CHAPITRE 15

S'il y avait eu une telle chose qu'une récompense pour l'expression la plus stupide, la plus cliché, à jamais avoir été inventée, Severus était sûr qu'elle devrait aller à "se comporter aussi normalement que possible, afin de ne pas attirer d'attention excessive." Au moment même où vous commenciez à penser à votre comportement, essayant de découvrir ce qui était normal et ce qui ne l'était pas, vous aviez déjà perdu ce jeu. Cependant, c'était exactement ce qu'il devait faire maintenant.

La quantité de curiosité qu'il montrait était-elle la bonne ? Ou trop ? Ou trop peu ? Aurait-il regardé la Grande Table à plusieurs reprises, s'il n'avait pas su beaucoup de ce qui se passait vraiment ? Devait-il discuter du problème avec Mathilda tandis qu'ils finissaient de petit déjeuner ou devait-il feindre d'être totalement indifférent ?

"Qui penses-tu qui soit mort ?" Mathilda interrompit ses songeries.

Il haussa les épaules. "Sais pas. Il a dit 'ils', pluriel, donc cela doit être plus qu'une personne. Et à en juger par sa réaction, je suppose qu'ils sont très proches de lui. Ses parents, peut-être ?"

"Peut-être. Mais alors ses parents sont des moldus, alors pourquoi le Ministère … attends un moment! Sibylle … Sibylle l'a vu mercredi! Elle l'a vu, mais cela l'a tant choquée qu'elle s'est évanouie et ne pouvait plus s'en rappeler!"

Bien. Alors c'était cela. Si Mathilda avait été capable d'en venir à cette conclusion, Dumbledore l'avait probablement fait il y a dix minutes. Qu'était-il supposé dire maintenant ? "Cela semble raisonnable. Te rappelles-tu l'état dans lequel elle était quand elle pensait qu'elle avait prévu l'attaque sur les McKinnons ? Je ne suis pas Guérisseur d'Âme, mais je pense qu'il est sûr de supposer que quelque partie de son esprit refuse simplement de revivre cela. Donc il se bloque simplement, d'une certaine façon de parler." Maintenant cela n'avait pas été mauvais, pensa-t-il. Reynolds était tout à fait facile à influencer, alors s'il réussissait à pousser ses pensées vers une explication inoffensive, elle l'adopterait sans doute et la présenterait comme la sienne quand elle le dirait aux autres. Mais il devait faire attention de ne pas trop pousser.

Il regarda vers la Grande Table --- cela n'était pas suspect, n'est-ce pas ? Dumbledore, McGonagall et Chourave étaient partis, probablement pour le bureau du Directeur. Lestrange, qui devait avoir l'impression que le cheveu tenant l'épée de Damoclès montrait des tendances à céder, faisait un excellent travail, participant au souci général parmi les membres du corps enseignant. De nouveau, Severus sentit le besoin de protéger l'enseignant le traverser, mais résista à la forte envie d'attraper son regard et de lui faire un sourire rassurant. Mais il serait beaucoup plus utile de vraiment faire quelque chose pour protéger son Directeur de Maison. Pas qu'il puisse faire beaucoup, mais il était essentiel d'avertir les autres avant que Dumbledore ne commence à poser de questions.

Un regard furtif à sa montre lui dit qu'ils avaient été assis au petit déjeuner depuis plus d'une demi-heure, ce qui était un peu au-dessous de la moyenne pour un dimanche. D'autre part, les autres n'étaient pas là, donc partir quelques minutes plus tôt ne semblerait pas suspect. "As-tu déjà fini les devoirs pour Binns ?" demanda-t-il à Mathilda.

Elle roula ses yeux. "Non, malheureusement pas. Nous pourrions les faire ensemble, si tu veux."

"Mmh," dit-il, aussi évasivement que possible, "pourquoi pas ? Mais allons à la bibliothèque, la Salle commune sera pleine et je ne peux pas me concentrer avec tous ces morveux alentour."

Il aurait pu l'embrasser pour sa réponse. "Écoute, Severus, tu reviens de toute façon pour aller chercher tes affaires. J'ai laissé les miennes dans la Salle commune, tu sais, sur l'étagère à livres dans notre coin --- veux-tu avoir l'amabilité de me les prendre aussi ? Comme cela nous pouvons nous retrouver à la bibliothèque. Je trouverai les livres en attendant."

Severus hocha seulement la tête. Ils se levèrent, quittèrent la Grande Salle et se séparèrent à l'escalier. "Je serai là dans dix, quinze minutes!" appela-t-il après Mathilda.

Il dût restreindre la forte envie de courir à toute vitesse, car il avait peu de temps. Mais un dimanche, un étudiant courant aurait semblé suspect--- il n' y avait aucune classe à laquelle vous pussiez être en retard. Finalement, il entra dans la Salle commune et jeta un rapide regard autour de lui. Comme il l'avait prévu, c'était assez plein, mais seulement d'élèves plus jeunes. Donc les autres étaient toujours au lit ou du moins dans le dortoir. Bien, cela lui convenait certainement mieux. Il avait de la chance en effet, pensa-t-il, car quand il ouvrit la porte aussi silencieusement que possible, il vit non seulement qu'ils étaient toujours au lit, mais qu'ils dormaient aussi profondément. Il tira sa baguette et jeta un sort de sommeil sur Nott et Wilkes et ensuite, par simple précaution, un charme assourdissant sur la porte. Il aurait préféré les protéger par des triples protections, mais cela n'aurait pas été une chose sage à faire.

Rangeant sa baguette dans sa poche, il alla au lit de Lucius et tira les rideaux. Lucius dormait en effet, avec un sourire angélique sur les lèvres. Severus le secoua et il ouvrit finalement les yeux. "Réveille-toi, Lucius et fais-vite, c'est important!"

Sans se donner la peine d'écouter les bougonnements et souffles d'exaspération de Lucius, il marcha à grands pas vers le lit à colonnes d'Owen et le réveilla aussi. "Il est neuf heures un quart," marmonna McNair, "As-tu perdu la tête ?"

"Non, je n'ai pas perdu la tête, et j'ai à vous dire quelque chose d'important, alors vous feriez mieux d'écoutez, car je n'ai pas beaucoup de temps."

"Et pou-"

"J'ai mis un sort de sommeil sur eux. Lucius!" siffla-t-il, lui faisant signe, "Viens là, pour l'amour du ciel, je ne répèterai pas tout deux fois, simplement parce que tu es trop paresseux pour bouger ton méchant cul de ce lit!"

Les deux garçons furent réveillés plutôt rapidement quand ils entendirent les nouvelles. Saisissant ses parchemins, plumes et livres, Severus dit "Vous devez le dire à Heather et Clarissa aussi rapidement que possible. Juste pour qu'elles soient préparées. Quoique j'aie le sentiment que ce ne sera pas seulement Dumbledore qui posera des questions cette fois."

Il sortait déjà dans le couloir quand il se souvint qu'il devait enlever les sorts de sommeil de dessus Stuart et Cédric, il le fit rapidement, courut jusqu'en haut, saisit les affaires de Mathilda de l'étagère à livres et se mit en chemin vers la bibliothèque. Écrire un essai ennuyeux pour Binns allait être une distraction bienvenue, pensa-t-il, car la pensée de ce qui pourrait leur arriver à tous, pas seulement à Lestrange, devenait tout à fait irrésistible maintenant.

~~~~ * ~~~~

Au dîner du dimanche soir, tous les élèvent savaient ce qui avait exactement été écrit dans la lettre que Vincent Carlyle avait crue être un faux et les journaux avaient fourni plus de détails pour achever l'image : Ses parents --- il était né de parents moldus--- avaient eu des amis de Belgique chez eux pour une visite prolongée. Cela avait été leur première visite en Angleterre et donc ils avaient, parmi d'autres choses, réservé un tour du sud de l'Angleterre et avaient persuadé les Carlyles de les accompagner. Le voyage avait commencé à Londres vendredi après-midi et samedi, le dernier point sur le programme d'excursion du groupe avait été une visite à Stonehenge. Comme toujours les week-ends, le site avait été plein de touristes, anglais et étrangers et quand les masses avaient été repoussées dehors à sept heures de l'après-midi, l'heure de fermeture du monument, il y avait eu environ deux cents ou trois cents personnes à retourner aux autobus les attendant sur le parking.

Les quelques survivants avaient raconté une histoire plutôt confuse à la police moldue, une histoire d'hommes en capes noires et de boules de foudre verte, qu'aucun des policiers ne crut, parce qu'il n'y avait aucune trace du tout des criminels. Selon les témoins --- parmi eux aussi quelques conducteurs de voitures passantes --- un chaos apocalyptique avait éclaté : feu, envol de morceaux de voiture, gens en partie tués par les explosions, en partie déjà pris au piège dans les autobus, des enfants dans une panique impuissante essayant de sortir de la fournaise, seulement pour être écrasés parce que les conducteurs de voitures en approche étaient trop choqués par la scène épouvantable pour freiner à temps. En somme, cent vingt-quatre personnes avaient été tuées et cinquante-neuf étaient maintenant dans les hôpitaux voisins avec divers degrés de blessures.

Les journaux Moldus donnaient cette version des événements --- quelques élèves nés de parents moldus y avaient souscrit et les faisaient livrer par hiboux depuis Pré-au-Lard où ils arrivaient par poste Moldue---et la Gazette du Sorcier ne les contredisait pas, mais ajoutait quelques informations, la plus importante desquelles était l'image du crâne flottant dans le ciel au-dessus des épaves fumantes, devant le fond, apparaissant indistinctement, du cercle de pierres magiques. Les moldus ne pouvaient ni le voir, ni le photographier, mais sentaient son effet : beaucoup plus de victimes auraient pu avoir été sauvées, comme l'expliquait M. Croupton, Chef du Département de l'Application de la loi Magique, si la Marque Sombre n'avait pas causé chez toutes les personnes présentes sur les lieux, y compris la police et le personnel ambulancier, un sentiment intense de crainte et de panique.

Malgré le fait que toutes les victimes aient été Moldues, le rapport méticuleux de la catastrophe occupait les deux premières pages de la Gazette du Sorcier. Les experts de tout domaine possible d'intérêt donnaient leurs avis sur les implications politiques, sociales, psychologiques et historiques possibles de l'acte atroce et des théories diverses étaient prononcées quant à qui pouvaient être derrière cela. Aucune d'elle n'était proche de la vérité.

"De la manière dont je vois cela," dit Lucius à Severus pendant une autre sortie à balai illicite le dimanche soir --- mais le personnel avait d'autres problèmes à résoudre à l'heure actuelle et c'était la seule façon d'avoir un peu de vie entièrement privée --- "c'était un facteur sur lequel Voldemort n'avait pas compté. Je veux dire, quelle est la probabilité que les parents d'un élève de Poudlard soient dans un autobus plein de touristes visitant Stonehenge ? Et les parents d'un élève à qui Sybille avait lu la paume de la main ?"

"Oui, tu as probablement raison," dit Severus, "parce que si quelque chose de ce genre c'était produit quelques mois plus tard, ils n'auraient pas été capables de localiser quoi que ce soit qui soit arrivé à Sibylle aux Vacances de Pâques. Comme vont les choses, il est tout à fait évident que quelqu'un a modifié l'esprit de Sibylle pendant exactement cette semaine. Tu sais ce que je crains le plus ?"

Lucius secoua sa tête. "Non, je sais seulement de quoi j'ai peur. Que cette fois, ils puissent avoir recours au Veritaserum et dans ce cas, tout sortira, de la tentative de suicide aux autres étant sous sortilège d'amnésie … peut-être même notre petite aventure avec Black et Potter. Cela me rend très mal à l'aise, pour dire vrai."

"Exactement. C'était à peu près ce que je voulais dire. Lestrange ira directement à Azkaban et nous serons expulsés. Toi et moi en tout cas et peut-être Heather, Owen et Clarissa aussi."

"Et bien," dit Lucius et il boucla une boucle, "Dans ce cas je continuerai l'école à Durmstrang, aucun mal de fait."

"Très bien," répliqua Severus, "je suis heureux de voir que ton avenir est assuré, tandis que je ne peux pas en dire de même du mien. Je ne dois pas payer de frais de scolarité ici, mais Durmstrang est hors de question. Les étudiants étrangers doivent payer. Ce qui signifie que si les choses ici vont vraiment de travers, je peux aussi bien oublier l'école et la vie en général."

Lucius fit brusquement arrêter son balai. "Maintenant ne sois pas idiot, Severus," dit-il, "Ou penses-tu vraiment que Voldemort te laisserait tomber ? Si tu es expulsé parce que tu travaillais pour lui et essayais de protéger Lestrange, comment peux-tu douter un seul instant qu'il prendrait des dispositions pour ton éducation ? Je veux dire, il a dit à Lestrange de te donner des cours supplémentaires, donc il doit avoir de grandes espérances pour toi. Non, non, on s'occupera de ton avenir, avec ou sans Poudlard." Et il fit un stupéfiant plongeon.

Severus considéra les mots de Lucius. C'était vrai, pensa-t-il, Lord Voldemort n'allait sûrement pas le laisser à un avenir sinistre. D'une façon ou d'une autre, son éducation serait assurée …

Se sentant beaucoup mieux qu'auparavant, il fit signe à Lucius de retourner au château.

Ils tournaient à toute vitesse autour de la Tour Ouest, Lucius en tête d'une centaine de mètres et Severus se dépêchant pour le rattraper, quand Malfoy fit soudain demi-tour, de telle sorte qu'ils entrèrent presque en collision.

"Est-ce que tu es complètement fou ?" siffla Severus, "Tu aurais pu me faire tomber de mon balai, espèce d'idiot, pourquoi-"

"Les Aurors!" siffla Lucius en réponse, "là-bas! Ils arrivent!"

Severus prononça quelques jurons qui auraient coûté vingt points à Serpentard, si Lestrange les avait entendus. "Allons voir," dit-il finalement.

Lucius lui jeta un coup d'œil dubitatif, mais se retourna alors de nouveau et, lentement et prudemment, ils firent baisser leurs balais d'environ neuf mètres et se glissèrent le long du mur de la tour assez loin pour pouvoir voir ce qui se passait au-dessous.

Deux chariots sans cheval venaient de s'arrêter à l'escalier d'entrée, en haut duquel Dumbledore attendait déjà, entre les quatre Directeurs de Maisons. Les portes du chariot s'ouvrirent et en sortirent deux … trois … cinq … six Aurors! Lucius avala de manière audible et jeta un coup d'œil à Severus qui fixait les yeux sur la scène avec une expression très proche de l'horreur sur son visage.

"Je n'aimerais pas être dans les chaussures de Lestrange tout de suite," chuchota Lucius et Severus hocha la tête.

"En reconnais-tu ?" demanda-t-il.

"Non, mais tu pourrais jeter Sensaccrus et alors nous entendrons peut-être Dumbledore les saluer et les présenter," suggéra Lucius. "Ce n'est pas un sortilège sombre, n'est-ce pas ? Car ils ont sûrement tous les détecteurs de magie noire qui aient jamais été inventés."

"Non, c'est parfaitement légal --- pas que cela importerait vraiment, car je suppose que demain nous serons déjà sur le chemin du retour chez nous …" Severus tira sa baguette et jeta le sort.

"…très heureux que vous ayiez pu venir ici si rapidement. Laissez-moi vous présenter Minerva McGonagall, ma sous-Directrice et Directrice de Gryffondor, Demeter Chourave, Directrice de Poufsouffle, St Jean Lestrange, Directeur de Serpentard et Gideon Flitwick, Directeur de Serdaigle. Vous connaissez déjà Gordon et Astraea Black, voilà Alastor Maugrey, Arabella Figg, Richard Evans et Victoria Babcock. Maintenant venez à l'intérieur, vous tous, c'est une nuit froide et nous avons beaucoup de choses à discuter. Vous pouvez laisser votre équipement et vos bagages aux Elfes de Maison. Ils les apporteront à vos chambres. Je suggère que nous allions dans mon bureau, si cela vous va-"

La porte d'entrée se referma derrière le groupe de onze et les garçons ne purent plus rien entendre. Automatiquement, Severus sortit sa baguette et termina le sort d'amélioration auditive. Il remarqua que Lucius, déjà de pâleur presque translucide, avait l'air d'être sur le point de tomber de son balai à n'importe quelle seconde.

"Lucius, ça va ?," demanda-t-il anxieusement.

"Ce serait une exagération, mais oui, je suppose que je me débrouillerai. Severus, c'est pire que je l'avais pensé!"

"Pourquoi ? Qu'est-ce qui est pire ?"

"Ils ont les Blacks pour poser des questions au Gryffondors, Figg et Babcock pour les Serdaigles, Evans pour les Poufsouffles et Maugrey, lui de tous les Aurors possible, pour nous!" Lucius ferma les yeux un instant. Il n'avait pas l'air trop bien, bien qu'il ait prétendu qu'il allait se débrouiller.

"Qu'est-ce qui est si terrifiant à propos de Maugrey ?" demanda Severus, se sentant maintenant très écoeuré lui-même, car la vue de Lucius vraiment effrayé était loin d'être rassurante.

"Il est le plus impitoyable des Aurors que le Ministère a employé de beaucoup d'années. Tu te souviens quand je t'ai montré ce petit article dans la Gazette du Sorcier ? L'Auror qui avait perdu son pied droit dans une attaque mystérieuse ? C'était Maugrey. Devine combien il sera en colère. Et combien désireux de découvrir tout ce que nous pourrions savoir. Il est un Serpentard, Severus et il n'hésitera pas à utiliser du Veritaserum. Et non plus, j'ose dire, à nous envoyer tous les deux à Azkaban et faire embrasser Lestrange tout de suite."

"Tu ne peux pas être sérieux!"

"Penses-tu que je plaisanterais dans une telle situation ? Non, Severus, nous devons être préparés au pire. Et bien, peut-être que c'est un avantage que d'être préparés. Donc nous pouvons au moins le dire aux autres et ils peuvent se renforcer. Foutu Maudit Enfer! Je regrette que mon père ne soit pas ici. Bien que je doute qu'il puisse faire quoi que ce soit pour nous protéger de ce chien enragé d'Auror."

Severus sentit son estomac s'embarder de crainte. Si Lucius doutait que son père puisse l'aider, les choses devaient être plus sérieuses qu'il ne voulait même l'imaginer.

~~~~ * ~~~~

Ils s'étaient saisis de Clarissa quand ils étaient retournés à la Salle commune de Serpentard et lui avaient dit d'amener les autres filles au dortoir des garçons à trois heures du matin, car c'était un cas d'urgence. S'accroupissant sur le plancher en cercle, dix Serpentards avait débattu de comment procéder. Chacun reconnaissait que, en aucun cas du tout, n'importe lequel d'entre eux ne devait souffler mot de la tentative de suicide de Sibylle. Severus, Clarissa, Lucius, Heather et Owen échangèrent des regards significatifs quand le regroupement se rompit finalement --- ils étaient entièrement conscients que leur responsabilité était encore plus grande car ils avaient beaucoup plus à dire que les cinq autres.

Il était chanceux en effet qu'ils se soient préparés au pire, car autrement la vue imposante de six silhouettes dans d'aveuglantes robes blanches et avec des manteaux lourdement brodés d'or assis à la Grande Table ne leur aurait pas causé qu' un petit choc. Cela semblait assez mauvais comme cela, pensa Severus tandis qu'il essayait de sembler étonné, mais pas effrayé. Ce qui était un peu difficile, il se l'admettait. Si un solitaire comme lui se sentait reconnaissant de la compagnie des autres, cela en disait long sur la mesure de ses craintes. Un regard à Lestrange lui dit que le professeur n'était probablement pas beaucoup plus à l'aise : il était assis entre Maugrey et Figg et ne semblait pas ravi par ce voisinage.

Severus était étonné que Dumbledore n'ait pas fait quelque annonce concernant leurs visiteurs. Mais peut-être qu'il comptait sur l'effet complémentaire que ce manque d'explication pourrait avoir sur les étudiants et particulièrement sur ceux finalement coupables de conspiration avec le côté Sombre. Plus vous en saviez, moins vous craigniez , essentiellement, c'était aussi simple que cela et le Directeur avait évidemment plus qu'une connaissance de base sur la manière de fonctionner de l'esprit des hommes, et particulièrement de celui de l'étudiant moyen.

Cela s'avéra être une supposition plus que justifiée. Pendant le déjeuner, tout le monde parlait des Aurors qui avaient fait irruption dans les salles de classe, interrompant les leçons, faisant sortir des élèves pour les interroger d'une façon apparemment aléatoire. Pas complètement aléatoire, cependant, car il devint évident, qu'ils commençaient par les étudiants les plus vieux qui avaient plus probablement commis des actes graves que les petits. Les septième année Serpentard n'étaient pas trop enthousiastes à propos d'Alastor Maugrey, qui avait essayé toute technique d'interrogation possible sur eux, mais--- Severus n'était pas le seul soulagé d'entendre dire cela --- n'avait pas utilisé de Veritaserum.

~~~~ * ~~~~

"Nom ?"

"Severus Rogue"

"Vous seriez le fils de Marcus Rogue alors ?"

"Ma mère le dit et je n'ai eu aucune raison de douter d'elle."

"Tu joues l'âne-savant, n'est-ce pas ? Et bien, gamin, laisse moi te dire que ton père était assez intelligent aussi et un âne de même, et regarde où cela l'a amené."

Severus regardait fermement l'Auror dans les yeux . "Que voulez-vous dire exactement, Monsieur ?"

"N'essayes pas de me baiser, gamin, cela ne va pas te servir. Dis-moi maintenant tout ce que tu sais sur Sibylle Trelawney."

"Il n'y a pas grand chose, monsieur . Elle est dans la même année que moi, elle croit qu'elle est une voyante et elle ne manque jamais une occasion de nous accorder à tous ses capacités étonnantes."

"Je n'ai pas dit ' dis moi quelque vague merdouille ', j'ai dit dis moi tout ce que tu sais sur elle."

Maintenant, Severus était devenu complètement calme. Auparavant, il avait eu peur de pièges subtilement déguisés, de questions apparemment inoffensives, mais ceci n'était rien de ce à quoi il s'était attendu. En face de lui, il n'y avait rien de plus qu'un voyou. Un voyou en costume des "Chevaliers Du Saint Graal ", il est vrai, et un qui pourrait probablement l'écraser dans le mur avec un seul poing, s'ils s'engageaient dans un combat physique. Mais les mots de cinq lettres et la grossièreté ouverte n'avaient aucun effet intimidant sur Severus. Il regarda l'autre homme. Il était grand et costaud. Des cheveux longs et noirs, retenus par une queue de cheval --- aucune note féminine cependant, son visage était bien trop sinistre pour cela. De petits yeux noirs et brillants, des sourcils épais, sombres, un tas de cicatrices. Severus pensa que l'homme devait être au début de sa cinquantaine. Avait-il … non, il ne pouvait pas avoir été à l'école avec Voldemort. Peut-être un an, mais Voldemort était né en 1928. Et même alors, Maugrey n'aurait probablement pas fait le rapport. Mais alors, mieux valait prévenir que guérir. L'homme était un Serpentard, après tout. Ne le sous-estime donc pas, Severus, tu sais que c'est une des choses les plus stupides à faire. Plus un homme est rusé …en effet. Fais attention aux pièges simples, Severus. Peut-être veut-il que tu penses qu'il n'est rien de plus qu'un stupide voyou jurant. Sois prudent et pèses tes mots.

"Je n'avais pas l'intention de vous raconter … euh, une vague merdouille, Monsieur, je vous ai simplement dit ce que je sais de Sibylle Trelawney."

Les yeux de Maugrey se rétrécirent. "Donc tu essayes de me faire croire que tu es dans la même année et n'as pas idée de qui elle est, de qui sont ses parents, d'où elle vient ?"

La forte envie de jouer avec l'homme était accablante. Et peut-être que de jouer le Serpentard arrogant n'était pas si mal après tout. C'était ce à quoi Maugrey s'attendait, donc il l'aurait. "Monsieur, avec tout le respect dû, je crois que ces détails, en dehors de n'avoir aucun intérêt du tout pour moi, seraient mieux vérifiés au bureau d'enregistrement du Ministère."

Lourdement, Maugrey se leva de sa chaise ---apparemment, il ne s'était pas encore habitué à son pied en bois, puisqu'il était une acquisition relativement récente. "Aucun intérêt du tout ?" dit-il lentement, faisant les quelques pas vers la chaise de Severus, si bien qu'il le dominait maintenant. "Pourquoi ?"

"Sibylle n'est pas une personne très intéressante, voila pourquoi."

"Oh," dit Maugrey, se déplaçant de nouveau et se plaçant derrière la chaise de Severus, "Et qui est intéressant alors, si Mlle Trelawney ne l'est pas ?"

Le miroir était accroché assez haut sur le mur, mais Maugrey était debout et ainsi, pensait Severus, serait probablement capable de voir son visage. Gardant son visage impassible, il calcula rapidement les angles --- oui. Maugrey pouvait voir son visage. Il devait laisser tomber un avertissement aux autres. "Qui est intéressant ? Et bien, monsieur, je ne pourrais pas le dire. Sauf moi bien sûr …"

Le son d'un paquet traîné en bas d'un escalier de métal était apparemment censé être un rire. "Vous-même. Je vois. Et qui êtes vous, Severus Rogue ?"

Ces mots déséquilibrèrent presque Severus. L'écho du baryton riche, chaud de Voldemort retentissait dans son esprit. Et qui êtes vous, Severus Rogue ? Et bien, l'Auror ne recevrait pas la même réponse. "C'est une question très difficile, Monsieur pensez-vous que vous pourriez y répondre, comme cela, à l'improviste, si quelqu'un que vous ne connaissez pas vraiment vous le demandait ?"

"Si le quelqu'un pouvait me faire expulser avant que je ne puisse dire 'Voldemort', oui, je pense que oui."

Maintenant cela était bien meilleur en termes de méthode interrogatoire, pensa Severus. Quelque chose d'autre qu'il devait absolument dire aux autres. "En dehors du fait que je ne sais pas ce qu'est un Voldimort, monsieur, je doute que vous puissiez me faire expulser pour ne pas vous avoir donné une image détaillée de ma personnalité."

Il entendit le bruissement des robes de l'Auror et ensuite Maugrey fut debout devant lui, un peu trop proche pour son confort, se pencha et mit ses mains sur les accoudoirs de la chaise. À une distance de seulement quelques centimètres, des yeux noirs forèrent dans des yeux noirs. "Tu ne sais pas ce qu'est un Voldimort, gamin ? Pardonne-moi, mais je ne te crois pas. Essaie de penser!"

Luttant pour garder son calme, car il ne pouvait pas supporter de contact physique indésirable, Severus dit "Je suppose que c'est quelque dispositif de torture que les Aurors utilisent pour les interrogatoires--- cela a l'air assez horrible."

Le coup fut dur et inattendu. Maugrey avait simplement fait un mouvement rapide, fort, de la tête. Severus sentit le sang s'épancher de son nez. Cela faisait mal, mais cela n'avait pas été une chose très subtile à faire, pensa-t-il. Seulement maintenant il devait soigneusement mesurer ses réactions, car trop de calme trahirait sa culpabilité. Il recula donc autant que possible du visage apparaissant toujours indistinctement de Maugrey, apporta ses mains jusqu'à son nez et le toucha précautionneusement. Il ne semblait pas cassé et il fouilla ses poches pour trouver un mouchoir. Après qu'il eut essuyé beaucoup de sang de son visage et de ses robes, il croassa "Est-ce que vous êtes fou ? Je parie que vous n'oseriez pas faire cela au fils d'un membre du conseil d'administration, non ?"

L'Auror se redressa, mais ne recula pas. "Tu ferais mieux d'être sûr que je le ferais," gronda-t-il.

"Je dois aller à l'Infirmerie," dit Severus dans ce qu'il espérait être un ton suffisamment geignard.

"Tu n'iras nulle part à moins que je ne le te dise. Et maintenant réponds à ma question."

"Autant que je sache, j'ai répondu à toutes. Et si vous faites allusion à ce Voldi truc, je préférerais pas risquer un deuxième essai, merci beaucoup."

Finalement, Maugrey s'éloigna de sa chaise. Severus dût étouffer un soupir de soulagement. Même s'il se considérait chanceux, car le coup, autant qu'il puisse faire mal, n'était nullement aussi inconfortable qu'un contact simple l'aurait été. A la douleur il pouvait faire face. Il observa Auror arpenter la pièce, boitant lourdement.

"Qu'as-tu fait pendant les vacances de Pâques ?"

Changement de sujet. Mmh. Pas très sophistiqué, cependant . Trop lent pour être efficace. "Rien d'extraordinaire, monsieur. Un peu étudié, un peu traîné avec les autres … rien de spécial."

"Peux tu Transplaner ?"

Renifler était douloureux. Peut-être que son nez était cassé après tout. "Vous rigolez ?"

"Maintenant, tu devrais être conscient que non. Réponds à ma question."

"Bien sûr que je ne peux pas."

"Sais-tu comment marche un retourneur de temps ?"

De toutes les questions inutiles, insipides … Alors son coeur manqua un battement. C'est comme cela qu'ils devaient l'avoir fait! Bien sûr. Il enleva son mouchoir de nouveau et tamponna soigneusement son nez, espérant dissimuler quelque expression qu'il y ait eu sur son visage. "Techniquement, oui. Bien sûr."

Ils avaient pris Sibylle, probablement pendant que tout le monde dormait, l'avaient ramenée en arrière de quelques heures, avaient fait ce qu'ils avaient considéré nécessaire, l'avaient rapportée et mise sous sort d'amnésie. Brillant. Et simple. Mais à l'évidence très efficace.

"En as-tu un ou connais-tu quelqu'un qui en a un ?"

Finalement une question à laquelle il pouvait répondre sans mentir, juste pour changer. "Non aux deux, monsieur"

"Mmh, je vois. Pour le moment, l'interrogatoire est fini." Maugrey se tourna et boita vers Severus, baguette tirée. Pendant un moment sauvage, Severus pensa qu'il allait jeter quelque sort de torture sur lui, mais Auror la dirigea simplement vers son nez et dit "Absorbeo!" Avec une sensation légèrement picotante, le sang s'arrêta de couler et ses sinus furent libres de nouveau. La douleur était aussi partie. Severus se leva et, avec un regard rapide dans le miroir, vérifia qu'il ne restait aucune trace du coup sur son visage, sauf quelques salissures de sang. Maugrey semblait les avoir remarquées aussi, car il conjura un tissu humide et le jeta au garçon.

"Essuye ça !"

Avec obéissance, Severus fit comme on le lui disait. Il savait qu'il ne le devrait pas, mais il ne put pas résister à essayer encore une fois. "Monsieur, n'allez-vous pas me lancer oubliettes ?" demanda-t-il poliment.

Maugrey se retourna lentement pour lui faire face. "Et pourquoi le devrais-je ?" Severus indiqua son nez. "Oh, cela. Qui vous croirait de toute façon, M. Rogue ?"

Severus sourit. "Ils n'auraient pas à me croire, monsieur. Il serait suffisant d'utiliser Priori Incantatem sur votre baguette."

L'homme pouvait se déplacer plus rapidement qu'il ne l'avait pensé. Saisissant le devant des robes de Severus, le soulevant presque de terre, il siffla "Personne ne va contrôler ma baguette, tu ferais mieux de croire cela, espèce de morveux insolent. Dehors !" aboya-t-il, lâchant le garçon.

Redressant ses robes, Severus le regarda calmement. "Bien alors, monsieur. Bonne journée et bonne chance …."

Quand il quitta la pièce, il avait l'impression que son dos grésillait, tellement le regard que Maugrey lui avait jeté avait été plein de haine. La tête haute, Severus retourna à la salle de classe d'où Maugrey était allé le chercher, espérant il serait capable d'avertir les autres à temps.