CHAPITRE 1 La montagne
Hans Finquel habitait le nord-ouest de la Finlande au pied des montagnes, Haltia, à la limite de la Norvège. Hans n'avait jamais quitté cette région depuis sa naissance et allait bientôt fêter ses treize ans. C'était un garçon assez grand pour son âge, tout en finesse avec une épaisse chevelure blonde comme on en trouve tant dans les pays nordiques. Avec ça un caractère solitaire et trempé. Son pays lui ressemblait. C'était un pays sauvage de neige et de montagnes où la nature rappelait à l'homme que jamais il ne serait le maître sur cette terre. Hans habitait le petit village d'Enontekio, perdu au pied de la gigantesque montagne. Il n'était pas comme les autres habitants de son village, y compris les enfants. Il n'avait pas peur de s'aventurer dans les plaines rocheuses où la forêt se battait avec la roche dans une lutte éternelle, au pied de la montagne. Il osait même y grimper, un peu, quand il n'y avait personne pour le surprendre et que le temps était assez clair pour permettre de voir loin au travers des arbres et des plaines accidentées. Les autres jours, une brume humide et froide envahissait tout et le vagabond qui s'aventurait plus avant était comme transpercé par le froid. C'était comme si un spectre vous traversait. Il faut avouer aussi que les anciens du village ne faisaient rien pour réchauffer les ardeurs d'explorateurs des enfants. Depuis qu'il était bébé, Hans n'avait entendu parler de cette montagne qu'en mal. Elle était, si on les écoutait, maléfique, peuplée d'ogres gigantesques et avides de sang et d'esprits diaboliques. Hans, bien sûr, ne croyait pas un traître mot de toutes ces balivernes. Petit, il en avait éprouvé des craintes terribles, surtout les nuits où, l'orage, curieusement, semblait se marier avec la brume pour se fondre en une terrible tempête qui mêlait vent, coup de tonnerre, sans que de la plaine on ne puisse rien en voir. Les orages venaient toujours du haut de la montagne, y restaient, comme accrochés et se terminaient là où ils étaient nés comme si une force plus puissante que le vent les maintenait en place.
Ce sont les démons et les ogres qui font leur sabbat, disaient les vieux. Mais depuis qu'il avait neuf ans Hans, avait cessé de prendre au sérieux les ogres, le Père Noël et tout ce genre de choses, spécialement celles qui sortaient de la bouche des anciens de son village. Et Hans avait grand tort, car comme souvent, les anciens en savent beaucoup même si leurs paroles sont recouvertes du voile des années et d'une sagesse presque enfantine pour celui qui ne s'attarde pas à ce que cachent les mots.
Ce jour-là, Hans traînait sur le chemin qui longeait la montagne. Il cherchait une occupation pour cette fin de vacances. Aucun garçon, aucune fille, pour oser s'aventurer près de la montagne avec lui.C'était pitié que de voir ça. Pour comble de malheur, il ne se passait jamais rien dans son village et personne n'y passait non plus. C'est pourquoi Hans sursauta presque quand il aperçut à une centaine de mètres de lui un homme qui s'avançait sur le chemin. Quelqu'un, ici.Et pas quelqu'un du village, Hans en était sûr. Personne ne se serait habillé de cette curieuse façon par chez lui. Hans eut le temps de détailler l'étranger tandis que celui-ci s'avançait à sa rencontre. Il était grand et avait un grand manteau brun qui se terminait par un capuchon qui recouvrait sa tête, si bien qu'on ne pouvait distinguer ses traits nettement. A part cela, il était difficile de dire grand chose sur lui. De plus près, Hans vit que l'étranger portait des bottes et des gants, mais comme il baissait la tête, son visage restait dans l'ombre de son capuchon pointu.
Bonjour, dit Hans en arborant un sourire éclatant. L'étranger s'arrêta à quelques mètres de lui et sans relever ni la tête ni son capuchon . Bonjour mon garçon. Hans fut surpris par la voix. Elle semblait jeune et riante et contrastait étrangement avec l'accoutrement du personnage.
Peut-être pourrais-tu m'aider mon garçon ? Oui c'est possible, répondit Hans, ça dépend.Vous cherchez quoi ? Et bien pour tout dire, je cherche une route pour aller dans la montagne parce que... Aller dans la montagne... Vous n'y pensez pas ! Le coupa Hans. C'est très dangereux parce qu'il y a, là-haut.
Mais la fin de sa phrase resta en suspens. Il avait failli dire : il y a des ogres là-haut. Mais il s'était retenu au dernier moment. Sans y penser, il redisait ce qu'il avait entendu depuis son enfance. S'il n'y avait pris garde, il serait passé pour un imbécile devant cet étranger qui devait être le seul visiteur qu'Hans ait vu depuis deux mois au moins.
Oui.dit l'étranger, le visage toujours baissé. C'est dangereux .Qu'est-ce qu'il y a de dangereux là-haut ? Rien.Rien du tout dit Hans en fronçant le nez d'un air dégagé. C'est seulement. qu'il y a de la brume, oui, voilà. La brume risque de vous égarer . Et puis il n'y a pas de chemin de toute façon. En plus, il n'y a rien à aller voir là-haut. Pas de chemin.dit l'étranger comme si la nouvelle n'était qu'une information sans conséquence. Bon, et bien je te remercie de tes informations et de tes mises en garde pour la brume. Je serai prudent. Mais vous ne comptez pas y aller.dit Hans qui commençait à avoir des difficultés pour cacher sa crainte mêlée d'admiration et d'une énorme curiosité piquée au vif fort à propos. Je crois bien que si. Mais encore une fois, je serai prudent. Mais vous allez faire quoi là-haut ? dit Hans qui, sans s'en rendre compte, prenait quelques libertés avec la politesse en questionnant ainsi l'étranger. Et bien, je suis ornithologue, dit l'étranger et je vais observer les différentes espèces d'oiseaux qui nichent dans la montagne. Et bien, pour une pareille escalade vous n'avez pas beaucoup d'équipement. Même pas une corde dit Hans avec une moue dubitative en considérant avec attention les bottes de l'étranger dont les talons ne semblaient pas à proprement parler prévus pour l'ascension d'une montagne. Oh.oui, bien sur, répondit l'étranger d'un air un peu gêné, c'est parce que je ne viens aujourd'hui qu'en reconnaissance. Pour.repérer le terrain.Et.je reviendrai plus tard avec le matériel adéquat.
Il y avait dans le ton de l'étranger des indications claires qu'il n'avait pas l'intention de continuer la conversation et Hans n'insista pas.
Dans tous les cas, si vous avez besoin de matériel comme des cordes ou. une tenue plus. adaptée, vous pouvez aller au magasin du village. C'est mon père qui le tient et il y a tout ce qu'il faut. Alors je te remercie encore une fois dit l'étranger. Mais je ne veux pas te retarder . Tiens, dit l'étranger en sortant de la poche une bourse en cuir fauve. Il en retira une petite pièce dorée et la donna à Hans qui considéra longuement la pièce au creux de sa main. Faites attention à vous là-haut. Je n'y suis jamais allé mais les anciens du village disent qu'il y a des, disons... des choses bizarres, dit Hans sur le ton de celui qui n'y croit pas vraiment mais qui a malgré tout un doute. Oui, rassure toi Hans, je serai prudent. Rentre chez toi maintenant. Au revoir.
L'étranger s'éloigna alors vers la montagne entre les arbres. Hans le regarda partir puis il s'en retourna vers le village. Ce n'est que deux minutes plus tard qu'il s'arrêta net. Son nez se tordit, ses sourcils se froncèrent. Il repartit en courant vers le lieu où il avait laissé l'étranger. Il chercha pendant dix minutes en appelant « monsieur » sans recevoir la moindre réponse. Si Hans avait suivi un peu plus longtemps l'étranger, il l'aurait vu disparaître dans le vent comme une fumée. Il aurait sans doute eu peur. Il aurait sans doute pris plus au sérieux les histoires des anciens. Mais il ne vit rien de plus que la forêt silencieuse et la montagne immuable qui dominait ce petit bout de monde, ce pays perdu où Hans retournant vers le village cherchait à savoir comment l'étranger avait fait pour l'appeler par son prénom alors qu'il ne le lui avait pas dit.
Hans Finquel habitait le nord-ouest de la Finlande au pied des montagnes, Haltia, à la limite de la Norvège. Hans n'avait jamais quitté cette région depuis sa naissance et allait bientôt fêter ses treize ans. C'était un garçon assez grand pour son âge, tout en finesse avec une épaisse chevelure blonde comme on en trouve tant dans les pays nordiques. Avec ça un caractère solitaire et trempé. Son pays lui ressemblait. C'était un pays sauvage de neige et de montagnes où la nature rappelait à l'homme que jamais il ne serait le maître sur cette terre. Hans habitait le petit village d'Enontekio, perdu au pied de la gigantesque montagne. Il n'était pas comme les autres habitants de son village, y compris les enfants. Il n'avait pas peur de s'aventurer dans les plaines rocheuses où la forêt se battait avec la roche dans une lutte éternelle, au pied de la montagne. Il osait même y grimper, un peu, quand il n'y avait personne pour le surprendre et que le temps était assez clair pour permettre de voir loin au travers des arbres et des plaines accidentées. Les autres jours, une brume humide et froide envahissait tout et le vagabond qui s'aventurait plus avant était comme transpercé par le froid. C'était comme si un spectre vous traversait. Il faut avouer aussi que les anciens du village ne faisaient rien pour réchauffer les ardeurs d'explorateurs des enfants. Depuis qu'il était bébé, Hans n'avait entendu parler de cette montagne qu'en mal. Elle était, si on les écoutait, maléfique, peuplée d'ogres gigantesques et avides de sang et d'esprits diaboliques. Hans, bien sûr, ne croyait pas un traître mot de toutes ces balivernes. Petit, il en avait éprouvé des craintes terribles, surtout les nuits où, l'orage, curieusement, semblait se marier avec la brume pour se fondre en une terrible tempête qui mêlait vent, coup de tonnerre, sans que de la plaine on ne puisse rien en voir. Les orages venaient toujours du haut de la montagne, y restaient, comme accrochés et se terminaient là où ils étaient nés comme si une force plus puissante que le vent les maintenait en place.
Ce sont les démons et les ogres qui font leur sabbat, disaient les vieux. Mais depuis qu'il avait neuf ans Hans, avait cessé de prendre au sérieux les ogres, le Père Noël et tout ce genre de choses, spécialement celles qui sortaient de la bouche des anciens de son village. Et Hans avait grand tort, car comme souvent, les anciens en savent beaucoup même si leurs paroles sont recouvertes du voile des années et d'une sagesse presque enfantine pour celui qui ne s'attarde pas à ce que cachent les mots.
Ce jour-là, Hans traînait sur le chemin qui longeait la montagne. Il cherchait une occupation pour cette fin de vacances. Aucun garçon, aucune fille, pour oser s'aventurer près de la montagne avec lui.C'était pitié que de voir ça. Pour comble de malheur, il ne se passait jamais rien dans son village et personne n'y passait non plus. C'est pourquoi Hans sursauta presque quand il aperçut à une centaine de mètres de lui un homme qui s'avançait sur le chemin. Quelqu'un, ici.Et pas quelqu'un du village, Hans en était sûr. Personne ne se serait habillé de cette curieuse façon par chez lui. Hans eut le temps de détailler l'étranger tandis que celui-ci s'avançait à sa rencontre. Il était grand et avait un grand manteau brun qui se terminait par un capuchon qui recouvrait sa tête, si bien qu'on ne pouvait distinguer ses traits nettement. A part cela, il était difficile de dire grand chose sur lui. De plus près, Hans vit que l'étranger portait des bottes et des gants, mais comme il baissait la tête, son visage restait dans l'ombre de son capuchon pointu.
Bonjour, dit Hans en arborant un sourire éclatant. L'étranger s'arrêta à quelques mètres de lui et sans relever ni la tête ni son capuchon . Bonjour mon garçon. Hans fut surpris par la voix. Elle semblait jeune et riante et contrastait étrangement avec l'accoutrement du personnage.
Peut-être pourrais-tu m'aider mon garçon ? Oui c'est possible, répondit Hans, ça dépend.Vous cherchez quoi ? Et bien pour tout dire, je cherche une route pour aller dans la montagne parce que... Aller dans la montagne... Vous n'y pensez pas ! Le coupa Hans. C'est très dangereux parce qu'il y a, là-haut.
Mais la fin de sa phrase resta en suspens. Il avait failli dire : il y a des ogres là-haut. Mais il s'était retenu au dernier moment. Sans y penser, il redisait ce qu'il avait entendu depuis son enfance. S'il n'y avait pris garde, il serait passé pour un imbécile devant cet étranger qui devait être le seul visiteur qu'Hans ait vu depuis deux mois au moins.
Oui.dit l'étranger, le visage toujours baissé. C'est dangereux .Qu'est-ce qu'il y a de dangereux là-haut ? Rien.Rien du tout dit Hans en fronçant le nez d'un air dégagé. C'est seulement. qu'il y a de la brume, oui, voilà. La brume risque de vous égarer . Et puis il n'y a pas de chemin de toute façon. En plus, il n'y a rien à aller voir là-haut. Pas de chemin.dit l'étranger comme si la nouvelle n'était qu'une information sans conséquence. Bon, et bien je te remercie de tes informations et de tes mises en garde pour la brume. Je serai prudent. Mais vous ne comptez pas y aller.dit Hans qui commençait à avoir des difficultés pour cacher sa crainte mêlée d'admiration et d'une énorme curiosité piquée au vif fort à propos. Je crois bien que si. Mais encore une fois, je serai prudent. Mais vous allez faire quoi là-haut ? dit Hans qui, sans s'en rendre compte, prenait quelques libertés avec la politesse en questionnant ainsi l'étranger. Et bien, je suis ornithologue, dit l'étranger et je vais observer les différentes espèces d'oiseaux qui nichent dans la montagne. Et bien, pour une pareille escalade vous n'avez pas beaucoup d'équipement. Même pas une corde dit Hans avec une moue dubitative en considérant avec attention les bottes de l'étranger dont les talons ne semblaient pas à proprement parler prévus pour l'ascension d'une montagne. Oh.oui, bien sur, répondit l'étranger d'un air un peu gêné, c'est parce que je ne viens aujourd'hui qu'en reconnaissance. Pour.repérer le terrain.Et.je reviendrai plus tard avec le matériel adéquat.
Il y avait dans le ton de l'étranger des indications claires qu'il n'avait pas l'intention de continuer la conversation et Hans n'insista pas.
Dans tous les cas, si vous avez besoin de matériel comme des cordes ou. une tenue plus. adaptée, vous pouvez aller au magasin du village. C'est mon père qui le tient et il y a tout ce qu'il faut. Alors je te remercie encore une fois dit l'étranger. Mais je ne veux pas te retarder . Tiens, dit l'étranger en sortant de la poche une bourse en cuir fauve. Il en retira une petite pièce dorée et la donna à Hans qui considéra longuement la pièce au creux de sa main. Faites attention à vous là-haut. Je n'y suis jamais allé mais les anciens du village disent qu'il y a des, disons... des choses bizarres, dit Hans sur le ton de celui qui n'y croit pas vraiment mais qui a malgré tout un doute. Oui, rassure toi Hans, je serai prudent. Rentre chez toi maintenant. Au revoir.
L'étranger s'éloigna alors vers la montagne entre les arbres. Hans le regarda partir puis il s'en retourna vers le village. Ce n'est que deux minutes plus tard qu'il s'arrêta net. Son nez se tordit, ses sourcils se froncèrent. Il repartit en courant vers le lieu où il avait laissé l'étranger. Il chercha pendant dix minutes en appelant « monsieur » sans recevoir la moindre réponse. Si Hans avait suivi un peu plus longtemps l'étranger, il l'aurait vu disparaître dans le vent comme une fumée. Il aurait sans doute eu peur. Il aurait sans doute pris plus au sérieux les histoires des anciens. Mais il ne vit rien de plus que la forêt silencieuse et la montagne immuable qui dominait ce petit bout de monde, ce pays perdu où Hans retournant vers le village cherchait à savoir comment l'étranger avait fait pour l'appeler par son prénom alors qu'il ne le lui avait pas dit.
