CHAPITRE 18

" Bonjour, tout le monde," les salua joyeusement le Professeur Brulôpot, "Pas le meilleur temps rester au grand air, mais les Anapatyx ne se soucient pas du bien-être de mes élèves quand leurs griffes deviennent trop longues pour leur propre confort. Est-ce que tout le monde a apporté ses gants en peau de dragon?"

"Je ne peux pas y croire!" s'exclama Stuart, "Nous avons coupé les ongles de ces bêtes il y a seulement quelques semaines!"

Avec colère, les Serpentards fixèrent du regard la rangée de huit cages qui les attendaient. Cela n'allait certainement pas être un bon jour, pensa Severus, à moins que Pettigrow ne se fasse mordre de nouveau.

"Maintenant, j'ai pensé que cela pourrait être une bonne idée de ne pas vous grouper de la façon habituelle-" ce qui signifiait les Gryffondors rester avec les Gryffondors et les Serpentards préférer les Serpentards "-et donc nous ferons des équipes inter-maison juste pour une fois."

"Super idée!" marmonna Tabitha dans son souffle, "s'il fait des groupes garçon-fille en plus, je vais faire mon acte d'évanouissement."

"Ah, merveilleux!" continua Brulôpot, "Là ils arrivent!"

Les huit Gryffondors de quatrième année se dépêchaient de descendre vers eux sur la pelouse. Lupin était parmi eux, mais c'était Black qui portait son sac de livres. Pettigrow trébuchait constamment sur l'ourlet de ses robes et quand ils se rapprochèrent, Severus put entendre Londubat faire une remarque sarcastique sur certaines personnes qui devraient marcher sur quatre pieds au lieu de deux, parce qu'ils étaient plus maladroits que même les premiers spécimens d'Homo Erectus. Potter et Pettigrow tournèrent brusquement leurs têtes pour le regarder, mais ils ne répliquèrent rien. Finalement, le groupe arriva et ils déposèrent leurs sacs sur une table en bois grossièrement dégrossi, sur laquelle les affaires des Serpentards étaient déjà posées, protégées de la pluie de battante par un charme Impervius.

Se frottant les mains d'impatience, Brulôpot annonça aux Gryffondors son idée splendide. Ce fut salué d'un collectif froncement de sourcils. Aussi difficile qu'il soit de ne pas aimer le Professeur de Soin des Créatures Magiques, Severus pensa qu'aujourd'hui il était arrivé très près d'être collectivement lynché. Mais alors le vieux professeur, qui avait une grande ressemblance avec le sorcier allemand Albert Einstein--- une similitude de traits facilement expliquée par le fait que Brulôpot était son oncle maternel --- ne reconnaîtrait pas une émotion négative même si elle s'accrochait à son visage et lui mordait le nez. Il continua simplement à babiller au sujet de la bonne manière d'immobiliser un Anapatyx quand vous vouliez couper ses serres et ne fit aucune attention à la colère qui menaçait la classe comme un nuage orageux.

"…Mais bien sûr, autant que je veuille encourager les liens inter-maisons, je ne rêverais pas d'inspirer des activités de flirt," dit-il en gloussant, "Et donc vous serez regroupés par paires garçon-garçon et fille-fille." Tabitha libéra un soupir audible de soulagement. "Maintenant voyons-voir … voyons voir : Mlle Al Faruk-" il ignora délibérément le sifflement appréciatif de Black "-pourquoi ne travailleriez-vous pas avec Mlle Tyler ?"

Eléonore Tyler, la petite amie de Londubat, lança à Tabitha un regard de pure haine et alla à contre-coeur se tenir debout à côté d'elle.

"Mlle Rosier fera équipe avec Mlle Farnon et Mlle Lyddell ira avec Mlle Avery. Excellent. C'est fini pour ces dames. Maintenant à vous, messieurs."

À son grand plaisir, Severus fut appareillé avec Lupin, tandis que Lucius terminait avec Black, Owen avec Londubat et Stuart avec Potter. Petit Pettigrow était debout là tout seul, chaque centimètre ressemblant au laissé pour compte qu'il était et essayant de ne pas laisser voir aux autres qu'il se sentait embarrassé.

"Vous, M. Pettigrow, travaillerez avec moi," chantonna Brulôpot et Severus s'attendait à moitié à ce qu'il leur tire la langue à tous, comme son neveu le faisait sur la célèbre photo. Eh bien, c'était ce qui vous arrivait quand vous falsifiez inexpertement des images magiques. Bien fait pour les moldus.

Les Anapatyx semblaient plus inoffensifs qu'ils ne l'étaient en réalité . Mais la fourrure duveteuse tromperait les amateurs d'animaux innocents seulement une seule fois --- la première et la dernière. Grossièrement de la forme d'iguanes, ils mesuraient environ quatre-vingt-dix centimètres de la tête à la queue, avaient une longue fourrure dont la couleur pouvait varier d'un beige crémeux au brun chocolat, un museau aiguisé qu'ils pouvaient utiliser --- et ils le faisaient avec une force étonnante ---comme un poignard. Trois rangées de petites dents pointues tranchantes comme des rasoirs ne faisaient rien pour rendre ces museaux moins effrayants. Il y avait des pointes venimeuses au bout de leurs queues --- rien de sérieux, mais douloureux à l'extrême --- et, à la grande consternation des élèves qui devaient prendre soin de trois paires de pattes au lieu de deux, ils avaient six jambes. Une serre d'Anapatyx pouvait trancher la peau et les tissus comme si c'était du beurre, ce qui était pourquoi les élèves avaient besoin de leurs gants en peau de dragon. Mais les serres étaient un ingrédient utile pour beaucoup de sortes de potions et en plus d'être utiles, elles étaient aussi extrêmement chères, parce que l'Anapatyx était rare et difficile à obtenir. Poudlard possédait un assez grand nombre de ces créatures --- ils étaient gardés dans un espace isolé dans la Forêt Interdite, ensorcelée pour leur donner le bon climat, afin de fournir un approvisionnement constant pour les réserves du Maître de Potions résident.

Le problème consistait en ce que les Anapatyx étaient des créatures non seulement fortes et agressives, mais aussi très sensibles qui ne pouvaient pas être immobilisées par un simple sortilège stupéfiant. L'immobilisation devait être faite soigneusement et sans magie. Lupin, qui semblait presque trop faible pour se tenir debout sur ses pieds, regarda la cage qui leur avait été dévolue avec une expression voisine du désespoir.

"Um, Rogue," dit-il, évitant les yeux de Severus, "Euh … je voulais dire dire, cela t'ennuierait-il de les attraper et de les tenir ? Pour que je leur coupe les ongles ? Je me sens un peu fatigué aujourd'hui, tu sais ?"

Severus le railla. "Qu'est-ce que tu faisais, Lupin ? Je suis aller chercher une potion pour mon mal de tête hier soir-" ce qui était un mensonge flagrant, mais alors Lupin ne pouvait pas le savoir "-et je ne t'ai pas vu à l'Infirmerie. Donc tu n'es pas malade. Ou bien as-tu été dehors toute la nuit, à hurler à la lune ?"

Lupin changea de couleur et avala convulsivement. "Qu-quoi ? Ne dis pas des bêtises, Rogue, dis-moi juste si tu le feras ou si je devrai le faire."

"Comme tu veux," dit Severus d'un ton rogue, lui jetant le coupe-ongles.

Il s'avança à grands pas vers la cage et saisit un des dispositifs qui ressemblaient à des lassos miniatures --- vous deviez attraper le museau de l'Anapatyx dans la boucle, la serrer et enrouler ensuite la corde restante autour du museau, le fermant ainsi efficacement. L'étape suivante était de prendre un marron d'Inde et de le fixer au bout pointu du museau, de telle sorte que la bête puisse vous frapper, mais pas vous piquer. Se relevant avec la boucle et le marron dans ses mains gantées, il chercha sa première victime. Son regard errant tomba sur Lucius, qui était à genoux près de la cage à côté de la sienne. Malfoy tenait un Anapatyx qui se débattait dans sa main gauche, évitant adroitement sa queue qui battait sauvagement et fermant son museau en l'enveloppant fermement.

Mais ce n'était pas ce qui attirait l'intérêt soudain de Severus. C'était le regard de Black, posé sur le Serpentard blond. Contrairement à ce que à quoi Severus aurait pu s'attendre, ce n'était pas un regard de haine. Sirius Black observait la silhouette accroupie de Lucius Malfoy avec des yeux pleins d'envie et de désir.

Rapidement, Severus détourna son propre regard. Il avait presque oublié la conversation chuchotée que lui et Lucius avaient entendue dans le couloir des cachots. Mais cela avait un certain potentiel!

Lui-même n'était pas très intéressé ni par les garçons ni par les filles, mais il supposait être, s'il était quoi que ce soit, hétérosexuel. Donc il n'était pas vraiment capable de se faire une opinion quant à si Lucius était attirant ou non. A en juger des réactions des filles, il devait l'être. Elles le suivaient en bande comme les rats derrière le Joueur de Flûte. A bien y réfléchir, il était d'un type qui pourrait attirer les hommes et les femmes de la même façon. Et après tout, la chose importante était qu'il semblait fasciner Sirius---oh, cela pourrait devenir vraiment amusant!

"Hé, Rogue, penses-tu finir ça aujourd'hui ?" La voix de Lupin coupa à travers ses pensées.

Il leva les sourcils. "Bien sûr, Lupin. Simplement parce que les Gryffondors ne peuvent pas penser, cela ne signifie pas que les autres gens n'ont pas le droit de le faire. Ce n'est pas dangereux, Lupus. Au contraire." Et il se pencha pour ouvrir le couvercle de la cage. Il n'avait pas même décroché la clenche cependant, quand il se sentit tirer brutalement vers le haut par le col de ses robes. Quelque chose qu'il identifia comme un bout de baguette lui rentrait dans les côtes.

"Comment viens-tu d'appeler Remus ?" siffla la voix de Black dans son oreille. Black, bien sûr. Qui d'autre ? Defensor fidei, defensor luporum. Severus sourit.

"Que veux-tu exactement dire, Nero ?"

Black desserra sa prise un peu, assez pour permettre à Severus de se retourner et de le regarder. Il semblait perplexe. "Rogue, es-tu devenu fou ? Mon nom est Black, pas Nero."

Lucius renifla et Severus répondit, souriant d'une façon parfaitement innocente "T'est-il jamais arrivé de penser, mon cher Noir**, qu'il y a d'autres langues que l'Anglais ? Je sais que la simple pensée de cela pourrait faire exploser tes cellules de cerveau or-et-bordeaux, mais crois-moi-"

" Il y a plus de choses au ciel et sur terre, Black, que n'en rêve ta philosophie." Fit écho Lucius, laissant Severus agréablement étonné, parce qu'il n'avait jamais pensé que Malfoy ait pu lire Shakespeare. Mais alors, cette citation était assez populaire --- dans le monde sorcier autant que chez les Moldus.

"Messieurs, Messieurs, s'il vous plaît, maîtrisez vous!" s'exclama Brulôpot, se précipitant vers eux. "Les Anapatyx nous donnent déjà assez de mal, nul besoin de se bagarrer. Concentrez votre énergie juvénile superflue sur eux, pas l'un sur l'autre."

Black lâcha à contre-coeur les robes de Severus et Lucius et Severus, partageant un petit sourire satisfait de conspirateurs, revinrent à leur tâche.

~~~~ * ~~~~

Alors Black savait, réfléchit Severus et si Black savait, Potter devait aussi le savoir et probablement aussi Pettigrow. Il avait fini deux des trois livres que Lestrange lui avait prêtés et c'était seulement lundi soir. Il avait énormément de temps. Il était assis, ou plutôt allongé, sur le divan dans la Salle commune, dans 'leur' coin, le dos appuyé contre l'accoudoir, sa jambe gauche relevée et pliée, de telle sorte que son pied gauche repose fermement sur le capitonnage, la cheville droite posée sur son genou gauche. Sa position favorite pour lire, mais aussi très confortable pour penser. Le troisième volume, celui qu'il n'avait pas encore lu, était soutenu par sa cheville et son tibia droit, si bien que pour quiconque pourrait l'observer, il semblât lire. Pour perfectionner l'illusion, il tournait une page de temps en temps.

Mais il pensait. Essayant de trier tout ce qu'il avait appris hier et aujourd'hui, essayant de relier tous ces morceaux de puzzle, les mettant ensemble pour former un dispositif qui lui servirait. À la perfection, si possible.

Alors Black savait et les trois mousquetaires --- l'œuvre immortelle de Dumas avait été le plaisir de son enfance quand il était plus jeune --- protégeaient avec acharnement leur d'Artagnan. Ils n'allaient jamais lui dire la vérité sur le Saule Cogneur. D'autre part, ils étaient les seuls possibles qu'il pourrait exhorter à trahir le secret, même si seulement par accident. Car qui y avait-il d'autre? Le corps enseignant entier, vrai, mais leurs lèvres devaient nécessairement être scellées. Bien sûr il pourrait demander à Lestrange--- en-fait, Lestrange était le seul à qui il pourrait demander --- mais il doutait grandement que son Directeur de Maison partagerait cette information avec lui. Lestrange pouvait être prêt à encourir tout risque possible pour servir Lord Voldemort, y compris la mort et la torture, mais il désobéirait difficilement à Dumbledore simplement pour satisfaire la curiosité d'un élève.

Ce qui laissait les trois amis de Lupin. Alors, quelles étaient ses chances ? Pas nulles, mais très proche. Bien sûr, il pourrait mettre l'un d'entre eux sous le sortilège d'Imperius, lui demander ce qu'il avait besoin de savoir et ensuite le mettre sous oubliettes. Mais, en dehors du fait que ce n'était pas une méthode très élégante et ne serait presque pas amusant, c'était aussi fortement dangereux. Trop de choses pouvaient aller de travers --- de quelqu'un leur tombant dessus, au fait que sa victime choisie soit capable de résister au sortilège, ce qui était improbable, mais pas impossible, en passant par un sort de mémoire raté. Non ceci n'était certainement pas une option. Mais que pourrait-il faire d'autre ? Ce n'était pas plus qu'un sentiment instinctif, mais il était sûr que son homme était Sirius Black. Ayant trop de tempérament , étant trop casse-cou pour son propre bien. Et ensuite, il y avait bien sûr la réalisation importante que Black semblait, sinon avoir un béguin, alors du moins bander pour Lucius. Maintenant, s'il y avait une possibilité d'utiliser l'une pour l'autre chose …

"Peux-tu imaginer même vaguement combien stupide tu aurais l'air avec des lunettes, Sev ?" La voix traînante et paresseuse de Lucius interrompit ses réflexions.

"Que veux-tu dire ?" demanda Severus, levant les yeux de son livre.

"Que tu vas te détruire les yeux, c'est ce que je veux dire. Et tu devras porter des lunettes, peut-être carrées, comme McGonagall. Il est onze heures et demie, que fais-tu encore ici ?"

"Bonne question, mais elle marche aussi dans l'autre sens. Qu'est-ce qui t'empêche d'apprécier ton sommeil de beauté, Malfoy?"

"Je ne suis pas fatigué," répondit Lucius et il s'assit sur le divan à côté des pieds de Severus.

"Comment cela se fait-il?" demanda Severus, levant ses sourcils de manière exagérée, "Tu devrais être complètement épuisé."

Lucius lui donna un regard perplexe. "Pourquoi le devrais-je ?"

"Et bien," dit Severus, posant le livre sur le sol et s'asseyant pour pouvoir regarder Malfoy, "D'abord, tu as capturé et ligoté quelque chose comme dix Anapatyx aujourd'hui et ensuite tu as dû combattre la forte envie de donner un coup de pied dans les dents de Black, ce qui signifie deux heures de lutte intense et parallèle."

"Euh, Sev," commença Lucius après un moment, l'air moins leader qu'il ne l'avait fait pendant environ deux semaines, "je … euh, voulais te poser une question, mais tu dois promettre de ne rien dire à qui que ce soit. Si tu le fais, tu ne vivras pas pour faire des excuses, autant que tu puisses le vouloir."

"Très bien," dit Severus légèrement, "Pose."

"C'était un peu étrange aujourd'hui-"

"Je pensais que cela allait être une question, pas un conte de fées pour aller au lit!"

"Rogue, si tu as l'intention d'être un connard, dit-le moi. Autrement, laisse moi simplement le faire à ma manière. Compris ?"

"Bien sûr, Malfoy. Fais-le à ta manière, bien que je déclare par la présente que je me réserve le droit d'être un connard tout de même. Continue alors. Qu'est-ce qui était un peu étrange aujourd'hui ?"

"Et bien, tu te rappelles le cours de Soin aux Créatures Magiques, n'est-ce pas ?"

"Si je me souviens correctement c'est moi qui ai amené le sujet, alors bien sûr que je m'en rappelle."

"Euh, oui. Te concentrais-tu seulement sur les bêtes ou as-tu aussi observé les autres ?"

Severus sentit une forte envie irrésistible de rire à haute voix. Considérant l'embarras de Malfoy et ses propres observations, Lucius avait évidemment remarqué le regard fixe et avide de Black. Mais il n'allait pas rendre les choses faciles pour lui. "De temps en temps, oui. Pourquoi ?"

"Tu … tu as attrapé un aperçu de Black, peut-être ?"

"De Black ? Et bien, oui, bien sûr, puisque vous deux travailliez à côté de Lupin et moi. Donc la réponse est oui."

"Mmh." Lucius devint silencieux et commença à mâcher sa lèvre inférieure. Un signe de grand malaise. Très amusant en effet. "As-tu remarqué quelque chose … um, d'inhabituel ?"

"Inhabituel dans lequel sens ? Langage ? Comportement ? Signes d'intelligence raisonnable ?"

Lucius devint très intéressé par ses ongles. Lançant à Severus un regard oblique, il dit "Comportement, plus ou moins."

"Je ne pense pas. Mais pourquoi poses-tu la question ? As-tu remarqué quelque chose ? Penses-tu qu'ils projettent quelque chose ?"

"N-non," répondit Lucius avec hésitation, "c'était … je veux dire son air …"

"Son air comme dans ' le bel air voluptueux de Tabitha prend au piège les sens de Lestrange' ou comme dans ' si les airs pouvaient tuer, Maugrey serait un homme mort ' ?"

"Ce dernier, bien sûr. Tu ne l'as pas finalement vu me lancer des regards étranges ?"

"Es-tu en train de dire qu'il flirtait avec toi ?" dit Severus, décidant d'abandonner le jeu, comme il se fatiguait. "Je veux dire, après ce que nous avons entendu dans le couloir cette nuit-là"

"Je me sentais comme une maudite fille!" laissa échapper Lucius, rougissant furieusement. " Je je ne savais pas quoi faire!"

"Et bien, premièrement, tu aurais pu répondre en flirtant aussi …" Il était vraiment rapide à tirer sa baguette, pensa Severus.

"Tu veux répéter ça ?"

"Lucius, ton manque d'humour quand il s'agit de toi est parfois épouvantable. Il existe une chose appelée ironie, en as-tu jamais entendu parler ?"

"Cela semble difficilement le bon moment pour de l'ironie. Mais je suppose que tu trouves tout cela très amusant ?"

"Eh bien …" Severus fit traîner le mot avec délectation, "Il y a certainement un côté amusant à cela. Ce que je ne comprends pas est pourquoi tu ne réussis pas à le voir. Ou plutôt pourquoi tu ne réussis pas à voir les possibilités de donner à Black une petite leçon."

"Et juste quelle leçon as-tu en tête ? Essayer de lui mordre la langue au premier baiser ?" Lucius frissonna. "Non seulement je ne lui donnerais jamais l'occasion d'aller si loin, mais ce serait une chose assez inutile à faire."

Distraitement, Severus secoua la tête. Ridiculiser Black… peut-être pas devant l'école entière, mais s'il y avait assez de personnes pour entendre et voir … si Lucius jouait son rôle correctement … ce pourrait être un coup suffisant à l'ego du Gryffondor pour lui faire perdre la face à la provocation même la plus légère … ce serait, pour ainsi dire, la préparation de sa propre manoeuvre, labourer le sol sur lequel il pourrait alors semer sa propre graine de malice et de mauvaise intention. Seulement il devait donner à Malfoy un autre motif, un appât plus intéressant. Bien sûr, il y avait l'amusement de cela …

"Ne penses-tu pas que Black mérite un peu plus de punition pour ce qu'il a essayé de faire à Lestrange ? Et imagines-en juste l'amusement! Si tu imites Tabitha et joues la beauté élusive-"

"Si tu t'attends à ce que je m'asseyes sur les genoux de Black et me laisse sucer les mamelons par lui, tu peux aussi bien aller demander à quelqu'un d'autre de le faire. Ou le faire toi-même."

"Ouais, sûr," gronda Severus, "je serais très certainement la tasse de thé de Black. Non, écoute, Lucius---oh, allez," dit-il quand l'autre croisa les bras et lui donna un regard sombre, "Tu n'as rien à faire de la sorte. Peut-être un tout petit baiser … et nous pourrions essayer de découvrir par qui d'autre il est intéressé --- en plus de toi, je veux dire, parlant en termes de filles---pour que tu puisses faire une action parallèle et … oui, Lucius, voilà!"

La lueur dans les yeux de Lucius dit clairement qu'il avait suivi la pensée de Severus. "Tu as l'intention de le faire essayer de la séduire, tandis qu'il essaye de faire de même avec moi ? Oh, mais cela exigerait beaucoup de planification et j'ose dire de chance aussi."

Il avait clairement avalé l'appât. Temps de l'enfoncer un peu plus. "Oui et non seulement cela. Cela va être difficile, car nous avons cours avec les Gryffs seulement en Potions et en Soin aux Créatures Magiques. Donc les possibilités pour prendre contact sont, pour ne pas dire plus, très limitées."

Lucius lui fit un mauvais sourire. "Bien sûr, mais n'oublie pas qu'il est intéressé. Aussitôt qu'il verra le signe le plus minuscule d'acceptation de ma part, sois sûr qu'il sera suffisamment motivé pour créer de telles possibilités. Oh," dit-il, se penchant en arrière avec ses bras croisés derrière la tête, "je peux déjà voir cela : Black jouant le double jeu de séduction, moi jouant le double jeu de séduction et ensuite, quand le temps sera mûr, un rendez-vous dans une salle de classe agréable, inutilisée, un tas de sortilèges d'invisibilité et Mlle quoi-que-soit-son-nom, ayant reçu un mot de Sirius, entrant gaiement, s'attendant à être embrassée jusqu'à l'inconscience … seulement pour nous voir lui et moi … oui, je suppose que cela vaudrait la peine d'embrasser Black. Absolument."

"Lucius," dit soudain Severus, suivant une inspiration qui le venait de le frapper de nulle part, "Penses-tu que nous pourrions faire jouer le jeu à Tabitha avec nous ?"

"Tabitha ? Et bien, je suppose que nous pourrions, mais n'oublie pas que je dois feindre d'essayer de la séduire. Peux-tu imaginer ce que Lestrange me ferait ? Je voudrais garder mes parties privées intactes, merci beaucoup!"

"Non, tu ne devras rien feindre de la sorte, si elle est dans le jeu. Tout ce qu'elle devrait faire serait de dire à Lestrange qu'il ne doit pas s'inquiéter à propos d'elle et Black. Que cela fait partie d'un plan contre les Gryffs. Elle pourrait réussir, elle l'a enveloppé autour de son doigt, ne le penses-tu pas ?"

"Mmh," dit Lucius , avec un peu d'hésitation, "ce serait certainement un avantage si nous tirions toutes les ficelles. Signifiant que, si la fille en question est dans le jeu, les choses seraient beaucoup plus faciles --- pas autant de chances incalculables. Oui, je suis d'accord. C'est une bonne idée. Demandons lui demain matin."

~~~~ * ~~~~

Si Dumbledore avait su le destin sinistre qui attendait son précieux Gryffondor, il aurait certainement reconsidéré sa décision «d'essayer de combler le fossé » entre les quatre maisons, particulièrement entre Gryffondor et Serpentard. Mais dans l'état des choses, le Directeur était béatement ignorant ---du moins pour le moment, pensa Severus, quand ils entrèrent dans la salle de potions mercredi après le petit déjeuner --- du danger qui planait, menaçant, au dessus de la tête de Sirius Black.

Ils avaient réussi à faire monter Tabitha à bord de leur train de pensée mardi matin. La perspective de piéger Black, qu'elle détestait chaleureusement, était trop attirante pour qu'elle refuse l'offre de Lucius et Severus de jouer un rôle dans l'intrigue. Ainsi, elle avait monté un spectacle très convaincant mardi soir, demandant aux deux garçons de l'aide pour un problème de Potions, qu'ils étaient commodément incapables de donner, alors elle les appela une paire d'idiots ignorants et partit précipitamment au bureau de Lestrange pour lui demander directement. Deux heures plus tard, elle était revenue, portant un sourire suffisant et avait dit aux deux qui avaient veillé pour l'attendre dans la Salle commune que non seulement Lestrange voulait bien fermer les deux yeux sur ce qu'ils projetaient de faire à Black --- Il avait certainement de bonnes raisons pour souhaiter au Gryffondor la pire des chances --- mais qu'à la dernière réunion du personnel dimanche, Dumbledore avait encouragé le corps enseignant à faire travailler les élèves en groupes inter-maisons partout où cela était possible. Comme la présence des Aurors n'avait certainement fait rien pour favoriser quelque lien qui puisse exister entre les maisons, le Directeur pensait cela nécessaire « d' essayer de combler les fossés ». Considérant qu'il était extrêmement peu probable que les élèves en fassent ainsi tout seuls, les enseignants devraient faire cette tentative, pas très subtile selon l'avis de Severus, d'aplanir les différences.

Lestrange avait été heureux, selon Tabitha, que cette mesure à laquelle il avait essayé en vain de s'opposer pendant la réunion fût mise à un meilleur emploi, du moins en ce qui concernait les Gryffondors et Serpentards de quatrième année. Vue de cette nouvelle perspective, l'idée de Dumbledore était une aubaine.

Quand le groupe de Serpentard entra dans la salle de classe mercredi matin, les Gryffondors étaient déjà là et à en juger par les airs de leurs visages, Lestrange leur avait déjà dit qu'il allait agir selon les voeux du Directeur. Ainsi, Tabitha devait travailler avec Pettigrow à la table d'à côté de Black et Lucius. Severus et Linda Farnon occupaient la place derrière eux, si bien que Severus pouvait voir tout qui se passait. Il se prépara à deux heures intéressantes. En dehors des raisons très personnelles de Lestrange pour objecter aux plans du Directeur, Severus voyait tout à fait clairement qu'il y avait probablement eu un motif pratique aussi : Aucun autre sujet n'était aussi prédisposé aux accidents que les Potions, peut-être à l'exception du Soin aux Créatures Magiques et il était assez mauvais d'avoir à calculer les bonnes paires dans la même maison, pour éviter des catastrophes principales. Mais avoir les membres de deux maisons rivales à travailler ensemble à une table, leur servant ainsi la chance de se jouer des mauvais tour l'un à l'autre pratiquement sur un plateau d'argent, créait une situation presque incontrôlable. Leur professeur devrait redoubler son attention, comptant sur ses quelques élus pour bien se comporter.

Lestrange semblait avoir pensé cela plus sage de commencer par quelque chose de relativement inoffensif, pour évaluer comment les nouvelles paires marchaient. Ils faisaient une simple Potion de Conscience aujourd'hui, où peu pouvait arriver, même si les ingrédients étaient ajoutés dans le mauvais ordre. Lucius, feignant de brosser une tache imaginaire de poussière de sur son épaule gauche, se tourna à demi, attrapa le regard de Severus et cligna de l'oeil. Black était occupé à concasser les serres d'Earlybird et ne le remarqua ainsi pas. Malfoy saisit les feuilles de Gingko qu'il était supposé couper en tranches minces, prit le couteau, fit les premières quelques coupes et ensuite se perça intentionnellement l'index gauche.

"Ouch!" siffla-t-il, attirant ainsi l'attention de Black, lança le couteau sur la table et, lentement et délibérément, lécha le sang de son doigt blessé, prudent de ne pas regarder le Gryffondor. Severus contrôla sa réaction depuis des paupières à demi fermées et dût silencieusement féliciter Lucius pour un travail bien fait. La prise de respiration rapide de Black et, par dessus tout, son regard hypnotisé fixant la langue glissant sur la peau pâle étaient suffisamment de preuve.

"Quoi ?" le rabroua Lucius, levant finalement les yeux pour rencontrer ceux de l'autre. "Je me suis coupé le doigt, qu'est-ce qui est si intéressant à cela ?" Black ne répondit pas et rendit à la hâte son attention à son mortier et à son pilon. "Et qu'est-ce que, je t'en prie, cela est sensé être ?" siffla Lucius dans son oreille, apparemment pour éviter d'attirer l'attention de Lestrange et d'avoir des points de maison enlevés, mais en réalité pour verser de l'huile sur le feu. "Tu devais réduire ces serres en poudre fine, pas en miettes! Laisse-moi le faire si tu n'es pas même capable de faire les bases!"

Il se pencha, de telle sorte que pendant un instant son poids se repose contre le haut du bras de Black, et saisit les ustensiles. Black se mordit la lèvre et ne dit rien.

"M. Black, M. Malfoy, y-a-t'il un problème ?" fit la voix fraîche de Lestrange de derrière Severus.

"Non, monsieur, tout va bien," répondit Lucius.

Black le regardait toujours fixement de surprise, car cela devait être la première fois qu'un Serpentard ne profitait pas d'une situation où il pourrait faire qu'un Gryffondor se fasse rabrouer ou faire enlever des points à l'ennemi. Tabitha choisit ce moment d'inattention pour donner à son bol de feuilles de Gingko, qui était déjà posé dangereusement près du bord de la table, une petite poussée pour qu'il se renverse. La porcelaine se brisa en milliers de morceaux sur le dallage et la plupart des feuilles fut dispersée sous la table de Black et Malfoy. Le son du bol se cassant sortit brusquement Black de sa stupeur. Il se retourna et vit Tabitha s'agenouiller pour ramasser les feuilles.

"Puis-je ?" demanda-t-il courtoisement, puis il tira sa baguette et répara le bol. Alors il se pencha et le lui remit.

En renvoyant ses cheveux en arrière, le visage rougi parce qu'elle avait plongé sous la table, elle leva les yeux vers lui avec des paupières lourdes et, lui accordant le plus petit des sourires , elle dit "Merci." Severus n'avait aucune idée de simplement comment elle avait réussi à rougir un peu plus--- probablement qu'elle avait pensé à quelque chose d'obscène ou d'embarrassant --- mais il devait reconnaître que cela marchait. Black semblait totalement déconcerté.

Le reste de la leçon passa sans nouveaux incidents, mais Severus était sûr que ces deux étincelles initiales avaient été suffisantes pour mettre le feu à la mèche. La question était combien de temps la flamme prendrait pour atteindre le tonnelet de poudre.

~~~~ * ~~~~

"Monsieur, est-ce que je vous dérange ?" dit Severus, ouvrant la porte du bureau de Lestrange.

"Au contraire, M. Rogue, je vous attendais déjà. Entrez, s'il vous plaît."

Il s'assit sur la chaise faisant face à son enseignant, qui tenait un petit rouleau de parchemin et ensorcelait maintenant un morceau de ruban vert foncé qui s'enroula autour de ce que Severus supposait être une lettre. Il avait eu raison, car Lestrange claqua des doigts, à quel signe un grand corbeau s'envola d'où il était perché---Severus ne l'avait pas remarqué, car l'oiseau avait été assis dans un coin sombre --- et atterrit sur la table. Regardant fixement son maître d'yeux noirs attentifs, il offrit sa patte droite.

"Voilà, Abraxas," murmura Lestrange, tandis qu'il liait la lettre à la patte tendue. "Fais bon voyage," dit-il, caressant la tête de l'oiseau avec son index et le corbeau décolla, décrivit un cercle autour de la tête de son maître et disparut par un trou dans le plafond. "Bien, M. Rogue ?" dit l'enseignant, s'asseyant et croisant les bras, "je suppose que vous avez lu les livres et les notes que je vous ai donnés ?"

Severus hocha la tête, manquant un peu de souffle. "Bien sûr que oui, Monsieur," répondit-il . "Ai-je raison de supposer que vous essayez de développer une potion semblable au sortilège d'Imperius, seulement plus forte et par dessus tout non détectable ?"

**en français dans le texte.