Chapitre 6.
Comment les rêves peuvent en révéler tant.


Lily s'étira en bâillant. Elle avait fait un drôle de rêve dans lequel un jeune homme aux cheveux noirs et au teint pâle, accroupi, lui baisait la main, son regard caché dans l'ombre... Il portait un curieux uniforme noir, avec une longue cape et une grande robe couleur ébène. Puis il s'était relevé lentement, avec des mouvements fluides et là, son regard rouge avait transpercé la jeune fille... Elle y avait lu tant de choses... Et elle s'était réveillée.
Elle s'assit sur le rebord de son lit et prit sa tête entre ses mains en tentant de se remémorrer ce qu'elle avait vu... Mais à chaque effort, le songe lui échappait encore plus...
C'était étrange... Il lui semblait avoir déjà vu ce garçon étrange, au regard couleur braise... Elle s'était déjà noyée dans ce torrent de lave... Elle avait l'impression que ce garçon faisait partie d'elle-même, qu'elle l'avait toujours connu...
Et pire, qu'elle n'avait pas rêvé, mais qu'elle venait réellement de le rencontrer... A nouveau. Pourtant, elle savait bien que c'était impossible ! Les seuls élèves de Poudlard qu'elle connaissait ne l'étaient pas encore... Remus, Sirius et... James.
Quelle énigme se cachait sous ce songe étrange ? Elle n'en avait aucune idée... Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait eu l'impression que cet adolescent voyait au fond d'elle-même, et que son pouvoir était si immense que personne ne pourrait jamais le mesurer...
Elle secoua la tête. Que se passait-il ? Les paroles de Remus lui revinrent en mémoire... Tu as été possédée, Lily... Par qui, par quoi, pourquoi ? Pourquoi elle, pourquoi à cet instant, pourquoi de cette manière ? POURQUOI ?
Elle soupira, la conscience lourde de trop de questions sans réponse, et elle partit réveiller Remus encore endormi.

Sirius se réveilla avec la migraine. Il prit sa tête entre ses mains en soupirant... Il l'avait encore vue, cette nuit, plus vraie que jamais... Avec son sourire étrange, inquiétant mais attirant... Encore une fois, elle lui avait tendu la main, murmuré ces mots, emprunts d'une douceur maternelle perdue depuis si longtemps... Il s'était réfugié dans ses bras, en pleurant, comme toujours... De ces mêmes larmes amères qui coulaient encore sur ses joues. Il renifla... Qu'aurait pensé Lily en le voyant sangloter ainsi, comme un enfant qu'il n'était déjà plus ? Lily...
Il lui fallait être fort. Accepter l'inacceptable, serrer les dents et aller de l'avant. Son père le lui avait bien dit, le jour de l'enterrement...
Tu es un homme , Sirius, tu n'as pas le droit de pleurer. Les larmes, c'est pour les femmes. Sinon, tu es un faible. C'est dur, mais c'est comme ça.
-C'était ma mère...
-Et alors ? Je te l'ai dit, tu es un homme. Un Black, en plus de ça. Les Black ne montrent pas leur peine, jamais. C'est une question d'honneur.
-C'est pour ça que toi, tu ne pleures pas ?
-Non, moi, c'est différent.
-Oui, avait murmuré Sirius tout bas, toi, tu ne l'aimais plus.
C'en étaient suivies des crises de larmes, auquel il ne participa pas, pendant que le cercueil était mis en terre... Combien de coeurs se déchiraient là ? Il n'avait même pas cherché à le savoir. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était resté longtemps, assis sur les genoux, devant la tombe, un bouquet de roses noires à la main... Personne n'avait songé à venir le chercher, et, seul, il avait sangloté, sous la pluie, son costume noir maculé de boue, ses genoux en sang meurtris par les graviers du chemin.
Puis, une main gantée noire s'était posée sur son épaule. Il n'avait pas bougé et Charon s'était mise à genoux à ses côtés, sans mot dire. Combien de temps étaient-ils restés là ? Une heure, peut-être deux... Deux frêles silhouettes noires sous la pluie... Deux enfants à la vie détruites, seuls, dans une prière inexplicable et silencieuse.
Enfin, Charon avait prit son frère par le bras, et ils s'étaient relevés. Ils avaient erré dans les rues de Londres, ne sachant que faire, désorientés, misérables dans leurs habits de deuil boueux. Enfin, ils étaient entrés dans un pub, avaient commandé chacun un chocolat chaud et avaient fini par s'endormir, l'un contre l'autre...
Le patron du pub les avait réveillés quelques heures plus tard, avec un petit sourire malheureux, il leur avait fait remarquer qu'ils avaient pleuré pendant leur sommeil...
Puis il avait ajouté que leurs parents devaient s'inquiéter... Et là, Sirius avait simplement murmuré :
Nos parents...
Avant que Charon ne termine sa phrase, ses grand yeux noirs plein de détresse :
On sait pas si on en a, M'sieur...

Jaaaaaaaaames, debout mon chéri !
James se retourna sur le dos et ronfla plus fort que jamais.
James, debout ! Il faut que tu révises ton Alohomora !
Il continua de plus belle sa comédie.
James, je vais sévir !
Il grimaça.
D'accord, d'accord, je me lève !
-La prochaine fois, c'est privé de Quidditch pendant un mois !
-Merci, merci, je sais !
-Et ne réponds pas ! Ou tu auras à expliquer à ton équipe pourquoi tu ne peux pas disputer le prochain match.
-Ok, ça va, maintenant ! Je peux m'habiller s'il te plaît ? interrogea-t-il amèrement.
Et Mrs Potter sortit de la chambre en haussant les épaules.
James adorait se remémorrer ses rêves, en se réveillant... Or, cette nuit, il en avait fait un bien étrange... Il restait à s'en souvenir... Il s'était vu pointer sa baguette vers lui-même, prononcer une formule étrange et se transformer en un cerf majestueux... Puis il avait tourné les yeux et c'était retrouvé en face d'un loup au pelage d'argent et aux yeux verts, d'un grand chien noir et d'un rat dodu au pelage clair...

Remus sentit la lumière pénétrer dans la pièce. Il garda les yeux fermés, comme pour prendre au piège son rêve s'évanouissant déjà. Il avait vu son père... Il avait vu Angelo Lupin, son sourire éclatant, ses grands yeux verts et ses cheveux de jais... Il lui avait parlé, un peu... Et Angelo lui avait répondu, d'une voix grave mais claire, posée, sereine mais chantante. Il s'était même penché vers lui pour lui murmurer un secret. Mais Remus s'était réveillé.
Allez, debout, Rem' !
Le concerné sourit avant de se mettre l'oreiller sur la tête. Lily se mit à rire.
Allez, debout, espèce de feignant, va !
Remus bondit et lança son oreiller dans la figure de la jeune fille:
Yihaaaaaaaa ! Tu t'y attendais pas, hein ?
-Eh, Remus ! grogna Lily, tu m'as fait mal !
Et à son tour, le jeune homme reçut le polochon de plein fouet.
Tu vas voir, toi !
Il sauta de son lit et s'amusa à poursuivre Lily qui courait dans la maison pour lui échapper, en riant et en s'écriant de temps à autre, de sa petite voix aiguë :
Remuuuus ! Arrête, c'est même pas drôle !
La course poursuite s'arrêta devant la porte de la chambre de Lily. Pétunia s'y tenait. Les deux adolescents la regardèrent, muets et immobiles.
Vous m'avez réveillée, fit-elle amèrement.
-Ah bon ? s'étonna Remus en frottant son pyjama pour faire tomber les plumes qui s'y étaient accrochées.
-Désolée, ajouta Lily en baissant la tête.
Mais Pétunia avait déjà claqué la porte de sa chambre.
Les deux adolescents se dévisagèrent. Une boule obstruait la boule de Remus. Il interrogea simplement :
Euh, bien dormi ?
-Ca peut aller, et toi ?
-Ouais...
Mais il était ailleurs... Son père était quelque part, il le retrouverait bientôt... Il en avait maintenant la certitude.
Ce fut à cet instant qu'il sentit sa blessure à la cuisse le brûler. Ses jambes se dérobèrent sous lui et il tomba à terre dans un gêmissement de douleur.
Remus ! s'écria Lily en se précipitant sur lui, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
-C'est rien, mentit-il, c'est rien.
-Tu es sûr que ça va ?
-Oui, je te dis, c'était juste une crampe passagère... Ca va mieux.
-Ok... On va déjeuner ?
Remus accepta, soulagé.
En entrant dans la cuisine, il jeta un regard rapide au calendrier accroché au mur.
Ce soir, songea-t-il, pleine lune... Comment vais-je faire ?
Il soupira amèrement, avala rapidement son petit déjeuner et monta dans sa chambre.
Il réfléchit, se tourmenta, tourna le problème dans tous les sens sans trouver de solution.
Il porta sa main à sa morsure et s'aperçut qu'elle était brûlante.
C'est un signe, murmura-t-il, je n'y échapperai pas.
Puis à cet instant même, la solution se présenta à lui. C'était risqué, mais il fallait tenter. Il sortit dans la rue, en disant à Lily qu'il prenait un peu l'air, qu'il reviendrait bientôt, mais qu'il voulait être seul. Puis il entra dans une cabine téléphonique, inséra des pièces et composa un numéro, le coeur battant...