Chapitre 28
Ils avaient perdu toute notion du temps et de l'espace, assis là , écoutant le silence et appréciant leur solitude partagée. C'était différent, pensa Severus, très différent de toute autre sorte d'être ensemble dont il ait déjà fait l'expérience. Il n'y avait aucun besoin de mots, du moins pas maintenant… Pas qu'ils se comprennent sans mots---non seulement une telle idée serait extrêmement cliché, il n'était simplement pas vrai que les gens puissent se comprendre sans mots. Il était déjà assez difficile de communiquer avec des mots, alors sans… C'était plutôt comme s'ils se reposaient dans la même oasis, trop fatigués pour parler, étant simplement, existant simplement, chacun d'entre eux reconnaissant que l'autre ne veuille ni ne demande rien. D'une certaine manière, c'était une sorte de paix. Passagère et éphémère. Fragile, parce que uniquement protégée par un dôme de silence qui pouvait se briser en mille morceaux à chaque seconde. Paix en suspens appréciée à chaque seconde, le plaisir mêlé à l'inquiétude que maintenant, à l'instant suivant, cela pourrait être totalement fini, le dôme brisé par un seul bruit fort…
Et, inévitablement le bruit explosa à travers le mur bien trop fin. Deux voix, une masculine, l'autre féminine. Severus et Clarissa se regardèrent.
" Tabitha?" fit-elle des lèvres et il hocha la tête.
Silencieusement, ils se levèrent, Severus fit disparaître la couverture et ils se faufilèrent dans la direction de laquelle venait le bruit, faisant attention de rester dans l'ombre des arbres.
" T'ai-je déjà dit que tu étais vraiment d'une beauté à couper le souffle ce soir?"
Cela n'était pas la voix de Lestrange, mais celle de Black. Peut-être suite au silence précédent ou peut-être seulement suite au fait que malgré tout ils n'avaient que quinze ans et ne pouvaient simplement pas résister à la tentation---et dans le cas de Severus, c'était aussi l'intérêt pour le projet Black ---ils ne purent pas résister à la tentation et se souriant follement l'un l'autre, se rapprochèrent un peu.
" Si tu le répètes encore, ce serait la cinquième fois, " répondit Tabitha de sa meilleure voix de Je-Suis-La-Reine-De-La-Séduction-Ronronnante.
"Oh, vraiment? Cela confirme seulement que tu m'as complètement fait perdre la tête," fut la réponse--- pas originale, et ce de manière répugnante, selon l'opinion de Severus.
Manifestement Tabitha pensait de même, car elle dit d'un ton taquin " Est-ce une si grosse perte, étant donné que tu es un Gryffondor?"
Clarissa pressa rapidement sa main droite sur sa bouche, pour étouffer une crise de gloussements.
" As-tu décidé d'être particulièrement charmante ce soir Tabitha?" demanda Black, " et n'oublie pas que là où il y a une tête, il y a aussi une bouche. Pas de tête, pas de bisous."
" Et est-ce que cela serait une si grande perte?" à l'évidence elle voulait vraiment le provoquer. D'autant mieux pour eux, pensa Severus, du moins si Lucius réussissait quelque chose de semblable, autrement elle aurait trop d'avance.
" Je ne suis pas assez prétentieux pour répondre avec un oui, " dit Black, sa voix maintenant un peu plus basse.
Severus fit signe à Clarissa de se faufiler un peu plus près. " mais tu pourrais essayer, juste au cas où tu veuilles vraiment le savoir."
" J'ai peur que tu t'y prennes à l'envers, Black." La voix de Tabitha était considérablement plus fraîche maintenant. " Je ne suis jamais celle qui demande, je suis celle à qui on demande et les gens ne sont habituellement même pas sur leurs pieds mais sur leurs genoux."
" Oh vraiment?" répondit Black, " Et bien je ne suis pas simplement n'importe qui, si bien que je ne demanderai pas mais prendrai simplement ce que je veux."
La Lune---qui avait été pleine quatre jours auparavant---ne s'était pas encore levée, et le ciel était un peu nuageux, de sorte qu'ils ne voyaient pratiquement rien. Mais après quelques secondes la voix de Tabitha retentit de nouveau à travers l'obscurité.
" Petrificus Totalus!"
Ensuite il y eut un fort bruit de choc et le bruissement d'un manteau, suivi par le froissement doux du tissu sur l'herbe, s'affaiblissant progressivement. Clarissa et Severus se regardèrent, encore souriant, puis hochèrent la tête et se dirigèrent vers le château, mais ils le firent avec un large détour, pour que Black ne les remarque pas. Quand ils furent assez loin de l'endroit où le Gryffondor malchanceux gisait dans l'herbe, ils firent demi-tour et se dirigèrent de nouveau vers le lac, prétendant qu'ils venaient de sortir du château.
"Dieux, je suis content d'être finalement sortie de là " dit Clarissa en essayant d'avoir l'air aussi naturelle que possible.
" Oui il faisait simplement un peu trop chaud à l'intérieur. Que dirais-tu d'une promenade jusqu'au lac?"
"Bonne idée. Ne devrions-nous pas allumer nos baguettes?"
Et c'est ce qu'ils firent, faisant attention de se déplacer en direction de Black, pendant que Clarissa bavardait nonchalament au sujet des tenues et coiffures des autres filles. "…et nous avons toutes dit à Heather de transfigurer les siennes dans une couleur un peu plus flatteuse, mais a-t-elle entendu raison? Je ne peux vraiment pas comprendre comment quelqu'un peut être si obtus. Elle pensait vraiment ---Eeeeh!"
Son hurlement avait été très convaincant.
" Quoi ?" demanda Severus, feignant d'être moitié contrarié, moitié préoccupé.
"Il y a quelque chose par terre! Regarde! Là!"
Deux éclats de faible lumière venant de baguettes glissèrent par-dessus la silhouette immobile de Sirius Black.
" C'est… Black?" s'exclama Severus. " Il doit être complètement ivre.---Hé, Black!" appela-t-il en tirant Clarissa avec lui pour aller regarder.
" Il ne répond pas! Severus, penses-tu qu'il est…malade? Comment pourrait-il être ivre? Il n'y avait rien que de la bièraubeurre et il faut en ingérer plusieurs litres pour être aussi bourré."
Elle était vraiment une actrice impressionnante, pensa Severus. " Mmh, " dit-il, " je suppose que tu as raison." pendant ce temps, ils avaient atteint le corps immobile qui les regardait d'en bas avec un regard furieux mais sans cligner des yeux. Severus commença à rire, quelque chose qu'il avait eu envie de faire depuis assez longtemps maintenant. " Regarde, Clarissa!" s'étrangla-t-il entre deux éclats de rire, " Il n'est pas malade! Quelqu'un lui a jeté un sortilège de ligotage. Ou peut-être a-t-il réussi à faire cela tout seul!---Black, espèce de crétin!" dit-il en s'adressant au Gryffondor, poussant son bras de la pointe de sa chaussure, " T'es-tu pétrifié toi-même? Ou quelqu'un a-t-il jeté sortilège de ligotage sur toi? Qu'as-tu fait pour mériter une telle punition? T'es-tu bagarré?"
" Peut-être qu'il rudoyait une fille, " commenta Clarissa, s'accroupissant pour s'asseoir sur ses talons. " Bla-ack!" psalmodia-t-elle, " Est-ce que tu harcelais une fille? Et que tu as finalement trouvé ton maître? Etre raide peut être une bonne chose, mais c'est un peu trop, n'est-ce pas?"
" N'aie pas l'esprit si salace, Clarissa. En parlant de sale--- crois-tu qu'il pourrait vouloir un bain?"
"Oh, oui!" s'exclama Clarissa en applaudissant " Et peut-être qu'il devrait aussi un peu refroidir ses ardeurs!"
" Tu as entendu la dame, Black? La dame pense que tu as besoin d'un bain pour faire partir cette puanteur de Gryffondor de toi et que quelque refroidissement ne serait pas mal non plus. Seulement je crois qu'une simple douche froide serait un traitement bien trop doux, hein Clarissa?"
" Bien sûr!" répondit -elle en hochant la tête avec véhémence. " Mais d'un autre côté j'apprécie assez nourrir le Calamar Géant."
" Ne crois-tu pas que cette pauvre créature serait écoeurée? Bien que cela vaille un essai. Alors viens, Blackie-Boy, Mobilicorpus!"
Clarissa émit un autre hurlement, véritable cette fois, quand une voix retentit hors de l'obscurité " Severus, Clarissa, est-ce vous?"
"Lucius? Dieux, tu m'as effrayé. Ne refais plus jamais cela si tu tiens à la couleur de tes cheveux! Que fais-tu ici de toute façon? Je croyais que tu dansais avec Tabitha?"
Maintenant Lucius était à portée de la lumière de leur baguette. Tournant le dos à Black, il leur fit un petit clin d'oeil et répondit " Non, en fait je la cherchais. Elle est allée se repoudrer le nez ou quoique ce que ce soit d' autre que vous faites, vous les filles, et comme elle n'est pas revenue ---Qu'est-ce que c'est que cela?" demanda-t-il en montrant la forme sombre de Black qui flottait à un mètre au-dessus du sol.
" Cela, " répondit Severus, " est Sirius Black. Pas de sa bonne humeur habituelle, si je puis dire. Il allait prendre un bain dans le lac."
Avec un autre clin d'oeil, Lucius dit , "Non, Severus ! Laisse-le tranquille!"
" Et pourquoi devrais-je le laisser tranquille?"
" Parce que je te dis de le faire, Rogue, cela devrait être une raison suffisante."
" Vraiment? Depuis quand es-tu devenu notre Directeur de Maison?"
" Libère-le, Rogue et va te faire foutre!" et avec un mouvement exagéré, pour qu'il soit sûr que Black puisse le voir, il tira sa baguette.
" D'accord, d'accord!" dit Severus avec humeur " garde-le pour toi. Viens, Clarissa, partons!"
Et ils partirent, retournant vers le château.
" Que diable cela était-il censé être?" demanda Clarissa.
" Top secret, je suis désolé, mais je ne peux pas te le dire. Tu le verras très bientôt, néanmoins, aie simplement un peu de patience."
Elle lui lança un regard offusqué. "Et bien, alors, " dit-elle d'un ton bourru " Si tu es sûr de ne pas pouvoir me le dire… mais je ne suis pas obligée d'apprécier cela, non?"
"Non. Mais comme je l'ai dit, sois patiente. Après Noël, tu verras de toute façon."
~~~~*~~~~
Clarissa, la potion Imperius, Black---Severus ne pouvait certainement pas se plaindre de s'ennuyer. Tous plus fascinant les uns que les autres et chacun de manière différente. Clarissa deviendrait en fin de compte une amie, sa première amie réelle--- en dehors d'Esmeralda, bien sûr. Il n'avait jamais trop pensé à elle, mais après le bal de Halloween, son esprit gravitait vers elle assez souvent. En partie parce qu'il l'aimait bien, mais alors il y avait aussi son comportement étrange, ses larmes et ce…et bien, par manque d'une meilleure expression, il devait appeler cela un secret. Quoi que ce soit qui l'ait empêchée de vouloir ou de faire plus que de simplement être assise à côté de lui, en silence et sans le toucher. Autant qu'il puisse l'essayer, il n'arrivait pas à penser à une réponse possible pour satisfaire sa curiosité. Bien sûr il lui était venu à l'esprit qu'elle puisse être dans une situation semblable à la sienne, mais si cette supposition démente était ne serait-ce que proche de la vérité, il était certainement préférable d'attendre qu'elle ait décidé de lui en parler.
Black était une affaire tout à fait différente. C'était de l'amusement pur, car cela voulait dire réunions secrètes avec Lucius et Tabitha dans une salle de classe inutilisée à quelque distance du repaire du serpent, se faufiler dehors au plus profond de la nuit pour planifier la séduction double de Black. La mise en scène parfaite de Halloween favorisait grandement leurs plans, tant en fait, qu'il serait difficile de maintenir pile le bon niveau de tension jusqu'à après les vacances de Noël. Tabitha, qui depuis son quinzième anniversaire avait passé plus de nuits dans les appartements de Lestrange que dans le dortoir des filles, avait eu besoin de beaucoup de persuasion pour continuer, car maintenant il était assez certain qu'elle deviendrait Mme. Lestrange après avoir reçu son diplôme, et elle pensait que c'était en-dessous de sa dignité que de participer plus longtemps à leur complot. En fait, Lucius avait eu le culot de non seulement la persuader mais aussi de la faire chanter en menaçant d'informer anonymement Lestrange du baiser au lac. Quand il avait parlé à Severus de cette manœuvre plus que déloyale avec un calme total et plein de satisfaction suffisante, Severus s'était silencieusement demandé si même Salazar Serpentard aurait pu être un manipulateur plus impitoyable. Cependant, l'intrigue continuait, et ce d'une manière très satisfaisante.
La potion en revanche… il y avait si peu de livres à la bibliothèque---Lestrange avait expliqué ce manque de manière convaincante par le fait que les pensines étaient parmi les artefacts magiques les plus anciens, leur tradition remontant bien au-delà de l'époque du grand Merlin, quand une assez petite quantité de connaissance avait été confiée au support instable et facile à détruire du parchemin. Non seulement l'énoncé des sortilèges et charmes mais également les secrets de l'artisanat, comme la fabrication des baguettes ou comme dans leur cas, la fabrication et la mécanique des pensines avaient été transmis directement, des lèvres des mourants à l'oreille impatiente de leurs héritiers. Le premier livre que Severus avait trouvé avait en fait été l'un des travaux les plus récents sur la chose. Et la poignée de textes qu'il avait réussis à déterrer contenait toujours des phrases comme … "Mettez vos pensées dans la cuvette et…"
Severus était furieux et déçu, et mit en mots cette émotion quand il entra dans les appartements de Lestrange pour une autre leçon de soutien, dont la plus grande partie avait été consacrée à discuter de ce qu'il avait lu jusqu'ici.
"Bonsoir, monsieur, "dit-il d'un ton bourru en fermant la porte et traversant la pièce jusqu'au bureau de Lestrange, sur lequel il jeta sa dernière découverte, complètement inutile.
Le professeur ne rendit pas sa salutation, et Severus détacha son regard haineux du livre pour le regarder. Il était debout près de la cheminée, les bras croisés et avait un sourire jouant sur ses lèvres.
"Y-a-t-il… euh, y-a-t-il un problème, Monsieur?"
" Je dirais certainement que oui " répondit Lestrange. " Quel jour sommes-nous aujourd'hui Severus?"
" C'est le jour où j'ai terminé le dernier des maudits livres que j'aie pu trouver dans la bibliothèque, et je peux lire l'Anglais du Moyen Age sans dictionnaire maintenant, ce qui bien sûr est une compétence extrêmement utile, " répondit Severus avec dédain. " et, pour dire vrai, je suis malade de rencontrer la même phrase stupide encore et encore. 'Mettez vos pensées dans la cuvette'---honnêtement si n'importe qui avait jamais assez de malchance pour me dire cela en face, je crois que je lui jetterais un-"
" Bien sûr " l'interrompit Lestrange, " Je comprends certainement tes sentiments quelque peu…euh, véhéments en ce qui concerne ta recherche. Mais je le répète, quel jour sommes-nous aujourd'hui?"
"Mercredi, monsieur, " répondit Severus, se demandant si son professeur était devenu fou sans raison apparente.
" Mercredi le….?"
" Le quoi? Que voulez-vous dire monsieur? J'ai peur de ne pas tout à fait vous suivre."
Lestrange soupira. " La réponse exacte aurait été Mercredi 13 novembre. Ton anniversaire, homme jeune. Ton quinzième anniversaire. Cela te rappelle-t-il quelque chose?"
" Ce…euh, oui, monsieur. Oui, je suppose que oui, " répondit-il d'un air penaud, rougissant et se sentant très stupide.
"Et bien, c'est un soulagement, " dit sarcastiquement Lestrange. " car autrement je n'aurais absolument eu aucune idée de quoi faire avec tes cadeaux."
Il alla à son bureau pour sonner l'elfe de Maison, qui semblait avoir reçu des instructions précédemment, car quand il apparut, il portait déjà un plateau sur lequel, à côté d'une bouteille de champagne, avec son seau à glace, ses flûtes et un plat de canapés à l'air délicieux, il y avait aussi deux paquets, un petit et un assez grand, enveloppés dans du papier d'un vert sombre et orné d'arcs argentés.
Severus resta debout là, enraciné sur place, et ayant vraiment perdu ses mots. Quand Lestrange ouvrit la bouteille, le fort 'plop' fut suffisant pour lui faire au moins fermer la bouche, qu'il s'aperçut , à son grand embarras, avoir laissée ouverte depuis environ une minute. Lestrange remplit les flûtes et contourna la table vers sa pupille qui avait l'air encore frappé.
Quand le verre d'un froid glacé fut pressé entre ses doigts, Severus retrouva finalement sa parole. "Monsieur, je-"
" A ta santé, Severus, " l'interrompit Lestrange, " Puisses-tu vivre longtemps et devenir un sorcier aussi grand que ce que tu promets d'être!"
Leurs verres tintèrent ensemble et ils prirent en même temps leur première gorgée. De peur qu'il puisse ressembler à sa mère s'il laissait vraiment échapper tous les mots qui montaient en bouillonnant à l'intérieur de lui, il dit seulement " Merci, monsieur. Pour tout."
Lestrange hocha simplement la tête, lui tapota l'épaule, et fit léviter le plateau jusqu'à la petite table près de la cheminée. "J'espère que tu ne regrettes pas le gâteau d'anniversaire---" Severus secoua la tête assez vigoureusement ---"Je suis content de le voir. En fait, je ne t'ai jamais vu manger de sucreries qui vaillent la peine d'être mentionnées. Et en outre, manger des sucreries en buvant du champagne est l'une des habitudes italiennes les plus dégoûtantes---"
Severus acquiesça sinistrement. " Ce l'est. Mais ils boivent du vin doux pétillant, pas quelque chose d'aussi bon que cela."
" Ah, oui, " dit Lestrange, avec une expression rêveuse sur son visage, bougeant un peu dans son siège de telle sorte qu'il puisse croiser les jambes plus confortablement. Il leva son verre dans la lumière du lustre. " Ceci vient de nos vignobles français. Et 1958 était certainement une année de grand cru, même si lors de ta remise de diplôme, il devrait être encore meilleur. Préfères-tu ouvrir tes cadeaux maintenant ou plus tard?"
" Je préfèrerais le faire maintenant, si cela ne vous dérange pas. Lequel en premier, le grand ou le petit?"
"Ils ne sont liés d'aucune manière. Alors tu peux choisir librement."
Severus considéra son choix pendant quelques instants, puis il agrippa le plus gros qui, comme il le remarquait maintenant, était aussi assez lourd. " Je suis un peu désordonné en ce qui concerne l'ouverture de cadeaux, " dit-il en s'excusant.
" Certainement. C'est la moitié de l'amusement, " répondit Lestrange en prenant un canapé.
Alors il arracha le papier avec délectation. "Des Runes Anciennes!" s'exclama-t-il, " C'est… c'est vâchement brillant…, désolé, monsieur, je voulais dire que c'est merveilleux! Comment saviez-vous que---"
" Oh je l'ai compris " dit nonchalamment Lestrange, " Avec ta soif de connaissance et le fait que les Runes Antiques ne sont pas enseignées ici à Poudlard, du moins, pas encore … alors j'ai pensé que cela pourrait t'intéresser."
Severus hocha la tête avec ferveur. " Certainement. Merci!" et il agrippa le petit paquet.
" Ceci n'est pas vraiment pour toi, " dit Lestrange en fourrant un autre canapé dans sa bouche, " Mais j'espère que tu l'apprécieras tout de même."
Pas pour lui? Mais pour qui était-ce alors? Et bien, il y avait seulement un moyen de le découvrir. Une petite boîte apparut quand il eut déchiré l'emballage. Il l'ouvrit. " Un… bracelet?" dit avec un coup d'oeil dubitatif vers Lestrange.
Le professeur s'étrangla presque avec son champagne. " Bien sûr que non. J'ai dit que ce n'était pas exactement pour toi. Bien que ce soit pour quelqu'un que tu aimes beaucoup---"
Severus sentit son visage devenir chaud. Comment avait-il pu être si stupide? "Oh, mais elle aura l'air merveilleuse! Merci, monsieur, je … je ne sais vraiment pas que dire. Pensez-vous… je veux dire, serait-il possible que j'aille la chercher, simplement pour… j'aimerais voir comment cela lui va."
" Certainement. Va simplement la chercher."
Severus courut le long du couloir vers les quartiers de Serpentard et de retour vers le bureau de Lestrange en moins de cinq minutes. " Nous voilà, monsieur, " haleta-t-il quand il entra de nouveau dans la pièce. Prudemment, il sortit le bijou de sa boite. C'était un ruban, tissé du meilleur fil d'or imaginable, si bien qu'il était complètement flexible, presque comme un morceau de tissu, bien qu'il ait été fait de métal. C'était aussi large que l'index de Severus et enchâssé d'émeraudes à une distance de moins d'un centimètre les unes des autres. Il ouvrit l'attache et pendant quelques secondes, le laissa pendre de sa main, admirant simplement sa beauté.
" C'est… presque trop beau, monsieur, " dit-il " et je sais que je ne devrais pas l'accepter-"
" Etant donné que, techniquement tu n'es pas celui qui doit ou non l'accepter… demandons à la dame jeune. L'acceptes-tu?"
Elle était assise sur le siège que Severus occupait précédemment, et leva les yeux vers Lestrange " Miaou ."dit-elle.
" Je crois que nous pouvons prendre cela comme un oui. Maintenant mets-le autour de son cou et fais-nous voir de quoi elle a l'air."
La fourrure d'un noir de jais d'Esmeralda était l'arrière-plan idéal pour le collier---en fait il semblait briller encore plus en contraste avec le noir de velours. " Elle à l'air de la reine des chats, ne trouvez-vous pas, Monsieur?"
Lestrange hocha la tête et expliqua le sortilège qui permettrait seulement à Severus de le détacher, si bien qu'il n'y aurait pas de danger que le collier soit volé. Il leur versa un second verre de champagne et ils s'assirent de nouveau, Esmeralda sur les genoux de Severus, apparemment consciente d'être un chat admirablement paré maintenant, car elle se tenait d'une manière très royale.
Severus la caressa pensivement sous le menton et dit alors " Monsieur, puis-je vous poser une question?" devant le hochement de tête de Lestrange, il continua " Je me demandais… depuis les attaques des vacances d'été, Lord Voldemort semble un peu moins actif. Du moins, de ce que j'ai vu---ou plutôt de ce que je n'ai pas vu dans la Gazette des Sorciers… ce que je voulais dire était : Les choses vont-elles comme elles sont planifiées ou y a-t-il des difficultés quelconques?"
" En fait, il n'y a pas eu d'activités majeures depuis l'été dernier " répondit Lestrange, regardant fixement les flammes, " parce que Lord Voldemort n'est pas même en Angleterre. Il est parti, ou du moins c'est ce qu'il nous a dit, en Albanie, afin d'exécuter une série de rituels pour augmenter sa force. Mais je peux t'assurer qu'il reviendra---" maintenant il tourna la tête pour regarder Severus --- " plus puissant qu'il ne l'était auparavant. Aucune raison de s'inquiéter. Tout se passe sans accroc. Cela répond-il à ta question?" Severus acquiesça et lui fit un sourire bref. " Très bien, parce que maintenant c'est mon tour de te demander quelque chose à ton sujet: Que fais-tu à Noel?"
" Je… je ne sais pas, monsieur, j'avais supposé qu'il m'était permis de rester ici…" Severus sentit son estomac se serrer douloureusement---Lestrange n'allait pas l'envoyer en Italie, n'est-ce pas?
Son professeur et tuteur pencha légèrement la tête de côté et le regarda pensivement. " Je ne te harcèlerai pas de questions, " dit-il finalement " mais il semble que quand la conversation se tourne vers les vacances, tu deviens un peu nauséeux. Cependant ce que je voulais savoir était si tu préférais rester ici à Poudlard ou si tu préférais m'accompagner."
Severus mit quelques instants à calmer ses battements de cœur et sa respiration---le choc avait été considérable. Puis il comprit soudain ce que Lestrange venait de lui offrir. " Avec vous, monsieur? Vous voulez dire…"
" Je veux dire dans la maison de mes ancêtres. C'est au Pays de Galles, dans le Montgomeryshire, pour être exact, près du village de Llandinam. Un peu perdu dans les montagnes, mais très beau. Mon père vit là mais à Noël, mon frère vient toujours de France avec son épouse et---oh, mais tu connais Narcissa! T'entendais-tu bien avec elle lors de ton séjour chez les Malfoys?"
" Oui, mais monsieur, c'est un rassemblement de famille. Je ne veux pas être importun et-"
Lestrange le fit taire d'un geste. " Si c'est ta seule réserve, nous sommes d'accord. Tu viens avec moi à Monrepos**. C'est le français pour 'mon endroit de repos, '" ajouta-t-il en voyant le regard interrogateur de Severus.
"Oh. Je… je vois. Mais, monsieur, que dois-je dire aux autres? Personne ne connaît l'histoire entière sur ma mère et le fait que vous êtes mon tuteur. Autant que je veuille partir avec vous, je ne veux vraiment pas que qui que ce soit apprenne la vérité derrière tout ceci. Et si les Malfoys viennent en visite, ou si Narcissa en parle à Lucius?"
"Bon argument. Mais très facile à résoudre vraiment. Je dirai simplement à Julius la prochaine fois que je le verrais que cela fait partie des projets que Lord Voldemort a pour toi. Ce qui est quelque chose contre quoi il est difficile de protester, n'est-ce pas?"
~~~~*~~~~
Tabitha et Severus attendaient Lucius à leur endroit de réunion habituel. On était deux jours avant les vacances de Noël et ils avaient mis le glaçage sur leur gâteau favori, c'est-à-dire le projet Séduire-Sirius-Black. La première partie s'était passée sans un seul accroc. Pendant le dernier cours de potions avant la pause de deux semaines, un petit accident avait été si subtilement arrangé que même les Gryffondors constamment suspicieux n'avaient pas pu le rattacher à leurs ennemis principaux. Cela leur avait coûté beaucoup de répétitions jusqu'à ce qu'ils réussissent à effectuer leur manoeuvre en classe mais l'effet en avait certainement valu la peine.
Le rôle de Tabitha avait été essentiel mais relativement facile : Premièrement, elle avait demandé à Lestrange, qui était si entiché d'elle qu'il se serait volontiers renvoyé pour lui offrir son travail, de l'apparier avec Black pour le reste du trimestre. Etant donné que la recommandation de Dumbledore concernant les liens entre maisons était encore valide, ceci n'avait causé aucun soupçon, et à l'évidence ses arguments avaient été assez convaincants pour que leur Directeur de Maison accède à sa demande et qu'il croie que tout cela était dans l'intérêt d'une blague et pas parce qu'elle avait finalement succombé au charme irrésistible de Black. Deuxièmement et encore plus important, elle avait lu les plans de leçons de son amant pour déterminer le moment idéal pour exécuter leur plan---toutes les potions ne convenaient pas à leurs buts et ils devaient choisir soigneusement.
La potion de Subaqueus d'aujourd'hui avait été une bénédiction de ce point de vue. Le processus de préparation était long et compliqué, et si à une certaine étape la succession des ingredients était sujette à même la moindre variation, le contenu du chaudron enflerait comme une énorme bulle de chewing-gum, attacherait à la figure du pauvre malheureux qui aurait commis l'erreur, et le laisserait avec très jolie tête de perche, qui surtout durerait assez longtemps. Toutes ces horreurs étaient décrites avec un soin très détaillé dans le livre de potions que Severus avait emprunté à la bibliothèque---leurs manuels ne rapportaient bien sûr pas ces subtilités, probablement de peur que les élèves puissent avoir exactement la sorte d'idée étrange que le trio avait décidée de mettre en action.
Comme toujours Lestrange avait fait la partie théorique en premier en expliquant la manière de préparer la potion et ses effets, elle permettait de respirer sous l'eau pendant jusqu'à cinq heures si elle était prise en quantité suffisante. Puis il avait signalé que la recette devait être suivie extrêmement scrupuleusement, et il ordonna finalement à ses élèves de commencer à la préparer. Sachant que ses meilleurs élèves étaient appariés avec les plus maladroits---Severus devait travailler avec Peter Pettigrow et Lucius avec Frank Londubat--- il s'était senti libre de dédier son attention à ceux ayant des compétences moyennes comme Lupin et Reynolds ou Clarissa et Lynda Farnon.
Pendant les trente premières minutes, tout avait très bien fonctionné. Les chaudrons bouillonnaient paisiblement, Lestrange surveillait les groupes les plus enclins aux accidents comme un oiseau de proie, et la pièce avait été tranquille et ruisselante de concentration. Alors, tout juste quand la préparation demandait un maximum d'attention, Tabitha laissa tomber le bol de porcelaine qu'elle venait tout juste de vider dans le chaudron. Black devait remuer le contenu cinq fois dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et ainsi ne pouvait pas l'aider à ramasser les éclats. Elle se mit sur ses genoux, attrapa les morceaux et se coupa exprès à l'index droit. Quand elle se releva en fouillant dans ses poches pour trouver un mouchoir qu'elle avait commodément oublié, Black avait fini de tourner la potion et se tournait vers elle, en demandant si elle avait besoin d'aide. Les yeux largement ouverts, elle tendit la main de manière impuissante et bien sûr le chevaleresque Black commença immédiatement à fouiller dans ses poches. C'était le signal pour que Severus lui demande en sifflant s'il ne préférait pas sucer le sang, considérant la manière dont il avait l'habitude de regarder cette fille.
Leur échange chuchoté mais échauffé fournit assez de temps pour que Lucius joue la partie la plus difficile du plan. Sa baguette était cachée dans sa manche gauche si bien que, quand il croisait les bras d'exactement la bonne manière---et c'était l'étape qui avait demandé autant de répétitions---elle était pointée exactement sur les ingrédients alignés sur l'établi de Sirius et Tabitha. Un sortilège murmuré plus tard, les deux ingrédients suivants avaient échangé leur place. Severus, qui avait surveillé l'échange, fit un petit signe de tête à Tabitha, arrêta de harceler Black et, avec un haussement d'épaules arrogant, se retourna vers son chaudron et celui de Pettigrow. Tabitha regarda sa montre, rappela à Black qu'il était temps de passer à l'ingrédient suivant et alla voir Lestrange pour se faire mettre une potion réparatrice sur la petite blessure de son doigt. Pendant ce temps, Black agrippa le bol avec l'ingredient suivant---qui, bien sûr, aurait dû être celui d'après ---et le tint au dessus du chaudron, prêt à verser. Ce qui était le signal pour que Lucius mette sa main gauche près du feu et la tire en arrière si violemement qu'il pousse le bras de Black tenant le bol.
Certain que rien de sérieux ne s'était produit, car après tout la Branchiflore avait été ajoutée seulement une ou deux secondes trop tôt--- seulement ce n'était pas de la Branchiflore, mais de la peau déchiquetée de requin Clubber---Black se pencha au-dessus du chaudron pour déterminer si tout allait bien.
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Savourant la mémoire d'un Black se relevant, couvert d'une potion d'un vert visqueux et avec air aussi surpris qu'une perche puisse avoir, Severus gloussa. " Je trouve qu'il a l'air plus agréable en tant que poisson qu'en tant qu'humain, pas toi?"chuchota-t-il à Tabitha, qui hocha la tête.
" A condition qu'il soit humain en premier lieu oui, " répondit-elle.
La porte s'ouvrit, et Lucius entra dans la pièce. L'expression de suffisance supérieure sur son visage leur dit que la toute dernière étape de leur plan avait fonctionné aussi bien que les précédentes.
" Qu'a-t-il dit?" chuchotèrent à l'unisson Severus et Tabitha.
"Et bien, " dit Lucius d'une voix traînante, " S'il n'y avait pas eu là aussi d'autres patients, j'ose dire qu'il m'aurait baisé là et à l'instant."
" Alors tu as présenté tes excuses?"
" Oui bien sûr. C'était comme cela que c'était prévu, n'est-ce pas ? Bien que je doive dire que cela était vraiment mieux d'y aller avant dîner, car la plus grande part de l'effet était déjà parti. Alors, je suis resté debout là, feignant d'être un peu maladroit et de me sentir très coupable, et je me suis excusé de l'avoir poussé. A propos Severus, pourrais-tu enlever le sortilège d'Arsus maintenant? Cela fait vraiment mal."
" Lucius, le martyr de l'alibi parfait, " sourit Severus " Finite Incantatem. Aussi bien que neuf."
" En effet. Il était incroyablement embarrassé car il avait encore quelques écailles sur son front et autour des oreilles mais il a accepté mon excuse très gracieusement, me disant que, pour une fois, ce n'était pas de ma faute mais de la sienne, car il avait inexplicablement mélangé les ingrédients et aurait versé la peau de requin Clubber dans le chaudron de toute manière."
" Nous sommes des génies, n'est-ce pas?" dit Tabitha, oubliant complètement sa dignité.
" Oui. Car il n'a soupçonné aucun de nous pendant un seul instant. Eh bien, et alors il a dit que si vraiment je sentais un tel besoin de lui donner le choix de rétribution, il pourrait sûrement penser à quelque chose."
" Comme c' est incroyablement original, "commenta Sverus avec un ricanement.
"Incroyablement, oui, réprimer ma grande envie de rire était peut-être la partie la plus difficile de tout ce plan. Eh bien, c'est tout, plus ou moins. J'ai essayé de mon mieux de rougir et lui ai dit qu'il valait mieux attendre jusqu'à après Noël, car nous allons tous partir après demain. Alors, si Tabitha joue son rôle de façon convaincante quand nous arriverons à King's Cross, il aura hâte que les vacances de Noël se terminent."
" Je jouerai de manière suffisamment convaincante, tu ferais mieux d'en être sûr!" dit Tabitha d'un ton rogue et elle se leva pour se diriger vers la porte. " Eh bien, vous venez ou pas?" demanda-t-elle impatiemment, étant revenue complètement au mode Cléopâtre.
Se souriant l'un l'autre et secouant la tête, Lucius et Severus la suivirent vers la grande salle pour un dîner de célébration, dont la vraie nature était seulement connue d'eux trois.
**en français dans le texte
