le Spectre chapitre 5. Demain est un autre jour.

Martial Finnigan, trente-trois ans et beaucoup de soucis, ouvrit la porte de son bureau machinalement et sans entrain. Derrière se tenait un sorcier dont il n'avait jamais vu le visage auparavant.

"Monsieur le Ministre! Monsieur le Ministre! C'est fini, c'est fini!"

L'homme se retenait visiblement de danser sur place tellement il était heureux. Finnigan sentit un picotement le long de sa colonne vertébrale, comme s'il pressentait une excellente nouvelle. Justement, l'excellente nouvelle que tout le monde attendait depuis des années.

"Qu'est-ce qui est fini?"

"La guerre, Monsieur, la guerre! Il est mort!"

Finnigan ouvrit de grands yeux et l'autre, ne pouvant contenir sa joie plus longtemps, fit une série d'entrechats sur toute la longueur du couloir qui menait à son bureau. Dehors, on entendit de grandes clameurs et des bruits de fêtes commencèrent se manifester. Le monde des sorciers allaient être en liesse durant quelques jours, ou même des semaines. Finnigan fonça à l'étage inférieur. On se communiquait encore les dernières informations, on s'embrassait; il fut prit dans la mêlée générale, et le ministre de la Magie ne devint plus qu'un sorcier comme les autres, submergé par la joie d'une victoire depuis longtemps attendue.

Tout Londres, côté sorcier, était en fête. De jeunes sorciers couraient dans les rues au lieu d'aller à l'école, des plus vieux se serraient la main, les bars servaient des tournées gratuites. On allumait des lampions ici et là, on accrochait des guirlandes aux murs. Le vieil Ollivander, debout à l'entrée de son échoppe, contemplait ce joyeux bazar avec un sourire en coin, se remémorant l'agitation qui avait succédé l'annonce de la 'disparition' de Voldemort, quelques années auparavant. Le même nom courrait sur toutes les lèvres.... Un petit garçon s'arrêta avec curiosité devant lui et le fixa.

"Monsieur le vendeur de baguette, quand Voldemort il est mort, et ben où elle est passée sa baguette?"

Ollivander fit une mimique impressionnante. "Elle a disparu avec lui. Evaporée!"

Le visage du garçon se fendit d'un large sourire et il s'en fut rejoindre ses amis. Ollivander se sourit à lui même et retourna fouiller dans ses étagères poussiéreuses.

Puis soudain une grande clameur retentit, et les badauds convergèrent vers un groupe de sorciers réunis plus loin. On criait des noms, mais indistinctement...

Au milieu d'une foule grandissante, Harry et Hermione étaient portés par les mouvements de foule. On les acclamait avec des vivas, certains même pleuraient de les voir revenir ainsi de leur campagne.

"Au ministère!" cria Harry, orientant sa baguette vers l'imposant bâtiment au milieu du centre ville de Londres. Après avoir subit beaucoup de tapes dans le dos ou de remerciements inlassables, ils se dégagèrent et pénétrèrent dans le Ministère de la Magie, où il régnait la même ambiance que dehors mais, heureusement, avec beaucoup moins de monde.

Tous les hauts responsables du Ministère de la Magie étaient là, incluant Finnigan, leur énième ministre depuis le début de la guerre. Tous aussi incompétents les uns que les autres, certains restaient au pouvoir un ou deux mois seulement. Finnigan avait été de loin le plus compétent et régnait sur le monde des sorciers depuis dix-huit mois. C'était sous l'impulsion de son cousin Seamus qu'il s'était proposé pour ce poste prétendu maudit.

Harry et Hermione saluèrent toutes les personnalités présentes et, laissant les sorciers qui les accompagnaient au premier, ils suivirent Finnigan jusqu'à son bureau au deuxième étage.

Tous trois prirent place.

"Je tiens à vous féliciter, Hermione Granger, directrice du département de la Défense Nationale, et vous aussi, Harry Potter."

"Nous ne sommes pas venus pour les félicitations, Mr Finnigan." opposa doucement Hermione. "Nous sommes ici pour reformer une réalité qui sera certainement sous peu déformée par tout le monde."

"Je vous écoute."

Hermione narra la prise du Fort, la fin de Voldemort.

"Des Mangemorts se sont évadés, mais je mettrai un point d'honneur à les retrouver." ajouta Harry.

"Il y a aussi autre chose. Nous avons retrouvé Ginny Weasley, fille de feu Arthur Weasley, et que l'on croyait disparue. Elle est bien vivante."

Finnigan faillit sauter de joie. Il avait été un grand ami d'Arthur Weasley, et avait beaucoup souffert en apprenant petit à petit les pertes de cette excellente famille.

"Tout ce que nous avons retrouvé au fort est en route pour les Archives. Je souhaiterais participer à l'examen de tous ces documents, qui paraissent très intéressants."

Finnigan les considéra l'un après l'autre. Ils avaient la mine assez heureuse mais ils étaient las et fatigués, drainés de leur énergie vitale. Et pourtant, ils voulaient encore agir, encore et encore.

"C'est assez. Reposez-vous. Prenez des vacances. Partez loin d'ici, oubliez un peu tout, ressourcez-vous! Vous êtes vidés. Prenez des vacances, on se chargera de tout!"

Harry et Hermione soupirèrent intérieurement. Il avait raison. Ils se consultèrent du regard.

"Tu en dis quoi?"

"On pourrait aller vivre avec les Weasleys un petit moment?"

"Plus de travail?"

"Plus de travail."

"Allez-y, alors. Occupez-vous, faites autre chose que vous battre. On ne vous remerciera jamais assez."

Se sentant trop fatiguée pour affronter la foule une nouvelle fois, Hermione s'approcha de la cheminée.

"Je prends de la poudre de Cheminette. Tu viens?"

Harry se plaça à côté d'elle.

"Au revoir, monsieur, et merci." acheva Hermione. Elle lança de la poudre dans les flammes et ils y marchèrent. Leur silhouette disparut dans les flammes, et Finnigan redescendit faire la fête avec ses collègues.

*******

On avait jugé préférable d'endormir Ginny par un puissant sortilège pendant tout le voyage. Malgré tout, son visage restait convulsé, alors que son esprit s'abîmait dans l'inconscience. Bill avait veillé sur elle chaque minute du voyage, appréhendant la réaction de leur mère. Lui aussi avait réalisé le test de grossesse sur elle pendant qu'elle était assoupie - et fut forcé d'admettre que tout cela était bien vrai.

La voiture moldue 'à la sorcière' dans laquelle ils voyageaient, dernier cadeau de leur père, fit retentir une gamme d'avertisseurs censés annoncer qu'on arrivait à destination. Bill prit les commandes de la voiture et se posa doucement sur le 'terrain d'atterrissage' devant la nouvelle résidence des Weasley.

Le Terrier n'avait jamais été reconstruit, et Molly avait décidé de s'installer ailleurs pour ne plus être hantée par les fantômes du passés. Malgré tout, elle ne pouvait se résoudre à quitter le village où ses enfants et son mari étaient enterrés; elle loua donc une masure à l'orée d'un bois proche. La bâtisse était en ruine, mais avec de la magie, on peut tout reconstruire. Ainsi la vieille maison délabrée était devenue un abri charmant.

Bill ouvrit la portière arrière de la vieille voiture et renouvela son sort de lévitation. Tirant le corps flottant de sa soeur par une épaule, il le mena avec toutes les précautions possible à l'intérieur de la maison. Sa mère était absente, ce qui était une bonne nouvelle: Molly n'aimait pas être seule, et faisait toujours en sorte de recevoir quelqu'un chez elle ou de rendre visite à des amis, moldus ou sorciers. L'aîné déposa la benjamine sur son propre lit, en attendant qu'on en fournisse un deuxième, tira les rideaux et la regarda dormir une seconde, satisfait par l'ambiance de repos qu'elle trouverait ici. Puis à pas silencieux il entra dans la cuisine et se servit un grand verre d'eau fraîche. Une chaise dans les bras, il retourna contempler celle qu'il avait perdue durant deux longues années, bien déterminé à ne plus la quitter des yeux.

La porte d'entrée s'ouvrit.

*******

"Quelque chose ne va pas... quelque chose ne va pas..."

"Qu'est-ce qu'il y a, enfin, Hermione? Arrête de tourner en rond comme ça!"

Harry et Hermione logeaient dans un appartement de fortune dans une petite ville près de Londres, en attendant la fin de la guerre. Maintenant, ils allaient pouvoir quitter cet endroit - où d'ailleurs ils n'étaient presque jamais - pour une autre maison plus agréable. Dans le salon, Harry était tranquillement assis sur un fauteuil, tandis que sa compagne ne parvenait pas à se détendre.

"Ce qu'il y a? Ah, c'est simple! Comment un sorcier désarmé peut-il rompre un sortilège de ligotage?"

Harry posa son front dans sa paume. C'était un mystère, mais Malefoy valait-il la peine qu'on pense autant à lui? Ses oreilles devaient siffler en ce moment...

"Je ne sais pas, Herm.... peut-être que quelqu'un l'a fait pour lui?"

Elle s'interrompit dans sa marche et considéra cette hypothèse. "Tu as rencontré du monde sur ta route?"

Il réfléchit un instant. "Non, mais nous sommes passés pas très loin de toi, quand tu étais avec Ginny..."

"Ce ne peut être ni moi ni elle! Autre chose?"

Il haussa les épaules. "Non."

"Hypothèse rejetée!"

Sans pour autant perdre son calme, Hermione entreprit de tracer de nouveaux cercles sur le plancher.

"Je m'inquiète pour Ginny." fit Harry, changeant brusquement de sujet. Hermione fit une pause.

"Elle est en sécurité. Et avec la potion que lui a donné Parvati, elle risque de dormir encore une journée entière..."

Pensif, Harry plongea machinalement la main dans sa poche. Ses doigts y rencontrèrent un petit objet, une petite boîte recouverte d'un tissu doux. Il la tourna et la retourna dans ses doigts, une étrange nausée lui montant de l'estomac.

"Ginny s'en tirera, j'en suis sûre. Nous devons tout faire pour lui redonner goût à la vie."

A ce moment, on frappa à la porte. Hermione, déjà debout, ouvrit la porte. C'était Olivier, Olivier Dubois. Harry se précipita et serra son vieil ami dans ses bras.

Après avoir quitté Poudlard, Olivier s'était consacré au Quidditch et avait entreprit des études poussées du jeu. On l'avait sacré meilleur espoir du Quidditch en Angleterre un an après sa sortie de l'école. Malheureusement, les agissements de Voldemort avaient mis fin à toute activité sportive nationale et cela faisait deux ans que plus personne, ou presque, ne parlait de Quidditch. Olivier, comme tant d'autres, s'était rallié à la bonne cause, aux côtés de son attrapeur porte-bonheur.

A vingt-quatre ans, il se portait comme un charme, malgré les deux ans de guerre où il avait fait preuve d'un grand héroïsme. Avec cette carrure qu'on tous les sportifs de haut niveau et une grande taille, il se défendait aussi bien en duel qu'au corps à corps. Il avait aussi beaucoup de succès auprès de la gente féminine, ce qui avait été jusque là un détail mineur, qui maintenant pouvait lui servir à se reconstruire une nouvelle vie, celle d'après-guerre.

"Harry, tu m'étouffes!"

Riant gauchement, Harry desserra son étreinte.

"Ca faisait tellement longtemps, Olivier..."

"Oh, pas tant que ça..."

Olivier se pencha pour saluer Hermione.

"Toujours aussi beau gosse, je vois." annonça t'elle. Olivier ne rougit même pas, trop habitué à ce genre de plaisanterie. Harry ne protesta pas non plus, sentant le manque d'intérêt dans la voix d'Hermione.

"Quel bon vent t'amène?"

"Je voulais te voir, Harry.... ça faisait longtemps. Maintenant, on n'a plus peur de devoir mourir de ce soir... ou demain." Sa voix bien timbrée tremblait un peu sous l'émotion. "Et maintenant grâce à vous c'est fini... et la vie va pouvoir reprendre son cours normal. Vous avez ma gratitude éternelle, ainsi que celle de tous les anciens élèves de Poudlard..." et il agita son badge, qui arborait le sigle CLAP, c'est à dire Communauté Patriotique des Anciens de Poudlard. Le badge avait été instauré au début de la guerre et avait été un signe de ralliement sans précédent.

Olivier pressa le badge usé dans la main de Harry. "Sans vous, vous tous, on ne serait jamais arrivés à rien... tu as autant de prestige que moi dans cette affaire, autant que tous les autres. Alors, c'est toi qu'il faut remercier, pour tous les autres."

Malgré tout, il garda le badge dans la paume de sa main. Ce serait un bon souvenir à montrer à ses enfants, quand Hermione et lui décideraient d'en avoir. Si un jour ils en avaient... la boîte dans sa poche lui revint en mémoire. Mais il avait autre chose à faire maintenant...

Le trio passa l'après-midi à se remémorer des souvenirs amusants de leurs années à Poudlard, les deux garçons prenant bien soin de ne pas nommer Ron. Pourtant, dès qu'on pensait 'souvenirs de Poudlard', le grand gaillard roux était en première ligne... mais la vie avait décidé qu'il ne serait pas assis là avec eux, et que ce serait la main d'Harry qu'Hermione tiendrait.

Olivier riait encore, alors qu'il parlait d'une de ses escapades avec Angelina, une belle soirée de printemps.

"On avait tellement peur que Rusard ne nous trouve... et même pas! Mais devinez sur qui on est tombés..." Il s'interrompit net. Harry comprit immédiatement. "Oh. Hagrid."

Hagrid lui manquait beaucoup, vraiment beaucoup. Il avait souhaité revoir le demi-géant bien des fois... Hagrid et Olympe Maxime étaient partis demander de l'aide aux géants, sur une mission de Dumbledore, à la fin de la quatrième année de Harry. Et... ils n'étaient jamais revenus. Personne n'a jamais su ce qui s'était passé. On aurait dit que Dumbledore le savait, mais il n'avait répondu à personne sur ce secret et avait déconseillé de partir à leur recherche. Le vieil homme avait emporté son secret dans sa tombe. Mais Harry enquêterait sur la question. Dès qu'il pourrait...

"Harry, Harry?"

Il retourna sur Terre. "Euh... désolé, j'étais, ailleurs... Herm, quel jour on est?"

Avec toute cette agitation, il avait complètement perdu la notion du temps... "Le 12 mars, Harry... et le 9 fut le jour de la victoire..."

"Qu'est-ce qu'il y a?" demanda Olivier, un peu inquiet.

"Oh, rien..." Harry soupira. "Juste Poudlard... il va falloir tout remettre en place... je sais que l'école n'a plus fonctionné depuis des mois, deux ans même, et il va falloir rattraper tout ce retard, réengager des professeurs, et dépoussiérer le Choixpeau... et qui va s'occuper de Fumseck, maintenant?"

"Harry. On avait dit, plus de travail. D'ailleurs Sirius s'occupe très bien du phoenix..."

"On dirait qu'il est doué avec les bêtes... déjà Buck l'adorait..."

"C'est peut-être dans sa nature!"

Hermione sourit à Harry qui reprit un peu de forces. Heureusement que son parrain était toujours de ce monde. Et Remus Lupin, avec ça. Quel bonheur.

"On est en vacances, théoriquement... je crois qu'on va aller se ressourcer à la campagne... loin de tout ce remue ménage." informa Hermione. Olivier sembla consterné. "Vous n'allez pas faire la fête avec nous?"

"Non, on a.... des choses à régler, et... on en a vu assez. Eclatez-vous bien!"

"Oh, j'ai entendu parler de... Ginny Weasley."

"Et qu'est-ce que tu as entendu dire?" demanda Harry, visiblement très intéressé.

"Qu'elle est revenue sur Terre sous forme de zombie, ou peut-être même de vampire hystérique..." Olivier roula des yeux. "Je sais bien que ce n'est pas vrai... je la connais à peine, cette petite, mais sa disparition avait été tragique... alors? Est-ce qu'elle est réellement en vie?"

Hermione fut ravie de constater que la petite et timide Ginny avait réussi à se faire des amis peu communs, comme Olivier et le Ministre de la Magie. Elle serait enchantée de voir comme tout le monde tenait à elle.

"Elle est en vie, et chez elle, entre sa mère et son grand frère. Nous allons certainement passer un peu de temps avec eux... ce serait bien si tu passais nous voir!"

"Pourquoi pas? Il y a longtemps que j'ai pas vu ce grand Bill... et peut-être que l'air frais me fera du bien à moi aussi!"

Le soleil commençait à se coucher, et Olivier quitta l'appartement, s'excusant de leur avoir prit autant de temps. Mais le jeune couple avait été très heureux de le recevoir. Puis ils rassemblèrent leurs affaires et se renseignèrent sur le Portoloin le plus proche pour la maison des Weasley.

********

Drago tournait toujours en rond, inlassablement. Les yeux fixes, et les pensées fixes aussi, sur l'objet de ses désirs. Il revoyait pour la énième fois son plan, ses atouts, ses failles, ses précautions à prendres, ces détails à ne pas négliger. Il agirait seul, et sur une seule personne, qui représentait son monde tout entier. Il fallait, dans une nécessité absolue, récupérer Rachel.

Rachel était toujours là, quelque part. Ce n'est pas parce qu'un sortilège d'amnésie l'efface qu'on n'est plus la personne que l'on était... et sinon, pourquoi l'aurait-elle délivré? C'était bien elle, n'est-ce pas.... cette Sang de Bourbe n'aurait jamais fait un tel crime envers sa patrie... alors il n'y avait plus que Rachel. Ou Ginny, comme vous voulez... Ginny maintenant, Rachel dans peu de temps... juste le temps de lui mettre la main dessus.

Les pistes avaient été impeccablement brouillées, certainement par Harry Potter lui-même. Il aurait sa tête. Ou mieux encore, il enverrait ses enfants à Poudlard... cela le fit rire. Potter n'avait jamais été désigné comme directeur mais en avait assumé les fonctions. Et maintenant, allait-il se défiler, laisser la place à quelqu'un qu'il reconnaîtrait comme plus affirmé que lui dans ce domaine? Peu de chance.... ces Gryffondors sont si arrogants...

"Julius! Aréa!"

Répondant docilement à son appel, deux -les derniers- Mangemorts apparurent. Julius était ni plus ni moins que le cousin de Drago, et Aéra était une femme d'une trentaine d'année assez douée en magie mais incapable de penser par elle-même. Dans ses pires moments, elle lui rappelait Crabbe ou Goyle. Ces deux-là ne furent pas une grande perte.

"Essayez d'être moins stupide que d'habitude et trouvez-la moi. Ou trouvez n'importe qui qui puisse savoir où elle se cache. Mais surtout, soyez prudents."

Ils transplanèrent. Deux Mangemorts, hein, ça c'était de l'armée. Mais bientôt, et grâce à Rachel et son enfant, le monde allait de nouveau sombrer dans le vrai pouvoir... celui de l'ombre, celui qui n'a plus peur de rien.

*********

C'était le milieu de la nuit quand Ginny revint à elle. Le flou ténébreux qui s'offrit à elle la fit tressaillir et elle s'assit sur son lit, angoissée. Sa tête lui tourna un moment de s'être redressée si vite et elle passa une main dans ses longues boucles rousses. Habituée à ne pas faire de bruit en milieu hostile et inconnu, elle entendit dans son silence la respiration calme de quelqu'un qui est endormi. Elle eut tôt fait de repérer le dormeur, assoupi sur une chaise. Dans la pénombre, elle ne reconnut pas le grand gaillard.

Il y eut comme un déclic et son cerveau embrumé devint d'une clarté absolue et tous les derniers événements redéfilèrent dans son esprit comme au cinéma. La dernière chose qu'elle avait fait avait été de sauter de cette fenêtre... puis c'était le vide.

"Je suis en vie?"

Selon toute logique elle aurait dû être morte, non? Personne ne peut survivre à une telle chute... Elle se pinça et ressentit sa douleur. Ce n'était pas l'enfer, elle était bel et bien vivante. Et pourquoi s'était-elle jetée de cette fenêtre? Parce qu'elle était enceinte...

Ginny fit une grimace de dégoût mais à sa grande surprise un autre sentiment prit le dessus. Elle porta sans y penser les mains à son ventre et sourit faiblement.

"Un enfant. J'attends un enfant!"

Son instinct maternel fut plus fort que tout le reste et elle ressentit l'extase de toutes les femmes nouvellement enceintes. Bill choisit ce moment pour se réveiller.

"Hmm...? Ginny?"

Elle sursauta à l'adresse de son nom, et détailla la figure dans les ténèbres.

"Oh mon dieu, Bill?"

Elle se jeta hors de son lit et courut dans les bras de son grand frère.

"Je suis tellement heureuse de te revoir! Si tu savais comme tu m'as manqué... mais pourquoi... comment suis-je encore vivante? J'aurais dû mourir!"

"Je t'ai vue tomber et je t'ai rattrapée au vol... tu te rends compte, tu aurais pu te tuer!"

"C'était l'objectif... mais..." et elle se resserra contre lui, "je ne veux plus mourir maintenant. Je veux rester auprès de toi et maman..."

"Tout va bien, Ginny, tout va bien... tu es avec moi et maman, dans notre nouvelle maison..."

"Maman, où est-elle? Je voudrais la voir... est-ce que... est-ce qu'elle me déteste? Et toi alors, tu ne me détestes pas?"

"Te détester? Mais pourquoi? Je suis tellement heureux de te revoir... tout ce que Rachel a fait, ce n'est pas ce que tu as fait. Tu es ma petite soeur et tout ce qu'il me reste, et je t'aimerais toujours!"

"Et... pour le bébé?" Malgré elle, elle entoura protectivement son bassin de ses bras.

"Ton bébé, je veux le voir naître et le voir grandir. C'est un ptit bout de toi, un bout de moi aussi... personne ne te déteste Gin, tout le monde t'aime et se fait du souci pour toi..."

Il la guida jusqu'à la chambre de sa mère, où elle dormait d'un sommeil agité. Ginny s'agenouilla au pied du lit, hésitante. Sur un signe de Bill, elle lui prit la main et la secoua.

"Maman, maman, c'est moi, Ginny!"

Molly Weasley fusa hors de son lit en une fraction de seconde.

"Ginny!"

Mère et fille s'enlacèrent durant ce qui leur sembla plusieurs heures, murmurant à l'autre le bonheur de se voir. Le petit jour se levait et Molly prépara un bon petit déjeuner devant lequel les trois Weasley s'attablèrent. Ginny avait oublié toute envie de mourir, même si le souvenir du père de son enfant était obstinément présent dans son esprit. Mais il était mort et de toute façon, elle ne pouvait avorter sans mourir et bizarrement, elle ne voulait plus mourir. Maintenant qu'elle avait Bill et sa mère, elle ne voulait plus leur causer de chagrin. Et ce soleil levant, si beau depuis la fenêtre, semblait si prometteur...

A la salle de bain, devant le miroir, Ginny se contempla. Elle avait envie et besoin de changer de look, pour ne plus se remémorer ses expériences passées... d'un coup de baguette magique, elle se coupa les cheveux. Au lieu de tomber jusqu'à ses hanches en boucles, ils lui arrivaient maintenant à la nuque, se terminant en larges boucles. Elle enfila une robe de sa mère, pensant qu'elle aurait besoin d'une nouvelle garde-robe, bien plus colorée que la précédente... et un peu de shopping lui ferait du bien. Et surtout pas rester toute seule...

Elle enfila la robe après une longue et chaude douche, puis sortit de la salle de bain. Molly l'attendait, les mains jointes.

"Ma petite fille est devenue une belle femme... ta coupe de cheveux est très jolie, ma chérie!"

"Maman, j'ai dix-neuf ans!"

"Je sais, je sais... mais il n'empêche que tu as encore grandi et que tu es superbe!"

Un petit bruit attira l'attention de Ginny. Elle se tourna vers la fenêtre. Une chouette y était.

"Hedwige!" cria Ginny. Elle s'empressa d'aller ouvrir la fenêtre et de dénouer le message attaché à sa patte. Avec force caresses, elle l'emmena à la cuisine savourer quelques gâteries. Hedwige roucoulait de plaisir, et Ginny souriait. Molly ne pouvait pas être plus heureuse.

"C'est Harry, bien sûr..." entama Ginny en lisant la lettre. "Lui et Hermione sont en congés et demandent s'ils peuvent venir ici deux semaines... à partir d'aujourd'hui! Maman, c'est fantastique! Je vais voir Harry et Hermione pendant deux semaines!"

Puis elle se rassit, lasse tout à coup. Molly considéra comme inquiétant le fait qu'elle passe rapidement d'une émotion forte à une autre.

"Maman, ils ne viennent que ce soir. Je voudrais... je voudrais... aller voir Papa, Ron, Fred, George, Charlie et Percy..."

Elle acquiesça de la tête. Ginny caressait distraitement le plumage neigeux d'Hedwige, les yeux brumeux.

"Au fait, où est passé Bill?"

"Oh, il est dehors... il dégnome! On dirait bien que les gnomes nous ont suivi... de la peste, ceux-là! Enfin, ça change les idées... tu veux y aller aussi?"

La matinée passa vite pour Ginny, entre Bill et les affreux gnomes. Ginny gagna le concours de lançage de gnomes dans le pré mais elle était persuadée que son frère l'avait laissée gagner.

*********

"Malefoy, nous l'avons trouvée."

"Où est-elle?"

"Où donc, chez sa mère bien sûr... elle habite non loin de son ancienne maison. Les sorts qui protègent la baraque sont basiques, on n'aura aucun mal à les briser... on attend la nuit?"

"Il le faut..."

*********

C'était une belle journée de printemps mais le vent du Nord soufflait sur le cimetière. Ginny y entra avec sa mère et son frère, pas certaine de toujours vouloir affronter la réalité en face. Son souvenir de Ron et de ses dernières secondes était plus clair dans sa tête que celle de n'importe qui d'autre... et il fallait qu'elle raconte tout à ses derniers parents.

Le chemin de croix commença. La première tombe devant laquelle ils s'arrêtèrent fut celle d'Arthur Weasley. Molly récita tout bas une prière à son défunt mari, et Ginny, sans répandre une larme, prononça dans sa tête quelques paroles d'excuses et de regrets à son père. Puis vinrent Percy, puis Charlie, puis Fred et George, et enfin Ron. Après la litanie rituelle de Molly, Ginny prit la parole. Sa voix la fit sursauter, mais elle poursuivit avec courage.

"Bonjour Ron. C'est moi, Ginny, ta petite soeur... au moins toi tu n'as pas su ce que je suis devenue... je préfère qu'il en soit ainsi. Mais tu me manques, Ron, tu me manques... tu sais, cette nuit-là, au Terrier, je venais juste de trouver comment prendre ta reine... j'allais te battre, Ron, j'allais te battre aux échecs! Mais ils sont arrivés... de partout... j'ai eu tellement peur que j'ai paniqué, je n'ai plus trouvé ma baguette... merci, merci d'avoir essayé de me protéger... tout est devenu noir, Ron, mais je t'ai entendu crier... je t'ai entendu mourir. Je l'ai su, tout de suite. C'était une évidence... j'ai ressenti un grand vide dans le coeur... un gouffre. Je t'aime Ron, et je viendrais souvent te voir, je te le promets. Je te le jure! Tu sais, tu manques à tout le monde... je demanderai à Harry et Hermione de venir te voir aussi. Ils vont venir chez nous. Et... merci pour tout, Ron. Merci pour tout."

Elle termina dans un murmure. Bill posa sa main sur son épaule pour la réconforter, et tous trois quittèrent les lieux. Le soleil commençait à se coucher.

*********

Dans leur petit appartement de Londres, Harry et Hermione - enfin surtout Hermione - préparaient leur maigre bagage - enfin surtout pour Harry - pour leur quinzaine de vacances.

"Herm, tu n'es pas obligée de prendre tous ces livres!"

"Harry, nous allons en vacances. Avec toute cette guerre, j'ai prit du retard dans mes lectures! Je vais au moins en lire un par jour!"

"Alors ça me fait un compte de quinze, pas de cinquante!"

"Oui mais je ne sais pas quoi choisir..."

Harry sourit placidement, et sans quitter Hermione des yeux, choisit une dizaine de livres au hasard qu'il jeta négligemment dans son sac.

"Parée!"

"Harry!" lui adressa t'elle sur un ton de reproche amusé. "Bon, d'accord..." Il se retourna pour prendre son propre sac et elle en mit un dans sa poche sans faire de bruit, le surveillant du coin de l'oeil.

"Herm, repose ça tout de suite. Vacances, ça veut dire vacances!" dit-il sans se retourner.

Désespérée, Hermione reposa le livre sur la table. Il s'éloigna et elle tendit la main pour le reprendre.

"Tss!"

Se mordant les lèvres pour ne pas éclater de rire, elle croisa les bras et lui tourna le dos.

"Tu as un oeil derrière la tête ou quoi?"

Harry tourna la tête à droite, à gauche, faisant mine de chercher cet oeil que justement il pourrait bien avoir derrière la tête. "Non, j'en vois pas."

Hermione pouffa.

"Je te connais trop bien, c'est tout!"

Hermione décroisa les bras et, tout sourire, alla aider Harry avec les sacs.

"Tu sais quoi, Harry?"

"Hm?"

Elle attendit qu'il la regarde, pour être sûre qu'elle avait toute son attention. Il pencha la tête sur le côté, attendant qu'elle dise quelque chose. Elle trouva ce geste terriblement craquant.

"Je t'aime!"

"Mais je le sais que tu m'aimes..."

Il se pencha et l'embrassa. Hermione s'en sentit rassurée et déconcertée à la fois... il ne serait donc jamais sérieux?

Harry fit tomber le sac qu'il portait à terre.

"Et bien, je crois que nous avons tout... trop bête que la maison Weasley ne soit pas intégrée à notre réseau de poudre de Cheminette!"

"Nous allons y remédier dès ce soir, chéri! Pas de souci!"

"Et il faudra profiter de nos vacances pour nous trouver une jolie maison, hein?"

"Une jolie maison rien qu'à nous... avec une grande bibliothèque!"

Harry éclata de rire et enlaça sa compagne par la taille. "Une bibliothèque? Mais à quoi elle servirait? Il faudrait la remplacer tous les deux jours! Autant planter une tente dans les Archives..."

Hermione prit un air furieux qui ne résista pas longtemps à l'hilarité de son petit ami. Ils se mirent à rire, et en riant libéraient toute la pression qu'ils avaient accumulés au long des derniers jours, mois, ans. Cela faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pas ri comme ça. Harry s'autorisait à faire le clown seulement quand ils étaient tous les deux, tâchant de paraître grand et mature et responsable quand il devait faire face à un autre public.

"Le soleil est déjà presque couché, Harry, il faut qu'on y aille!" s'alarma soudain Hermione. Harry fut contraint de la laisser s'échapper de son étreinte. Et dire qu'il y était presque... Il toucha du bout des doigts la petite boîte.

Hermione mit un sac sur son dos et lui en tendit un autre. Ils passèrent le seuil de la maison. Coup d'oeil à droite, coup d'oeil à gauche, personne en vue, parfait! Un petit sort de protection au cas où... Puis ils descendirent les escaliers.

Dans ce quartier de Londres à majorité moldue, il y avait peu de signes de la fête du monde sorcier, mais un détail amusant frappa le jeune couple: les lampadaires n'étaient pas gris métal comme d'habitude, mais rose, vert, jaune, bleu. Il y en avait même un clignotant au bout de la rue. Hermione haussa les épaules avec un sourire en coin et s'arrêta au pied du réverbère jaune.

"C'est celui-là?"

"Hm-hm."

"A trois. Un, deux..."

"Stop!"

Une voiture moldue, plein phares allumés venait de déboucher de l'autre côté de la rue. Hermione baissa sa main, prête à saisir le Portoloin, et soupira d'impatience. La voiture passa à pleine vitesse.

"Et bien, il était drôlement pressé celui-là..."

"Il faut croire..."

Harry suivit des yeux la voiture, et vit qu'elle s'arrêtait au pied de leur résidence.

"Bon, Harry, on y va nous aussi?"

"Attends... Cette voiture est louche... pas de plaque d'immatriculation..."

Deux personne sortirent de la voiture et pénétrèrent dans le bâtiment.

"Tout cela ne me dit rien qui vaille!"

"Harry, ce n'est pas le moment de jouer les héros!"

Mais il était déjà loin. Hermione laissa tomber ses affaires et courut après lui.

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Ginny était assise au coin du feu de sa maison, sur un fauteuil recouvert d'un drap vert, les genoux entourés de ses bras, et la tête y reposant. Tant de choses avaient changé depuis qu'elle était partie...

En regardant le feu qui changeait de couleur à chaque seconde, elle espéra retrouver un jour cette vitalité. Aujourd'hui elle avait essayé de faire deuil. La fin était le commencement de quelque chose de nouveau. Et surtout, malgré tout ce qu'elle se souvenait avoir fait dans sa 'vie antérieure', elle ne voulait plus mourir. On lui avait expliqué que sa fille voulait vivre et la tuerait si jamais elle essayait d'avorter. Cette lutte pour la vie avait peut-être déteint sur elle, mais en tous cas, elle ne voulait plus mourir, plus jamais. Et elle garderait cette fille qu'elle élèverait.

Souriant à elle-même, les yeux clos, elle chercha un prénom pour sa fille. Le soleil couchant disparut derrière l'horizon. On sonna à la porte.

"C'est sûrement Harry et Hermione", s'exclama t'elle, assez fort pour que depuis la cuisine, sa mère l'entende. Elle ouvrit la porte à toute volée, un grand sourire aux lèvres, prête pour des embrassades.

Son sourire s'évanouit et elle changea de couleur. Dehors, ce n'était ni Harry, ni Hermione, mais Malefoy.

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lyz: haha, c'est la fin du chapitre!!!! Que va t'il se passer dans le prochain? Vous allez encore devoir attendre pour le savoir... mais j'ai des tas d'idées, vous inquiétez pas. Je suis désolée de vous faire attendre aussi longtemps... mais peut-être que certains penseront que ça en vaut la peine, enfin je l'espère!

Merci de ma laisser une chtite review... je vous aime ^^ !