Note d'auteur : Voir ch. 22

CHAPITRE 23

La lettre de Clarissa arriva deux jours plus tard, seulement un peu plus d'une heure après la missive officielle de Poudlard. Si l'état d'esprit de Severus avait été différent, il les aurait appréciées toutes les deux beaucoup plus qu'il ne le fit en réalité. En fait, il mit immédiatement la lettre de Poudlard dans un de ses livres et fixa l'autre parchemin pendant une longue période de temps, n'étant pas sûr s'il fallait la lire ou non. Finalement, il décida de l'ouvrir. C'était une lettre gentille, et si évidemment écrite avec embarras qu'il pouvait ressentir la sensation comme si c'était la sienne quand il lisait les mots. Mais c'était difficile, très difficile de penser à une telle chose que l'affection --- car il refusait de lui donner de plus crédit que cela de toute façon --- dans sa situation actuelle. Étrange, pensa-t-il, qu'une personne qui, comme il le savait bien, aimait tant les souffrances des autres soit capable de cette quantité de tendresse.

Cher Severus,

Avait-elle écrit,

J'ai été si triste quand nous nous sommes dit au revoir à King's Cross, parce que tu semblais si totalement désespéré. À ce moment là, j'ai regretté de ne pas avoir pensé à t'inviter à venir passer au moins pour une partie des vacances avec ma famille. J'ai beaucoup pensé à ce moment et à toi ces dernières semaines et suis arrivée à la conclusion que tu ne dois pas être trop heureux avec ta vie à l'extérieur de Poudlard. Ne prends pas cela comme une question voilée, c'est simplement une affirmation et, je pense qu'elle est correcte. Car si tu appréciais ce qui t'attend quand tu rentres à la maison, tu n'aurais jamais eu ce regard de tristesse infinie dans tes yeux. Ce ne sont jamais des yeux particulièrement heureux, mais quand tu as pris congé de nous tous, c'étaient des abîmes de désespoir.

Je suppose que tout cela à l'air très pathétique et n'est pas très logique. Et probablement que tu n'es pas malheureux, mais que tu es assis là confortablement dans ta maison, à faire des devoirs ou quelque recherche qui t'obsède.

J'ai déjà fini la plupart des mes devoirs, donc je peux apprécier le reste des vacances d'une façon plus ou moins insouciante. Aussi insouciante que l'on peut l'être à quinze ans avec un frère de vingt-quatre ans qui semble penser être le nombril du monde. Mais cette année il est relativement occupé autrement, alors il me laisse en paix. Il a rejoint la fraternité et il semble qu'ils projettent de grandes choses---Je ne peux pas en écrire plus ici et peut-être serait-il mieux que tu brûles cette lettre, juste par précaution.

J'espère vraiment que tu vas bien et es heureux autant que tu peux l'être, tu ne semble pas avoir un talent particulier pour cela. Peut-être même me répondras-tu ? Mais ne le fais pas à moins que tu ne le veuilles vraiment.

A toi

Clarissa

Bien sûr, Severus n'avait pas brûlé la lettre, mais l'avait gardée et relue plusieurs fois. Quatre jours après l'avoir reçue, il écrivit une réponse.

Chère Clarissa,

Merci pour ta lettre --- et je suis sincère. Tu avais absolument raison, je ne me sentais pas trop bien quand j'ai dû me séparer de vous tous à King's Cross. Après tout, nous --- ou du moins certains d'entre nous --- étions devenus assez proches au cours de la dernière année scolaire. Non, je n'étais pas heureux de devoir aller à la maison. Mais les choses ont pris une tournure assez plaisante, car mon oncle d'Italie (c'est le cousin de ma mère) nous a invités à passer l'été entier dans sa maison. C'est dans les montagnes près de Turin, un peu isolé, mais très agréable en effet. Et il a la bibliothèque la plus magnifique que tu puisses imaginer. À ce jour, j'ai aussi terminé mes devoirs, mais il y a abondance de choses à étudier de toute façon.

Et je me suis trouvé un familier. Un chat, eh bien, un chaton en fait. Son nom est Esmeralda et elle c'est une mégère---noire avec des yeux verts, un vrai animal familier de sorcier. Tu la verras dans moins de quatre semaines, quand elle sera un peu plus grande.

Inutile de dire que j'envie ton frère, mais alors je suppose qu'il en est de même pour toi. Plus que trois ans et nous pourrons les rejoindre aussi. Je ne reçois pas de journaux anglais ici, donc je ne sais pas s'ils ont déjà effectué leurs plans. Cependant, je ne doute pas qu'ils accompliront leurs tâches brillamment.

Je suis impatient de te voir!

A toi

Severus

Il n'y avait aucun autre moyen. Il devait demander à son oncle la permission d'utiliser son hibou. Comme la maison était placée dans un si grand parc, le hibou --- ou les hiboux, à cet égard, Severus ne savait pas combien il y en avait --- vivait à l'extérieur toute l'année, ou du moins c'était ce que l'Oncle Ettore lui avait dit. Pas qu'il soit incliné à croire tout ce que l'homme disait, mais il avait besoin d'un hibou et ne pouvait pas le trouver où que ce soit, donc il devait demander de toute façon. La lettre à la main, il descendit peu de temps avant le dîner et trouva son oncle dans la bibliothèque. C'était toujours difficile pour lui de garder son calme en lui parlant, car il se sentait à la fois embarrassé et en colère. Mais il voulait envoyer cette lettre, donc il prit une profonde respiration pour se calmer et dit "Bonsoir, oncle."

Ettore Alighieri leva les yeux du livre qu'il lisait et lui fit un sourire bref qui ne quitta pas les bords de ses lèvres. "Oui, Severus ? Que puis-je … faire pour toi ?"

L'insinuation que contenait la courte pause fut presque trop pour le garçon, mais il réussit à se contrôler. "En fait, oui. Je dois envoyer une lettre."

"Oh," dit son oncle, refermant le livre d'un claquement et le posant sur une petite table à côté de sa chaise, "Puis-je la voir ?" Et il tendit sa main.

"C'est …euh, plutôt personnel."

La main resta tendue, tandis que les yeux prirent un éclat dur. "Laisse-moi le reformuler : je veux voir cette lettre avant que tu ne l'envoyes, alors donne la moi. Immédiatement."

Avec hésitation, Severus s'avança et posa le parchemin dans la main ouverte, maudissant l'homme intérieurement, mais incapable de faire quoi que ce soit. Sa colère impuissante se montrait évidemment sur son visage, car son oncle dit d'une manière apaisante "Maintenant ne boude pas. Je ne suis pas intéressé par tes petits secrets de garçon, je veux juste m'assurer que tu ne satisfais pas ta forte envie de communiquer quoi que ce soit … d'importun."

Il jeta un regard superficiel sur la page, la rendit à Severus avec un sourire tordu et demanda "Et qui, si je peux demander, est Clarissa ?"

"Une… amie à moi." Il était étrange d'appeler n'importe lequel de ses pairs un ami, mais alors, décrire Clarissa simplement comme une camarade de classe aurait été une injustice. De plus, c'était tout à fait clair du ton de sa lettre qu'elle n'était pas simplement une camarade de classe.

"En effet ?" dit son oncle paresseusement, il attrapa la main de Severus et le tira un peu plus près de la chaise. "A quoi cette… amie ressemble-t-elle ?" demanda-t-il, imitant l'hésitation légère de son neveu sur le mot. La main fut abandonnée et la main du plus vieux sorcier rampa entre les jambes de Severus, la paume se reposant à l'arrière sa cuisse. Appréciant à l'évidence le rougissement violent et la prise de respiration rapide de son neveu, il se déplaça vers le haut pour caresser ses fesses et, levant ses sourcils, dit "Et bien ?"

Il était difficile de parler dans cette situation, car les seuls mots qui voulaient vraiment sortir de sa bouche étaient "Arrêtez !" Mais il avait prononcé cela si souvent, d'un air suppliant, brusquement, en colère, en retenant son souffle, en criant, en chuchotant, au milieu de sanglots --- de toutes les manières possible et il n'avait jamais eu d'effet à part d'augmenter l'excitation de l'autre. Finalement, il avait appris qu'il était mieux de ne dire rien du tout. Il réussit à avaler les mots comme il avait avalé tant d'autres choses dans ces semaines passées, ferma brièvement ses yeux pour repousser la colère montante vers le bas où elle appartenait et répondit "Elle est assez grande pour une fille, seulement un peu plus petite que moi. Cheveux noirs, yeux très bouclés et brun foncé. Visage légèrement angulaire."

"Et le reste … ?"

"L'air très, euh, garçon. Presque pas de seins. De longs pieds. Elle court plus vite que beaucoup de garçons. Et elle est très mince et musclée pas étonnant, elle est poursuiveuse pour notre maison." Il en avait dit plus qu'il ne le voulait, mais l'image de Clarissa planait obstinément dans son esprit.

"Comme c'est intéressant." La main glissa de ses fesses à la braguette de son pantalon.

"S'il vous plaît," s'étrangla Severus, malgré lui, mais il était incapable d'y résister, "S'il vous plaît, pas ici. Si Ragnatela … Je mourrais de honte."

Son oncle le regarda avec des yeux à demi fermés, léchant ses lèvres. "Peut-être que tu as raison. Après dîner, alors. Voici le sifflet. Siffle deux fois et le hibou viendra. Et, attention, je veux que tu me le rendes immédiatement après."

Severus hocha la tête et quitta la pièce.

~~~~ * ~~~~

Le cinquième et, à en juger de son contenu, dernier bulletin arriva le 23 août pendant le dîner, comme toujours. Lionel Sandhurst, Sous Chef Médisorcier, avait le plaisir de communiquer à M. Severus Rogue que sa mère serait prête à quitter l'hôpital environ une semaine plus tard. Les progrès qu'elle avait fait sous les soins du Guérisseur d'Âme étaient étonnants et il se sentait très confiant quant à l'avenir de Mme. Rogue. Presque incapable de parler, car son coeur battait à un rythme tellement fou, Severus regarda son oncle en retenant son souffle. Car non seulement cette lettre annonçait la fin de ses souffrances --- et il percevait toujours les attentions importunes d'Ettore Alighieri comme telles --- cela signifiait aussi que son oncle perdrait son jouet. Et il pouvait seulement espérer qu'il n'y aurait pas d'ennui à cause de cela.

Mais l'Oncle Ettore n'était pas un homme d'affaires pour rien. Il pouvait essayer d'obtenir autant qu'il pouvait pour son argent, mais il savait clairement qu'il y avait certaines limites à chaque affaire. Et Severus était assez sûr que son oncle n'était pas amoureux de lui, autrement son départ aurait pu devenir un peu difficile. Dans l'état des choses, le plus vieux sorcier fit seulement un signe de tête affirmatif et dit "Excellent. Donc nous retournerons à Londres le matin du 30 août, pour voir si la maison est dans un état acceptable. Puis nous ferons une visite à Gringott--- après tout, je t'ai promis de l'argent pour ta propre utilisation et il est mieux de le garder hors de la portée de ma cousine, car on ne sait jamais . Après cela, nous la ramènerons à la maison, je vous emmènerai tous les deux dîner, comme cela j'aurai au moins une chance de parler à Aminta et je pourrai revenir ici en soirée. Car je suis tout à fait sûr que tu ne voudras pas que je reste la nuit, je me trompe ?"

Severus s'étrangla presque avec sa bouchée de bifteck. "Honnêtement, Je préférerais que non," répondit-il, mettant autant de venin que possible dans sa voix.

"Tout comme je pensais. Ça va, alors. À moins que tu n'aies quelque objection quant au programme, écris s'il te plaît à ce docteur que nous allons arriver là-bas en début d'après-midi de vendredi prochain."

Son coeur battant toujours si rapidement qu'il pensa que sa cage thoracique éclaterait à n'importe quel moment, Severus hocha la tête. Plus qu'une semaine et tout serait définitivement fini! Dieux, il pouvait à peine y croire! Et son oncle lui avait déjà dit que, ce soir, il sortait avec quelques amis. Quel jour de chance, en effet. Juste pendant quelques heures, il pourrait se permettre de baisser les défenses qu'il avait entretenues pendant des semaines par pure volonté de fer, développant ses propres mécanismes d'évasion mentale.

Finalement, son oncle eut fini son dîner, se leva et fit silencieusement signe à Severus qu'il lui était permi de quitter la table. Le garçon lui fit un bref signe de tête et se précipita jusqu'à sa chambre, insérant un bref arrêt à la cuisine pour demander à Signora Ragnatela s'il lui restait un peu du filet de boeuf cru pour qu'il puisse apporter un festin spécial à Esmeralda. Grognon comme d'habitude, elle poussa le bol avec le filet haché déjà préparé dans sa main. Quand il lui fit un baiser sonore sur la joue avant de se précipiter hors de son domaine, elle sembla sur le point de s'évanouir à n'importe quel moment.

À l'âge d'environ trois mois, Esmeralda était maintenant un chaton très présentable. D'un noir de jais et faisant environ vingt à vingt-deux centimètres de long --- sans compter sa queue, bien sûr --- elle n'avait certainement pas l'air d'avoir été une boule de misère galeuse il y a seulement six semaines. Sa fourrure était épaisse et brillante et elle avait développé une technique tout à fait excellente de chasse à la souris, grâce à la patience infinie de son maître pour conjurer des souris de taille et de vitesse graduellement croissantes. Et elle adorait Severus. De temps en temps elle exigeait encore de dormir à l'intérieur de sa chemise, ce qui le faisait ressembler à une très mauvaise parodie de femme enceinte et avait fait faire à son oncle quelques plaisanteries assez obscènes. Elle était maintenant trop grande pour utiliser l'ascenseur à main, mais sa taille accrue donnait à Severus l'avantage indéniable de pouvoir la caresser de sa main entière au lieu de seulement avec un doigt. Quand elle n'était pas perchée sur son épaule, elle le suivait partout, restant si près de ses pieds qu'il se déplaçait seulement en chaussettes de crainte de marcher sur ses pattes.

Quand il entra dans la pièce, elle était assise sur l'appui de la fenêtre, regardant à l'extérieur avec un intérêt évident, donnant de temps en temps un coup de patte aux chauves-souris qui passaient devant la fenêtre. Severus posa le bol à sa place habituelle sur le sol et s'assit à proximité, en tailleur, pour l'observer comme elle mangeait son dîner. Elle eut fini plutôt rapidement et après qu'elle eut lappé de l'eau, elle trotta jusqu'à lui et lui donna doucement des coups de patte sur la cuisse. " Oui, madame, j'arrive," dit-il, il se leva, métamorphosa la chaise du bureau en fauteuil à bascule et le déplaça vers la fenêtre ouverte. Leur rituel du soir. Il s'installa dans une position confortable et claqua des doigts --- signal pour qu'elle saute sur ses genoux, où elle resta debout quelques secondes, pétrissant sa cuisse gauche avec ses pattes de devant et puis s'allongea, sur son côté, pattes allongées et se reposant contre son estomac. Il commença à la caresser, avec de longues caresses douces la faisant ronronner d'extase. Il s'était mis à lui parler, car c'était la seule possibilité pour mettre ses sentiments en mots et les faire sortir de son système, quelque chose dont il avait énormément besoin, bien qu'il soit conscient que le chaton soit un auditeur satisfait, mais quelque peu insuffisant. Mais il devait se contenter de ce qu'il avait; Il était préférable de verbaliser ses pensées à un chaton qu'à une pièce vide, ce qui aurait eu une teinte désagréable de folie que Severus aurait encore moins aimé.

"Nous allons partir, tu sais," dit-il, "Dans une semaine à partir d'aujourd'hui nous serons assis dans un fauteuil à bascule dans ma chambre à Londres. Il sera parti, de retour en Italie et nous resterons là, seulement nous deux, à respirer l'air encrassé de Londres. Le jour suivant, je devrai te laisser seule quelque temps, car je dois aller au Chemin de Traverse pour chercher mes fournitures scolaires. Et ensuite, le jour d'après cela, nous voyagerons jusqu'à Poudlard. Je peux à peine y croire."

Il s'enfonça dans le silence, continuant le mouvement de sa main, pensant tranquillement. Il n'était pas si sûr que cela ait été une si bonne idée de permettre de ses défenses de se baisser ce soir. Il serait difficile de retourner à la discipline --- c'était comme donner à un prisonnier la liberté pour un jour, seulement pour le faire retourner à sa cellule ensuite, où il sentirait ce qu'il avait perdu avec un contraste et une douleur encore plus aigus. Mais alors, c'était seulement pour une semaine de plus et le pire était déjà passé. Comment avait-il survécu à ces semaines ? Regardant derrière lui, cela semblait si incroyable, si … si dissocié de lui. Ce sentiment ne lui était pas inconnu, il l'avait eu à divers moments déjà, même si à une échelle plus inoffensive, convenant plus à son âge : quand il avait fini un devoir particulièrement difficile quelques jours à l'avance et l'avait relu une dernière fois juste avant de le rendre. Le parcourant et s'émerveillant qu'il l'ait fait, que tous ces mots soient venus de sa plume et de son esprit. Comme si quelqu'un d'autre l'avait écrit.

"Je ne sais pas comment je vais traiter avec cela," dit-il , à haute voix et Esmeralda ouvrit un oeil vert somnolent. "Ils me poseront des questions sur mes vacances et qu'est-ce que je peux leur dire ? Des mensonges, rien que des mensonges --- pas que ce soit un problème en soi, tu sais. C 'est seulement que j'ai l'impression que la vérité a été écrite sur mon front en lettres de feu. Tu vois," dit-il, déplaçant sa main légèrement pour la gratter sous le menton, juste pour changer, "tous les jours, j'essaye de détecter si j'ai changé extérieurement. Bien sûr, je n'aime pas tant que cela ma propre image dans le miroir, mais je dois juste regarder, seulement je ne peux pas voir de signes visibles, bien que je sois sûr qu'ils sont là. Il doit y avoir quelque chose."

Il consacra son attention au visage d'Esméralda maintenant, caressant ses joues et frottant l'endroit juste au-dessus de son nez. Oui, il y devait avoir quelque chose, un regard différent dans ses yeux, ou une nouvelle manière de tenir sa tête peut-être. Quelque chose que les autres reconnaîtraient immédiatement, quelque chose qui allait le trahir immédiatement à leurs yeux examinateurs, si bien qu'ils échangeraient des regards connaisseurs, au mieux ou bien le railleraient ouvertement. Autant qu'il fût impatient de retourner à Poudlard, cet aspect le terrifiait. S'accrochant à ses systèmes de défense, il ne s'était pas encore permis de penser à quoi que ce soit au-delà du jour de son départ de l'Italie, car il s'était persuadé qu'une souffrance au jour le jour était mieux que désirer quelque chose qui était encore assez loin dans l'avenir. Il s'était concentré sur sa misère, sur son humiliation et sa haine, essayant --- par un processus mystérieux d'alchimie utilisant ces émotions comme des ingrédients et sa volonté comme le catalyseur --- de les transformer en un guidon solide, peut-être pas en or, mais d'un matériel beaucoup plus fort qui résisterait à la poigne désespérée de son esprit tandis qu'il essayait de trouver son chemin à travers l'obscurité totale sans tomber. Jusqu'ici, il y avait réussi et maintenant que son esprit, pour la première fois depuis des semaines, avait osé lever la tête et regarder la lumière proverbiale presque tangible à la fin du tunnel, il avait constaté qu'il avait des difficultés à faire face à l'éclat brillant, parce qu'il était si éblouissant qu'il faisait mal aux yeux.

"J'ai peur, Esmeralda," murmura-t-il, "j'ai peur de leur faire face. C'est comme si je portais une valise trop lourde pour moi et que je devais feindre que c'est un poids plume. Je suis un grand idiot. Au lieu simplement laisser les choses comme elles étaient, j'ai pensé à l'avenir. Et un énorme bien que cela m'a fait. Au lieu de me sentir réconforté, j'ai reçu un autre problème à traiter. Cela aurait été mieux si j'avais pensé à traverser le pont quand je l'aurais atteint. Regarde la vérité en face, ma chère. Tu te laisses caliner par un idiot."

Mais il avait ouvert la vanne et les pensées de ce qui allait être continuaient à le déranger. La simple idée de s'habiller et de se déshabiller avec les quatre autres, comme ils le faisaient toujours et le feraient sans doute encore, faisait apparaître des gouttes de sueur sur son front. Prendre des douches ensemble! Engager des simuli de batailles, se jeter des morceaux de savon l'un à l'autre ou lutter pour la préséance à la douche qui marchait le mieux, celle dans le coin au fond à gauche … Là, il avait certainement été innocent, pensa-t-il. Et maintenant, soit il devait feindre la normalité, participant à ce genre d'activités comme si rien n'était arrivé, mais craignant toujours qu'un regard de travers ou un contact puissent le trahir, soit il devait refuser de participer, ce qui allait éveiller les soupçons. D'une façon ou d'une autre, ils découvriraient ce qui était arrivé. Et il serait pour toujours étiqueté 'victime' ou ' pute homosexuelle '---difficile à dire duquel des deux il avait le plus peur.

"Ce n'est pas un pont, c'est le sacré Mont Everest que je devrai escalader," dit-il, si furieusement qu'Esmeralda leva la tête, confuse. "Non, je ne suis pas fâché contre toi, idiote, retourne dormir." Et il força doucement sa tête à se rabaisser, la griffant sous le menton, ce qui lui fit étirer la gorge et les pieds dans un plaisir indubitable. Puis elle se leva et se mit debout sur ses genoux, se balançant légèrement et, pour regagner son équilibre, posant ses pattes de devant sur sa poitrine. "Que ferais-je sans toi, hein ?" dit-il, se levant de la chaise avec elle dans ses bras pour se percher sur l'appui de la fenêtre, "que ferais-je sans ce chaton, qui me rappelle des choses essentielles de vie ? Comme observer les chauve-souris ? --- ou chasser des doigts ?" ajouta-t-il quand elle essaya par espièglerie d'attraper sa main, évidemment pour compenser sa frustration quant aux chauves-souris inaccessibles.

~~~~ * ~~~~

"Bien sûr je préférerais laisser toute ces choses ici," dit-il à Esmeralda, qui observait ses activités d'emballage avec un regard fixe hypnotisé, louchant légèrement. "Mais je vais en avoir besoin, tu vois et je ne veux pas jeter tout l'argent qu'il m'a donné par la fenêtre, juste pour des vêtements --- non, pour la énième fois, tu ne peux pas rester dans le sac," dit-il, l'en retirant et la reposant sur le lit.

C'était la soirée d'avant leur départ et Severus avait étendu tout ce qu'il avait besoin de mettre dans son sac de voyage sur le lit. Combien il avait de la chance que les italiens soient un peu moins rigides à contrôler ceux qui enfreignaient les règles, car il devrait faire beaucoup de magie en tant que mineur pour faire rétrécir tout cela, afin que tout tienne à l'intérieur du sac. S'il fallait prendre ou laisser les cadeaux---comme les appelait son oncle, lui-même était plus enclin à les appeler "un bonus de dégoût" ---avait été un dilemme plutôt compliqué, que, finalement, il avait décidé de résoudre d'un point de vue simplement d'utilitariste : Il avait besoin d'économiser autant que possible, car il n'avait aucune idée des conséquences auxquelles sa mère devrait faire face pour son infraction avec la drogue. S'il y avait vraiment une amende, ce serait considérable, il en était sûr et seuls les Dieux savaient ce qu'elle devrait vendre pour obtenir l'argent. Il était assez peu probable que l'oncle Ettore paye de nouveau, considérant qu'enculer son neveu en récompence n'était pas une option. Mieux valait prendre des précautions, alors.

Il passa encore une fois les buffets et les placards en revue, pour être absolument sûr qu'il n'avait rien oublié et avait ensuite commencé à faire rétrécir d'abord les livres, qui allèrent au fond du sac et ensuite ses vêtements. Esmeralda fut rétrécie quatre fois, parce qu'elle rebondissait ici et là sur le lit avec enthousiasme, essayant de poursuivre les objets diminuant de taille et se mettant ainsi dans le chemin des sortilèges. Après vingt minutes assez épuisantes, tout fut rangé en sécurité et le chaton resta à sa dimension originale. Severus essuya des larmes de rire de ses yeux, car la vue d'un chat miniature, bondissant d'une manière extravagante sur des pull-overs de vingt fois sa taille, arrêtant avec confusion et encore plus stupéfiée quand il la rétablissait à ses dimensions habituelles avait été vraiment hilarant.

Il avait eu besoin d'un bon rire, car les deux dernières heures pesaient lourdement sur lui. Le coït d'adieu avec son oncle … il aurait pu faire sans. Vomir autant de son dîner qu'il restait dans son estomac était devenu une habitude à ce jour, du moins la plupart des soirs --- ceux que Ettore Alighieri avait passé en dehors de la maison pendant les mois d'été pouvaient être comptés sur les doigts d'une main. Ce soir n'avait été aucunement différent, en ce qui concernait les vomissements, seulement avant, cela avait été un peu plus long avant qu'il lui soit finalement permis de quitter la chambre de son oncle. Il était encore endolori de partout et maintenant il était aussi affamé. Et bien, cela devrait attendre jusqu'au petit déjeuner, son dernier petit déjeuner ici. Severus ferma le sac et le posa sur le sol à côté de son lit, où le panier d'Esmeralda était d'habitude. Environ une semaine auparavant, il lui avait permis de l'abandonner et de dormir pelotonnée sur son oreiller, une habitude qu'ils appréciaient énormément tous les deux.

Depuis après le petit déjeuner --- car il allait y avoir un autre petit déjeuner ici demain --- il s'était concentré sur le fait, que quoi qu'il fasse était fait pour la dernière fois dans cette maison. Une dernière promenade dans le parc, le dernier déjeuner, la dernière fois qu'il était assis sur la terrasse, à lire, le dernier dîner, la dernière fois il devait suivre son oncle en haut dans sa chambre, se déshabiller pour la dernière fois, chaque baiser avide le dernier, la dernière fois pénis de l'autre le suffoquait presque, la dernière douleur vive en étant pénétré, dernier, dernier, dernier … Et maintenant, la dernière toilette du soir. Fini. Fait. Le chapitre était presque bouclé. Il tomba sur le lit et, une seconde plus tard, il y eut l'impact de l'atterrissage exactement calculé d'Esmeralda. Le nez poussant le nez, chaud et sec contre humide et froid, quelque commotion, jusqu'à ce que l'animal et le maître aient trouvé une position qui leur convenait à tous les deux, une patte légère comme une plume sur son cou, "Bonne nuit, ma douce!" Et, finalement, l'oubli.

~~~~ * ~~~~

"Bien," dit son oncle, mettant dans sa poche le portauloin et posant les yeux d'une manière critique sur l'environnement, "Cela ne semble pas trop mauvais. Mets tes affaires dans ta chambre et nous pouvons aller au Chemin de Traverse."

Avec obéissance, Severus monta dans se chambre et, tout d'abord, laissa sortir Esmeralda de son transporteur. Elle pourrait s'amuser à explorer sa chambre tandis qu'il était au loin --- elle avait mangé en abondance avant leur départ si bien qu'il n'y avait aucun besoin immédiat de nourriture maintenant. À la réflexion, il pêcha son bol à eau dans son sac, le remplit et le posa sur le sol. Alors il descendit l'escalier pour rejoindre son oncle dans le salon, où il attendait déjà, la petite boîte de poudre de Cheminette dans la main.

"C'est pas trop tôt," fit remarquer l'oncle Ettore, il alluma le feu avec sa baguette, y jeta quelque poudre et remit la boîte à Severus. S'avançant dans les flammes, il appela "Gringott" et partit avec un bruissement.

Severus pensa que cela aurait été une touche agréable si le système avait mal compris le nom de la banque, prononcé dans un Anglais lourdement accentué et l'avait expédié à quelque endroit exotique. Il fut déçu cependant, quand il trébucha plutôt peu gracieusement de la cheminée magnifique de Gringott --- son oncle était debout là, regardant autour de soi appréciativement, mais en même temps tapotant impatiemment sa cuisse de la main droite. Malgré le désir apparent de l'homme de commencer avec leur affaire aussi rapidement que possible, Severus prit un moment de loisir pour se permettre un regard approfondi autour de lui. Il n'avait jamais été à Gringott. Du moins il ne se souvenait pas y avoir été. Sa mère lui avait parlé, non pas une fois, mais plusieurs centaines de fois --- c'était une de ses histoires classiques d'apitoiement sur elle-même et ainsi répétée si souvent qu'il connaissait l'inflexion de sa voix à chaque simple syllabe --- de ce jour redoutable après la mort de son père quand elle était venue ici avec un Severus d'à peine deux ans dans son sillage, regarder le contenu du coffre de son mari défunt. Aussi usée que l'histoire soit, il pouvait bien imaginer comment elle devait s'être sentie alors, quand un Gobelin à l'air sinistre du nom de Gadmorok ---le nom avait hanté ses cauchemars pendant de nombreuses d'années quand il avait été encore petit --- avait ouvert la porte grinçante d'un coffre qui ne contenait rien que des toiles d'araignée. Après le choc qu'il avait éprouvé dans leur bibliothèque au commencement de cet été, il comprenait encore mieux ses sentiments.

De toute façon, pensa-t-il, tournant autour de lui une fois pour voir tout l'environnement incroyablement somptueux, ignorant intentionnellement le grognement impatient de son oncle, Gringott était une de ces vues. Les rangées infinies de comptoirs, de l'or et du marbre partout, l'énorme hauteur du hall, l'allée et venue constante de gens, leurs pas se réverbérant des murs et du plafond en un écho au centuple … Il sentit que quelqu'un tirait sa manche et regarda vers le bas. Un gobelin, arrivant seulement à sa taille, le regardait fixement de ses yeux rouges et étranges.

"Pas de tourisme, compris ?" croassa-t-il.

"Euh, non …" répondit poliment Severus, "Nous sommes ici pour affaires, mais c'est la première fois pour nous deux, alors nous … étions un peu impressionné, comme vous le comprendrez probablement ."

Le gobelin murmuré quelque chose qui ressemblait suspicieusement à "stupides humains" et demanda ensuite "Quelle affaire ?"

"Moi, hum, je suppose que nous voulons ouvrir un coffre pour moi," dit Severus, se sentant plus qu'un peu stupide, "mais attendez une seconde, je vais demander."

La tête du gobelin se retourna brusquement. "Qu'est-ce qui ne va pas avec lui ?"

En étouffant un gloussement, Severus expliqua "Rien, vraiment. Il est italien, c'est tout. je dois traduire."

Le gobelin émit une sorte de grondement et attendit, regardant de l'un à l'autre tandis que Severus traduisait. Quand l'Oncle Ettore hocha la tête cependant, son expression devint quelque peu plus heureuse. "Suivez-moi, alors," dit-il d'une rauque et il les précéda vers un des nombreux comptoirs.

Ouvrir un compte à Gringott était plus difficile que ce que Severus avait pensé et une très longue affaire. Ils devaient remplir des tas de formulaires, leurs identités furent vérifiées au moins trois fois, puis les mesures de Severus devaient être prises et finalement, il dût donner sa baguette au gobelin qui s'occupait d'eux. Cela le rendit extrêmement mal à l'aise et il fit les cent pas devant le comptoir jusqu'à ce que son oncle, dont les nerfs semblaient être assez à vifs aussi, lui dise d'arrêter immédiatement de déambuler. Heureusement, la baguette lui fut rendue peu de temps après et un peu plus tard, ils quittèrent le bâtiment de Gringott d'un blanc aveuglant.

"Tu ferais mieux de mettre cette clef sur une chaîne autour de ton cou," fit remarquer son oncle quand il lui remit le petit objet d'or.

C'était tout à fait une bonne idée, pensa Severus et il défit immédiatement la chaîne mince qu'il portait toujours, à laquelle était accroché le médaillon contenant le portrait de Yelena Malfoy. Il la passa dans la partie supérieure de la clef qui, comme il le voyait seulement maintenant, consistait en un modèle compliqué de serpents minuscules d'or et la remit autour de son cou.

"Y-a-t'il autre chose que tu doives faire ?" demanda l'oncle Ettore.

"Non," répondit Severus, "je vais faire mes achats pour l'école demain."

"Je suis heureux de l'entendre," fit remarquer sarcastiquement l'autre sorcier, "Alors sortons de ce chaos, mieux vaut tôt que tard."

~~~~ * ~~~~

Les médisorciers de Sainte Mangouste assistèrent à une représentation de premier ordre de salutation typique italienne quand Severus et son oncle rencontrèrent Mme Rogue dans le vestibule de l'hôpital. Étreintes, baisers, embrassades, "Carissima", plus d'étreintes, "Caro mio," encore plus de baisers, joue gauche, joue droite, "Figlio mio!"---Severus se sentit extrêmement embarrassé sous les regards amusés des gens. Quand finalement chacun eut eu sa part de contact physique --- dans le cas de Severus peu désiré --- son oncle alla régler le compte, car il restait une petite somme qui n'avait pas été couverte par ses paiements précédents. À son grand malaise, Severus se trouva seul avec sa mère, qui commença immédiatement à l'inonder de questions. Il répondit par des monosyllabes, souhaitant que son oncle revienne, aussi paradoxal que cela lui semble. Heureusement, il ne dût pas attendre trop longtemps et laissa volontiers les deux cousins à leur conversation tandis qu'il marchait en traînant les pieds derrière eux, portant le sac de sa mère.

"M. Rogue, un moment s'il vous plaît!" Il se retourna et vit que le jeune médisorcier qu'il connaissait déjà de sa dernière visite ici lui avait couru après. Severus s'arrêta, posa le sac et l'attendit.

"Quelque chose que vous avez oublié de nous dire ?" demanda-t-il.

"Oui, eh bien, d'une façon de parler. Je voulais vous rappeler --- et peut-être trouverez-vous une manière délicate de le dire à votre mère --- qu'un représentant du Comité de la Drogue va vous rendre visite chez vous quelque part dans la semaine prochaine. Vous savez, nous avons dû---"

"Oui, je sais que vous avez dû la dénoncer. Mais savez-vous ce qui lui arrivera ?"

Le médisorcier leva les mains. "Je n'en ai aucune idée, M. Rogue, je suis désolé, vraiment, mais cela varie au cas par cas. Si vous me demandez, il est assez mauvais que les gens doivent payer pour leur traitement quand ils se mettent dans des ennuis par quelque affaire illégale --- certains d'entre eux ne savent pas même ce qu'ils font et même alors … je comprends que la communauté ne peut pas payer pour tout, mais le premier manquement devrait être gratuit, ne pensez-vous pas ?"

"Je ne pourrais pas être plus d'accord ," dit Severus sinistrement---si les directives du Ministère concernant le traitement à Sainte Mangouste n'avaient pas été si strictes, ses vacances auraient pris une tournure tout à fait différente. "Mais j'essayerai de lui dire. Seulement je ne pourrai pas aider ma mère quand ils viendront. L'école commence lundi-"

"Ah, Poudlard!" dit le médisorcier, avec un regard rêveur sur son visage, "C'étaient les beaux jours! Essayez de les apprécier tandis que vous êtes encore là-bas, M. Rogue. Je sais que cela à l'air un peu étrange, car je ne suis pas encore un vieil homme, mais vous comprendrez ce que je voulais dire quand vous aurez trente ans. Bonne chance alors." Il serra la main à Severus et retourna à ses devoirs, ses pas distinctement plus élastiques qu'avant --- probablement qu'il se complaisait dans les souvenirs de blagues passées, pensa Severus.

À la maison, sa mère s'effondra en excuses d'être une si pauvre hôtesse, de ne rien avoir à offrir à son cousin le plus cher, d'avoir causé tant d'ennui … Severus essaya de penser à quelque chose d'autre et quand il n'y réussit pas car son babillage était simplement trop insistant pour être noyé par de simples pensées, il alla voir Esmeralda. Elle s'était déjà adaptée à son nouvel environnement et était couchée sur son lit, faisant une personnification parfaite d'une statue égyptienne. Il pouvait aussi bien commencer à déballer, pensa Severus, parce qu'il devrait déplacer ses affaires depuis son sac dans son coffre de toute façon. Et ce ne serait pas une mauvaise idée non plus de préparer une liste des courses pour demain. Il essaya de se souvenir dans lequel de ses livres il avait fourré la lettre de Poudlard, mais en vain. Il dût appeler sa mère pour les faire réagrandir tous avant qu'il ne trouve finalement l'enveloppe dans son manuel Arithmancie.

Le dîner fut quelque peu tendu, du moins en ce qui concernait Severus. Tandis qu'il s'occupait avec son entrée, il se demanda silencieusement comment son oncle réussissait à monter un acte de souci fraternel en présence de la femme dont il avait enculé le fils, contre sa volonté, il y a seulement vingt-quatre heures. Il reconnaissait à contrecoeur que c'était quelque chose qu'il admirait et pourrait même considérer étudier. Ce n'était pas tant le sang-froid de fer qu'il admirait --- en fait, il était plutôt sûr que cette conduite devait peu à du contrôle de soi --- non, c'était la nonchalance parfaite. Ettore Alighieri ne sentait simplement pas de remords, ou de honte, ou quelque autre petite émotion qu'il puisse y avoir. Il n'avait pas besoin d'un sang-froid à toute épreuve parce qu'il n'y avait rien à contrôler. Il ne se sentait pas coupable. Et cela, se dit Severus, était un art en soi et certainement pas un à mépriser légèrement. Un observateur habile pourrait remarquer les signes de contrôle de soi --- des variations légères de la taille de ses pupilles, un tremblement involontaire, une veine déloyale palpitant à sa gorge. Mais si vous réussissiez à surmonter toutes ces émotions qui avaient besoin de contrôle constant pour ne pas être trahies, vous pouviez les tromper tous. Application de la loi, Aurors, peut-être même Dumbledore.

"…Entends-tu Severus ? Où es-tu ? Je t'ai posé une question, non pas une, mais deux fois!" coupa voix fâchée, irritable de sa mère à travers ses pensées.

"Désolé, je … je rêvassais," dit-il, "quelle était la question de nouveau ?"

"Tu te rappelles nos soirées confortables dans les montagnes, n'est-ce pas ?" demanda son oncle avec un sourire sardonique.

Severus s'étrangla sur une bouchée de pain. "Euh, non, pour dire la vérité," dit-il, la voix encore un peu rauque, quand il fut capable de parler de nouveau. "Je pensais à mes … mes devoirs, si je les avais vraiment tous terminés." Cela n'avait pas été une chose sage à dire, mais il ne pouvait pas penser à autre chose à l'heure actuelle.

"Mais tu as fait tes devoirs, n'est-ce pas, Severus ?" demanda sa mère, soudainement préoccupée. "Tu sais que tu dois faire tes devoirs, n'est-ce pas, tu ne veux pas décevoir tes enseignants, ce qui serait très mauvais en effet, Severus-"

"J'Ai. Fait. Mes.Devoirs," l'interrompit-il. "Je les ai fait tous les ans, alors pourquoi ne devrais-je pas les avoir fait cette année ?"

"Bien sûr, bien sûr, mais tu sais, tu étais sous un tel stress, pauvre garçon et c'était tout de ma faute, vraiment, de t'avoir causé tant de problèmes, ce serait entièrement compréhensible si tu n'avais pas fait tes devoirs, mais tu les as fait, n'est-ce pas, Severus, ou bien je devrai me le reprocher éter-"

"Tout va bien, Aminta," l'interrompit son cousin. "Il a fait ses devoirs, je l'ai vu de mes propres yeux. Nul besoin de se tourmenter. Apprécie simplement ton repas."

Cela déclancha bien sûr un autre déluge verbal --- cette fois elle retourna à son incrimination à cause de ses pauvres compétences d'hôtesse. Ce fut arrêté seulement par l'arrivée du plat principal.

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Severus étaient devenu si habitué à la succession interminable de jours brillants, ensoleillés, interrompus seulement par un orage occasionnel, qu'il fut complètement étonné de voir un ciel couvert quand il se réveilla le matin suivant. Il avait laissé la fenêtre ouverte pendant la nuit et il faisait assez froid dans sa chambre à coucher. Regardant autour de lui pour chercher Esmeralda, qui n'était nulle part en vue, il s'assit et sentit un mouvement contre son pied droit. Peu après, une tête noire émergea de dessous la couverture. Il avait déjà étendu la main vers sa baguette pour fermer la fenêtre sans devoir lever, mais ensuite se rappela qu'avoir quitté l'Italie avait aussi ses inconvénients, balança ses jambes par dessus le bord du lit et se leva, frissonnant, pour arrêter le flux d'air frais sans utiliser la magie. Alors il retourna rapidement dans son lit chaud, posa Esmeralda sur sa poitrine, tira la couverture sur eux et commença à gratter son dos, savourant le sentiment de ses pattes pétrissant sa peau.

"Tu avais froid, n'est-ce pas, pauvre Esmeralda," roucoula-t-il. "Et bien, tu devras t'adapter à notre climat, j'en ai peur. Mais il y a des cheminées à Poudlard, bien sûr, de merveilleuses cheminées et tu peux te coucher sur le manteau de la cheminée où c'est chaud et confortable …"

Ils passèrent un temps considérable en câlins, mais alors Severus décida qu'il était temps de se lever, de prendre quelque petit déjeuner et de se diriger vers le Chemin de Traverse. Bien que son besoin de nourriture n'ait pas été aussi grand qu'il l'avait été pendant les semaines passées, car il n'avait pas vomi hier soir. Quand il eut fini une toilette matinale assez superficielle, il ramassa Esmeralda et, avec le chaton posé fièrement sur son épaule, descendit dans la cuisine. Tandis qu'il était encore dans l'escalier, il pouvait déjà sentir l'arôme délicieux de bacon frit et de café. Oh, les bénédictions du petit déjeuner anglais, pensa-t-il, c'était sûrement un domaine où les Brits battaient les italiens par des années lumières. Cela avait été une lutte quotidienne pour obtenir ne serait-ce que quelques toasts, du beurre et de la confiture de Ragnatela---étant donné les difficultés causées même par cet essentiel, il n'avait même pas essayé d'obtenir quoi que ce soit de plus complexe.

Sa mère le salua comme s'il avait été porté manquant pendant vingt ans. Elle avait vraiment l'air énormément mieux, remarqua-t-il quand il s'assit à la table et elle était … et bien, joyeuse. Il ne l'avait pas vue comme cela de beaucoup d'années ---à l'évidence les Guérisseurs d'Âme avaient fait un super travail --- et son humeur s'éclaira considérablement. Elle évitait de le regarder directement dans les yeux mais il imaginait que lui aussi aurait des difficultés avec cela, s'il se sentait aussi coupable qu'elle le faisait sans doute. Bien sûr, sa gaieté avait un côté certainement négatif aussi et c'était son bavardage constant. Mais d'autre part, elle avait préparé un bon bol de sardines et de riz bouilli pour Esmeralda, ce qui faisait certainement plus qu'équilibrer la pollution acoustique.

"Alors tu as déja fait les achats ?" dit-il, pendant une courte pause dont elle avait besoin pour reprendre son souffle.

"Oui, bien sûr et Mme. Weatherby s'est enquise de toi, car elle a dit que tu étais passé au début de tes vacances et elle a dit que tu es un garçon si charmant --- elle est peut être une vieille femme stupide, mais quand elle a raison elle a raison, oh Severus, je me sens si coupable, tu es un si merveilleux fils, ne me faisant jamais de problèmes et je t'ai fait cela, Oh Dieux, pourras-tu jamais me pardonner, dis moi s'il te plaît que tu peux me pardonner, s'il te plaît Severus-"

Sentant qu'il aurait un très mauvais mal de tête en un rien de temps s'il la laissait continuer comme cela, il l'interrompit. "Oui, mamma, bien sûr je te pardonne. Mais maintenant je dois aller au Chemin de Traverse, parce qu'il y a une longue liste d'articles que je dois acheter pour l'école. Et tu sais que le train part demain, alors vraiment je n'ai pas beaucoup de temps. Merci d'avoir préparé le petit déjeuner d'Esmeralda, eh ?"

"N'en parle même pas, c'est le moins que je puisse faire, mais Severus, tu n'as pas d'argent, non ? Non tu n'en as pas, quelle question stupide à poser, bien sûr que tu n'en as pas, oh Dieux, que ferons-nous, comment allons-nous t'avoir tes affaires de classes, je n'ai pas la moindre idée d'où obtenir de l'argent, oh Severus, tout est de ma faute-"

"Mamma!" l'interrompit Severus de nouveau, mais il le devait simplement, de peur de s'oublier et de la frapper, juste pour rendre son séjour calme un instant. "Ne t'inquiètes pas, j'ai de l'argent. L'oncle Ettore m'en a donné un peu. Maintenant, reste ici et apprécie ta liberté. Je serai de retour en début d'après-midi."

Et avec cela, il claqua des doigts pour qu'Esmeralda le suive et il quitta la cuisine. Merlin l'aide, elle pouvait être sa mère, mais il ne pouvait simplement pas supporter cette femme plus de cinq minutes, pensa-t-il.