avec un froncement de sourcils dégoûté, "puisqu'ils n'ont pas la moindre idée de ce qu'ils font. Péché Originel, vraiment! Les sorciers sont différents, différent est mauvais, donc un des signes magiques les plus en vue et puissants doit automatiquement être l'emblème du Mal. Ces nigauds." Il prit une petite gorgée de cognac. " Je ne me perdrai pas dans l'histoire des symboles magiques en insistant spécialement sur le serpent, parce que cela prendrait toute la nuit et probablement plus. Ce qui le rend si intéressant pour Lord Voldemort est deux de ses significations: Tout d'abord, la valeur symbolique de muer. Cela signifie un changement constant, en maintenant la même identité intrinsèque. Et ensuite, bien sûr, il y a l'ouroboros, le signe du serpent mordant sa queue. Les grecs de l'antiquité avaient l'habitude d'écrire une sorte d'explication en dessous, 'ev to pav', signifiant ' Tout n'est pas qu'un '. Ils avaient tort, cependant. Et les quelques rares à le savoir ne se donnaient certainement pas la peine de les éclairer. Ce qui était une chose sage à faire, car l'ouroboros appartient à la magie la plus sombre et la plus élémentaire. "

Bien qu'ils ne fussent pas assis loin l'un de l'autre et que Severus entendît son enseignant parfaitement, il se pencha en avant pour boire chacun des mots de Lestrange --- il avait l'impression de découvrir un continent entièrement nouveau.

"Le serpent est venimeux, bien sûr," continua Lestrange, "Et mordre sa propre queue signifie qu'il s'empoisonne avec son propre venin. Mais il ne meurt pas," murmura-t-il, frissonnant légèrement, comme touché par une brise fraîche, "Il se transforme simplement . Mystérieusement, inexplicablement. Il se transmute en quelque chose de plus fort et de beaucoup plus puissant qu'il ne l'était auparavant. Voldemort a voyagé dans le monde entier pour en apprendre plus sur ce rite --- car c'est un rite," dit-il, sa voix retournant à son volume habituel, "un rituel puissant pour renforcer les capacités magiques d'un sorcier. Et dangereux, très dangereux. Mais cela ne va certainement pas dissuader notre Lord."

Maintenant ils étaient tous les deux assis en silence, regardant fixement le feu. Severus se sentait complètement hypnotisé par l'effet combiné des flammes dansantes et des mots qu'il venait d'entendre. Après un moment, il demanda "Et Lord Voldemort a-t-il trouvé ce qu'il cherchait ?"

"En partie. Comme vous le comprenez certainement, la plupart des connaissances a été détruite, surtout la partie écrite. Et quoi qui soit passé par la tradition orale a aussi été mutilé. Il sera difficile de reconstruire la connaissance de nos ancêtres, sinon complètement impossible."

Il y avait peu de sable restant dans le sablier et donc tous deux se levèrent et retournèrent au laboratoire. Severus nettoya le plan de travail tandis que Lestrange mettait en bouteille la potion et l'étiquetait.

"Puis-je parler aux autres de ce que vous venez de me dire, Monsieur ?" demanda Severus.

"Bien sûr, M. Rogue. Bien que je doute sincèrement qu'ils montrent beaucoup d'intérêt à la question." Il fit un sourire tordu à Severus. "Mais vous pourriez vouloir lire au sujet du symbole du serpent," ajouta-t-il. "Si vous voulez, je peux vous donner une liste des travaux appropriés qui peuvent être trouvés à la bibliothèque vendredi, après les cours--- d'accord donc," dit-il, souriant à la lueur dans les yeux de Severus, "Bien, je suggère que nous nous arrêtions pour ce soir . C'est presque le couvre-feu. Bonne nuit, M. Rogue."

En flânant le long du couloir, Severus essaya d'analyser ce qu'il pensait de Lestrange. Il l'aimait bien assez, mais étonnamment, c'était plus la sorte d'affection normalement réservée pour un petit frère, ou c'est ce qu'il pensait. Il n'avait aucune expérience réelle dans ce domaine, mais il sentait une forte envie étrange de protéger cet homme.

C'est vrai, il le respectait aussi, mais il y avait quelque chose qui manquait … Lestrange était un enseignant et un Directeur de Maison capable, un Maître de Potions habile et une personne aimable. Il était férocement loyal envers les Serpentards et avait les bonnes vues et opinions. Il était beau, intelligent, cultivé, même charmant. Et pourtant…il était difficile de vraiment le respecter. Severus sentait instinctivement que cela n'avait aucun rapport avec son âge. Peut-être c'était sa faiblesse bien trop évidente pour Tabitha ? Ou, plutôt que sa faiblesse pour elle, la faiblesse causée par elle ?

Car malgré tout son soutien inflexible de la discipline et son respect parmi les étudiants, il était clair qu'il allait être l'esclave de Tabitha, une fois qu'ils auraient physiquement consommé leur rapport. Ce n'était pas seulement l'avis de Severus; le point de vue de Lucius concernant l'avenir de leur Directeur de Maison était à peu près le même. Et cela, réfléchit Severus en récupérant sa baguette pour ouvrir la porte de la Salle commune, était exactement ce qui faisait la différence entre les hommes comme Lestrange et les hommes comme Voldemort : les Hommes comme Voldemort---et Severus ne se faisait pas d'illusion, les hommes semblables à lui pourraient facilement être comptés sur les doigts d'une main mutilée --- ne seraient jamais les esclaves de quiconque. Peut-être…peut-être serait-il capable de devenir lui-même un tel homme.

~~~~ * ~~~~

Exactement ce dont il avait besoin, pensa Severus avec mécontentement quand la porte s'ouvrit pour révéler la scène se déroulant dans la Salle commune. Non seulement cela lui donnait une sensation étrange de déjà-vu, cela annihilait aussi ses espoirs de soirée calme de concentration et de réflexion.

La plupart de ses pairs étaient assemblés autour de l'un des fauteuils, d'où montaient des sanglots et reniflements sonores, à son grand malaise. Il avait horreur des pleurs. Ce n'était pas quelque chose qu'il avait l'habitude de faire, mais il le détestait encore plus chez les autres. Se faufilant entre Lucius et Mathilda, il vit que le paquet de misère qui produisait tous ces sons fortement irritants était Sibylle. "Quel est son problème ?" demanda-t-il à Lucius.

"Elle a essayé de se tuer, la stupide vache," répondit Lucius, avec un ton d'irritation extrême.

"Se tuer…pourquoi diable voudrait-elle se tuer ?"

"Et bien, un regard dans son miroir pourrait être un motif suffisant. Mais en fait, elle semble croire qu'elle aurait pu empêcher le massacre des McKinnons."

Sibylle, ses yeux l'air étrangement petit parce qu'elle avait enlevé ses lunettes, leva vers eux un regard accusateur. "Je suis là, vous savez ? Vous pouvez aussi me le demander si vous voulez savoir quelque chose. Et j'ai entendu le commentaire à propos du miroir, Malfoy."

"Excellent,"dit cruellement Lucius, "comme cela du moins je n'aurai pas à le répéter. Et maintenant sois gentille d'arrêter de sangloter, tu sais parfaitement bien que tu n'aurais rien pu y faire. Ou crois-tu sérieusement que quelqu'un aurait fait attention, si tu leur avais dit qu'on voyait bien Mars il y a deux semaines ? Lestrange t'aurait donné une retenue, c'est tout. Une double retenue, une pour s'être aventurée dans la Forêt Interdite et l'autre pour être si incroyablement stupide."

"J'aurais dû aller voir Dumbledore, ou du moins le Professeur Coleridge," murmura-t-elle. "Même s'ils n'avaient pas tenu compte de mes mots, au moins je n'aurais pas cela sur ma conscience maintenant …"

"Quelqu'un sait-il ce que 'conscience' veut dire ?" demanda Lucius, jetant un coup d'oeil aux autres avec un petit sourire satisfait.

Tabitha rit sottement. "Vraiment, Lucius. Mais il a raison d'un côté, Sibylle, si tu ne fais que te vautrer dans l'apitoiement sur toi-même -"

"Ce n'est PAS le cas!" hurla Sibylle, "Espèce de garce ignorante, tu ne peux pas même vaguement comprendre ce que cela signifie voir ce qui va arriver, sans être capable de faire quoi que ce soit! Ce n'est pas de l'apitoiement sur soi-même, c'est du désespoir, juste au cas où tu saches ce que cela signifie!"

"Mais Sibylle," dit Severus, dans une tentative pour la tranquiliser, au lieu de la rendre encore plus agitée---autrement cela n'allait jamais prendre fin, pensa-t-il "Essaye d'être raisonnable, juste pour une fois. En supposant que c'était vraiment l'événement que les Centaures et … euh, peut-être aussi toi prévoyiez, le fait reste que tu savais seulement que quelque chose allait arriver, mais ni quand, ni où exactement. Que te serais-tu attendue à ce que Dumbledore fasse ? Appeler la Gazette du Sorcier, leur demandant de faire de la publicité pour que tous restent chez eux durant les trois semaines suivantes ?"

Elle lui jeta un regard exaspéré. "J'ai vu le crâne, Severus. Le crâne et le serpent, aussi clairement que je te vois, euh, que je te verrais si j'avais mes lunettes sur le nez."

Severus sentit sa gorge se contracter douloureusement.

"Tu as vu quoi ?" demanda brusquement Lucius.

"Ce signe, vous savez, celui flottant sur le château. C'était vert, comme un de ces trucs Moldus…comment les appellent-ils ?"

"Des Néons," dit Heather d'un ton de connaisseur. Huit têtes se tournèrent vers elle. "Ne me regardez pas comme ça! Ils ont de très intéressants … euh, trucs d'adultes." McNair sourit. "C'est pourquoi je le sais."

"Pourrions-nous retourner s'il vous plaît aux questions plus urgentes ?" dit Lucius d'un ton rogue. "Donc tu es en fait en train de nous dire que tu as vu ce crâne ? En couleurs en plus ?"

Sibylle hocha la tête. "Oui. Et peut-être que si je l'avais dit au Directeur, il aurait su quoi faire."

"Quoi qu'il en soit," dit Severus, faisant à Lucius un imperceptible clin d'oeil, "Lestrange doit être informé de cela. Il aurait nos têtes et nos dépouilles, si le Baron Sanglant lui parlait d'une tentative de suicide dans sa maison que nous n'ayions pas mentionnée . Croupton et Bentley sont déjà en colère contre nous à cause de votre show d'il y a deux semaines --- je ne veux pas les avoir constamment sur le dos, seulement parce qu'ils auraient reçu une autre réprimande de Lestrange pour avoir négligé leurs devoirs."

"Absolument juste," fit écho Tabitha, "Je vais aller le chercher."

"Tu restes où tu es!" la réprimenda Lucius, "j'irai avec Severus. Les femelles s'occupent mieux d'autres femelles en pleurs. Viens, Severus!"

"Mais je " Tabitha essaya d'élever une objection.

Deux pas et Malfoy fut debout à côté d'elle, saisissant le haut de son bras gauche. "Si je dis que Severus et moi allons chercher Lestrange, ma chère fille, alors Severus et moi y allons. Pas de ' mais', pas d'objection. Il y a plus qu'assez d'occasions pour embrasser notre Directeur de Maison, mais ce soir n'est certainement pas l'une d'entre elles."

Il était vraiment bon à agir avec autorité, pensa Severus. Parmi les Serpentards, il y avait seulement McNair qui puisse l'égaler. Et cela signifiait tous les Serpentards, pas seulement ceux de leur âge. Barty Croupton pouvait être Préfet et l'image de la perfection aux yeux de Mathilda, mais il n'approchait nullement Malfoy. Et bien, que pouvait-on attendre d'autre du fils d'un fonctionnaire du Ministère, qui avait seize ans, mais en semblait treize. Ce qui ne l'empêchait pas d'être un connard, bien sûr. Une copie ridicule de son père, cette chemise bourrée.

Quand Lucius eut achevé avec succès sa tâche de regarder Tabitha fixement jusqu'à obéissance tremblante ---ce qui n'était pas un exploit en soi --- ils sortirent tous les deux à grands pas de la Salle commune.

"Un coup de chance que tu aies parlé à cette vache," fit remarquer Lucius.

"Mhm. Comment a-t-elle essayé de se tuer, au fait ?"

"Tranché ses poignets. Horizontalement, peux-tu imaginer cela ? Comment peut-on être stupide à ce point ? Je veux dire, avec la plus simple connaissance anatomique de base-"

"Je ne pense pas que Sibylle sâche quoi que ce soit en anatomie," répondit Severus, "Ni de l'homme ni de la femme, si tu me le demandes. Bien, nous y voici."

Lestrange était toujours en chemise et pantalon, comme il l'avait été il y a quinze minutes, quand Severus l'avait quitté. Comme ils s'y étaient attendus, il fut extrêmement enragé par la tentative indubitablement maladroite de Sibylle pour se tuer ---Severus avait l'impression que son échec l'insultait encore plus que le simple fait qu'elle ait considéré mettre fin à ses jours.

"Horizontalement, vous dites ? C'est ridicule!" gronda-t-il, mettant ses robes. "Bon, les garçons, allons voir cela."

"Attendez une minute, Professeur!" dit Severus, "Il y a quelque chose de plus que nous devons vous dire." Et il informa Lestrange de la vision de Sibylle.

A l'évidence, ils avaient eu raison de supposer que c'était important. Lestrange devint assez pâle et s'effondra sur une chaise. "Oh mince alors !" chuchota-t-il, "Et elle est seulement en deuxième année de Divination. Nous ne pouvons absolument pas permettre ça." Il se tût un court instant, puis leva les yeux vers les deux garçons qui étaient toujours debout près de son bureau, le regardant avec attente. "Vingt points pour Serpentard pour votre pensée rapide. Dites-moi maintenant : qui a été témoin de toute cette scène dégoûtante ?"

Maintenant c'était le tour de Lucius de répondre. "Il semble que nous soyons assez chanceux, Monsieur. Les plus jeunes élèves étaient déjà allés se coucher, les cinquième et sixième année sont encore dehors dans la Forêt Interdite avec le Professeur Kettleburn et Hagrid---pour attraper des Auryncles, je pense --- et les septième année sont dans la tour d'Astronomie avec le Professeur Sinistra. Donc il n'y avait que nous. Mais tout de même, il y a Reynolds, Al Faruk, Wilkes et Nott qui…euh, n'appartiennent pas au groupe."

"Exactement," dit Lestrange, "Autant que je le regrette, je devrai les mettre sous oubliettes. Et, bien sûr, Mlle Trelawney aussi. Vous cinq devrez la surveiller de près," continua-t-il, se levant et les conduisant hors de son bureau, "sa tentative de suicide fournit un prétexte excellent. Elle ne doit pas retourner voir les Centaures, sous aucun prétexte. Quant aux difficultés futures, je demanderai immédiatement conseil. Vous, messieurs, aurez la gentillesse de m'aider à stupéfixer ceux que vous avez nommés. M. Malfoy, vous vous occuperez de Mlle Reynolds, M. Rogue endormira Mlle Al Faruk et Mlle Trelawney. Je m'occupe de Wilkes et Nott. Sortez vos baguettes. J'ouvrirai la porte à trois."