le Spectre chapitre 4. Un malheur n'arrive jamais seul

Harry remonta les marches quatre à quatre, n'en croyant pas ses oreilles. Il avait été bien inspiré d'aller questionner Malefoy! Il bouscula tous ceux qu'il croisait, serrant les lèvres. Il saisit sa baguette et pénétra dans l'infirmerie obscure. Il n'y avait que les blessés de la bataille qui dormaient, et Ginny. Il alluma une bougie près de son lit, et murmura un charme en posant sa baguette sur le ventre de le jeune fille endormie. Retenant son souffle, il attendit. Étincelles bleues pour oui, étincelles vertes pour non... La baguette se mit à chauffer et crépiter, et finit par lancer des étincelles bleues.

Malefoy avait deviné juste. Elle était enceinte. L'esprit qui leur avait parlé était son enfant, et celui de Voldemort.

Harry serra les dents. Quel genre de relation avait-il avec elle, au juste? Il n'y avait pas trente-six moyens de faire tomber une femme enceinte... Avait-il juste voulu faire suivre la lignée des Serpentard, ou voulait-il concevoir un être humain doué de pouvoirs immenses, illimités même?

Et pire, comment Ginny allait-elle le prendre? N'allait-elle pas essayer de se débarrasser du bébé? Si c'était le cas, elle en payerait de sa vie...

Ginny choisit ce moment précis pour se réveiller. Harry releva promptement sa baguette et les étincelles bleues s'évanouirent. Il retint son souffle. Ginny cligna des paupières, un voile semblait s'être posé sur ses yeux bruns. Elle remua une main et tourna la tête. Malgré la pénombre, elle discerna la personne qui se tenait là.

"Harry?" demanda t'elle d'une voix faible.

"Oui, Ginny. Tout va bien. Tu es en sécurité."

Il glissa sa main dans la sienne et la serra.

"Ce n'était qu'un rêve, alors..." murmura Ginny, un sourire aux lèvres. Mais le sourire mourut. "N'est-ce pas?"

Il ne sut pas quoi lui répondre.

"Oh, Harry, j'ai... j'ai fait tellement de mal... je ne savais pas que... que... je ne faisais qu'obéir... il... il m'avait fait croire que... que sa cause était la plus juste et... Harry, je m'en veux tellement..."

De grosses larmes coulaient sur ses joues. Harry ne savait toujours pas quoi dire. Il fallait peut-être simplement la laisser parler, pour qu'elle se soulage.

"J'ai tellement honte de moi.... je ne voudrais plus jamais me voir... Harry... je suis tellement désolée..."

"Ce n'était pas ta faute, Gin. C'était celle de Voldemort, et il est mort maintenant."

Il aurait voulu ajouter: 'et tout est fini', mais c'était faux. Il y avait encore cette enfant.

"Personne ne me pardonnera jamais... moi la première... j'aurais dû résister... je le vénérais, Harry..." et ses yeux s'écarquillaient d'horreur. "Je le vénérais comme un père..."

Elle fut prise de nausées, mais ravala sa salive.

"Est-ce qu'il t'a fait du mal?"

"Non, non, il ne m'a rien fait... je crois même que j'étais sa préférée..." elle sourit un bref instant, puis se remit à pleurer. Harry avait vu beaucoup de larmes aujourd'hui, un peu trop.

"Tu es sûre qu'il ne t'a pas touchée?"

"Non, non, il ne m'a rien fait.... je t'assure Harry... mais il est mort maintenant..."

Parvati entra dans l'infirmerie à ce moment-là, et courut au chevet de Ginny.

"Elle est réveillée! C'est formidable!"

"Je te laisse avec Parvati, Ginny. Elle va te remettre sur pieds."

"Non, non, reste..."

"Ginny. Tu as été courageuse. Je reviendrai te voir dans une heure ou deux, d'accord?"

Ginny lâcha sa main à contrecœur, et Harry s'éloigna. Hermione arrivait.

"Ginny est sauvée." lui annonça t'il. "Mais nous avons un autre problème. Elle est enceinte de Voldemort."

Hermione couvrit sa bouche avec ses mains.

"C'est donc sa fille qui nous a parlé ce matin!"

Harry était bien plus lucide qu'elle, pour une fois. Avec le temps, il avait apprit à faire passer sa raison avant son cœur. Pour Hermione, c'était encore difficile.

"Leur fille, Hermione. Elle n'est pas malveillante, elle nous l'a dit. Elle est simplement puissante, et j'ai peur pour Ginny."

"Je vais la voir."

"Sois prudente. N'en dis pas trop."

Hermione se tournait pour partir, mais fit volte face.

"Harry, combien de temps allons-nous rester ici?"

"On vient chercher les blessés aujourd'hui. L'inspection du fort semble terminée. Nous partons ce soir, avec tout ce qui nous sera utile."

"Et... les Mangemorts?"

"Oh, ils ont une grande maison qui les attend... tu sais, celle qui commence par un A et finit par un N..."

"Je vois."

Sa silhouette s'enfonça dans l'infirmerie. Harry retourna faire l'inventaire de tout ce qu'ils avaient trouvé au fort.

***********

Un sortilège d'attraction sans baguette. Est-ce réalisable? Rachel, elle, pourrait le faire... mais lui?

Drago bougea les doigts d'une façon plus comique que mystérieuse pour attirer à lui les clés, mais elles ne bougeaient pas d'un cheveu. D'exaspération, il donna un coup de poing dans un des barreaux, mais ne réussit qu'à se meurtrir les doigts. Et ils étaient déjà en mauvais état. Sans Veritaserum, les sorciers avaient abusé de leur force physique sur lui... il ne comptait plus ses côtes cassés, ses articulations foulées, et ses plaies superficielles à la tête. Il n'avait rien mangé depuis sa capture, ce qui laissait son estomac vide et grogneur. Et tout ça pour avoir voulu suivre Rachel. Mais quel idiot il faisait... et maintenant, Rachel était redevenue la petite Weasley, et Voldemort était mort... Il n'y avait plus d'espoir. Alors, que faire? Terminer sa vie à Azkaban? Plutôt mourir... Ou alors s'évader. Mais sans baguette, sans rien, il ne pouvait pas aller loin. Il réessaya de faire bouger les clés par la force de la pensée, mais ça ne marchait toujours pas.

Des pas approchèrent. Il se rassit au fond de sa cage.

"Alors Malefoy, prêt pour le grand départ?"

Et mince. On était parti pour Azkaban.

"Si je me traîne à genoux, tu m'épargneras?"

Harry fut secoué de rire, et Drago l'y joignit.

"Tu peux toujours essayer." rétorqua Harry, sûr que Malefoy aurait bien trop de fierté pour faire une chose pareille.

"Allez, heu, quoi, j'peux pas rester ici? Tu as plus de conversation que les Détraqueurs..."

"Malefoy. Si tu ne voulais pas de billet aller simple vers Azkaban, il ne fallait pas devenir Mangemort." fit Harry gravement. Il murmura un enchantement et Malefoy se retrouva ligoté, bâillonné par magie une fois de plus. Mais il fit des mimiques faisant comprendre qu'il avait encore quelque chose à dire.

"Si c'est Ginny, tu avais raison."

Malefoy prit un air supérieur un moment, puis la pensée funeste d'Azkaban qui l'attendait lui revint à l'esprit. Mais il ne pouvait plus fuir. Harry les menaient, lui et ses deux compagnons, vers un Portoloin qui conduisait à Azkaban, sans aucun doute. Ils montèrent au rez-de-chaussée, et traversèrent maints et maints couloirs que Drago connaissait par cœur, à force de les avoir traversés de long en large, quand il était encore libre et plein d'espoir.

Un groupe de sorciers parlait au bout d'un couloir, mais se tut quand ils passèrent. Un trait rougeoyant attira l'œil de Drago. Rachel était là, debout, pâle, fatiguée. Elle le fixait. Il vit ses lèvres bouger et l'instant d'après, il sentit ses liens se défaire doucement. Elle lui fit un clin d'œil et un pâle sourire, et il fit comme si de rien n'était.

Les condamnés arrivèrent dans une salle où un petit gant blanc flottait en l'air. C'était certainement le Portoloin.

"Après toi." dit Harry en s'inclinant. Drago regarda à droite, à gauche, et vit que Harry était le seul sorcier en vue. Il lui fit un sourire placide et lui décocha un crochet du droit qui l'assomma d'un seul coup. Ses lunettes glissèrent sur le sol. Drago fouilla dans ses poches et retrouva sa baguette magique. Il libéra ses deux amis et ils transplanèrent juste au moment où l'alerte était donnée.

***********

Ginny comprenait mal ce qu'il lui arrivait, et sa tête était un tel fouillis de pensées de toutes sortes qu'elle aurait préféré ne plus avoir de pensées du tout. Elle se serait presque jeté un sort d'amnésie à elle-même, si Hermione n'était pas à côté d'elle. Elle lui répétait gentiment que ce n'était pas de sa faute, mais Ginny avait du mal à la regarder en face. Elle avait tué ses parents. Et elle ne savait pas si Hermione le savait ou l'ignorait.

Ce n'était pas vraiment elle, c'était celle qu'on l'avait forcée à devenir. Mais c'était bien elle tout de même. La culpabilité la rongeait de plus en plus.

Et Hermione l'avait entraînée hors de l'infirmerie pour qu'elle marche un peu. Livide, elle avait reconnu l'endroit, l'endroit où elle avait tant marché en long et en large, quand elle était au service de Voldemort. Elle avait envie de vomir.

Et puis Ginny avait entendu ces pas derrière elle. Elle les connaissait, les trois condamnés. Et Malefoy, qu'elle avait connu deux fois différemment dans une même vie. Elle eut un étrange pressentiment, et comme si quelque chose s'emparait d'elle, elle dit discrètement la contre formule du sort de ligotage. Et fait un clin d'œil à Malefoy. Mais pourquoi?

Heureusement, Hermione n'avait rien vu. Ginny décida de l'éviter au maximum. Hermione ressemblait trop à son père, son père mort sous sa main.

**********

"Ils se sont échappés!"

Harry frappa du poing sur le sol et passa un doigt sur sa tempe endolorie. Le petit portoloin flottait toujours joyeusement en l'air. Personne ne l'avait touché. Du monde affluait de partout.

"Qu'est-ce qui s'est passé?"

"Où sont les prisonniers?"

Harry se releva, un peu étourdi.

"Ils se sont échappés! Fouillez le fort de fond en combles!"

Ginny était en danger. Malefoy était au courant, Malefoy savait, Malefoy la voulait...

Les sorciers se dispersèrent comme la cendre au vent, obéissants. Harry jura sous sa respiration. Il se dirigea à grands pas, martelant le sol, vers leur infirmerie improvisée, pour vérifier que les deux filles allaient bien.

Aller bien était peut-être un peu exagéré. Ginny était seule à l'infirmerie.

"Bonjour Harry." dit-elle, l'air pas très sûre d'elle.

"Tout va bien?" demanda t'il.

"Non."

"Je m'en doutais."

"Je... J'ai fait des choses horribles, Harry. Je ne sais pas si je vais arriver à te le dire, mais..."

"Je sais déjà, Ginny. Malefoy me l'a dit. Les Granger, et Rogue."

Elle releva les yeux, surprise. "Est-ce que Hermione..."

"Non, je ne lui ai pas dit. Je crois qu'il vaut mieux qu'elle ne le sache jamais."

"Mais elle a le droit de savoir..."

"Si tu t'en sens le courage de lui dire, alors vas-y. Mais je ne dirai rien à personne, tu as ma parole."

Elle jeta ses bras autour de son cou. "Oh, Harry, merci..."

Mais elle n'était toujours pas rassurée. De plus, elle sentait qu'il lui cachait quelque chose. Elle eut soudain très froid. Elle se dégagea.

"Alors, les prisonniers sont à Azkaban?" hasarda t'elle.

Harry serra les lèvres. "Non."

Elle n'était pas surprise. C'était elle qui les avait libérés. Et le bleu grandissait sur la tempe de Harry. Elle remarqua pour la première fois qu'il avait beaucoup mûri depuis qu'elle l'avait vu pour la dernière fois.

Ginny ne put s'empêcher de sourire. "Je le savais."

Il la considéra avec stupéfaction. "Tu le savais?"

"Je les connais bien, tu te souviens." Une ombre de tristesse passa sur son visage. "Je ne pourrai jamais oublier, Harry. Jamais."

Elle fut prise de nouvelles nausées. Sa pâleur rappela à Harry qu'elle était enceinte et qu'il faudrait bien le lui dire, un jour où l'autre. Elle s'assit sur son lit.

"J'ai la désagréable impression que vous me cachez tous quelque chose, Harry."

"Ce n'est pas qu'une impression, Ginny."

"Est-ce que quelque chose est arrivé à maman? A Bill?"

"Non, non, ils vont bien... c'est... c'est toi."

Allait-il se jeter dans la gueule du loup? Il regarda tout autour, et ne vit pas d'objets dangereux avec lesquels elle pourrait faire une folie désastreuse. Il prit son courage à deux mains.

"Ginny, tu... tu..."

"Je quoi?" supplia t'elle, les yeux déjà embués. Harry ne pouvait se résoudre à lui faire encore plus de mal. Après tout, elle n'avait que dix-neuf ans. Elle avait déjà traversé trop d'épreuves, elle était trop fragile et bouleversée.

"Continue, s'il te plaît. Je n'ai plus rien à perdre, de toute façon. Au point où j'en suis..."

Il prit une longue et forte respiration. Ginny se tordait les doigts, repoussant une nouvelle envie de vomir.

"Ginny, tu..." juste trois mots, c'était tellement facile!!! "Tu..." allez, il suffit de mettre de la voix... "Tu..."

"Harry, crache le morceau! Ou alors tu n'as pas assez de courage?"

Pas assez de courage? Harry fut piqué au vif.

"Tu es enceinte!"

Ginny ne le quitta pas des yeux, fascinée. Elle était quoi? Enceinte? Une nouvelle nausée lui indiqua que cette affirmation pouvait être vraie.

"Tu as fait le test sur moi?"

Il fit oui de la tête. En le provoquant ainsi, elle l'avait bien eu. Elle le connaissait mieux qu'il ne le pensait.

"Et c'était... bleu?"

Nouveau oui. Ginny posa ses mains sur son ventre.

"C'est impossible, Harry. Il ne peut pas y avoir d'enfant en moi. J'étais indisposée il y a quinze jours, et je n'ai rien fait depuis là!"

"Tu veux que je refasse le test?"

Ginny refusait de croire l'impossible. Elle fit non de la tête.

"Harry, ça n'a pas de sens! D'où viendrait-il, ce bébé? De l'opération du saint esprit?"

"De Voldemort, Ginny."

Elle devint encore plus blanche qu'avant, si c'était possible. Ses lèvres se mirent à trembler. Elle voulut éclater de rire mais les yeux de Harry l'en dissuadèrent. Elle revit la femme du portrait une fraction de seconde. Il disait la vérité.

"C'est une fille. Elle nous a parlé, à Hermione et à moi. Elle nous a dit que son père était Voldemort."

"Mais je n'ai pas..."

"Voldemort peut l'avoir effacé de ton esprit."

Et là, elle se souvint. La récompense. La drogue. Il avait abusé d'elle. Des larmes de honte et de rage lui montèrent aux yeux. Elle se leva et s'éloigna de Harry le plus vite possible.

"Ne me touche pas.. ne t'approche pas... je dois tuer cet enfant...."

Harry prit peur. Elle avait l'air d'être une forcenée. De la sueur coulait sur son visage, ses cheveux étaient sales et emmêlés, ses mouvements frénétiques.

"Ginny, si tu la tue, tu mourras aussi. C'est ce qu'elle a dit."

"Ce n'est pas un problème..."

Elle se rua hors de l'infirmerie, un sourire effrayant collé à son visage.

Harry se lança à sa poursuite. Elle gravissait des escaliers. Il la suivit. Il l'entendit tomber mais elle se releva plus vite que lui ne courrait. Il criait son nom, lui disant de s'arrêter, mais elle ne lui obéissait pas. Ils arrivèrent enfin au-dessus. Ginny était dos à une fenêtre fermée.

"Si tu t'approches, je saute!"

"Ne fais pas ça Gin... ça ne servirait à rien..."

"A rien? Ce serait une telle récompense pour moi!" Elle hurlait chaque mot, à présent. "Je ne peux pas vivre comme ça, Harry. Je ne peux plus vivre! Je n'ai plus de vie! On me l'a volée, elle ne m'appartient plus! Je ne suis plus rien! Je ne suis plus qu'une coupable qui va se traîner pendant tout le reste de son existence! Alors autant en finir ici, avec cet enfant de démon que je porte!"

D'un coup de coude, elle brisa la fenêtre, et se jeta dans le vide.

***********

Malefoy marchait de long en large dans l'ancien manoir de ses parents, hargneux. C'était lui, à présent, qui était en proie à des envies de meurtres plutôt cruelles. Que faire, maintenant? Qui croyait encore en la puissance du Mage Noir? Plus personne. Voldemort avait retourné sa veste, et à jamais. Et maintenant, et maintenant?

Voldemort était indestructible. Tout ceci n'aurait pas dû arriver. Tout ceci ne pouvait pas arriver! Probabilité zé-ro!

Son pas ralentit brusquement, puis s'arrêta tout à fait. Il y avait encore un enfant... une ultime trace. Alors il lui fallait cet enfant. Et la mère avec, s'il le fallait! Et ce n'est pas Potter qui l'empêcherait de mettre la main sur Rachel...

Il reprit sa marche de lion en cage avec l'entrain de l'impatience. Un plan se construisait peu à peu dans sa tête. Oh, bientôt, il aurait Rachel...

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Harry se précipita à la fenêtre, mais c'était trop tard. Il entendit le bruit mat d'un corps qui tombe au sol. Elle n'avait pas crié, elle avait apprécié cette chute dans les abîmes de la mort... Mais quelqu'un d'autre cria. Harry se pencha à la fenêtre et vit une tête rousse. Il descendit les escaliers à toute vitesse et se rendit sur les lieux du drame. Bill était là, et il tenait sa petit sœur dans ses bras, le visage complètement dévasté.

"Harry... je l'ai vue tomber et... j'ai fait ralentir sa chute... je crois qu'elle s'est juste blessé la tête..."

Harry faillit mourir de soulagement.

"J'ai cru qu'elle était morte! Merci, Bill, tu lui as sauvé la vie..."

Il la souleva. Bill était toujours aussi grand, ses cheveux roux étaient longs et retenus par son éternel catogan, mais il n'y avait plus rien à son oreille. Comme pour Harry, les quelques années de guerres avaient laissé leur trace de fatigue, de peur et d'angoisse sur son visage. Il avait enterré son père et tous ses frères, il ne lui restait plus que sa mère, depuis que Ginny avait été présumée morte. Et à présent il la tenait dans ses bras comme si elle était faite de porcelaine, prête à se briser à tout moment. Harry imaginait bien son bonheur à la retrouver vivante, c'était presque celui que lui-même avait éprouvé. Il le guida jusqu'à l'infirmerie. Bill reposa Ginny sur son lit, délicatement. Parvati accourut et mit les deux garçons dehors pendant qu'elle soignait Ginny.

"Tu sais Harry, je regretterai toujours de n'avoir pas été là cette grande bataille..." fit Bill.

Harry posa la main sur son épaule. "Tu as déjà assez de prestige. Personne ne t'en veut."

"J'ai tout entendu sur Ginny... je n'en reviens toujours pas... elle était vivante et personne ne le savait!"

"Et il y a encore d'autres choses que je sais et que tu ne sais pas."

"Comme quoi?"

"Comme, les Mangemorts qui se sont évadés, ou, Ginny est enceinte?"

Bill resta sans voix. "Elle te l'a dit?"

"Non, c'est Malefoy qui m'a mit sur la voie."

"Qu'est-ce que ce salopard lui a fait!"

"Du calme, Bill. L'enfant n'est pas de lui. Quand j'ai dit à Ginny de qui il était, elle a tenté de se suicider. Alors promets-moi que tu vas garder ton calme et accepter ce que je vais te dire."

"Vas-y." Bill s'assit et serra les poings.

"C'est une fille." commença Harry. Malgré lui, Bill retrouva une expression de faible douceur. "Elle a déjà une âme à cause de ses grands pouvoirs, et elle nous a parlé, à Hermione et moi. Elle n'est pas mauvaise. Elle a avoué que son père était... Voldemort."

Bill usa de toute la maturité et du calme dont il disposait, mais ce n'était toujours pas assez. Il secoua Harry comme un prunier en lui hurlant qu'il n'y croyait pas. Harry se laissa faire. Bill état bien plus grand que lui, après tout. Mais pas la tête, surtout pas la tête...

A court de mots, Bill laissa tomber Harry, puis tourna des talons et s'enfuit. Harry le laissa partir. Il avait besoin d'air. Et de temps. Harry se sentit le protecteur de cette enfant, même pas encore née. Il la protégerait pour protéger Ginny. La petite Ginny, qui juste après avoir reçu son diplôme de fin d'études à Poudlard, avait disparu sous les décombres de sa maison, que personne n'avait reconstruite depuis. Il décida de l'envoyer chez Molly sans plus attendre, avant même qu'elle ne revienne à elle, après la guérison de sa blessure. Et lui, il retrouverait Malefoy et l'achèverait. Il se surprit à serrer les poings, comme avant les matchs de Quidditch. La vieille rivalité remontait en lui: Malefoy resterait toujours son pire ennemi.

*************

"Hermione, remballe tes livres, on s'tire d'ici!"

"Pas trop tôt!"

Hermione plaça méticuleusement les vieux parchemins qu'elle étudiait dans son sac et suivit Harry à l'extérieur. Elle savait déjà tout de la tentative de suicide de Ginny et avait approuvé la décision de Harry. Sa mère parviendrait peut-être à lui redonner goût à la vie et à s'accepter telle qu'elle était. Elle et Harry viendraient la voir tous les week-ends au moins.

Harry l'enlaça par les épaules. "Hermione, tu te rends compte que tout est fini? Le monde va enfin pouvoir respirer et vivre en paix..."

"On va s'installer, enfin, hein Hermione? Une petite maison tranquille juste pour nous..."

"J'en rêve depuis des années, Harry..."

"Et bien aujourd'hui les rêves deviennent réalité. Voldemort est mort, on a retrouvé Ginny."

Mais Hermione ne s'illuminait pas autant qu'il l'aurait voulu. C'était toujours comme ça. Depuis la mort de Ron, Hermione n'avait plus sourit de la même façon, plus rit avec le même éclat dans les yeux. Harry savait très bien qu'il étaient faits l'un pour l'autre et que jamais, jamais Hermione ne l'aimerait autant qu'elle avait aimé Ron.

Ils sortirent du fort. La nuit était tombée, et Bill était parti avec Ginny rejoindre leur mère. Harry et Hermione devaient acheminer leurs trouvailles vers Londres et se rendre au Ministère de la Magie pour faire leur rapport.

Et tout n'allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.