CHAPITRE 19
Maintenant que l'affaire Lupin reposait quelque temps --- d'une façon de parler, mais pour l'instant, c'était Lucius et Tabitha qui devaient faire le travail préliminaire pour lui tandis qu'il pouvait pratiquement s'asseoir et regarder ---Severus était libre de consacrer ses pensées au projet de Potions. Ce qui était chanceux, parce qu'il était sûr qu'il serait devenu fou, si une autre question urgente avait revendiqué une partie de son attention.
Après ses conversations avec Voldemort l'été dernier, il avait pris conscience de combien exactement l'ambition avait été refoulée à l'intérieur de lui pendant des années. Il avait trouvé une concentration dans son admiration pour le Sorcier Sombre. Mais il n'avait pas été conscient de son potentiel pour l'obsession. La recherche qu'il avait faite sur Tom Jedusor avait été un simple aperçu de ce dont il était vraiment capable. Pas que ce soit venu comme une surprise, car le projet de crédits supplémentaires n'avait pas été le moins du monde important et quand il avait essayé et avec succès, d'en découvrir plus sur la vraie identité de Voldemort, c'était encore quelque chose qu'il avait fait surtout pour lui-même. Et pour impressionner Lucius, bien sûr. Mais tout de même, cela avait servi à satisfaire sa propre curiosité harcelante. Le projet de potions cependant … Ceci était une question entièrement différente. C'était pour Voldemort et lui seul.
Pas qu'il veuille, ou même essaye de prétendre, que de voir que cela avait fait plaisir à Lestrange, qu'il soit rapide à la compréhension, n'avait rien valu. Au contraire, cela avait eu beaucoup de signification pour lui--- mais plus parce qu'il était sûr que l'information allait trouver son chemin jusqu'aux oreilles de Voldemort. Et il appréciait certainement la sorte de relation qui se développait entre le Directeur de Maison et lui-même. Seulement il y avait tellement plus au projet. Tout à coup, sa curiosité innée, qui avait jusqu'à présent trouvé son expression plus dans l'indiscrétion que dans la recherche réelle, s'avérait être un outil valable. Un couteau, constamment aiguisé par la pierre de son ambition. Dans les moments de concentration intense, il pouvait presque se sentir devenir ce couteau, coupant à travers ce qui se tenait entre lui et son but. Aucun obstacle n'était capable de résister à son attaque, que cela soit une simple difficulté ou quelque chose de plus résistant à la lame scintillante.
Quand il était retourné au Repaire du Serpent après sa leçon avec Lestrange mercredi soir, il s'était senti presque aussi délirant qu'après sa première conversation fatidique avec le Baron Sanglant. Il aurait été capable de tout cette nuit là. Il était l'ange et le démon, tenant le monde dans la paume de sa main. L'euphorie n'avait pas duré la nuit, mais l'énergie qui avait été mise en liberté continuait à brûler en lui, pas comme une force destructive, mais comme une force réchauffant constamment qui le faisait se sentir en sécurité--- aussi bizarre que cela puisse paraître. En sécurité et sûr de lui. S'enroulant dans l'obsession.
Mais le problème, pensa-t-il, était dur. Vraiment dur à résoudre, s'il était soluble du tout. En dehors de toute la recherche qui devait être faite, il devait d'abord y avoir une ligne cohérente de pensée, une idée qu'ils pourraient suivre. Jeudi et vendredi avaient été des jours perdus, à ce point de vue. Il n'y avait pas eu le temps de penser correctement --- pas de simplement rester assis là et à regarder fixement les murs jusqu'à les trouer, mais de penser vraiment. C'était impossible parmi tout le bruit et les cours et les devoirs. Eh bien, du moins vendredi avait été tout à fait couronné de succès en ce qui concernait le soi-disant triangle amoureux entre Black, Lucius et Tabitha. Severus renifla, se remémorant leur leçon de Potions, mais essaya de se contrôler, car M. Phorme lui lançait un regard ennuyé. Après tout, il était venu à la bibliothèque pour penser et étudier, pas pour se perdre dans des réminiscences futiles. Mais alors, Lucius jouant les beautés timides était simplement hilarant. Quoique pas aussi amusant que le fait que Black semblât gober cela.
"Penses-tu que Black est vraiment si stupide ou ce pourrait-il que nous soyons les victimes d'une de leurs blagues sans en être conscients ?" avait-il demandé à Lucius sur leur chemin du retour aux quartiers de Serpentard.
Secouant la tête, Lucius avait répondu "Non, honnêtement je ne pense pas. J'ai parlé à Mathilda hier --- elle obtient un tas d'information que nous n'avons pas, parce qu'en cours de Divination elle est assise avec les gens de toutes les autres maisons et l'atmosphère semble être plutôt détendue. En fait, c'est elle qui m'a dit d'avertir Tabitha à propos de Black."
"Comme c'est intéressant. Et pourquoi ?"
"Parce que le bâtard semble penser que c'est quelque devoir pour toute femme sur cette planète que de se pâmer en extase ne serait-ce que s'il lui parle. Il est arrogant et vaniteux. Et je suppose que ce n'est aucunement différent quand il se sent attiré par quelque mâle. De toute façon, le coup de la chemise mouillée était bon, n'est-ce pas ?"
"C'était brillant. Même moi je pourrais prendre mon pied à te voir dans une chemise blanche trempée," sourit Severus.
"Oh, la ferme, Rogue . Mais lundi, Tabitha devra inventer quelque chose de convainquant aussi. Autrement il pourrait dériver trop dans ma direction."
Oui, pensa-t-il, se permettant un autre moment de distraction de ses livres, probablement que Lucius avait raison. Black ne croirait jamais que d'être attiré par lui pouvait possiblement être de la comédie. Il était Sirius Black et donc quiconque il choisissait devait fondre dans la lumière flamboyante du soleil de sa personnalité charmante. Severus considérait que c'était une des formes les plus grandes et les plus dangereuses de stupidité. Mais alors, à chacun la sienne. Et il retourna au problème plus urgent d'essayer de développer une Potion Imperius pour Lord Voldemort. Il serait mieux de commencer en revoyant son échange avec Lestrange de nouveau, mot pour mot, notant ce qui semblait important et commençant par là. Inutile de se heurter aux mêmes impasses que Lestrange. Ainsi, de quoi avaient-ils parlé en premier ?
De Pico, bien sûr. Chaque fois qu'il pensait à des hommes comme Pico Della Mirandola ou Christopher Marlowe---pour ne nommer que ces deux là ---Severus se demandait toujours pourquoi il n'y avait plus de tels hommes. Peut-être parce qu'il n'y avait plus de tels temps. Peut-être était-ce l'explication, un peu banale, mais cela pourrait être valable néanmoins. Car un sorcier qui dans ces temps, et en Italie de plus, si près du centre du catholicisme que le Pape n'avait qu'à allonger une main paresseuse, grasse, et couverte de bijoux pour l'attraper au col et le jeter sur le bûcher le plus proche afin de le brûler en cendres sous les yeux enthousiastes de la foule --- un tel sorcier, qui vivait au contact proche des Moldus et essayait de les éclairer, devait vraiment être courageux. Pas étonnant que Pico ait été encore un autre de ceux qui avaient dû simuler leur propre mort prématurée. Mort par empoisonnement---comme c'était bien choisi. Quelle folie---mais quel geste.** Il n'avait pas été l'un des plus grands fabriquants de potion de la Renaissance tout entière pour rien. Et il avait essayé. Oh, comme il avait essayé de faire entrer quelque sens dans ces têtes de Moldus stupides, aveugles. Mais ils l'avaient refusé, avaient condamné ses thèses par Décret Papal, l'avaient même emprisonné, jusqu'à ce qu'il renonce, mette en scène sa mort et se retire là où personne ne le dérangerait plus. Et là, dans son refuge, loin de son château héréditaire, il avait pensé aux méthodes de changer l'esprit humain, pour qu'il soit possible de les amener de force où des arguments raisonnables ne les mèneraient jamais. Le Tractatus de libera voluntate en avait été le splendide résultat. La base solide sur laquelle d'autres avaient été capables de mettre au point le Sortilège d'Imperius. Mais autant que Severus pouvait en juger --- et Lestrange avait été d'accord avec lui --- il ne donnait pas d'allusion utile quant au développement d'une potion.
Comparé à Pico, Nicolò Paganini avait été un simple amateur. Un rêveur romantique, rien de plus. Son La mente magica--proteggerla e distruggerla était un conglomérat sauvage et, pour l'exprimer poliment, bariolé d'idées, de rêves, de théories absurdes, tout cela collé ensemble par l'ignorance flagrante des règles les plus basiques de magie. Mais alors, comme Lestrange l'avait observé, l'inspiration pouvait vous sauter dessus depuis l'endroit où vous vous y attendiez le moins. Vrai, mais dans le cas de Paganini, aucune inspiration digne de ce nom ne daignerait se cacher entre ces pages. Écarté. Misérablement échoué. Retourne à ta musique, Nicolò, joue tes propres compositions insipides sur un violon n'ayant plus qu'une seule corde, pour impressionner les femmes Moldues.
Si Paganini eût dû rester dans les salles de concert Moldues, c'était tout aussi vrai pour George Gordon Noël Byron, seulement 'les salles de concert' devaient être remplacées par 'les salons'. L'homme n'avait pas même été un Serpentard, autant qu'il ait essayé de convaincre les gens du contraire. Mais un pied-bot et des difficultés avec les femmes ne faisaient pas un Serpentard. Ni vivre dans les ruines de l'Abbaye de Newstead, où il avait probablement entendu un tas d'histoires intéressantes de la part des fantômes résidents, ne faisait de lui un sorcier convenable. Et que le fait d'envelopper son cerveau dans des vapeurs d'opium n'ait rien fait pour rendre sa Théorie Spéculative Sur les Mécanismes des Potions et Elexirs de Modification de Pensée plus remarquable n'avait pas besoin d'être souligné.
Rien. Il n'y avait purement et simplement rien avec quoi travailler. À moins de compter Potions Expérimentales Contre le Sortilège d'Imperius Et Ses Répercussions par le grand Simon McLachlan. C'était du moins quelque chose à utiliser, sinon dans le sens contraire. Mais McLachlan avait le mérite indéniable d'avoir traité les mécanismes du sortilège d'une manière plus scientifique, condamnant explicitement le non-sens qui s'était écoulé des plumes de Byron et Paganini. Son travail se concentrait principalement sur les points communs des centaines d'interviews qu'il avait conduites sur des gens qui avaient consenti à jouer ses rats de laboratoire. Comment exactement s'étaient-ils sentis quand le sortilège avait été mis sur eux ? Qu'avaient-ils pensé ? Quelles étaient leurs émotions tandis qu'ils avaient été sous le sortilège et ensuite ? Et caetera, et caetera. Les mêmes questions, à plusieurs reprises plusieurs fois.
Mais, comme le grand Maître de Potions lui-même l'avait admis, les résultats étaient assez maigres. Proches de rien, pour dire la vérité. Il y avait des points communs, comme la sensation de flotter, ce vide béat de l'esprit, l'absence de douleur à la fois physique et émotionnelle. Et c'était sans doute l'accomplissement de McLachlan : avoir finalement brisé le tabou entourant les Sortilèges Impardonnables et avoir exposé, encre sur parchemin, ce à quoi ressemblait exactement que d'être une victime du sortilège d'Imperius. Bien sûr, il avait hasardé quelques théories sur comment il marchait et ce qui pourrait être fait pour le neutraliser. Car à la différence d'autres sortilèges, charmes ou même malédictions, les Impardonnables--- eh bien, deux d'entre eux, car Avada Kedavra était un problème tout à fait différent --- pouvaient seulement être arrêtés par celui qui les avait jetés. Severus présumait que le Ministère les avait bannis plus à cause de cela qu'à cause de leur effet réel, aussi horrible qu'il puisse être. Si vous mettiez un sort de ligotage sur quelqu'un, il était suffisant qu'un tiers agite sa baguette et jette Finite Incantatem, pour que l'effet s'arrête immédiatement. Pas le Cruciatus ni l'Imperius. Il n'y avait aucun moyen du tout de les enlever d'une personne, à moins que le sorcier qui les ait prononcés ne consentit à les terminer.
Cependant, ces réflexions philosophiques ne le menaient nulle part, pensa Severus. Ils devraient travailler sur ce qu'ils avaient, ce qui était très peu. Maintenant, il avait mal aux yeux et au dos. Peut-être devrait-il aller faire une promenade sur les terrains de l'école … Après tout, c'était dimanche et il pouvait faire une pause courte. Alors il se rappela qu'au petit déjeuner et encore plus durant le déjeuner, le ciel reproduit par le plafond enchanté de la Grande Salle n'avait pas semblé trop prometteur. Regardant dehors par la fenêtre, il vit qu'en effet un mur de nuages noirs se regroupait sur le lac et les collines derrière. Il était plus que probable qu'un orage éclate avant une heure. De toute façon, il pouvait prendre un bol d'air frais.
"M. Phorme, cela vous dérangerait-il vraiment beaucoup si j'ouvrais la fenêtre, juste un instant ?"
Le bibliothécaire lui lança un regard indigné par dessus le bord de ses lunettes rondes. "Si vous pensez que c'est absolument nécessaire … " répondit-il, du ton d'un martyr qui venait de choisir d'être démembré au lieu d'être bouilli dans l'huile chaude.
Severus le connaissait depuis assez longtemps pour prendre cela comme un oui amical et ouvrit ainsi la fenêtre. L'air était calme, mais humide et lourd ---pas vraiment régénérateur. De la direction du terrain de Quidditch, il entendait des cris et des hurlements. Probablement qu'il y avait quelque entraînement en cours. Peut-être les Gryffondors ? Et bien, ils allaient avoir besoin de tout l'entraînement qu'ils pourraient avoir. Et devant jouer sans Potter ni Black, ils étaient condamnés à la défaite de toute façon.
Il bougea pour trouver une position plus confortable, reposant ses coudes sur l'appui de la fenêtre au lieu de ses mains, pour que son dos douloureux puisse trouver quelque soulagement.
"Oh, James, pour l'amour du ciel, pourquoi ne vas-tu pas voir Sirius ?" Il entendit la voix exaspérée de Lily Evans venir de derrière lui.
"Parce que Sirius boude et veut être laissé seul. En plus, il n'y a nul besoin de demander pourquoi je préférerais être avec toi qu'avec Sirius, non ?"
Un bruit brusque de livres qu'on avait laissé tomber sur une surface dure. La voix de Lily de nouveau. De l'irritation négligemment enveloppée dans de la politesse, dont la couche mince avait déjà été percée par les bords de ce qui était dessous. "Je dois étudier, James. J'ai mes B.U.S.Es dans exactement deux mois et je n'ai pas l'intention de les louper, juste parce que tu manques de compagnie. Où est le reste des inséparables ?"
"En bas au terrain de Quidditch, à regarder les autres s'entraîner. Oh allez, Lily, je suis juste assis là avec toi, à faire mes devoirs."
Si Lily Evans n'avait pas été une saleté de Gryffondor née Moldue, Severus aurait eu pitié d'elle. Avoir constamment James Potter à baver partout sur elle était pire que dix retenues avec Argus Rusard. Mais ce qui l'intéressait plus était le commentaire à propos de Black. Cela devait être la première fois en presque quatre ans qu'il avait choisi de rester loin des autres Mousquetaires. Cela pourrait être en partie en raison du fait que l'équipe s'entraînait, tandis qu'il était exclu à la fois des jeux et de l'entraînement, mais Severus était assez sûr que l'arrogant Black était aussi rendu très perplexe par Lucius et Tabitha et devait en venir à un accord avec son trouble intérieur. Et apparemment il cherchait le confort de la nature, car Severus le vit flâner sur la pelouse en direction de la Forêt Interdite. Maintenant ça c'était une occasion à ne pas manquer.
Severus ferma la fenêtre et se retourna, simulant une surprise désagréable en voyant Potter et Evans occuper une table dans la bibliothèque autrement vide. Il leur jeta un regard de mépris, réunit ses affaires et sortit rapidement de la pièce, murmurant quelque chose à propos de Sangs de Bourbes sous sa barbe. Assez fort pour qu'ils l'entendent, mais pas assez fort pour que Potter soit absolument sûr de ce qu'il avait dit. Au pire des cas, il pourrait toujours dire à Potter qu'il avait mal compris ses mots. Car ce dont il avait besoin maintenant n'était pas d'un combat, mais d'un prétexte crédible pour quitter la bibliothèque à toute vitesse.
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"Chemise sensuellement trempée, partie deux ?" demanda Severus quand Lucius re rentra dans la Salle commune après une absence d'environ une heure.
"Mère nature me tient dans sa main," dit Lucius avec un sourire suffisant, essayant de brosser ses cheveux humides loin de son front. "J'avais l'intention de faire de cela un simple spectacle de Lucius-En-Pantalons-Et-Chemise et là elle vient nous verser dessus un torrent de pluie. On ne peut pas dire que cela n'a pas aidé, cependant"
"Où l'as-tu rencontré, alors ?"
"Cela te dérangerait-il si je descendais me changer ? Je suis complètement trempé, jusqu'à mon caleçon."
Severus fit une grimace. "Garde cette sorte d'information pour Sirius l'Etalon Sexy."
"Oui, je suis sûr que cela l'intéresserait beaucoup. Viens alors, tu peux regarder.---je dois m'habituer à cela," dit-il en s'excusant quand Severus le regarda fixement. "Mais sérieusement, il n'y aura personne dans le dortoir tout de suite, donc nous pourrons parler."
Ils descendirent l'escalier des Quartiers presque vides de Serpentard. La plupart des élèves étaient déjà montés pour le dîner. Lucius remit soigneusement son balai dans son coffre et enleva sa chemise. Où il était debout, une petite flaque commençait à se former sur le sol.
"Ce n'était pas une mauvaise idée d'emmener le balai," dit-il, défaisant sa ceinture et ouvrant la braguette de son pantalon. "Il a fourni un point de départ très utile pour une conversation monotone, mais prometteuse. Eurgh, je déteste les chaussettes humides!"
"Et qu'est-ce que Black avait à dire ?"
"Oh, pas grand chose--- pas que cela soit une révélation pour toi. Je l'ai rencontré près des serres et il a juste dit que c'était inutile d'aller au terrain de Quidditch, car les Gryffs s'entraînaient."
"Quelle délicieuse occasion de montrer de la méchanceté," dit Severus, "je suppose que tu n'as pas manqué ---maintenant vraiment, Lucius, c'est dégoûtant, ne pourrais-tu pas au moins te retourner ?"
"Je n'étais pas conscient que tu trouves mon cul plus séduisant que le mon--- arrête ça! Arrête-ça, espèce d'idiot!"
Severus avait tiré sa baguette, l'avait soulevé par lévitation et l'avait fait se tourner visage au mur. "Bien sûr," dit-il, rabaissant Lucius lentement sur le sol, "Alors qu'as-tu répondu ?"
Lucius fouilla dans son coffre pour trouver des sous-vêtements frais. "Oh, rien de spécial. Juste quelque remarque sarcastique sur comment les Gryffs allaient être aplatis au match suivant."
"Très approprié. Et comment a-t-il réagi ?"
"C'est ce qui fait monter mes espoirs d'un avenir heureux avec lui jusqu'à la lune : Il n'a pas réagi. Normalement, il aurait tiré sa baguette et essayé de m'ensorceler. Mais il m'a juste lancé ce regard triste. Et ensuite, pile au bon moment, il a commencé à pleuvoir. Donc nous avons dû nous dépêcher de retourner au château ensemble et franchement, ses regards étaient plus que ce dont j'aurais eu besoin. Mais je pense que cela va marcher." Il repêcha sa robe et s'y glissa. "Prêt pour le dîner ?"
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Avril devint Mai et la pleine lune suivante se rapprochait de plus en plus. Mais Severus avait déjà abandonné tout espoir de pouvoir effectuer la deuxième partie de son plan avant. Certaines choses avaient simplement besoin de temps pour fermenter et il était inutile d'essayer de les consommer avant qu'elles ne soient prêtes --- tout ce qui vous arrivait était un mal d'estomac. Donc il essaya d'être patient et de se concentrer sur son travail avec Lestrange au lieu de cela. Pas que ce soit très rentable, car ils continuaient à rencontrer des obstacles à tout virage de leur chemin tortueux.
D'abord, ils avaient suivi l'idée originale de Lestrange d'essayer de créer les effets principaux du sortilège que le livre de McLachlan mentionnait par des potions. Aussi facile que cela semble, c'était diaboliquement ardu : Car quelque variété de potion grisante qu'ils essayent de combiner avec toute sorte possible de potions de distraction, le résultat était le même. Ils n'avaient pas même à l'essayer, il était assez de l'écrire sur parchemin --- certains des ingrédients cruciaux s'annuleraient toujours. Tout de suite, ils essayaient une autre approche en essayant de trouver une manière de donner à une personne l'envie intense d'obéir. Le sang d'Elfe de Maison avait conduit à un échec spectaculaire. Severus avait été totalement abattu, mais Lestrange avait tapoté son épaule, souriant et lui disant que c'était comme cela que la recherche en Potions marchait : Il n'y avait presque jamais quelque résultat que ce soit à attendre avant deux ou trois ans de travail intense, à moins que vous n'ayez extrêmement de chance.
Cela ne fit rien pour alléger l'humeur sombre de Severus. Il ne voulait pas étudier pour les examens de fin d'année ou faire autre chose avant qu'ils n'arrivent à un résultat satisfaisant, du moins en théorie. Lestrange, qui avait probablement passé par des déceptions semblables plusieurs fois et ne savait que trop bien comment Severus devait se sentir, fut assez sage pour suspendre les leçons supplémentaires pendant le dernier mois du trimestre, pour que la garçon ait une chance de rattraper son travail négligé. Mais même si Severus retourna à contre-coeur à ses devoirs plus immédiats, il restait abattu et irritable. Ni les progrès lents de Lucius ni ceux de Tabitha dans les activités de séduction n'étaient capables de le réconforter. Il s'était déjà habitué à l'idée --- ou s'était résigné à l'accepter était plus correct --- que le projet Lupin devrait attendre le début de leur cinquième année et, avec considérablement plus de difficulté, il s'était présenté la pensée qu'il devrait attendre jusqu'à septembre pour reprendre son travail avec Lestrange. Le professeur lui avait solennellement promis qu'il n'allait pas continuer jusqu'à ce que Severus revienne à Poudlard.
Ni Lestrange ni aucun des camarades de Severus ne savait ce qui aigrissait vraiment sa vie au point de la rendre insupportable. C'était la pensée de devoir quitter cet environnement pendant deux pleins mois. Il s'était senti plus ou moins à l'aise ici déjà pendant ses trois premières années. Mais pendant la quatrième, Poudlard était devenu sa maison, peut-être pas de manière permanente, peut-être était-ce plus un refuge qu'une maison, mais il estimait qu'il appartenait à cet endroit. Et maintenant il devait laisser tout cela derrière lui, seulement pour retourner chez sa mère et passer deux mois interminables avec elle --- que ce soit en Angleterre ou en Italie n'importait pas.
Il ne serait jamais allé aussi loin que d'appeler n'importe lequel des autres son ami, la prudence qu'il devait utiliser autour d'eux était trop grande. Mais il y avait la familiarité. Quelque confort, même si c'était seulement sa propre chaleur reflétée. Si vous vous appuyiez contre un mur en pierre froid assez longtemps, la pierre restait chaude au contact. Il avait investi un temps et une force considérable à réchauffer ce mur et maintenant il devait se retirer brusquement, pour si longtemps que peut-être qu'il se serait refroidi quand il s'appuierait dessus la prochaine fois.
Pendant le voyage tout entier vers Londres avec le Poudlard Express, il avait le sentiment distinct que son coeur était attaché à son corps par quelque bande de caoutchouc élastique, mais d'une façon ou d'une autre Poudlard s'accrochait à son coeur, il ne lâchait pas et la bande se tendait de plus en plus, douloureusement, jusqu'à ce qu'elle se casse finalement quand il suivit les autres au travers du mur qui séparait la plate-forme 9 ¾ du reste de la gare de King's Cross. Comme dans une transe, il serra la main à Lucius et aux autres, reçut un baiser très timide et passager sur la joue de la part de Clarissa, au milieu des rires bébêtes des filles et des sourires des garçons, puis prit son coffre --- il avait jeté dessus un Sort d'Imponderabilis à l'école et il devrait rester comme cela pendant toutes les vacances --- et avec un dernier geste d'adieu et un regard derrière lui vers les autres, il partit.
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Si deux mois à la maison avec sa mère allaient être l'enfer, son voyage jusqu'à Hounslow Ouest était une descente très convaincante aux enfers. Maintenant qu'il était habitué à l'air propre, frais de l'Ecosse du nord, il se trouvait presque incapable de respirer le brouillard de la pollution sale de Londres. Il avait oublié combien la ville puait. Il y avait des déchets partout, du papier, du plastique, du métal. La plupart des objets semblaient être des emballages de quelque sorte, négligemment jetés sur le sol par des centaines de milliers de gens. Quoi qu'il touche était encrassé. La forte envie de se laver les mains était déjà accablante quand il brava avec succès l'escalier mobile menant en bas dans l'intestin de la ville. Et c'était en effet l'intestin. Des murs noirs --- Ou noircis ? --- des gens au visage gris, malodorants et nerveux partout. L'excrément de Londres, se déplaçant lentement dans les boyaux de ce Moloch qui les avait dévorés, les avait mâchés et les digérait maintenant.
Avec des mains tremblantes, il atteignit la poche droite de son pantalon pour y prendre les pièces de monnaie qu'il avait préparées là et alla à l'un des comptoirs rejoindre la petite file d'attente qui attendait déjà d'être servie. Devant lui était une jeune femme avec des cheveux noirs, légèrement bouclés et avec douleur il se rendit compte que Clarissa lui manquait. Ses lèvres avaient à peine touché sa joue, mais maintenant, en conséquence, le sentiment était toujours là et il aurait été menti, s'il avait nié l'avoir apprécié.
La queue devant lui se raccourcit de plus en plus, jusqu'à ce que ce soit finalement son tour. La femme derrière le comptoir--- elle était noire, ce qui, pensa Severus, était un changement plaisant de tout ces visages gris--- avait un sourire fatigué plâtré partout sur ses traits. Elle devait détester ce travail, pensa-t-il, par dessus tout parce qu'elle n'était plus jeune. C'était sa dernière station, le train était arrivé et n'allait plus bouger, donc elle devrait rester ici, à vendre des billets, jusqu'à ce qu'elle tombe de la chaise sur laquelle elle était assise. La Mort lui viendrait sûrement comme un soulagement. La regardant attentivement, il essaya d'imaginer si elle accepterait, s'il tirait sa baguette et lui offrait de jeter Avada Kedavra sur elle--- une mort rapide et indolore, probablement beaucoup mieux que ce que son propre destin avait en réserve pour elle.
Son billet glissa par la fente, il le prit et retira brusquement ses yeux de la femme qui lui lançait un regard étrange, un mélange de malaise et de curiosité. Passer à travers le tourniquet, descendre un autre escalier roulant. Qu'il le veuille ou non, il devait saisir la poignée pour sa sécurité, bien que cela le fasse vouloir vomir. Personne ne sentait-il donc cette puanteur s'attardant dans l'air, qui semblait lentement suinter à travers le tissu de ses vêtements et entrer par ses pores ? Ou étaient-ils si habitués à cela, si imprégnés par cela, que c'était devenu une partie d'eux ?
Plus il descendait profondément, plus l'air devenait irrespirable. Le niveau d'humidité devait être proche de quatre-vingt-dix pour cent et cela devenait graduellement plus chaud. Ces deux facteurs combinés permettaient aux odeurs diverses de s'épanouir totalement. Severus sentait la claustrophobie tirailler sa maîtrise de soi à peine conservée. L'arrivée du train fournit, sinon une amélioration, du moins quelque distraction. Mais il était tendu tout de même, car s'il manquait la station où il devait sortir et changer pour la Ligne Picadilly, il allait être perdu dans Londres. Ce qui était un scénario qu'il préférait ne pas imaginer. Il aurait aimé rester près de la porte, mais les gens entraient constamment dans le wagon ou le quittaient et son coffre volumineux les faisait le pousser ici et là, plus loin vers le milieu de la voiture, lui jetant des regards furieux parce qu'il bloquait leur passage.
Il sortit bien à Green Park cependant, car beaucoup de passagers devaient changer là. Plus de couloirs sordides, d'affiches incompréhensibles collées à des murs sordides, de jeunes gens aux yeux vides, pas beaucoup plus vieux que lui, accroupis dans des coins et tendant leurs mains pour de l'argent, des flaques d'urine, des odeurs écoeurantes … Un autre train, tellement bondé de fret humain --- humain ? --- que les portes refusaient de se fermer, mais alors, quand la forte envie de vomir ou de crier ou de simplement les tuer tous par un simple mouvement de sa baguette--- au diable les directives du Ministère et les babillages sur les Sortilèges Impardonnables, ils n'avaient jamais fait un tour dans le Métro de Londres --- menaçait de prendre le dessus, ils commençaient à s'égoutter au dehors, plus de passagers quittant le train qu'y montant, si bien que la voiture se vidait graduellement. Il faisait déjà sombre dehors, si bien que tout d'abord il n'avait pas remarqué que le train avait quitté le tunnel et cliquetait bien au-dessus des maisons environnantes. Severus regarda fixement par la fenêtre, prudent de ne pas la toucher de son front. Pas de lune, pas d'étoiles. Si elles étaient là, leur lumière était noyée par la flamme nocturne de Londres, par ces nuances maladives d'orange de vert et de blanc, un blanc bleuâtre qui faisait mal aux yeux.
Hounslow Ouest. Il sortit du train, faisant attention à la marche avec obéissance, comme lui disait de le faire la voix grinçante, désincarnée du haut-parleur et posa son coffre pour un instant de repos. Après ce voyage, pensa-t-il avec un sourire sinistre, même sa prétendue maison lui permettrait quelque soulagement mystérieux, simplement parce que elle était du moins calme, sinon rien d'autre. Avec un soupir, il saisit de nouveau son bagage. Quinze minutes de marche à pied et il pourrait finalement simplement fermer une porte derrière lui, se couper du bruit de la métropole, prendre une douche et dormir.
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"Mamma ?"
Aucune réponse. Étrange, pensa-t-il, d'habitude, soit elle attendait derrière la porte soit elle se précipitait du salon ou de la cuisine. Il posa son coffre et, un instant, massa son épaule, même s'il détestait se toucher avant de s'être lavé les mains. Mais porter le bagage, même s'il était presque sans poids, lui avait fait mal aux muscles.
"Mamma, sono a casa!" *
Toujours rien. Seulement maintenant il se rendait compte que l'odeur de cuisine était là, mais qu'elle était éventée au lieu de fraîche. Maintenant ce serait une première, se dit-il. Sa mère renonçant à préparer un tas de nourriture italienne dégoûtante quand il rentrait à la maison ? L'enfer devait avoir gelé. Il écouta. Aucun son ne venait, ni de la cuisine ni du salon. Soigneusement, afin de ne pas l'effrayer au cas où elle ne l'ait pas entendu appeler, il ouvrit la porte de la cuisine et dût immédiatement combattre une vague de nausée. L'odeur, Dieux, l'odeur! Il aurait préféré quelque vapeur dégoûtante qui puisse émaner du fourneau ou du four à la vague de décrépitude qui frappait son nez. Il referma rapidement la porte et s'essuya le front du dos de la main.
Maintenant l'inquiétude commençait à former un noeud serré dans son estomac déjà rendu sensible. Il alla regarder à l'intérieur du salon. Personne. Où diable était elle ? Essayant d'avaler sa crainte naissante, il monta l'escalier menant aux chambres à coucher du premier étage.
"Mamma ?"
Il ouvrit la porte de sa chambre. Endormie ? Comment pouvait-elle être endormie maintenant ? Il était à peine neuf heures passées. Il alla vers le lit, sur lequel Aminta Rogue était couchée, habillée d'une chemise de nuit de coton, dormant à poings fermés, la main gauche pendant au bord du lit. Quand il s'approcha, son nez attrapa une bouffée de quelque chose d'aigre-doux. Severus s'arrêta pour renifler l'air, comme un chien de chasse qui avait perdu la trace du lièvre qu'il suivait et ce fut là de nouveau. Il était sûr qu'il connaissait l'odeur, seulement il ne pouvait pas tout à fait la replacer sur l'instant. Mais cela le mettait mal à l'aise. Oui, définitivement. Une autre inspiration profonde d'air. La mémoire refusa de faire surface. Il couvrit la distance restante entre lui et le lit.
Elle s'était amincie et de manière remarquable, pensa-t-il. Ses traits semblaient beaucoup plus prononcés que quand il l'avait vue pour la dernière fois, il y a environ un an et demi. Il y avait un air tendu à son visage même dans son sommeil. Il avança d'un autre pas, de telle sorte que son genou gauche se repose maintenant contre le bord du lit. Se penchant déjà pour la réveiller, Severus fit un instant de pause. Voulait-il vraiment la réveiller ? Peut-être serait-il mieux de simplement la laisser dormir, descendre nettoyer ce désordre affreux et ensuite d'aller se coucher. Cette rencontre désagréable pouvait tout aussi bien attendre jusqu'à demain matin, quand du moins il aurait regagné son équilibre après quelques heures de calme repos. Il se releva et se retourna. Son pied droit prit contact avec quelque objet qu'il n'avait pas remarqué précédemment.
A travers des yeux rétrécis, il scruta vers le bas, essayant de discerner ce que c'était. C'était une bouteille. Il n'y avait aucune trace d'alcool dans l'air cependant Alors qu'est-ce qu'elle aurait pu … Non, pensa-t-il, reconnaissant soudain l'odeur qu'il avait été incapable d'identifier auparavant. Pas ça, s'il vous plaît Dieux, pas ça. Son corps -- plus incliné à obéir à la partie de son cerveau qui lui criait de simplement fermer les yeux et de courir qu'à la partie raisonnable qui lui disait qu'il savait de toute façon et ferait mieux de simplement en finir avec cela ---refusa proprement de plier les genoux et d'allonger sa main droite pour saisir la bouteille. Il commença même à trembler violemment. Mais finalement, la lutte fut gagnée par la partie raisonnable et Severus ramassa la bouteille du sol. Elisir Di Ganimede. Exactement ce qu'il avait pensé. Le poison aurait été préférable de beaucoup.
* "Maman, je suis à la maison!"
**en français dans le texte
