Note de l'Auteur: Il y a moins d'allusions à l'abus à partir d'ici, si bien que je crois que c'est tout à fait sûr maintenant. Néanmoins, ceux qui ont sauté les chapitres 22 et 23 n'auront pas de difficultés à deviner ce qui s'est produit.

Chapitre 24

Il y avait eu un temps où il avait adoré sa mère, se dit Severus en marchant lentement du Chaudron Baveur à Fleury et Bott. Il se demanda vaguement quand avait exactement lieu le changement. Certainement après qu'il ait commencé l'école, aucun doute à ce sujet. Et peut-être cela avait-il été un processus long, lent. Pendant les premières onze années--- eh bien, presque onze, puisqu'il était né en Novembre--- de sa vie, il n'avait rien vu d'autre que la maison élimée de Hounslow. Ou se corrigea-t-il, il avait vu autre chose mais il ne s'en souvenait pas. Il n'avait aucun souvenir de son père non plus, ni de leurs habitations précédentes. Pas étonnant, il avait moins de deux ans quand son père était mort, et seulement un peu plus de deux ans quand sa mère fut obligée d'emménager dans une partie moins chère de la région des sorciers de Londres. Cependant, il avait grandi avec elle comme seul point de référence et seulement quand il avait quitté cet environnement et remarqué, par moments avec étonnement et plus souvent, du moins au début, avec de l'angoisse, qu'il y avait autre chose, sa vue d'elle et du reste du monde avait commencé à changer.

Maintenant, il n'avait plus besoin d'elle. Il pouvait encore sentir qu'il y avait un lien entre eux et que celui-ci n'allait probablement jamais être complètement coupé, mais c'était plus une sensation en profondeur dans ses intestins, rien sur quoi il puisse précisément poser le doigt. Etait-il triste de la tournure que les choses avaient prises? Non,pensa-t-il, pas vraiment. Tout le monde devait se détacher de ses parents tôt ou tard et dans son cas, cela avait simplement été plus tôt. Rien au sujet de quoi s'inquiéter et certainement rien au sujet de quoi se sentir coupable. Il avait d'autres choses qui lui causaient des soucis et de l'anxiété-le fait qu'il grandissait un peu plus tôt que la plupart de ses pairs n'était pas l'un d'entre eux.

Il avait encore l'argent qu'il avait eu de la vente à M. Borgin du livre des malédictions de Canterbury moins la somme qu'il avait dépensée ce premier samedi de ses vacances, qui semblait maintenant appartenir à une autre vie. Près de cent galions seraient presque plus qu'assez pour acheter les livres et les robes d'école dont il avait besoin et le reste comme le parchemin et les plumes était une quantité négligeable ** en termes d'argent. En ce qui concernait les habits, il n'avait besoin de rien---son oncle s'en était chargé. Repoussant au loin les pensées et les images désagréables qui essayaient de se frayer un chemin à travers le mur mental qu'il avait érigé autour des événements de cet été, il calcula qu'il lui resterait environ trente galions après avoir terminé ses achats. Pas mauvais, pensa-t-il, car cette somme valait l'argent de poche qu'il avait l'habitude de recevoir en deux ans. Sans compter que les mille galions que son oncle lui avait laissés dormaient profondément à l'intérieur d'un coffre de Gringott, accumulant silencieusement mais progressivement des intérêts.

S'il---et il n'était pas trop sûr encore à ce sujet--- osait jamais regarder en arrière à cet été, pensa Severus, cela devrait être de ce point de vue: En dehors de tout le reste, cela lui avait gagné une indépendance relative et une conscience propre en ce qui concernait sa mère. Avoir fait ce qu'il avait fait l'avait déchargé de toute dette qu'il ait pu jamais avoir envers elle. C'était probablement pourquoi il sentait que le lien avait été desserré: Il s'était libéré de sa fonction de fils. Il était libre. Transporté par ce résultat de ses rêveries, il entra à Fleury et Bott.

Il était debout sur un tabouret chez Madame Guipure, regardant vers le bas les mains de la sorcière dirigeant des épingles d'un coussinnet qu'elle portait attaché à son poignet, pour arranger l'ourlet de ses nouvelles robes d'écoles, fasciné par ses mouvements adroits, quand une voix de velours argenté dit "Bonjour, Severus, comme il est plaisant de vous revoir!"

Si madame Guipure n'avait pas étendu la main afin qu'il s'y agrippe et ainsi se stabilise, il serait tombé dans sa surprise et aurait atterri aux pieds de Yelena Malfoy, ce qu'il aurait estimé être une position très convenable, mais seulement s'il l'avait atteinte en tombant sur ses genoux. " M-M-Madame Malfoy, " bégaya-t-il en se détestant parce qu'il sentait qu'il rougissait, "Q-quelle surprise extraordinaire! Où est-"

Une voix paresseuse et traînante venant de derrière répondit immédiatement à sa question inachevée. " Rogue, est-ce que c'est du bronzage que tu as? L'enfer a gelé et le soufre et les cendres vont pleuvoir sur nos têtes!"

"Et bien " répliqua Severus de façon acide " étant donné que la seule alternative à cela était de se promener dans les bois avec une ombrelle, je dois admettre que j'ai choisi le bronzage inévitable."

Lucius renifla. " C'est bon de te voir de toute façon, Severus.---M'man, que dirais-tu d'une visite chez Fortarôme pendant que madame Guipure arrange nos robes?"

Severus était content que l'attention de Mme Malfoy soit temporairement distraite, parce que non seulement il devait descendre du tabouret---et il n'y avait aucun moyen digne de le faire, comme cette chose était plutôt haute---il avait aussi difficultés à respirer et à ôter les yeux de cette femme. Elle avait l'air incroyablement belle aujourd'hui, et il regrettait de ne pas pouvoir le lui dire. Mais, en considérant la présence de Lucius, cela ne semblait pas une chose sage à faire. Cependant, il était presque impossible de ne pas regarder ce corps souple vêtu d'une tenue longue, mauve d'été avec des robes correspondantes. La seule pièce de joaillerie qu'elle portait était un collier se composant de ce qui semblait être les fils en platine les plus fins, où une multitude de petits diamants scintillait.

"Oui" dit-elle " bien sûr--- nous avons déjà fini nos courses. Vous, Severus?"

" Euh… quoi? Je veux dire, désolé, je--- je vous demande pardon. Quelle était la question?"

Dieux, ces sourires! Il avait oublié combien ils étaient éblouissants. " Je demandais si vous aviez déjà terminé vos courses."

"Oui,eh…oui. J'ai tout ce que j'avais sur ma liste."

" Bien. Dans ce cas-là je suggère--- c'est-à-dire à moins que vous ne vouliez regarder Lucius tourner sur un tabouret---que nous nous rendions simplement en face chez Fortarôme. Lucius!"appela-t-elle, " Rejoins-nous là-bas quand tu auras fini ici, d'accord ?"

"Oui, ma'am!" dit Lucius, esquissant un salut militaire.

Complètement submergé, Severus suivit Mme Malfoy hors du magasin et à travers la rue, où ils trouvèrent une table sous un énorme parasol jaune.

" Maintenant vraiment" soupira Mme Malfoy, en tirant sa baguette, " ceci n'est pas ma couleur." et elle le changea en un mauve doux, quelques tons plus léger que sa tenue.

Severus sentit sa bouche devenir très sèche. Bien qu'il ne veuille pas imaginer ce que la lumière rose et douce faisait peut-être à son teint jaunâtre ---le changeant probablement à l'orange, pensa-t-il sinistrement-cela avait l'effet le plus extraordinaire sur sa peau nacrée, translucide. "Oui, " s'étrangla-t-il, " c'est vraiment… beaucoup mieux."

Elle hocha la tête et demanda " Alors que voudriez-vous Severus? Vous ne semblez pas beaucoup être du type chocolat et crème fouettée, non?"

" Pas vraiment, " répondit-il, complètement sidéré par l'idée qu'elle se soit donné la peine de penser à lui " Mais j'aime bien des choses comme le citron et l'orange."

Ils furent accueillis par M. Fortarôme lui-même, qui voyant son salon de glace être embelli par un membre aussi important de la société des sorciers que l'épouse de Julius Malfoy, s'était dépêché vers leur table.

" Que suggéreriez-vous pour un homme jeune qui n'aime pas le chocolat et la crème fouettée mais a un faible** pour les oranges et les citrons?" demanda-t-elle en levant les yeux vers le sorcier.

Manifestement Fortarôme n'était pas à l'abri du charme de la Velane non plus, car il arrangea d'une façon compulsive son long tablier blanc il avant de se donner une secousse visible et de répondre avec un sourire embarrassé " Oh, il y a une délicieuse hum, Glace Sicilienne --- c'est au sorbet citron et mandarine." Severus hocha la tête avec enthousiasme. " Très bien. Une Sicilienne, alors et pour vous, Mme Malfoy-"

" J'en prendrai une aussi " dit-elle, faisant à Severus un sourire qui l'amena dangereusement près d'une crise cardiaque. " Et---oh voilà Lucius! Lucius, chéri, que voudrais-tu?" Severus gloussa intérieurement quand il vit le tortillement de Lucius devant la marque d'affection.

" Je… je suppose que je prendrai une glace au chocolat et noix de coco " dit Lucius en essayant d'avoir l'air aussi digne que possible, " Avec, euh, beaucoup de pépites de chocolat."

Fortarôme hocha la tête et avec un salut léger, quitta leur table. Quand Lucius s'assit, sa mère tendit la main pour toucher sa joue. " Quinze ans et un tel goût pour les sucreries, " dit-elle, et ce fut seulement l'air meurtrier de son fils qui empêcha Severus de rire tout haut devant son expression peinée.

Grâce à la présence plaisante de Mme Malfoy, non seulement esthétiquement, mais également socialement, la première rencontre avec Lucius fut beaucoup facile que Severus l'avait redouté. Quand il fut interrogé sur son séjour en Italie, il eut relativement peu de problèmes à se concentrer sur ce qu'il pouvait dire sans difficulté, mentionnant prudemment sa mère de temps en temps. Il était à peine au milieu de la description du parc entourant la maison de son oncle quand le visage de Lucius s'ouvrit en un assez mauvais sourire. Avait-il dit quelque chose de travers, se demanda Severus avec une panique croissante, quelque chose qui pourrait avoir trahi---

Avant qu'il ne puisse se poser davantage de questions, ses yeux furent couverts par une paire de mains et il entendit le reniflement moqueur de Lucius. En parts égales soulagé, car cela avait évidemment été l'attaque imminente qui avait causé le sourire de Lucius, et contrarié par le contact inattendu, il leva ses mains pour toucher les mains posées sur sa figure pendant qu'il passait rapidement en revue mentalement des personnes qu'il pouvait supposer commettre une aussi action idiote. Cela devait être une fille, cela au moins était sûr--- car aucun garçon ne sombrerait si bas que cela. Les ongles étaient courts, ce qui excluait automatiquement Tabitha. Mathilda---trop timide. Sibylle---n'oserait pas le toucher d'une telle façon. Ce qui laissait Heather ou---

"Clarissa?"

"Tout juste, " dit-elle, levant les mains de ses yeux et se déplaçant pour saluer Lucius et sa mère qui l'invita à se joindre à eux. Elle accepta et s'assit à côté de Severus. Lucius ricana, savourant probablement le sentiment que maintenant il n'était pas le seul à se tortiller. Clarissa commanda une glace à la fraise et puis tourna son attention vers Severus. " Comment va le chaton?" demanda-t-elle.

" Quel chaton ?" demandèrent à l'unisson Malfoy mère et fils.

Severus expliqua Esmeralda. Mme Malfoy était enchantée. " Toutes les deux heures?"s'exclama-t-elle" Mais c'est pire que Lucius était! Et je pensais qu'il était une petite bête cupide car il me réveillait quatre fois par nuit!" essayant de chasser au loin l'image mentale de ses seins, Severus répondit que cela avait été un plaisir plutôt qu'un ennui. "Et bien, certainement, Lucius l'était aussi---" Lucius avait l'air plus chagriné à chaque seconde --- "toutefois, vous n'êtes pas une femme mais un garçon de quinze ans."

Lucius marmonna quelque chose qui avait semblé être " Es-tu sûre?" et reçu rapidement une tape espiègle sur le dos de la tête de la part de sa mère.

En tout, cela avait été une journée très agréable, pensa Severus sur son chemin de retour vers le Chaudron Baveur. Il était resté beaucoup plus longtemps qu'il ne l'avait prévu mais d'un autre côté il avait eu un besoin urgent d'une pause. Sa mère serait probablement furieuse parce que non seulement il était en retard pour le déjeuner, mais de plus il avait mangé aussi deux glaces siciliennes et n'avait plus faim. D'autant mieux pour lui, comme cela il n'avait pas à s'arranger des deux repas qu'elle avait préparés; le dîner allait être assez mauvais. Et la rencontre avec Clarissa et Mme Malfoy avait valu cela, sans aucun doute. Il avait été un peu étrange de s'asseoir à la même table qu'elles deux, car il ne pouvait y avoir de plus grand contraste entre deux êtres humains femelles. A part le fait que toutes les deux étaient plutôt androgynes, elles étaient diamétralement opposées l'une à l'autre: Boucles noires et une nappe brillante de cheveux blonds platine, un bleu et un vert et une paire d'yeux presque noirs, les mouvements plutôt de garçon et énervés de Clarissa qui étaient si différents des gestes lisses et égaux de Mme Malfoy …et pourtant toutes deux l'attiraient, même si de manières très différentes.

Etonné au sujet de lui-même, Severus entra dans le pub, fit au Barman Tom un geste de la main, se fortifia contre l'odeur de spaghettis Bolognese et entra dans la cheminée.

~~~~*~~~~

Aujourd'hui était son jour de chance en effet , pensa-t-il ---pas qu'il ait quelque objection que ce soit à cela---car quand il entra dans la maison via la cheminée, l'odeur traditionnelle de la viande hachée de pas très haute qualité et dans trop d'ail était manifestement absente. Bien sûr, la nourriture froide pouvait aussi être mauvaise, mais alors il était plus facile de simplement la refuser et de la laisser la remettre dans le placard duquel elle venait.

Il monta dans sa chambre pour dire coucou à Esmeralda et pour déballer ses trésors. Et bien, en partie c'étaient des trésors, en ce qui concernait les livres, le reste était insignifiant. Quand le chaton commença à montrer des signes d'intérêt pour son manuel de métamorphose, il la ramassa et fit un essai infructueux de la réprimander, et puis la fourra sous son bras. Elle avait besoin de déjeuner elle aussi, de sorte qu'il prévoyait de l'emmener en bas avec lui de toute façon.

"Faisons-nous un pari, Esmeralda?" lui demanda-t-il, " Est-ce que ce sera du fromage et du pain pour le déjeuner ou du bœuf salé en conserve?" Esmeralda, qui n'aimait certainement pas sa position suspendue émit un court miaou. "Non, " dit-il fermement " cela ne compte pas. Alors tu dis boeuf salé et je dis fromage, d'accord?" et il la souleva, de telle sorte qu'elle reposait maintenant confortablement sur son avant-bras.

Sa mère était assise à la table de la cuisine, la dernière édition de Sorcière Hebdo grande ouverte devant elle. Elle avait à l'évidence été en train de faire un motscroisésdécroisés, la variante sorcière d'un mots croisés, la différence étant que les colonnes se déplaçaient constamment. Par conséquent quiconque voulait résoudre un motscroisésdécroisés avec succès devait être très rapide --- les colonnes pouvaient être immobilisées par une simple rune de glace, la rune Isa pour être exact, qui était simplement une courte ligne verticale. A en juger de l'état de ce motscroisésdécroisés, néanmoins, qui ressemblait plus à un nid de serpent surpeuplé qu'à autre chose, elle n'avait pas travaillé dessus depuis un certain temps. Il y avait aucune nourriture, ni chaude ni froide, juste une odeur forte de café.

Quand Severus entra dans la pièce, sa mère leva les yeux vers lui. " Où as-tu été?" demanda-t-elle brusquement.

Surpris par son ton qui était si different de celui qu'elle avait utilisé ce matin, il répondit seulement "Au Chemin de Traverse, je t'avais dit que je devais faire mes courses." Il avait eu l'intention de poser Esmeralda sur la table, mais considérant l'étrange comportement de sa mère, il pensa qu'il était plus sage de la soulever jusqu'à sur son épaule tandis qu'il cherchait quelque chose qu'elle puisse manger .

" Aucune utilité de fouiller dans mes placards, " cracha-t-elle, " Il n'y a rien pour toi dedans de toute manière."

Severus se sentit devenir furieux mais réussit à rester calme, du moins en apparence. " J'ai seulement besoin de quelque chose pour Esmeralda, " dit-il, " j'ai eu assez de glace pour me durer jusqu'au dîner. S'il y a quelque chose pour moi alors, " ajouta-t-il ostensiblement.

Du coin de son oeil, il la vit se lever de son siège et se déplacer vers lui. " Tu me montreras le respect que je mérite, " dit-elle, la voix énervée d'hystérie supprimée.

Il se retourna pour lui faire face. " J'ai eu une éducation très complète, " répliqua-t-il " et je doute de pouvoir réussir à traiter une femme avec si peu de respect, même si c'est toi. Maintenant tu m'excuseras gentiment, je dois aller acheter de la nourriture pour mon chat."

S'attendant entièrement à ce qu'elle le frappe, il passa à grandes enjambées devant elle, résistant à l'envie forte de la pousser hors de son chemin. Mais elle ne le frappa pas. Elle resta simplement debout là, son regard aussi désespéré qu'il l'avait été quand il était entré dans la cuisine et quand il ferma la porte il vit qu'elle s'asseyait à la table de nouveau. Haussant les épaules, il sortit de la maison et se dirigea vers l'épicerie de Mme Weatherby.

~~~~*~~~~

A la différence de Severus, Esmeralda aimait bien le boeuf salé en conserve et elle termina une boîte entière en un temps surprenament court. Son seigneur et maître était assis sur le lit pendant qu'elle mangeait, les coudes posés sur ses genoux et la tête étayée sur ses mains en poings, un air de concentration intense sur sa figure. Le problème qu'il considérait n'en était pas un facile. De toute évidence, la bonne humeur de sa mère avait été un phénomène éphémère. Hier soir elle avait été comme il se rappelait d'elle des jours plus tôt, avant qu'il ne commence l'école---bavarde, pointilleuse et surexcitée. Ce matin, il avait vu un côté jusque'ici inconnu d'elle, mais il avait été de durée courte. Et maintenant elle était de retour à l'Aminta Rogue qu'il avait connu depuis quatre ou cinq ans---dans les étreintes de ses changements d'humeur incontrôlables. Seulement celui d'aujourd'hui avait été un peu hors de l'ordinaire dans une certaine mesure car elle ne lui avait jamais encore refusé de nourriture. Et bien, il pouvait vivre avec cela.

Ce qui le préoccupait vraiment était l'éventualité que l'histoire se répète: Son oncle n'aurait aucun scrupule à lui envoyer plus d'élixir, il était assez sûr de cela, du moins aussi longtemps qu'il y avait encore des livres pour le payer. Jusqu'ici les dégâts avaient été déplorables mais d'une manière ou d'une autre limités, mais si elle échangeait les volumes qui étaient encore là… il n'hésitait pas à penser à ça comme à une catastrophe personnelle. Bien sûr en cas de réelle nécessité, il n'y penserait pas à deux fois---non, pour dire la vérité, il y penserait à deux fois mais il les sacrifierait, même si à contrecoeur. Mais il ne voyait honnêtement aucune raison pour laquelle il devrait quitter les seules choses précieuses qu'il possédait seulement pour satisfaire son besoin de drogue.

Vrai il se déplaçait sur la glace mince de l'hypothèse mais ceci n'était pas le pire scénario improbable inventé par un paranoïaque, c'était une extrapolation basée sur des faits solides et une expérience passée. Sans compter l'éventualité d'une amende imposée par le Comité de la drogue ---ils n'auraient aucun scrupule à saisir les seuls objets précieux dans la maison pour mettre les mains sur l'argent. Jusqu'ici, bien. Il savait au moins en théorie ce qu'il devait faire: soit cacher les livres soit les prendre avec lui. Et c'était exactement là où il était coincé.

Un sortilège de dissimulation était tout bien tout beau, mais il devrait en être un très complexe pour résister aux efforts conjugués de sa mère et de l'équipe de la drogue. Il connaissait une ou deux formules utiles. Seulement il doutait qu'elles soient assez efficaces. Afin de trouver quelque chose de plus convenable, il devrait faire une recherche sur la chose. Même s'il avait eu les bons livres sous la main il aurait besoin d'au moins un ou deux jours pour trouver une solution plus convenable, et il avait seulement quelques heures. Ce qui le menait à la conclusion que la possibilité numéro un devait être abandonnée car inutile.

La numéro deux serait simplement du gâteau s'il n'y avait pas les restrictions au sujet de la magie des mineurs. Severus donna un coup de poing dans le matelas avec fureur. Où que ce soit qu'il se tourne, une des têtes de l'Hydre ministérielle ---et ce monstre en avait plus que juste neuf, cela était sûr---lui faisait face avec un air renfrogné et laid. Rien ne s'était produit quand il avait mis le sortilège de ligotage sur sa mère, mais cela avait été un seul sortilège. Pour faire rétrécir cent livres il avait besoin de cent sorts, et il soupçonnait fortement qu'un tel feu d'artifice de magie ne passerait pas inaperçu même devant le fonctionnaire le plus stupide du ministère. Il frappa le matelas de nouveau se gagnant un regard vert surpris.

"Si seulement je pouvais utiliser ma baguette!" murmura-t-il avec fureur.

Ce qui fut le moment exact où l'inspiration frappa. Peut-être cela le menait-il à une impasse, mais cela valait le coup d'essayer. Severus se leva d'un bond de son lit et fonça hors de sa chambre, suivi de près par Esmeralda, qui accueillait avec grand plaisir cette activité digestive. Il galopa jusqu'en bas des marches et dans le parloir, ferma la porte derrière lui et alla jusqu'à la cheminée. Avec un coup d'oeil conspirateur au chaton, il prit une très petite quantité de poudre de Cheminette et la jeta dans les flammes---quelle coïncidence heureuse qu'il fasse plutôt froid aujourd'hui, pensa-t-il. Quand les flammes eurent viré à leur vert habituel de Cheminette, il appela "Ministère de la Magie, échange par Cheminette!" presque immédiatement, la tête d'une jeune sorcière à l'air très affligé apparut dans le foyer.

" Ministère de la magie, je suis Delilah Bigornocoquille, comment puis-je vous aider?" demanda-t-elle d'une voix monotone en ne déplaçant guère les lèvres.

Réprimant un sourire devant le nom plutôt coloré Severus dit poliment que " Euh, oui, s'il vous plaît, pouvez-vous me transmettre au bureau des objets trouvés, s'il vous plaît?"

" Restez en ligne, " marmonna-t-elle. Sa tête disparut, seulement pour être remplacée quelques secondes plus tard par celle d'un sorcier âgé à l'air de s'ennuyer (et d'être ennuyeux).

" Oui?" dit-il, " que puis-je faire pour vous?"

" Je voulais juste un renseignement, s'il vous plaît " dit Severus " Je… je ne peux pas trouver ma baguette et je crois que j'aurais pu la perdre ---"

"Nom ?"

"Non, non, " l'interrompit précipitamment Severus" Je ne veux pas remplir un formulaire de déclaration de perte, car je n'ai pas encore fouillé toute la maison. Ce que je voulais savoir est si, au cas où je l'avais vraiment perdue et que quelqu'un l'avait simplement prise et utilisée pour faire de la magie, sera-ce relié à moi ou à la baguette?"

" Que voulez-vous dire par 'à vous ou à la baguette ' ?" demanda le sorcier âgé, prenant une bouchée d'un sandwich à l'air plutôt mauvais.

" Ce que je voulais dire " expliqua patiemment Severus " était que si je l'ai vraiment l'ai perdu, quelqu'un pourrait simplement l'avoir prise et utilisée pour faire de la magie. Je suis encore mineur et n'ai pas le droit de faire de la magie en dehors de l'école. Ce qui signifie que, si la personne en question jette un sort illégal avec ma baguette, le ministère trace-t-il le sort à la baguette de laquelle il vient ou de la personne qui le jette?"

Le sorcier du ministère fit un petit rot. "Pardon. Maintenant je comprends ce que vous voulez dire. Si A prend la baguette de B et assassine le Ministre de la Magie---" maintenant cela était un peu drastique, pensa Severus, mais quand même un exemple valable "---B va à Azkaban à moins que lui ou elle soit capable de produire une preuve consistante que lui ou elle n'était pas en possession de sa baguette au moment où le crime a été commis, parce qu'en cas de magie illicite ou illégale le sortilège, la malédiction ou le charme est toujours tracé jusqu'à la baguette de laquelle il vient et non au sorcier qui l'a jeté. Ou sorcière, " ajouta-t-il et il rota de nouveau. "Pardon. Ce qui veut dire que même si vous avez perdu votre baguette, ce que j'espère fortement qui n'est pas le cas---" et il lança un regard sévère à Severus " vous n'avez pas besoin de vous inquiéter, dans la mesure où, si qui que ce soit la trouvait et l'utilisait pour des buts illicites ou illégaux, lui ou elle…" il avait à l'évidence perdu son fil. " Aucun besoin de s'inquiéter de toute façon " termina-t-il plutôt maladroitement.

" Merci, c'était tout ce que j'avais besoin de savoir, " dit Severus, " Au revoir, et… euh, passez une bonne journée."

L'autre sorcier fit un signe de tête avec un sourire absent, prit un autre sandwich et rompit la connexion. Severus ramassa Esmeralda du sol, la fit tourner autour de lui et leva le pouce vers elle, à son étonnement visible.

" Tu vois?" dit-il, " comme cela je dois seulement attendre jusqu'à ce qu'elle se soit endormie. Ensuite je chipe sa baguette, je fais rétrécir les livres, les mets dans mon coffre et remets la baguette à sa place. C'est aussi facile que cela."

~~~~*~~~~

La malédiction de la Bolognese avait frappé pour dîner, avec une vengeance. Les spaghettis avaient presque été immangeables, mais Severus fit une figure courageuse. Esmeralda, moins difficile que lui---mais alors elle était tombée en extase à propos du bœuf salé en conserve--- polit soigneusement son bol. Sa mère n'avait pas prononcé un seul mot entre après avoir jeté son assiette sur la table d'une façon qui lui rappelait fortement Signora Ragnatela et la lui avoir retirée de dessous son nez quand il avait à peine posé sa fourchette. Il prit cela comme un signe qu'il pouvait tout aussi bien quitter la cuisine et se retirer dans sa chambre, ce qu'il fit en hâte.

Dix minutes après onze heures, il l'entendit bouger à l'étage, puis il entendit le bruit de sa porte de chambre se refermant. Il lui donnerait une heure, juste pour être sûr, pensa-t-il. L'heure passa plutôt rapidement avec une révision approfondie de plus de son manuel de potions et avec Esmeralda sur ses genoux.

" Non, tu dois rester ici maintenant, comme une bonne fille, " lui dit-il quand il se leva un quart d'heure après minuit, disposé à exécuter son plan. " Je ne serai pas long. Va simplement chauffer le lit entre-temps." elle lui lança un regard offusqué mais n'essaya pas de le suivre.

Sans bruit, ---les ballades nocturnes innombrables dans les corridors de Poudlard avaient été un exercice très utile---il se glissa à travers le palier, évitant prudemment la latte grinçante et sans causer le moindre bruit, ouvrit la porte de la chambre de sa mère.

La première fois il avait profondément été choqué quand la prise de conscience soudaine avait été incompatible avec le manque de préparation ingénu. Il avait été comme frappé par un éclair qui avait péniblement éclairé une réalité qui lui avait été inconnue, et qui soudain se tenait clairement devant ses yeux dans la lumière blanche et cruelle de la reconnaissance spontanée et forcée sur lui. Maintenant, debout à la porte de la chambre de sa mère, le choc était de dimension égale mais d'une sorte différente. Il n' était pas frappé par l'éclair. Il regardait la figure affreuse, souriante de l'Absurdité. Un monstre avec un goût pour les plaisanteries occasionnelles. Celui-ci étira l'un de ses nombreux membres pour agripper la réalité de Severus, étendue lisse et plate comme un tapis sur lequel il se tenait, émit un caquettement fou et tira. Pendant un moment, il crut que maintenant il devenait vraiment, vraiment fou. En bien qu'il faisait un cauchemar. Ou peut-être qu'il réagissait trop, car l'arôme rencontrant son nez ne devait pas nécessairement être---Mais ce l'est, dit l'Absurdité, prends en un autre nez plein, convaincs-toi, c'est exactement ce que tu pensais que c'étais, tu l'as très bien reconnu. Amusant, n'est-ce pas? Bien que j'aie peur que tu échoues à voir le côté humoristique de tout cela.

Vraiment, pensa Severus, maintenant que vous le dites, il y a un côté certainement hilarant à ceci. Et il tituba par-dessus le seuil, dans la pièce, vers le lit de sa mère ---elle dormait et sur sa table du chevet, il y avait la bouteille sinistre… Le fait qu'elle était plus qu'à moitié pleine, à la différence de la première fois où elle avait été vide et sous le lit, lui disait clairement qu'il n'était pas d'une manière ou d'une autre, mystérieusement et inexplicablement retourné dans le temps. La douleur courte mais curieusement réconfortante quand il pinça son bras lui dit qu'il n'était pas endormi. La possibilité qu'il ait pu devenir fou était encore là, plus encore puisque l'Absurdité l'avait surpris par derrière sur ses nombreux membres et essayait de soutirer le tapis de la réalité solide de dessous ses pieds et de le faire tomber, car c'était son idée de plaisanterie.

Il se remit d'aplomb et essaya de prendre lui-même prise sur la réalité, même si cela était pénible, la saisit après une brève lutte, et l'Absurdité rampa au loin pour rôder dans les ombres, attendant son temps, attendant une autre chance. Quand il sentit le désir ardent de rire, de lui-même, de ce scénario ridicule tout entier, elle leva brièvement la tête. Mais il résista, car la rage avait bondi à sa défense et pris les commandes. L'Absurdité reconnaissait une bataille perdue quand elle en voyait une et s'éloigna discrètement, probablement pour chercher d'autres victimes plus prometteuses.

Severus sentit la rage monter à l'intérieur de lui---c'était bien mieux que la teinte de démence qu'il avait sentie auparavant. Il était si furieux que sa première impulsion fut d'étrangler la femme dormant sur le lit, d'attraper ses affaires, de mettre le feu à la maison avec la baguette de sa mère et de partir. Il ne cèda pas à l'impulsion cependant, mais suivit la partie encore rationnelle de son esprit qui lui ordonnait de se calmer et de penser. Ce qui était plus facilement dit que fait --- la tentation de détruire était forte. Mais c'était aussi insensé, se dit-il, car quel allait être le résultat? Une condamnation à perpétuité à Azkaban. Et elle ne valait simplement pas cela. Alors il rassembla toute sa détermination et se força à jeter un autre coup d'oeil alentour, à la bouteille, à sa mère, cette fois sans perdre le contrôle. Et il réussit. Il s'assit sur le bord de son lit et la regarda. Elle ne remua même pas.

" Espèce de garce, " dit-il, de son ton normal de voix, car il n'y avait plus aucune nécessité d'être silencieux---l'élexir, s'il était pris en dose suffisante, provoquait un sommeil profond. " Espèce de maudite salope damnée."

Il était rassurant d'écouter le bruit de sa propre voix. Il sentait qu'il pouvait penser maintenant et qu'il devait penser clairement, car il n'avait aucune idée de comment elle avait réussi à mettre déjà les mains sur une autre bouteille de l'élixir. Il était assez sûr que son oncle n'aurait pas pu la laisser ici. Mais comment---et il se rappela soudain le colis que le hibou avait apporté. Il avait eu l'intention de rendre la bouteille à son oncle dès qu'il serait arrivé, il l'avait mise dans un des placards de la cuisine et l'avait oubliée. Et bien sûr, elle l'avait trouvée. Probablement ce matin, avant de préparer le petit déjeuner, en fouillant dans les placards pour voir ce qu'elle devait acheter. Ce qui fournissait une excellente explication pour son humeur trop gaie pendant le petit déjeuner et la descente rapide pendant le reste de la journée.

" Et tu n'as pas eu le peu de bon sens nécessaire à simplement la vider dans l'évier, " dit-il à la forme endormie de sa mère. " Tu devais en prendre un peu, tu étais même probablement enchantée de ta découverte, espèce de stupide, stupide salope inutile." Il était bon de l'insulter, même si elle ne pouvait pas l'entendre. Mais cela aidait à le libérer d'une partie de la rage refoulée bouillant encore à l'intérieur de lui . " Sais-tu ce que cela veut dire pour moi? Bien sûr que tu ne le comprends pas, tu ne le comprendrais pas même si je te l'expliquais, si je te disais la vérité entière au sujet de mes vacances extraordinaires en Italie. Mais je te le dirai tout de même: Cela veut dire que tout ce que j'ai fait là-bas était complètement et absolument sans aucun sens. Tu as anéanti cela en une gorgée. Et je vais t'en dire plus: Si rien d'autre, cela a été une leçon. Une leçon très importante. Et tu sais ce que j'ai appris? Laisse-moi le résumer pour toi en une expression simple. Ne laisse personne venir si près de toi qu'il puisse te blesser ou se servir d'outil pour que d'autres te blessent. C'est si simple que même une créature avec une moitié de cerveau comme toi devrait le comprendre. Et crois-moi, je garderai cela à l'esprit. C'est gravé dans mon esprit, je ne pourrais pas l'effacer, même si je le voulais."

Il se leva pour jeter un autre coup d'oeil à la femme endormie. La rage était partie et la haine aussi. Ce qu'il sentait était de l'indifférence. Il ne se souciait pas de ce qui allait lui arriver quand elle aurait terminé la bouteille---et à en juger de la vitesse à laquelle elle allait, elle l'aurait vidée demain soir. Peut-être le matin d'après. Mais vraiment et honnêtement il ne s'en souciait pas. Il regarda sa montre. S'il voulait dormir un peu, il était grand temps de commencer avec les livres. Il jeta un coup d'oeil autour de la chambre pour chercher la baguette de sa mè---pour chercher la baguette de cette femme.

** en français dans le texte