Chapitre 6

Aragorn se retourna dans le lit, incapable de s'endormir. Il n'avait plus l'habitude d'être seul et la proximité du corps chaud de son amant lui manquait. Il soupira et ouvrit les yeux, puis les referma. Alors qu'il allait enfin tomber dans le sommeil, un signal d'alarme retentit dans sa tête et il se redressa d'un bond, le souffle coupé. Il enfila en hâte sa tunique, prit son épée et sortit de la chambre, à la recherche de l'Elfe. Il se dirigea d'instinct vers le jardin, un mauvais pressentiment lui tiraillant l'estomac. La vision d'effroi qui apparut devant ses yeux le figea. Un hurlement de désespoir venu du plus profond de ses entrailles déchira la nuit.

Célia s'éveilla en sursaut, glacée d'effroi par le cri d'Aragorn. Elle leva les yeux et son regard croisa celui, inquiet, de Gandalf. Ils se levèrent en hâte, enfilant leurs robes de chambres en soie elfique et se précipitèrent vers l'origine du cri. Gandalf fut le premier à comprendre ce qui se passait et se dirigea vers le corps inerte de Legolas tandis que Célia s'arrêtait auprès d'Aragorn qui n'avait toujours pas bougé.

- Aragorn, vous m'entendez ?

Elle lui mit la main sur le bras, mais il n'eut aucune réaction. Alors, elle le secoua doucement et il parut enfin s'apercevoir de sa présence.

- Dame Célia ?

Il eut un instant d'incompréhension, puis se rappela. Il se précipita vers l'Elfe et s'agenouilla auprès de lui, interrogeant Gandalf du regard.

- Il va mal. Il faut l'emmener à l'intérieur.

Alors qu'Aragorn allait ôter le poignard qui dépassait de la poitrine de son amant, le magicien l'en empêcha :

- Vous risquez de faire plus de mal que de bien. Il faut le transporter dans votre chambre, je vais m'occuper de lui.

L'Homme acquiesça silencieusement et aida son ami à porter l'Elfe à l'intérieur du château. En chemin, ils tombèrent sur les quatre Hobbits qui venaient aux nouvelles et qui furent effondrés de voir leur ami si mal en point.

Ils déposèrent Legolas sur le lit et Gandalf demanda à Aragorn de sortir.

- Non ! Je reste avec lui !

- Je vous en prie, Célia et moi avons besoin de calme pour pouvoir essayer de le sauver. Aragorn…

L'Homme soupira et sortit. Une fois hors de la chambre, il s'adossa au mur, gardant les yeux rivés sur le sol, refusant de croiser les regards compatissants de ses amis. Au bout de quelques minutes, Gimli arriva. Il avait l'air à la fois furieux et désespéré.

- Comment va t'il ?

- Gandalf et Dame Célia s'occupent de lui, répondit Frodon.

Le Nain soupira et dit, d'une voix cassée par l'émotion :

- Eline a disparu…

Aragorn leva enfin les yeux et un éclair de compréhension passa dans son regard.

- Legolas a du surprendre le ravisseur !

- Mais qui aurait pu vouloir enlever ma petite princesse ? S'apitoya Gimli.

L'Homme s'avança vers son ami et l'invita à retourner auprès de son épouse.

- Je vais retrouver celui qui a fait ça et je vous ramènerai votre fille.

- Merci, mon ami. Si vous avez besoin de moi, je serais dans mes appartements.

Gandalf s'assit au bord du lit et se pencha sur l'Elfe, inquiet. Célia se tenait en retrait, attendant les instructions de son compagnon.

- J'aurais besoin de la bourse en cuir qui se trouve dans mon sac. Et, quand tu reviendras, fait rentrer Aragorn, s'il te plait.

- J'y vais.

Elle sortit, laissant le magicien seul avec le blessé. Gandalf posa doucement la main sur le poignard et, prononçant une formule qui empêcherait la blessure de saigner, retira lentement l'arme de la plaie. Il contempla un instant le poignard avant de le poser sur la table de nuit. Puis, il passa ses mains au-dessus de la poitrine de l'Elfe, essayant d'évaluer les dégâts. Il entendit la porte s'ouvrir, mais ne se retourna pas. Aragorn s'approcha du lit, le cœur serré à la vue de l'Elfe inconscient.

- Reconnaissez-vous ces gravures ? Lui demanda le magicien en lui tendant le poignard.

L'Homme examina l'arme et répondit d'une voix tremblante :

- Ce sont des gravures elfiques… Mais c'est impossible ! Jamais un Elfe n'aurait pu faire une chose pareille !

- En êtes-vous sûr ? Ne connaissez-vous aucun Elfe qui pourrait avoir des griefs contre Legolas… ou contre vous ?

L'esprit d'Aragorn se figea instantanément sur un nom, mais il n'osait pas le prononcer, de peur que son idée ne se révèle exacte.

- C'est impossible, reprit-il en secouant la tête. Et puis, pourquoi un Elfe aurait enlevé Eline ?

Gandalf, qui n'était pas au courant de la disparition du bébé, lui lança un regard étonné.

- Eline a disparu ?

- Oui. Je suppose que Legolas a vu le ravisseur… Comment va t'il ?

- Mal. Je ne peux rien faire de plus pour lui. Aragorn, où est la pierre magique ?

- Je l'ai offerte à Eowyn et Faramir. Je pensais qu'ils en auraient plus besoin que moi…

L'ancien Roi du Gondor n'arrivait pas à croire que celui qu'il aimait allait mourir parce qu'il s'était séparé de cette pierre.

- Je vais aller la chercher ! Proposa Célia.

- Il y a cinq jours de route jusqu'au Gondor ! S'exclama Aragorn.

- Qui vous dit que je vais y aller par la route ?

Son regard croisa celui de Gandalf qui hocha la tête en signe d'assentiment. La jeune femme quitta alors la pièce pour aller préparer son sac.

- Mon ami, je vais tenter de ralentir l'affaiblissement de Legolas, mais pour cela, il faut que j'aille chercher des plantes dans la forêt.

- J'y vais !

- Non, je préfère que vous restiez ici.

- Et pour Eline ? J'ai promis à Gimli que j'allais la retrouver !

Une voix hésitante proposa :

- On peut y aller, nous ?

Les deux hommes se retournèrent et virent les quatre Hobbits qui les regardaient. C'était Frodon qui avait proposé de partir à la recherche du ravisseur.

- D'accord, répondit Gandalf. Mais, soyez prudents !

- Nous le serons. Venez, les amis !

- Attendez !

Aragorn s'avança vers eux et tendit le poignard à Frodon.

- Cela vous aidera peut-être à trouver une piste.

- Merci. Prenez soin de lui.

Et, ils sortirent à leur tour.

Après avoir mis un bandage sur la blessure de l'Elfe, Gandalf sortit, laissant son patient sous la bonne garde d'Aragorn. L'Homme s'assit au bord du lit et prit la main de Legolas dans la sienne. Il sentit des larmes couler sur ses joues, mais ne fit pas un geste pour les essuyer.

- Je t'en prie, ne me laisse pas. Mélan tye, Legolas…

Il déposa un léger baiser sur le front de l'Elfe et frissonna en sentant la peau glacée sous ses lèvres.

- Je ne veux pas te perdre… Tu n'as pas le droit de me laisser seul. Pas toi ! Si tu me laisses, je ne survivrais pas… Reviens vers moi…

L'Elfe eut un frémissement et ouvrit doucement les yeux.

- Estel…

- Je suis là.

Legolas ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. L'Homme soupira :

- Chut, reposes-toi…

- Mélan tye, Aragorn…

- Moi aussi, je t'aime, mon bel Elfe.

Lorsque son compagnon referma les yeux et sombra à nouveau dans l'inconscience, l'Homme sentit une main glacée enserrer son cœur. Il s'allongea près de son amant, tentant de lui communiquer un peu de sa chaleur. Puis, épuisé, il sombra dans le sommeil.