CHAPITRE 14
Ni Severus ni Lucius ne trouvèrent facile de feindre l'étonnement quand, dimanche matin avant le petit déjeuner, ils traversèrent avec les autres le Hall d'Entrée et virent un groupe de Gryffondors enragés, debout devant les énormes sabliers indiquant les points de maison. Ils n'avaient pas entendu la partie de la scène où soit Dumbledore soit Lestrange avait déduit les points--- Severus soupçonnait fortement que cela avait été ce dernier --- mais maintenant ils voyaient que l'aventure infortunée de Black et Potter avait coûté à leur maison pas moins de deux cents points. Bien sûr, les deux Serpentards savaient qu'il valait mieux ne pas afficher les sourires suffisants qui essayaient constamment de prendre possession de leurs visages. Après tout, ils avaient joué un rôle crucial dans l'histoire et auraient ainsi fait l'objet de la colère des Gryffondors, si ne serait-ce qu'un seul mot sur leur rôle avait échappé. Pas que Black et Potter ne dussent pas prendre leur juste part de colère. Mais leurs camarades n'auraient été que trop heureux s'ils avaient été capables d'épingler le blâme sur Rogue et Malfoy.
Donc ils participèrent à l'étonnement général qui, dans le cas des Serpentards, était mêlé à une dose substantielle de jubilation sinistre et passèrent dans la Grande Salle. Black et Potter étaient déjà là --- sinon rien d'autre, Severus devait à contre-coeur admirer leur courage, car il n'était pas si sûr que lui-même se serait aventuré hors des quartiers de Serpentard, s'il avait fait perdre à sa propre maison autant de points. Mais alors, ils étaient entre leurs deux autres copains qui, dans une démonstration typique de la fidélité têtue de Gryffondor, n'avaient pas choisi l'option intelligente de participer au dédain général, mais celle prétendument noble de rester au côté de leurs prétendus amis, même au risque d'être aussi évités. Si cette affaire entière avait concerné deux Serpentards au lieu de deux Gryffondors, les places à leurs côtés auraient été vides et ceux qui s'étaient appelés leurs amis le soir d'avant les auraient maintenant regardé de haut et avec dégoût. Mais Lupin le zinzin et Pettigrow le petit étaient là, l'air légèrement tendus et pas trop heureux avec leurs amis.
Même avec l'assez grande distance entre les tables de Serpentard et de Gryffondor --- car les Serdaigles étaient assis, ou plutôt, pensait Severus, avaient été stratégiquement placés entre eux --- il était possible de discerner combien Lupin avait l'air fatigué. D'une vague, tout ce qui était arrivé hier soir revint à l'esprit de Severus. Cela avait été noyé par leur aventure avec Potter et Black, mais après huit heures de sommeil profond, tout avait reprit sa place et découvrir ce que Madame Pomfresh avait fait dehors était une question plus brûlante que jamais.
Il y avait si peu d'élèves qui rentraient chez eux pour Pâques que cinq carrioles étaient assez pour les transporter à Pré-au-Lard. Les Serpentards virent Sibylle monter dans l'une d'entre elles avec un soulagement considérable --- ceux qui se souvenaient de toute l'histoire étaient heureux d'être exemptés de devoir d'escorte pendant au moins une semaine et ceux dont les mémoires avaient été modifiées n'objectaient pas le moins du monde à ce que pendant quelque temps ils ne dussent pas être constamment en état d'alerte, pour discerner les premiers signes d'un combat entre elle et Tabitha ou pour séparer les deux filles avant qu'elles ne puissent se précipiter l'une sur l'autre. Ainsi, les vacances de Pâques ne promettaient pas exactement d'être une période insouciante, car il y avait un tas de devoirs à faire, mais au moins un de leurs soucis leur avait été enlevé.
Les vacances passèrent assez rapidement, cependant Avant mercredi, tout le monde s'était habitué à voir Black et Potter nettoyer à fond les couloirs ou polir des armures sous le regard fixe et vigilant de Miss Teigne. Formel les faisait travailler aussi, car la bibliothèque avait eu terriblement besoin d'un nettoyage approfondi depuis quelque temps. Considérant le fait qu'ils avaient leurs devoirs à faire comme tous les autres, Severus était tout à fait stupéfié qu'ils réussissent à garder les yeux ouverts aux heures des repas. Tandis que Lupin regagnait son aspect de bonne santé, ses deux amis aux cheveux noirs devenaient visiblement plus minces. Les choses auraient même été plus agréables si Lucius et Severus avaient pu partager leur connaissance avec leur camarades; mais cependant, avoir les résultats de leur petite aventure constamment sous les yeux était très satisfaisant en effet.
Bien sûr, Black et Potter ne furent pas expulsés, car ils étaient toujours là quand les vacances se terminèrent. Sur leur chemin du retour aux quartiers de Serpentard jeudi après le petit déjeuner, Severus et Owen avaient vu les parents des malfaiteurs traverser le Hall d'Entrée, probablement sur leur chemin vers le bureau de Dumbledore. Le père et la mère de Black portaient le grand uniforme d'Aurors --- tout de blanc et d'or, ce qui, comme Severus le fit ensuite remarquer à Owen, était une preuve flagrante de la stupidité du Ministère, car cela en faisait des cibles ambulantes --- et M. Potter avait le manteau de Guérisseur et le bâton du médecin. Pour les yeux d'un élève de Poudlard, habitué aux robes noires unies mises en relief seulement par l'exposition de couleurs de Dumbledore, les deux couples semblaient être parés pour un bal masqué. Mais alors, réfléchit Severus, ils voulaient certainement diablement impressionner Dumbledore.
Le soir du dimanche de Pâques, les vacanciers retournèrent à Poudlard et les quatrième année de Serpentard attendaient en retenant leur souffle de voir comment la première réunion entre Sibylle et Tabitha allait se terminer. Ils supposaient tous que Lestrange avait persuadé Tabitha d'être plus raisonnable pendant les vacances et ainsi, quand les deux filles se rencontrèrent dans la Grande Salle au dîner, rien de spécial n'arriva, ce qui fit soupirer leurs camarades de soulagement. Sibylle semblait un peu soumise--- probablement qu'elle ne passait pas les meilleurs moments de sa vie, pensa Severus --- et quand Heather lui demanda comment s'étaient passées ses vacances, elle répondit seulement. "Oh, rien de spécial."
Quand ils eurent presque fini leur dîner, Lestrange, qui ne mangeait jamais beaucoup le soir et était déjà sur le chemin du retour vers ses quartiers, passa en flânant devant leur table, s'arrêta derrière la place de McNair et dit quelque chose à l'oreille du garçon. Owen hocha la tête et le Directeur de Maison continua son chemin vers la porte.
"Que voulait-il ?" demanda Heather.
"Rien que tu ne veuilles savoir, parce que cela ne te regarde pas," fut la réponse brusque de McNair.
Sur leur chemin vers les quartiers de Serpentard cependant, McNair, qui marchait devant Severus, rattrapa Heather et mit son bras autour de son épaule d'un geste plus possessif que tendre. Pendant quelque temps ils parlèrent à voix basse, puis Owen la lâcha aussi rapidement qu'il l'avait saisie et ralentit un peu jusqu'à se trouver à niveau avec Severus.
"Lestrange m'a dit que nous pouvons arrêter de jouer les chiens de garde pour Sibylle," murmura-t-il, faisant attention de ne pas être entendu de Wilkes et Mathilda qui étaient proches derrière eux. "Donne la bonne nouvelle à Lucius."
"Je le ferai. A-t-il dit quelque chose quant à la raison ?"
"Non, mais as-tu remarqué comment elle était étrange au dîner ? Je veux dire qu'elle n'est aucunement aussi bavarde que les autres, mais elle était certainement monosyllabique. Et un peu vague sur ses vacances, ne penses-tu pas ?"
Ils avaient marché délibérément lentement, et Stuart et Mathilda les avaient maintenant dépassés. Il y avait seulement quelques première et deuxième année derrière eux maintenant, et ils n'auraient jamais même rêvé de prêter une attention excessive à une conversation qu'ils n'étaient pas censés écouter.
"Maintenant que tu le dis …" Severus mâchait sa lèvre d'un air songeur. "Que penses-tu ? Te souviens-tu de quand Sibylle a reçu cette lettre, avant les vacances pendant le petit déjeuner ?"
"Difficile d'oublier, cela nous a coûté cinquante points," McNair fronça les sourcils.
"En effet. Mais ce que je voulais dire est que je me rappelle distinctement de l'expression sur le visage de Lestrange quand je lui ai dit comment la bagarre avait commencé et lui ai parlé de la lettre. On aurait presque dit qu'il l'avait attendue."
Owen s'arrêta si brusquement que l'une des plus jeunes élèves qui avait marché derrière eux lui rentra dedans. "Désolée", gazouilla-t-elle, voyant l'expression sur son visage et elle se dépêcha de partir en courant.
"Stupide morveuse," gronda McNair et ensuite il dit à Severus "penses-tu qu'ils…et bien, se sont occupés d'elle d'une façon ou d'une autre ? Et s'ils l'ont fait, que diable ont-ils pu faire ?"
"Je ne suis pas sûr," dit Severus lentement, tandis qu'ils reprenaient leur marche, "Mais ils l'ont certainement mise sous charme de mémoire. Je ne l'ai jamais essayé, mais je suppose qu'il est possible d'extraire des souvenirs de l'esprit d'une personne, de les mettre dans une pensine et de les re-implanter à la place de quelque chose que vous avez effacé."
"Oui, mais ne serait-ce pas un peu dangereux ? Je veux dire, Sibylle n'a jamais passé les vacances de Pâques à la maison, donc ils ne pouvaient pas simplement prendre, disons, des souvenirs de l'année dernière et pratiquement en faire un double."
"Et bien, il y a toujours les vacances d'été-"
"Ouais, ce serait super," l'interrompit Owen avec un rictus moqueur, "imagine seulement, elle se souviendrait s'être baladée en vêtements d'été à la fin mars ?"
"En effet. Donc la seule possibilité consiste en ce qu'ils se soient d'une façon ou d'une autre saisis d'elle le dernier jour et aient simplement fait un double du souvenir de l'un des jours précédents. C'est la seule possibilité, car soit ils l'attendaient quand le train est arrivé … non, attends, cela ne marche pas non plus … car je suis sûr que la lettre était un faux …"
"Pourquoi ne demandes-tu pas à Lestrange ?"
Severus considéra cette possibilité, puis dit "Franchement, je ne préférerais pas. S'ils l'ont vraiment manipulée de quelque façon, c'est une histoire très dangereuse et je doute qu'il me le dirait de toute façon."
Ils étaient parvenus à la porte de la Salle commune. "Tu as probablement raison," dit McNair, "Donc je suppose que nous devrons juste attendre pour voir ce qui arrivera."
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"Où est Sibylle ?" demanda Clarissa quand ils furent tous assis pour le déjeuner mercredi.
Tout le monde avait déjà commencé à manger. Seuls Nott, Reynolds et Trelawney n'étaient toujours pas là. Ils avaient Divination mercredi matin, si bien qu'ils arrivaient toujours en retard pour le déjeuner à cause de la distance qui séparait la salle de classe du Professeur Coleridge de la Grande Salle. Les sept autres avaient eu Arithmancie et étaient ainsi déjà profondément dans leur poulet rôti. Ignorant la question de Clarissa, Cédric s'était assis et avait immédiatement commencé à entasser le poulet et la purée sur son assiette, donc ce fut Mathilda qui dût faire les explications.
"Elle est à l'Infirmerie," dit-elle, essayant de saisir la cuillère de service des mains de Nott, qui dans sa frénésie de faim l'avait simplement gardée et l'utilisait maintenant pour pelleter la purée dans sa bouche. Avec un soupir et un regard de dégoût vers son voisin, elle renonça et utilisa sa propre cuillère à la place.
"Pourrais-tu nous donner des détails ?" demanda Lucius.
"Oui, mais soyez gentils de me laisser boire du jus d'abord, ma gorge est sèche comme du parchemin." Elle engloutit un plein gobelet, le remplit à nouveau, but un peu plus et le reposa. "Il fait si incroyablement chaud dans cette salle … pas étonnant, elle fait face au sud-est et à cette époque de l'année le soleil-"
"Reynolds," l'interrompit Lucius, "je ne voulais pas les prévisions météorologiques, je voulais entendre ce qui est arrivé à Sibylle. Et les autres aussi," dit-il, indiquant d'un geste leurs pairs dont l'attention était concentrée sur Mathilda. "Alors qu'a-t-elle fait ? Est-elle tombée par la fenêtre, en observant le vol sinistre des oiseaux ?"
"Nous ne faisons pas d'augures, Malfoy, c'est bien trop inexact." Lucius renifla . "Et Sibylle n'a rien fait, quelque chose est juste…et bien, je suppose qu'on pourrait dire que quelque chose lui est juste arrivé." Nott leva tête un instant et acquiesça vigoureusement, puis revint à la tâche de se nourrir "Nous faisions de la chiromancie, nous exerçant l'un sur l'autre comme d'habitude et Sibylle avait d'abord été mise avec Edna Kent et ensuite avec Vincent Carlyle. Vous savez, le Poufsouffle."
"Cette stupide saleté née de moldus," grogna Cédric.
"D'accord," dit Lucius, "quoique je sois curieux de savoir ce qui pourrait le rendre stupide à tes yeux."
"Tous les nés de moldus le sont, par nature," répondit Nott, abandonnant le couteau et la fourchette, qui le ralentissaient considérablement et attaquant le poulet avec ses mains et dents à la place.
Lucius enterra son visage dans ses mains, ses épaules tremblant d'hilarité supprimée. "Je vois," dit-il quand il se fut suffisamment remit pour parler. "Continue, Mathilda, qu'est-ce qui est arrivé ?"
La fille roula ses yeux, car elle avait seulement déjà prit une seule bouchée de nourriture et ce seulement en profitant de la distraction de Malfoy. "Et bien", dit-elle, "d'abord, tout était normal. Sibylle lisait la paume d'Edna --- ne me demande pas ce qu'elle lui a dit, probablement quelque chose à propos d'un petit ami, parce que Edna semblait aussi heureuse qu'un Lapin de Pâques. Mais alors, elle a pris la main de Vincent et l'a scrutée et soudain ses yeux sont devenus aussi grands que des soucoupes et elle a voulu dire quelque chose … cela semblait drôle, en fait … du moins au début," ajouta-t-elle d'un air coupable, "parce qu'elle ouvrait et fermait sa bouche comme un poisson rouge. Mais alors elle a semblé avoir quelque chose comme une attaque et s'est simplement évanouie. Coleridge était bien sûr terrifiée et a essayé Énervate sur elle, mais cela n'a pas marché."
Severus échangea un regard avec McNair, qui était assis en face de lui et sentit, au même moment, que le genou de Lucius poussait le sien. "Donc elle a amené Sibylle à l'Infirmerie ?" demanda-t-il, essayant de ne pas avoir l'air excessivement intéressé.
Mathilda secoua la tête. "Pas immédiatement. Elle a murmuré quelque sort que je ne connaissais pas et soudain il y a eu quelque chose comme … et bien, c'est difficile à décrire … que je suppose qu'on pourrait dire que c'était une aura noire …"
"Une aura noire ?" demanda Stuart, interloqué, "Mais une aura est supposée être lumineuse, comment pourrait-elle être noire ?"
"J'ai dit que c'était difficile de décrire," répliqua Mathilda avec une exaspération évidente, "essayez simplement de l'imaginer, ce n'est pas si difficile. Alors, comme je le disais, il y avait cette drôle de chose noire autour de Sibylle et Coleridge est devenue tout affairée et étrange, murmurant quelque chose à propos de Magie Noire. Elle nous a dit de rester loin de Sibylle, a conjuré une civière et s'est précipitée dehors toute vitesse. Quand elle est revenue, elle a dit il n'y avait aucun besoin de s'inquiéter et a continué la leçon comme si rien n'était arrivé. Alors voilà et maintenant je veux manger. Nous avons Sortilèges ensuite et j'ai besoin de quelque force."
Severus regarda vers la Grande Table --- Il semblait en effet y avoir quelque chose d'inhabituel. Madame Pomfresh avait échangé sa place avec McGonagall, si bien qu'elle était maintenant assise à droite de Dumbledore, et engagée dans une conversation apparemment sérieuse avec le vieux sorcier. Lestrange, apparemment pas perturbé, se versait à l'instant un autre gobelet de jus de citrouille et écoutait quelque chose que Flitwick disait. Probablement à propos de Quidditch, pensa Severus. Il espérait seulement que Voldemort ou quiconque avait manipulé l'esprit de Sibylle --- car cela ne faisait plus aucun doute--- avait fait un travail propre. Étant donné la réaction violente de la fille, il devrait nécessairement y avoir quelque enquête et s'il s'avérait que la lettre était fausse et que ses parents ne l'avaient pas même vue pendant les vacances, il pourrait y avoir beaucoup d'ennuis à venir.
Sibylle dut passer le reste de la journée à l'Infirmerie et ne retourna aux quartiers des Serpentards que peu de temps avant le couvre-feu. La Salle commune était toujours assez pleine à cette heure-là; seuls les élèves les plus jeunes étaient déjà allés se coucher, tandis que les plus vieux étaient toujours occupés par leurs devoirs. Severus, qui était revenu de son soutien de Potions seulement quelques minutes auparavant, avait répondu au regard interrogatif d'Owen par une secousse de la tête --- il n'avait simplement pas pu trouver le courage de demander à Lestrange s'il savait ce qui était arrivé --- et s'était installé près de Mathilda pour commencer ses devoirs de Sortilèges. Lucius, qui avait déjà terminé, était étendu sur un divan dans leur coin, lisant et jetant de temps en temps des regards ironiques à un groupe de septième année qui débattaient sur un programme de révision pour leur A.S.P.I.C.s. Sibylle entra par la porte, vit ses camarades de classe et vint s'asseoir à côté d'eux. Avec un soupir, elle poussa les jambes de Malfoy du divan, ignorant son regard indigné devant ce qu'il considérait probablement être un crime de lèse-majesté et se laissa tomber à côté de lui. Lucius re-souleva ses jambes et les laissa tomber au travers de ses cuisses, la faisant grimacer parce que le talon de sa chaussure gauche avait frappé son genou.
"Désolé," dit-il, mais il ne réussit pas à faire sembler cela très convaincant. "Ainsi, comment va la succube ?"
"Oh, s'il vous plaît," dit Sibylle et elle repoussa ses cheveux de son visage, les tordit et plongea la main dans ses poches pour trouver une agrafe pour fixer son chignon de fortune, "J'en ai assez de cela! Ne me le rappelle même pas."
Severus reposa sa plume et décida que les devoirs pouvaient aussi bien attendre plus tard. C'était bien trop intéressant. "Assez de quoi ?"
"J'ai dit ne me le rappelez pas. Es-tu sourd ?"
"Je me fiche absolument de ce que tu as dit," répondit Severus, "je veux entendre cette histoire et tu vas la raconter, ou bien tu vas regretter qu'ils ne t'aient pas gardés à l'Infirmerie."
"Bien, bien, je vais te le dire," dit Sibylle, "Nul besoin de me menacer. Ils ont semblé penser que quelque chose d'assez sérieux était arrivé, car au début d'après-midi, Dumbledore est venu me voir, accompagné des Blacks-"
"Les Blacks ?" s'exclama Clarissa, "Pourquoi diable avaient-ils besoin des Blacks ?"
"Et bien, Dumbledore semblait convaincu que quelqu'un avait fait de la Magie Noire sur moi --- bien que quand ils aient pu le faire, je n'en ai aucune idée --- et donc je suppose qu'il a alerté le Ministère."
"Et qu'ont-fait les Blacks ?" demanda Lucius.
"Pas grand chose, pour dire vrai. D'abord, j'ai dû leur donner un rapport méticuleux de ce que j'avais fait pendant les vacances --- ils ont pris des notes, et je suppose qu'ils demanderont confirmation à mes parents. Et ensuite ils ont fait quelques examens, murmurant beaucoup de sorts que je ne connaissais pas. Et c'est tout. Ils sont partis après environ une heure. Je leur ai dit que j'étais désolée de ne pas pouvoir les aider --- tout ce dont je me souviens est que je me suis évanouie pendant que j'essayais de lire la main de Vincent."
Ainsi Voldemort semblait avoir fait un travail plus que convenable, pensa Severus . Si les parents de Sibylle confirmaient sa version de comment ses vacances s'était passées, il n'y avait rien que le Ministère puisse faire de plus. Sauf peut-être garder la fille sous surveillance, mais devinez donc à qui ils demanderaient d'effectuer cette tâche.
Tandis que les autres continuaient de parler, Severus reprit sa plume et essaya de se concentrer sur son travail. Cela s'avéra difficile, parce que la question de savoir exactement ce qu'ils avaient fait à Sibylle s'était emparée de son esprit et ne montrait aucune intention de lâcher bientôt. Ils devaient avoir trouvé un moyen de bloquer ses capacités divinatoires, chaque fois qu'elle voyait quelque chose se rapportant à Voldemort. Ce qui avait été un choix très rusé --- mais alors, cela était Voldemort--- car détruire sa deuxième vue complètement aurait été beaucoup plus visible. En fait, à moins que ces crises ne soient trop fréquentes, elles pourraient simplement passer comme le signe d'une nature excessivement sensible. Et cela, pensa Severus, était même mieux, car la seule réaction logique serait d'empêcher Sibylle de se surmener, probablement en lui faisant faire plus de théorie que de pratique pendant quelque temps. Ainsi le seul danger potentiel restant était dans les résultats de l'examen des Blacks. Mais même s'ils savaient que de la Magie Noire avait été utilisée, ils ne sauraient toujours absolument pas où, comment et par qui.
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Black et Potter pouvaient ne pas avoir été expulsés, mais leur suspension de l'équipe de Quidditch de Gryffondor ne devait pas être révoquée jusqu'à la fin de l'année scolaire. Les suppositions quant à la raison d'une punition si grave allaient bon train et on pouvait entendre les rumeurs les plus extravagantes. L'avertissement de Dumbledore avait évidemment fait effet sur les deux garçons --- ils n'avaient dit à personne ce qui était vraiment arrivé cette nuit là.
Cependant, l'équipe de Gryffondor devait jouer avec un Attrapeur et un Batteur remplaçants et perdit par conséquent contre Serpentard de deux cent cinquante points. Avant le jeu, l'hostilité envers Black et Potter s'était déjà refroidie considérablement, mais samedi soir, les deux semblaient plus abattus que jamais. Perdre des points de maison était une chose ---plutôt facilement compensée par un effort collectif redoublé --- mais la coupe de Quidditch était une question beaucoup plus délicate. Il n'y avait plus que trois matchs à venir, Serpentard contre Poufsouffle, Serdaigle contre Gryffondor et le match final entre les gagnants de ces deux là. Même si la défaite suivante de Gryffondor allait être moins honteuse--- après tout, deux cent quatre-vingt-dix à quarante n'était pas un score de rêve, à part pour les Serpentards--- les probabilités étaient grandes que Serdaigle soit l'un des adversaires du match final.
Les Poursuiveurs---Lucius, Clarissa et une fille de cinquième année du nom d'Hélène Jenkins--- et Ridley Parkinson, l'Attrapeur, avaient été les stars incontestées de la fête de célébration. Lucius avait marqué huit buts à lui seul, Clarissa quatre et Hélène Jenkins trois. Les Batteurs et le Gardien, qui recevaient d'habitude une quantité égale de compliments, particulièrement quand ils devaient jouer contre Gryffondor, reçurent leur part d'applaudissements, mais admirent librement que, étant donné l'absence de Black et Potter, ils n'avaient pas été sous un stress particulier. La fête continua jusqu'aux petites heures du matin---Lestrange pouvait être un Directeur de Maison strict, mais il n'intervenait jamais quand des festivités étaient à célébrer --- et la plupart des Serpentards restèrent couchés le dimanche matin, sautant le petit déjeuner pour privilégier le sommeil.
Severus, qui n' aimait pas particulièrement les fêtes ni célébrer le succès des autres, avait quitté la chaleur et le bruit bien avant minuit et était allé dormir. Pour cette raison, il ne se réveilla pas beaucoup plus tard que d'habitude, s'habilla et, avec un regard dédaigneux à ses compagnons de chambre ronflant toujours, alla prendre son petit déjeuner. Dans l'escalier conduisant à la Salle commune, il rencontra Mathilda.
"Comment se fait-il que tu sois levée si tôt ?" demanda-t-il, "tu n'es pas restée à la fête ?"
Elle secoua la tête. "Non, je suis partie peu de temps après toi. Bartemius se fâchait déjà parce qu'il pensait que le bruit allait déranger les plus jeunes et je ne voulais pas lui donner quelque raison que ce soit-"
"Honnêtement, Mathilda," l'interrompit Severus, tenant la porte ouverte pour qu'elle le précède dans le couloir, "si Lestrange ne trouve pas convenable d'y mettre fin, pourquoi Barty pense-t-il devoir le faire ? Et, ce qui est plus important, pourquoi penses-tu que tu dois lire dans l'esprit de Barty et accomplir tous ses vœux ?"
Mathilda lui donna un regard blessé. "Ce n'est pas de la faute de Bartemius s'il est plus correct que même notre propre Directeur de Maison. Il tient cela de son père --- ne roule pas des yeux, Severus, je sais que tu le détestes --- et essaye de faire l'honneur au nom de sa famille. Je ne vois pas le problème, honnêtement. Et qu'est-ce qui est si étrange à essayer de ne pas l'irriter ? Je suis amoureuse de lui, alors pourquoi devrais-je le faire ?"
"Et bien, tu es seulement --- bonjour, Monsieur," s'interrompit-il pour saluer le Baron Sanglant qui flottait juste au coin du couloir.
"Bonjour, M. Rogue," répondit le spectre avec un signe de tête digne, "Mes compliments pour la victoire d'hier."
"Merci Baron, mais comme vous le savez, je n'y ai pas de mérite. Je le dirai aux joueurs cependant, une fois qu'ils se seront réveillés."
Un sourire mince joua sur les lèvres argentées du fantôme. "Oui, c'était une vraie célébration que vous aviez. Mais justifiée, entièrement justifiée. Comme je n'ai pas manqué de le dire à Sir Nicholas, bien sûr."
Severus rendit le sourire. "Je suppose que Nick était assez abattu, n'est-ce pas ?"
"Bien sûr, sa tête pendait assez bas, même pour lui," répondit le Baron, faisant renifler Severus. "Passez une bonne journée, M. Rogue, Mlle Reynolds-" Mathilda tressaillit "-et passez un bon petit déjeuner."
Severus dit au revoir au fantôme, tandis que Mathilda réussit seulement un signe de tête timide. "T-tu sembles être en bons termes avec lui," fit elle remarquer quand ils entrèrent dans la Grande Salle.
Severus voulait répondre mais ne put pas, car un fort son de précipitation derrière eux les fit tous les deux se baisser --- les hiboux arrivaient, certains d'entre eux volant assez bas. "Faites attention, espèces de stupides bêtes," murmura-t-il et il releva la tête. Seul environ un tiers des chaises à la table Serpentard était occupé, surtout par les élèves les plus jeunes qui avaient été exclus de la meilleure partie de la fête. Severus se dirigea vers le côté faisant face aux Gryffondors, juste pour se donner le plaisir d'observer Potter et Black. Ils semblaient toujours extrêmement intimidés, ce qui était compréhensible, considérant que leurs camarades de Maison leur lançaient constamment des regards furieux. Lui et Mathilda parcoururent la table pour voir s'il y avait des lettres ou des colis appartenant à leur camarades sommeillant encore, ils trouvèrent une lettre pour Lucius et une pour Tabitha, les mirent dans leurs poches et s'assirent finalement pour manger.
Se demandant ce qu'il pourrait bien faire ou dire pour jeter une allumette à l'air innocente mais efficace dans le baril de poudre Gryffondor, pour faire éclater toute cette tension trop évidente et faire perdre des tas de points, Severus réduisit un toast en miettes. Il ne pouvait penser à rien de faisable cependant, en plus cela serait seulement moitié aussi amusant sans les autres --- Mathilda ne comptait certainement pas pour faire des mauvais coups --- et donc il décida qu'il apprécierait plutôt son petit déjeuner et le silence relatif autour de lui. Les élèves aux autres tables bavardaient comme toujours, mais la réduction du niveau sonore dans son environnement immédiat était un changement très bienvenu.
Un groupe de Poufsouffles arriva et se dirigea vers la table derrière lui et il entendit une petite voix excitée s'exclamer "Hé, Vince, devine quoi ! Tu as une lettre du Ministère."
"Ha, ha, très drôle," dit une voix plus profonde. Severus leva la tête de ses oeufs brouillés et vit que c'était Vincent Carlyle, le quatrième année auquel Sibylle avait essayé de lire les lignes de la main. "Tu es en deuxième année, Beckinsale et ne peux pas même lire le calendrier. Le jour des poissons d'avril est demain, pas aujourd'hui."
"Ce n'est pas une plaisanterie," dit la voix aiguë, légèrement bordée d'indignation, "C'est écrit sur l'enveloppe et en plus j'ai vu l'anneau d'or à la patte droite du hibou. As-tu fait quelque chose interdit, ou le Ministère a-t-il finalement reconnu les mérites de tes recherches ?"
Cela semblait être quelque chose dans le genre d'une plaisanterie courante parmi les Poufsouffles, car tout le monde rit. "D'accord, voyons voir cela," dit Carlyle avec bonhomie, "voyons ce que le Ministère m'a écrit."
Tandis que le bourdonnement des autres tables persistait, le bruit du bavardage à la table Poufsouffle diminua un peu. Probablement qu'ils attendaient l'effet de leur plaisanterie, pensa Severus. Ces imbéciles étaient facilement amusés. Le cliquetis de bois sur le marbre le fit sursauter cependant, et ensuite la voix fâchée de Vincent Carlyle fit cesser les derniers vestiges de conversation et de rire derrière lui . "Espèce … espèce d'idiots!"cria Carlyle, "Ce n'est pas drôle! Qui a écrit cela, espèce de petits bâtards ?"
Se demandant ce qui aurait pu rendre le garçon si fâché, Severus se retourna, la plupart des élèves aux autres tables firent de même. "À qui était cette idée stupide ?" continua le garçon, brandissant le corpus delicti, "je veux le savoir!
Maintenant!"
La Grande Salle était devenue complètement silencieuse. Les yeux de tout le monde étaient fixés sur Carlyle, qui était debout là, tremblant de fureur, tenant la lettre de manière accusatrice, tandis que son regard fixe balayait ses camarades de maison. Normalement, les scènes comme celle-là arrivaient à la table Gryffondor, comme ils étaient un groupe avec assez de tempérament. Pour un Poufsouffle, c'était tout à fait en dehors de la normale.
Professeur Chourave, Directrice de Maison, se précipitait déjà vers ses élèves. "M. Carlyle, qu'est-ce qui se passe ? Expliquez -vous immédiatement!"
Le garçon lui remit le morceau de parchemin. "Pensez-vous que c'est drôle, Professeur ?" dit-il.
Chourave lut attentivement la lettre et pâlit visiblement. "M. Carlyle," dit-elle finalement, "Je…J'ai peur que ce ne soit pas une plaisanterie. Ceci," elle avala et ses yeux devinrent soupçonneusement brillant, "ceci est une lettre du Ministère, leur parchemin est protégé des contrefaçons. Je suis tellement désolée … " termina-t-elle plutôt sans conviction.
Carlyle était debout là, les bras pendant, les épaules légèrement bombées et regardait le parchemin que l'enseignante tenait toujours . Alors il secoua lentement la tête. "Non", dit-il, "Non, non, Professeur, cela ne peut pas être vrai … vous … vous devez avoir tort, ils ne peuvent pas être morts."
Severus vit Chourave presser ses lèvres l'une contre l'autre et cligner des yeux, mais une simple larme échappa à ses efforts et coula le long de sa joue.
Donc Sibylle avait vu quelque chose. Et quels que soient les changements auxquels son esprit avait été soumis, ils s'étaient prouvé efficaces. Seulement Dumbledore ou quelque autre membre de la faculté--- probablement Coleridge---ferait forcément le rapport entre la présumée crise de Sibylle et le coup du destin que Carlyle avait reçu. Severus jeta un regard furtif à Lestrange. Le visage de l'enseignant était impassible mais sa position entière montrait clairement qu'il était tendu. Pas étonnant, il marchait sur une corde raide et pour autant que Severus puisse en juger, il n'y avait aucun filet de sécurité.
