Chapitre 31

Avec une dernière enjolivure, Severus termina le résumé que Lestrange lui avait demandé d'écrire pour Lord Voldemort. Cela ne lui avait pas pris trop longtemps car il connaissait son sujet par coeur---il n'avait pas eu besoin de consulter de livres et avait pu se concentrer pour présenter ses pensées et arguments d'une manière stricte. Après tout, il voulait impressionner le Seigneur des Ténèbres. Il jeta un coup d'oeil à sa montre. Cinq heures et demie. Chronométrage parfait---il pourrait le relire deux fois puis l'apporter à Lestrange avant l'arrivée des autres.

Maintenant que tout s'enchaînait si facilement, c'était presque un plaisir de les revoir, pensa-t-il quand ils s'assirent à la table de Serpentard. Comme tout le monde supposait qu'il était resté à Poudlard, aucune question ne fut posée sur le déroulement de ses vacances et il put simplement écouter leur bavardage. Tabitha se plaignait d'avoir pris deux livres ; Cedric, dont la masse semblait avoir augmenté d'au moins dix livres, ne s'en souciait à l'évidence pas le moins du monde et se gava avec bonheur de steak et de pommes de terre grillées ; Mathilda avait mentionné le sujet inévitable des Potters.

" Cela a tellement attristé le pautre Barty " dit-elle.

" Y a-t-il une possibilité que tu ne relies pas à Barty tout ce qui se produit là-bas dans le grand et vaste monde?"dit Lucius d'une voix traînante. " Si la Grande-Bretagne devait sombrer sous les eaux sombres de l'océan Atlantique tu considérerais cela comme une catastrophe seulement parce que le pauvre Barty ne trouve plus son gilet de sauvetage."

Cette remarque spirituelle fut récompensée par un reniflement collectif.

" Son père n'est pas rentré à la maison pendant plus d'une semaine, " répliqua Mathilda visiblement offensée, " Et si cela n'était pas suffisant pour se rendre compte de sa détresse-"

" Tu. Es. Un.Cas. Désespéré. " dit Lucius, secouant la tête. " Quelqu'un veut-il commenter la catastrophe d'un point de vue moins Croutonné?"

" Oh, s'il vous plait!" s'exclama Heather en posant ses couverts, " J'ai eu droit à Potter en entrée, plat principal et dessert tous les maudits jours depuis le vingt-six. C'était un triste accident, et le Ministère n'est rien qu'un groupe d'idiots inefficaces. Un point. C'est tout. Qu'y a-t'il de plus à dire?"

"Peut-être que Sibylle l'a vu dans les feuilles du thé, hein Sibylle?" fut le commentaire malveillant de Tabitha.

Sans même daigner la regarder, Sibylle dit d'un ton hautain " Nous utilisons du thé en sachets à la maison."

Le concert de rire fut suffisant pour faire se retourner les Gryffondors et leur faire jeter des coups d'oeil furieux à leur groupe.

" Regardez, " dit Severus en souriant, " On dirait que nous venons de violer le code du comportement approprié. S'attendent-ils à ce que nous marchions sur la pointe des pieds et à ce que nous parlions en chuchant pour ménager les sentiments de Potter?"

" Sac de toile et cendres seraient une touche agréable, " interrompit Lucius.

"Charmante idée, "acquiesça Heather, " Je suis tout à fait pour les robes déchirées, cependant."

" Ce qui fournirait à quelques-uns d'entre nous un prétexte parfait pour un affichage encore plus éhonté de sous-vêtements seulement pour adultes, " dit sarcastiquement Sibylle avec un coup d'oeil pointu vers Tabitha, dont les robes, comme toujours, étaient à demi déboutonnées.

" Tu peux seulement montrer ce que tu as, Trelawney, "répondit-elle avec fureur. "Certaines d'entre nous ont de la poitrine, les autres doivent en dissimuler leur manque avec des tonnes de colliers. Chacun son truc."

" Tandis que le manque de cerveau peut seulement être dissimulé par une abondance de décolleté, " fut la réplique de Sibylle.

Les deux filles avaient à l'évidence décidé de s'attaquer verbalement au lieu de physiquement, pensa Severus, ce qui était mieux pour leur score en points de maison et beaucoup plus amusant. Les chamailleries continuèrent pendant quelque temps de plus, et il se tourna vers Owen, qui était assis à sa droite. " Je ne t'ai pas vu aux funérailles, " remarqua-t-il, " et tes parents non-plus."

" Mmh." Owen avala le morceau de tourte du poulet qu'il était en train de mâchonner. "Nous ne pouvions pas y aller. Mon père n'était… euh, pas bien." Ces mots furent accompagnés par une secousse minuscule de sa tête et donc Severus ne posa pas plus de questions.

Au lieu de cela, il se tourna vers sa gauche pour jeter un coup d'oeil à Clarissa. Elle était restée complètement silencieuse depuis l'arrivée des élèves et n'avait pas l'air d'aller trop bien. Maintenant qu'il la voyait de près, Severus s'aperçut qu'elle avait des ombres sombres sous les yeux et qu'elle était assez pâle.

" Es-tu malade?" lui demanda-t-il, dans à peine plus qu'un chuchotement. Elle secoua simplement la tête négativement et continua pousser la nourriture sur son assiette autrement intacte. " Tu n'as pas faim? Ou t'es-tu gavée de friandises dans le train?" Cette fois elle ne se donna pas même la peine de secouer la tête mais ses yeux avaient un scintillement suspicieusement brillant. "Ok, si tu ne veux pas parler je n'essayerai pas de te faire parler, " dit-il, surpris de voir combien il était offusqué.

La main droite de Clarissa rampa vers son avant-bras gauche qui était posé sur la nappe et le toucha brièvement puis se retira immédiatement comme si elle avait été brûlée. Mais ce fut la seule réaction qu'il obtint d'elle jusqu'à ce que le dîner soit fini et ils se levèrent tous pour quitter la Grande Salle, Severus étant parmi les premiers Serpentards à atteindre l'escalier qui menait aux cachots. Il était déjà à mi-chemin d'en bas quand il entendit un hurlement terrible et se retrouna vivement pour voir qui l'avait poussé. Tabitha était debout là, portant une expression incroyablement suffisante et étincelante en regardant Sibylle qui était étendue sur les trois dernières marches avant le premier palier, sa tête inclinée avec un angle plutôt anormal. Quand elle ne ne bougea pas, la compréhension commença à se faire sur le visage de Tabitha, qui devint quelques teintes plus pâle qu'il ne l'était habituellement. Ses yeux s'élargissant de plus en plus, elle leva les mains pour couvrir lentement sa bouche, comme si elle devait surmonter une forte résistance. Le reste des Serpentards se rassemblait déjà autour du corps immobile, sans dire un mot, regardant seulement dans un silence terrifié.

Finalement, après ce qui sembla être une éternité mais n'avait pas pu durer plus que quelques secondes, la voix tranchante de Lestrange leur ordonna de le laisser passer. Il se dépêcha de descendre les marches et s'arrêta pour se pencher sur Sibylle. Son arrivée semblait avoir rompu le sortilège de terreur qui avait immobilisé ses élèves et tout le monde s'élança soudain en avant pour aider.

" Non !" le ton de sa voix ressemblait au claquement d'un fouet. " Ne la touchez pas !"

Une fois de plus, un silence s'ensuivit, seulement rompu par les sanglots hystériques de Tabitha. Lestrange tira sa baguette, la pointa sur Sibylle et prononça "Petrificus Totalus!". Avec un autre sortilège, il fit léviter le corps de la fille qui était maintenant gelé dans l'immobilité, et Severus put voir ce qui s'était produit: Les nombreux colliers que Sibylle portait s'étaient attrapés dans la rampe d'escalier pendant sa chute. Si les choses étaient vraiment allées de travers, elle pouvait s'être cassé le cou. Etant donné l'air de Tabitha quand elle l'avait vu tomber, il était assez sûr de savoir qui avait fait en sorte qu'elle trébuche. Bien qu'il soit également sûr qu'elle ait seulement eu l'intention de donner à son ennemie principale une bonne peur et deux genoux écorchés, peut-être un bras cassé mais certainement rien de plus. Si Sibylle était morte néanmoins, c'était une affaire très sérieuse.

Lestrange, qui n'avait heureusement pas été présent quand l'accident s'était produit, semblait suivre les mêmes lignes de pensée, car il dit, " Vous allez tous rester ici exactement à l'endroit que vous occupez maintenant. Si l' un de vous ne fait que bouger d'un centimètre-" il regarda à deux fois les élèves assemblés " -ou, juste par précaution--- Petrificus Totalus ! "

Severus n'avait jamais eu de sortilège de ligotage complet lancé sur lui, et il trouvait que c'était une sensation très étrange. Etre complètement conscient et aussi conscient des alentours, mais incapable de fermer les yeux ou de regarder à gauche ou à droite… c'était effrayant. Il se demanda ce qui allait arriver si son nez était irrité par quelque chose--- une odeur un petit insecte---pourrait-il éternuer, ou mourrait-il de l'envie de le faire ? Le groupe resta pétrifié sur les marches pendant peut-être quinze minutes, sous le rire et les commentaires sarcastiques des élèves des autres maisons, qui passant dans le Hall d'entrée, voyaient le tableau vivant et auraient certainement pris avantage de l'occasion si Dumbledore et McGonagall ne les avaient pas menacés de déductions apocalyptiques de points.

Quand Lestrange revint, la tension était visible sur son visage. Il ôta le sortilège et examina les étudiants se tenant le plus près de l'endroit où avait eu lieu l'accident. " Mademoiselle Trelawney est vivante, " dit-il, et un soupir de soulagement passa dans le groupe. " Mais ceci était un accident très sérieux et je dois être sûr que c'était simplement ce que cela semblait être. Mademoiselle Bentley, mademoiselle Al Faruk, M. Rogue, M. Wellington, mademoiselle Greenbaum, M. Malfoy, vous me suivrez au bureau du Directeur. Les autres---à vos dortoirs. M. Croupton, vous êtes personnellement responsable que tout le monde aille se coucher immédiatement. Mademoiselle Haskill, vous remplacerez temporairement les fonctions de mademoiselle Bentley en tant que préfet. Et maintenant, allez !"

Personne n'avait envie de s'attarder sur les marches plus longtemps et bientôt seuls les six élèves que Lestrange avait nommés restèrent debout là, enracinés sur place.

" As-tu vu cela, Remus? Maintenant ces maudits serpents s'exterminent déjà entre eux. D'autant mieux pour nous, comme cela nous n'aurons pas à le faire pour eux . " retentit bien trop clairement la voix de Sirius Black dans le Hall d'entrée pratiquement vide.

Avec une expression de furie comme Severus n'en avait jamais vu sur son visage, Lestrange regarda vers le haut des escaliers. " M. Black venez ici à cet instant!"

Black n'avait pas l'air aussi suffisant que sa voix en avait eu l'air auparavant, quand il descendit lentement les marches vers le Directeur de Serpentard enragé. Severus pouvait voir le visage anxieux de Lupin regarder par-dessus la rambarde au sommet des marches.

"M. Black, " dit Lestrange, sa voix vibrant de colère, "Il y a ici sept témoins qui ont entendu l'accusation ignominieuse que vous venez de prononcer. Vous viendrez au bureau du Directeur aussi."

Black ouvrit la bouche pour protester mais après un coup d'oeil au masque de courroux qu'était le visage de Lestrange, il se ravisa et lui lança seulement un regard mutin.

Pendant que le cortège se déplaçait vers le bureau de Dumbledore, Severus essaya d'ordonner ses pensées qui faisaient la course dans son esprit avec un chaos fiévreux. Vrai, il n'avait pas vu Tabitha pousser ou ensorceler Sibylle. Mais il était aussi clair que la lumière du jour qu'elle avait causé l'accident. Alors qu'allait-il dire? Si Tabitha était reconnue coupable, elle serait expulsée et pire, la maison de Serpentard serait déshonorée au-delà de toute réparation. Lestrange serait profondément malheureux mais incapable de faire autre chose que de l'expulser. Severus était assez sûr que leur Directeur de Maison survivrait à cette tragédie personnelle ---mais et s'il décidait qu'il ne voulait plus être professeur à Poudlard si Tabitha n'était plus là? Même si techniquement il restait le tuteur de Severus, il ne serait pas là pour lui. Qui allait devenir Directeur de Serpentard? Non, ceci devait être évité coûte que coûte. Il espérait seulement que les autres n'avaient pas vu assez de la scène pour être sûrs que Tabitha soit la coupable. Il ne fallait pas s'inquiéter au sujet de Lucius. Mais les autres? Ils étaient ignorants des implications possibles. Pour eux, Tabitha était juste une élève comme une autre, à renvoyer si elle avait fait quelque chose d'aussi épouvantable que de presque causer la mort d'une camarade de classe ---pire, d'une camarade de maison.

Pendant qu'ils montaient au bureau de Dumbledore sur l'escalier tournant, Severus saisit l'oeil de Lucius. Il n' avait pas l'air trop bien, il avait manifestement complètement conscience de ce qui s'était produit et de ce qui pouvait se produire si la vérité devait être découverte. Mais il fit un petit signe de tête à Severus. Alors il était disposé à mentir aussi. Ils l'avaient fait une fois, ils pouvaient le refaire. Ce qui était important maintenant était d'être suffisamment convaincant pour ébranler la certitude des autres. Bien que la réaction de Tabitha ait été une belle dénonciation. Elle s'était maîtrisée admirablement maintenant et réussissait même à sourire. Si elle n'avait pas utilisé sa baguette, ce qui aurait été relativement facile à voir pour les autres, mais simplement poussé Sibylle, ou fait son tour avec sa baguette cachée dans sa manche comme Lucius en cours de potions, elle pourrait s'en sortir en prétendant que cela avait seulement été le choc qui l'avait rendue hystérique.

Dumbledore avait l'air très grave. McGonagall était près de la cheminée, sévère et droite, les bras croisés, l'air sur son visage étant un signe clair que l'heure suivante, ou aussi longtemps que l'interrogatoire prendrait ne serait pas une expérience que l'un d'eux pourrait vouloir répéter. Quand elle vit Black entrer dans la pièce après les six Serpentards, ses yeux se rétrécirent derrière les lunettes carrées.

Le Severus et les autres se tenaient debout là en un groupe blotti après avoir murmuré "Bonsoir" en ne regardant personne en particulier. Black, sombre et maussade s'appuyait contre le montant de la porte. Dumbledore reconnut leur salut collectif avec un bref signe de tête et alors conjura sept sièges pour les élèves---Lestrange et McGonagall préféraient à l'évidence rester debout comme il était approprié pour un interrogatoire.

" Je suppose que vous avez déjà appris que mademoiselle Trelawney est en vie?" c'était plus une déclaration qu'une question, tout le monde hocha la tête et Dumbledore continua. " Etant donné que cet accident a presque mené à des conséquences fatales, ceux d'entre vous qui étaient proches de mademoiselle Trelawney quand elle est tombée ont été convoqués ici pour donner le témoignage de ce qui s'est exactement produit. L' un de vous a-t-il vu mademoiselle Trelawney être poussée? Ou-" et il laissa son regard bleu pénétrant passer sur les élèves assemblés, un par un - " l'avez poussée vous-même?"

Personne ne dit oui ni non, il restèrent simplement assis en silence. Dumbledore se pencha en avant dans son siège, les coudes sur la table, les doigts croisés, le menton posé dessus, et il laissa le silence tomber sur eux. Ce dernier était mis en valeur par le vrombissement constant des objets qu'il gardait dans son bureau.

" Alors, " dit-il, se repenchant en arrière après une période de temps apparemment interminable, "peut-être devrais-je reformuler la question. Quelqu'un a-t-il vu mademoiselle Trelawney trébucher?"

Rose Bentley semblait avoir ramassé les marceaux de sa dignité de préfète, grandement blessée d'avoir été pétrifiée avec les autres, et répondit " Non, Directeur, tout s'est passé très vite. Je ne faisais pas vraiment attention, non plus---mon lacet était défait et j'ai presque trébuché moi-même."

" Vous êtes sans doute consciente, mademoiselle Bentley, " fit la voix tranchante de McGonagall "qu'en tant que préfète vous devez faire l'attention à ce qui se passe, quel que soit l'état de vos lacets."

Le regard que Lestrange lui lança n'était pas très amical. Il était extrêmement injuste de blâmer un préfet, Serpentard ou non, pour un instant de distraction. Il ne dit rien néanmoins, mais Severus était sûr qu'il bondirait sur McGonagall dès que les élèves seraient hors de la pièce.

"Ahem" Dumbledore se racla la gorge, " et bien, quelle qu'en soit la raison, mademoiselle Bentley, vous n'avez pas clairement vu ce qui se passait. Mademoiselle Greenbaum, vous, je crois, étiez directement derrière mademoiselle Trelawney."

Greenbaum était une seconde année, et clairement elle avait une frousse bleue. L'avertissement sévère de McGonagall au préfet n'avait rien fait pour la faire se sentir mieux. Elle dut recommencer à parler plusieurs fois parce que sa voix lui manquait complètement et quand elle réussit finalement à sortir une phrase intelligible, sa voix était grinçante de nervosité.

" Je… je n'étais pas exactement derrière elle, Directeur, " pépia-t-elle, " Je crois ---du moins je pense… je pense que c'était m-mademoiselle Al Faruk, monsieur, m-mais je ne suis pas tout à fait sûre. Et… et je ne pouvais rien voir, parce qu'il y avait quelqu'un devant moi, peut-être … peut-être M. Malfoy…" cette fille, qui était normalement une des élèves les plus vives, et portée vers les espiègleries la plupart du temps, était complètement soumise.

En voyant sa détresse, Dumbledore lui fit un de ses sourires bienveillants de grand-père. " Nul besoin d'être si bouleversée, mademoiselle Greenbaum. Mademoiselle Al Faruk alors. Avez-vous vu ce qui s'est passé?"

Severus dût convenir qu'il l'admirait. Tabitha semblait complètement calme et sa voix ne frémissait même pas quand elle répondit " Je l'ai vue trébucher, Directeur, et tomber, parce que j'étais en effet assez proche d'elle. Cependant, j'ai seulement vu le mouvement du coin de l'oeil, car je parlais à Lucius, euh, M. Malfoy. Et je dois admettre que j'aurais presque ri tout haut---tout le monde sait que je ne suis pas en meilleurs termes avec Sibylle Trelawney, et au premier abord cela avait l'air plutôt comique. Quand elle n'a pas bougé, en revanche…"

Elle eut même le bon sens de ne pas affecter une autre explosion de larmes, mais laissa simplement sa voix s'estomper et mordit sa lèvre inférieure. Quelle actrice et quel sang-froid, pensa Severus. Et elle avait décalé toute la charge des soupçons sur Lucius, sans même battre d'une paupière. Si elle décidait vraiment de rejoindre les rangs de Voldemort, le Seigneur des Ténèbres pourrait être plus que satisfait.

" Alors peut-être M. Malfoy pourra-t-il nous éclairer, " dit Dumbledore, avec le plus faible soupçon d'impatience dans sa voix.

" J'ai peur de ne pas pouvoir en dire beaucoup plus que mademoiselle Al Faruk l'a déjà fait, monsieur. Nous descendions les escaliers, elle m'a demandé quelque chose au sujet des devoirs de métamorphose que nous avons fait pendant les vacances, et j'ai vu Sibylle tomber. Mais comme je parlais à Tabitha, je ne regardais certainement pas les pieds de Sibylle. Pour être très exact sa chute a attiré mon attention seulement au moment où elle a hurlé."

" Puis-je avoir vos baguettes un instant, M. Malfoy, mademoiselle Al Faruk?" Dumbledore tendit la main en premier vers Lucius, puis vers Tabitha.

A en juger de son calme imperturbable, elle n'avait pas utilisé de magie pour causer la chute de Sibylle, et Lucius donna sa baguette avec sa nonchalance habituelle. Mais alors il n'avait rien à craindre. Dumbledore tira sa propre baguette, la pointa vers celle de Lucius et murmura " Priori Incantatem !" Une lumière jaune sortit de la baguette, formant une balle palpitant légèrement qui s'éleva alors lentement vers le plafond.

" Un sortilège de lévitation " dit Dumbledore ", eh bien, puisque mademoiselle Trelawney n'a certainement pas été lévitée avant sa chute… mais dites-moi quand même, M. Malfoy : à quoi l'avez vous utilisé ?"

" Pour faire léviter mon coffre, bien sûr, quand je suis monté à bord du train."

Dumbledore hocha la tête et était sur le point de rendre sa baguette à Lucius quand la voix de McGonagall l'interrompit un plein mouvement . " Si j'étais vous, Directeur, je contrôlerais aussi le sort précédent celui de lévitation. Juste par précaution."

C'était trop, même pour le sang-froid de Lestrange. " Minerva, " dit-il, " quand M. Malfoy aurait-il eu le temps de jeter un autre sort? C'est exactement pour les empêcher de modifier des preuves possibles que je les ai tous pétrifiés. C'est moi qui ai voulu en premier lieu faire examiner cet accident, mais dans certaines limites."

" Vous savez aussi bien que moi qu'il aurait pu le faire en venant ici, " répondit froidement McGonagall, " Il était l'un des derniers sinon le dernier à entrer dans ce bureau. Il aurait pu-"

" Mais il ne l'a pas fait."

Tout le monde se retourna pour regarder Sirius Black.

" Je marchais derrière lui et il n'a pas utilisé sa baguette. Je l'aurais vu."

Black était, comme l'étaient tous les membres de son petit gang, un favori à la fois de Dumbledore et de McGonagall. Cette dernière semblait l'avoir décalé du sommet au bas de sa liste des élèves les plus chéris néanmoins, car le regard qu'elle lui lança était meurtrier.

" Merci beaucoup M. Black pour votre témoignage, " dit-elle d'un ton pincé. " dans ce cas-là, néanmoins, je ne vois aucune raison que ce soit de ne pas jeter un autre sortilège révélateur."

Si la situation avait été moins sérieuse, Severus aurait beaucoup plus apprécié l'intervention de Black. Ce type devait vraiment être entiché de Lucius pour le défendre en présence de son propre directeur de Maison. Abruti et Gryffondor. Y avait-il une pire combinaison? Cependant, Dumbledore avait obtenu un autre éclair de lumière jaune de la baguette de Lucius, qui, semblablement à la précédente, forma une balle et se rétrécit rapidement jusqu'à ce qu'elle soit environ de la taille d'un petit pois.

"Un sortilège de réduction que j'ai utilisé pour faire mes valises, " dit Lucius avec un sourire candide vers McGonagall.

"M. Malfoy êtes-vous en train d'insinuer que vous avez fait de la magie en dehors de l'école?" lui demanda-t-elle avec un ton de voix dangereusement bas.

" Je n'insinue rien, professeur et manifestement le Ministère n'y a trouvé aucun intérêt car je n'ai pas reçu d'avertissement."

Les yeux de McGonagall flamboyaient, mais avant qu'elle ne puisse répondre, Dumbledore s'interposa "Eh bien, je crois que ceci éclaire suffisamment le problème. Voici votre baguette, M. Malfoy."

Lucius la prit et l'empocha, non sans un sourire impertinent en direction de la Directrice fumante de Gryffondor. Maintenant c'était le tour de la baguette de Tabitha d'être examinée et le premier sortilège qui sortit se prouva être assez inoffensif: la lumière émise par sa pointe ressemblait à un serpent ou ruban se tortillant doucement. Les courbes devinrent de moins en moins prononcées jusqu'à ce qu'il flotte là, immobile et complètement droit. McGonagall se mordait la lèvre inférieure et tapait le plancher avec son pied de frustration impatiente.

" Je me suis coiffée avant que nous ne quittions le train, " expliqua Tabitha et Dumbledore acquiesça, jetant un bref coup d'oeil à la nappe de cheveux lisses et noirs.

"Oui, mademoiselle Al Faruk, j'avais deviné cela. Mais pour être entièrement sûr je poursuivrai comme je l'ai fait avec la baguette de M. Malfoy. Priori Incantatem !"

Severus apprécia assez la démonstration, qui lui rappela un peu les feux d'artifices Moldus qu'il avait vus une fois lors de l'anniversaire de la reine à Londres. Ce sortilège était particulièrement agréable car l'éclair jaune se dissout en une multitude de mèches ressemblant à des serpents, qui se démêlèrent alors et qui serpentèrent en l'air en un parfait parallélisme comme un bâton sans noeud reflété dans un miroir déformant.

"Eh bien, Minerva, " dit le directeur en rendant la baguette à Tabitha, " je suppose que vous voyez aussi peu de pièce à conviction incriminante que moi ici." McGonagall acquiesça seulement brièvement."M. Rogue, pourriez-vous nous dire ce que vous avez vu?"

Il pouvait simplement coller à la vérité maintenant ---Peter Wellington, le seul élève n'ayant pas encore été interrogé était seulement impliqué dans toute cette affaire parce qu'il avait continué à descendre les marches après que Sibylle avait déjà fait sa chute. Wellington était un septième année incroyablement arrogant, qui aurait renvoyé une fille comme étant simplement hystérique même si elle se faisait démembrer pile devant lui, et ainsi n'avait pas fait du tout attention au hurlement de Sibylle. Il ne pouvait rien avoir vu.

" Je n'ai pas vu grand chose, Directeur. Quand j'ai entendu le cri de Sibylle, je me suis retourné et ai remonté quelques marches. Je me suis seulement aperçu que sa tête était tournée avec un angle assez étrange. Quand Professeur Lestrange l'a fait léviter, il est devenu évident que ses colliers s'étaient emmêlés dans la balustrade."

Wellington n'avait rien à ajouter, tout comme Severus s'y était attendu.

" Dans ce cas-là " dit Dumbledore, " je crois que nous pouvons déclarer l'affaire close. Ou plutôt, déclarez qu'il n'y a pas d'affaire du tout. Ce que j'aimerais savoir néanmoins, est pourquoi M. Black nous honore de sa présence."

" M. Black est ici parce qu'il a exprimé sa satisfaction à M. Lupin et d'une manière sans aucune équivoque, je peux ajouter, au sujet du fait que les élèves de ma maison s'entretuaient et lui épagnaient ainsi l'ennui de le faire lui-même."

McGonagall inspira vivement, mais Dumbledore leva la main. " S'il vous plaît Minerva. Je crois que M. Black peut répondre lui-même. Avez-vous dit cela à M. Lupin?"

"Oui mais je ne voulais pas dire-"

" Un simple oui ou non sera suffisant, M. Black, " l'interrompit Lestrange.

"Oui, "cracha Black, lui jetant un regard plein de haine.

" M. Black, ceci n'est pas l'esprit de Poudlard. La rivalité entre maison est la bienvenue aussi longtemps qu'elle sert à éperonner les élèves dans leur volonté de gagner la Coupe des Maisons. S'il y a de la compétition, cela améliore la volonté de gagner. Mais la compétition ne veut pas dire l'inimitié ou la haine. J'ai complètement conscience que les Gryffondors et les Serpentards sont opposés presque comme le jour et la nuit ou le noir et le blanc. Ce que vous, vous tous, devriez garder en mémoire néanmoins, est que l'un ne peut pas exister sans l'autre. Vous êtes deux côtés de la même pièce--- si elle perd un de ses côtés, cela n'est plus une pièce de monnaie , mais un morceau de métal sans valeur." Il fit une courte pause. " C'est à votre Directrice de Maison de déterminer votre punition pour ce commentaire téméraire et ignominieux contre vos camarades. Vous pouvez tous aller, retournez à vos dortoirs."

Et c'est ce qu'ils firent, marchant dans les couloirs en cortège silencieux, Severus à l'arrière. Rose Bentley maintenant de nouveau en complet mode-préfet, était occupée à calmer la petite Lisa Greenbaum, qui avait été plutôt secouée par le sérieux à la fois de l'accident et de l'interrogatoire. Wellington, estimant à l'évidence qu'il était sous sa dignité que d'être vu à marcher avec un paquet de cinquième années et une seconde année en pleurs, passa rapidement devant eux, afin de se séparer d'une compagnie si gênante. Lucius et Tabitha ralentirent un peu, si bien qu'ils couvrirent la distance restante en marchant seulement quelques mètres devant Severus. Il les rattrapa à l'entrée des quartiers de Serpentard, et Lucius lui chuchota " Minuit et demie, endroit habituel." Signifiant son accord d'un hochement de tête, Severus les suivit dans la pièce commune complètement vide. L'ordre péremptoire de Lestrange que tout le monde aille immédiatement à son dortoir avait à l'évidence été suivi-pas étonnant, pensa Severus, leur Directeur de maison n'avait pas été d'humeur indulgente ce soir et il aurait impitoyablement enlevé des points de sa propre maison, si le Baron Sanglant avait rapporté l'infraction la plus légère.

~~~~*~~~~

" Alors comment l'as-tu fait?" demanda Severus à Tabitha quand tous trois furent assemblés dans leur cachette habituelle.

Ils avaient allumé les torches et bourré les robes de Lucius dans la fente entre la porte et le plancher. La lumière des baguettes n'était pas suffisante ce soir, car elle ne leur permettait pas de déceler leur fantôme de maison au cas où il déciderait de les rejoindre. Cela ne s'était jamais produit jusqu'ici mais concocter des plans pour mener Black en bâteau était beaucoup moins dangereux que de parler de comment exactement Tabitha avait réussi à jeter Sibylle en bas des escaliers et rester impunie. Aucun d'eux ne voulait imaginer les conséquences d'être surpris par le Baron Sanglant et d'être dénoncés ensuite à Lestrange.

" En utilisant ma baguette bien sûr, idiots, " répondit-elle avec un sourire sournois.

" Ta baguette ?" s'exclama Lucius et les deux autres le firent immédiatement taire. "Mais comment ?" continua-t-il dans un chuchotement, " Tu n'aurais pas pu…attends! Tu as défait ses lacets et puis tu les as étendus-"

"---pour pouvoir marcher dessus!" termina Severus pour lui.

" Exactement. Seulement je n'avais pas prévu de l'étrangler avec ces horribles colliers. Je voulais juste l'effrayer, et personne n'aurait remarqué quoi que ce soit."

"Oui, mais quelle épreuve de funambulisme, " dit Severus. " Et quel nerf ! Ils auraient pu ajouter deux et deux-"

" Ne me dis pas cela à moi !" siffla Tabitha en roulant les yeux. " Tu sais ce qui était le pire ? Quand Dumbledore avait jeté les deux sortilèges inverses et j'étais morte de peur que McGonagall puisse insister pour qu'il en fasse un autre. Car je m'étais bien arrangé et démêlé les cheveux dans le train. Imagine seulement si un autre sort de redressement était sorti ! Alors ils auraient ajouté deux et deux, et je serais déjà en train de faire mes valises."

" Quel dommage que tu ne puisses pas le dire à Lestrange!" commenta Lucius, " Il serait vraiment fier de toi."

" Pourquoi serait-il fier de moi ?" demanda Tabitha, l'examinant avec des yeux rétrécis. " Dis moi, Malfoy ! Qu'est-ce qui t'a fait dire ça ?"

C'était une des quelques peu nombreuses fois où Severus avait jamais vu Lucius manquer de mots. Quel idiot, pensa-t-il et il n'y avait aucun moyen de l'aider à sortir des ennuis qu'il s'était attiré en parlant.

"Je..eh bien, qui ne serait pas fier d'avoir une amie petite avec autant de…euh, sang-froid et de résistance ? Si j'étais à sa place, je-"

Il s'arrêta parce que la pointe de la baguette de Tabitha était pointée sur sa poitrine. " Ne me donne pas cette merde, Malfoy!" dit-elle en lui souriant comme le chat sourit au canari. " Si tu as une autre réponse, tu devrais la donner tout de suite, autrement, je pourrais piocher profondément dans mon répertoire de malédictions désagréables. Et tu sais ce que désagréable veut dire, n'est-ce pas ?"

Lucius jeta un regard désespéré à Severus, mais Severus haussa seulement les épaules. Il n'avait aucune intention d'interférer avec ce problème particulier, comme il était très délicat de décider lesquel des deux adversaires allait l'emporter. Et il préférait avaler sa propre baguette que de se mettre du mauvais côté.

" Pour l'amour de Merlin, ne sois pas si stupide Tabitha !" siffla Lucius, " je ne peux pas te dire ce que j'avais à l'esprit. Je ne peux pas et je ne le ferai pas. C'est trop dangereux. C'est tout et je ne dirai rien de plus."

Tabitha abaissa sa baguette et regarda de l'un à l'autre, pensa visiblement très intensément. " Sais-tu de quoi il parlait, Rogue?" demanda-t-elle finalement.

" Oui, mais je ne peux pas te le dire non plus. Il a raison, c'est trop dangereux. Que vas-tu faire maintenant ?" gronda-t-il, " Nous tuer et incinérer nos restes ?"

Elle secoua lentement la tête. "Non, mais… oh je ne sais pas !" dit-elle furieusement "je suppose que je vais simplement vous mettre sous oubliettes-"

"Attends une minute !" l'interrompit Severus, " je suppose que nous pouvons résoudre cela par simple logique. Tu crois que nous avons tous les deux un soupçon épouvantable au sujet de Lestrange, j'ai raison ?"

"Oui, et-"

" J'ai dit attends. Possibilité numéro un : Notre soupçon est entièrement injustifié. Alors pourquoi ne nous assommes-tu pas pour nous amener à lui ? Il nous traînera devant Dumbledore ou nous fera une réprimande terrible et nous donnera un mois de retenue. Mais tu ne l'as pas fait. Ce qui veut dire que notre soupçon est bien fondé et que tu le sais. J'ai raison ?"

Tabitha mordit nerveusement sa lèvre inférieure. " J'apprécie l'analyse, Rogue. Mais tu marches en terrain dangereux ici…"

Il eut un reniflement moqueur. " Nous sommes tous en terrain dangereux. Pas besoin de protéger ton amant néanmoins. Nous savons qu'il est un Mangemort."

Maintenant il avait le plaisir de voir Tabitha aussi muette que Lucius l'avait été il y a peu. Il avait regagné sa puissance de parole néanmoins, car maintenant il dit " Nous sommes une bonne paire d'idiots, Severus-"

" Parle pour toi, Malfoy !"

"Non, je parle pour nous deux. Elle a dû voir sa Marque Sombre, ou penses-tu qu'il la baise avec des gants jusqu'aux épaules?"

" Euh, non. Certainement pas. Bien que je n'y ai jamais pensé particulièrement-"

" Excusez-moi ?" dit Tabitha, dont le visage avait viré au rouge sombre, Severus ne pouvait pas dire si c'était d'embarras ou de furie, mais il avait plutôt tendance à supposer que ce soit de furie. " Il est déjà assez grossier de discuter de ma vie sexuelle en ma présence mais vous soucieriez-vous de m'expliquer pourquoi vous ne m'avez jamais dit que vous saviez ?"

" Parce que nous ne savions pas que tu savais, mademoiselle Lente-A-Comprendre !" répliqua Lucius . " Alors veux-tu gentiment ranger ta baguette ? Tu trembles un peu trop pour la pointer encore dans ma direction."

Tabitha leur jeta un regard noir à tous les deux, puis rangea sa baguette. " Alors ceci semble avoir été changé en une sorte de réunion de famille, " observa-t-elle sarcastiquement. " Etes-vous les seuls au courant du secret ou est-ce déjà dans toute la maison Serpentard ?"

" Je suis si content de voir que tu nous tiens en si haute estime " répondit Lucius " C'est probablement le secret le mieux gardé de Poudlard entre Severus, moi-même, Owen, Heather et Clarissa. Ils étaient dans le coup pratiquement depuis le début. Et oui Lestrange sait, " dit-il d'un ton rogue avant que Tabitha ne puisse poser la question.

" A propos d'Owen, " interrompit Severus, "Savez-vous ce qui ne va pas avec son père ? Je lui ai demandé au dîner pourquoi il n'avait pas été aux funérailles de Potter, et il a simplement dit que son père n'était pas bien, mais il m'a fait comprendre qu'il ne pouvait pas en dire plus."

"Il a été frappé par une malédiction perdue qui avait ricoché sur un mur ou une fenêtre. Mon père me l'a dit " expliqua Lucius en voyant le regard curieux de Severus. " C'était assez mauvais mais ils ne pouvaient pas l'emmener à Sainte Mangouste pour des raisons évidentes. Alors la famille entière est restée à la maison, prétendant avoir attrapé une infection virale---ne me demande pas laquelle---sans que personne ne se doute de rien."

Severus savait qu'il était absurde et puéril de se sentir si désillusionné par les mots de Lucius. Les Mangemorts étaient des êtres humains et donc vulnérables comme tout le monde. Peut-être pas Voldemort lui-même mais ses partisans n'étaient certainement pas à l'abri des sortilèges. Et cela devait se produire tôt ou tard. Qui que ce soit qui prenait part aux attaques pouvait être blessé ou même tué. Sa partie rationnelle comprenait cela parfaitement, mais la déception le harcelait, quelque part en profondeur. Il n'avait plus envie de bavarder et resta simplement assis, silencieux et sombre, tandis que Lucius et Tabitha discutaient les étapes suivantes du projet Black.