Chapitre 11.
Comment Remus passa sa première nuit de lycanthrope.



Bon, ben... Bonne soirée Remus !
-Bonne soirée, Lily, je reviendrai tôt demain matin.
-Tu m'appelles en cas de problème ?
-Juré.
Remus fit la bise à Lily, un peu tremblant. Il regarda sa montre. Il lui restait à peine une heure avant le coucher de soleil.
La jeune fille le dévisagea.
Remus... Tu... Ton regard, il est... Si triste, si lointain. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Il se détourna en rougissant. Ses yeux étaient chargés de détresse, il le savait. Mais il n'y pouvait rien. Qui lui avait fait don d'un regard si explicite ? Pas sa mère, certainement pas.
Pas de bêtises, hein ? fit-il, en tentant de plaisanter.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? Remus, tu es bizarre.
-Non, je veux dire, pas de bêtises quoi... Genre, évite de sortir.
-Remuuus...
Remus baissa la tête. Il fit rouler un caillou du bout du pied en marmonnant :
'J'chais pas, quoi...
-Remus. Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Mais rien ! Je...
-Tu ?
-Je... Je m'inquiète pour toi, c'est tout.
Lily eut un sourire radieux. Elle colla un baiser sonore sur la joue de son ami.
C'était quand même pas compliqué à dire ! Allez, file. Et essaie de prendre un peu moins une couleur de tomate la prochaine fois !
Remus sourit, un peu gêné et se dirigea vers la gare du village. Là où il avait prétexté qu'il prendrait un billet. Tout en sachant qu'il n'en ferait rien.
De ce côté là se trouvait également un bois assez touffu et sombre. Il pourrait aisément s'y cacher pour la nuit.
Le jeune homme n'avait jamais pris la peine d'étudier les loups-garous, et, désormais, il s'en voulait terriblement. Courait-il le danger d'agresser des villageois ? Ou pire... D'en tuer ?
Trop de questions sans réponse, trop d'énigmes dans son âme désormais métisse. Il tremblait de tout sans être. Il le sentait bien, comment aurait-il pu en être autrement ?
A nouveau il regarda sa montre.
Dans une demie heure, songea-t-il, dans une demie heure je ne suis plus moi.
Il sortit de son sac un paquet de Dragées Surprises de Bertie Crochue et en mangea une qu'il recracha immédiatement.
" Sang, marmonna-t-il amèrement, j'en aurai assez si jamais ça dérape, ce soir. "
Un quart d'heure passa
Puis vingt minutes.
Puis vingt-cinq.
Remus contempla avec une horreur mêlée de passion sa lente transformation. Il observa le poil noir et épais qu'il lui poussait sur sa peau pâle, ses ongles qui s'incurvaient lentement, grandissant, se déformant Il sentit peu à peu son humanité l'abandonner Il n'était plus Remus Il était un loup-garou Il était
Il hurla. La lune s'était levée. Sa lycanthropie libérée. La douleur. La peur. Mais le soulagement. La bestialité.
Il marcha d'abord lentement, ses pattes d'ébène s'enfonçant à peine dans la terre meuble. Il se sentait étrangement calme. Il leva son long museau vers l'astre d'argent
Et à nouveau, il hurla. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Ca lui était égal. Lui fallait-il une raison ? Un mobile ? Aucun. De toute façon, il n'aurait pas pu en fournir. Tout ce qu'il voulait, c'était hurler, encore et encore, rester là, dans une nuit douce et pourtant frissonnante Ce qu'il voulait, c'était se sentir vivre. Enfin. Se sentir libéré, libéré de la contrainte humaine. Se sentir loup.
Un agréable frisson lui parcourut l'échine. La liberté, encore elle ! Ô délicieuse liberté de cette nuit de pleine lune On lui avait dit que les loups étaient violents Pourquoi pas lui ? Qu'avait-il de différent ? Bien entendu, il sentait ce Je-ne-sais-quoi bouillonner en lui Une sorte de rage Mais c'était une révolte douce. Le bonheur de la fin des contraintes. Il était loup. Pourquoi se préoccuper des humains ? Il était loup. On ne le commandait pas. Il était libre.
Encore une fois, il hurla à la lune. Comment un tel cri pouvait-il effrayer les humains ? Un cri si noble, si pur, si beau Un hommage brut à la beauté de l'astre, un hommage intact à tout ce que l'homme ne changera jamais L'hommage d'un loup qui pour la première fois ouvre les yeux sur un monde d'étoiles.
Il fit à nouveau quelques pas dans l'épaisse forêt Il se sentait enfin chez lui L'odeur de la forêt qui s'éveille à la nuit tombée, le vent dans les cimes des sapins, le bruissement des feuilles Une impression de sérénité et de fougue que, pendant tant d'années, il avait recherchée, poursuivie Sans jamais l'approcher
Ses sens avaient été affinés par sa transformation Il se plaisait à regarder au loin, au-delà de l'enchevêtrement d'arbres nobles et sombres.
Ce fut à cet instant précis qu'il aperçut une silhouette. Il se concentra pour en être sûr. Après tout, c'était sûrement une erreur, une souche d'arbre biscornue, quelque chose de ce genre. Mais non. L'ombre bougeait.
Alors, toute la magie de la transformation s'évanouit. Il était désormais un loup, un vrai. Un loup méfiant, agressif, prêt à bondir et à mordre.
L'autre s'approcha lentement. Remus montra les crocs en grognant. Qui osait venir se mesurer à lui, dans sa forêt ? Qui en avait le droit ?
Le jeune loup qu'il était bondit dans un aboiement déformé par la rage. Un combat acharné s'ensuivit. Remus mordait, griffait, chargeait, hurlait. L'autre se défendait tant bien que mal, mais sans jamais le blesser.
Remus finit par déclarer forfait, hagard, fatigué, en roulant sur le dos, pattes en l'air. L'autre lui donna un coup de museau bourru pour l'insister à se relever. Il s'éxecuta, surpris.
Et toute sa rage le quitta. En silence, les deux loups marchèrent côte à côte. Remus se sentait étrangement en sécurité. Il observa son compagnon.
C'était un mâle à belle stature, adulte, avec un pelage très noir, un long museau effilé et de grands yeux verts mélancoliques à la profondeur inconcevable.
Il sembla presque à Remus que son aîné lui souriait. Tant qu'un loup peut sourire, du moins. Il y avait quelque chose, une lueur dans son regard qui lui faisait se sentir bien, en confiance. Comme si... Ce loup faisait partie de lui-même.
Il échangea un coup d'oeil furtif avec son compagnon dans lequel il fit passer toutes ses émotions. Une voix retentit dans sa tête. Et Remus sourit.
Combien d'heures ils restèrent là, tous deux, ombres sous la pleine lune, personne ne saurait le dire Quel besoin avaient-ils de le savoir ? Ils étaient ensemble, bien Et c'était le plus important. Le temps n'est qu'accessoire, surtout quand on est libre.
Le petit matin arriva enfin Dès les premiers rayons, le compagnon de Remus bondit, et s'enfuit au loin. Il ne chercha pas à comprendre et sentit son pelage tomber à terre, ses os se remodeler, ses sens diminuer. Il se sentit redevenir humain. Satisfait, il tenta de se lever, pour rentrer chez Lily. Mais il s'aperçut que ses jambes refusaient de le porter. Il pesta. Sa voix n'était qu'un murmure
A son grand étonnement, il s'aperçut que ses vêtements lui étaient revenus dans sa transformation.
" Plutôt pratique, " songea-t-il.
Mais il lui fallait désormais trouver un moyen de lutter contre sa faiblesse. Dans un ultime effort, il se releva Et s'évanouit.

***


" Mange Ne crains rien Je les ai ensorcelés pour toi Tu te réveilleras, dans quelques minutes, mais tu oublieras mon visage Tu le chercheras, encore et encore, mais il ne viendra pas Ce n'est pas le plus important, tu le comprendras vite. Le plus important, c'est que je suis là pour toi. Courage, Remus. "

***


Remus se réveilla sur un tapis d'aiguilles de pain Il se releva lentement, avec des gestes fatigués, maladroits et las. Il se dirigea en boitillant vers l'orée de la forêt. Il savait désormais ce qui l'attendrait à chaque pleine lune. Et il n'avait aucun moyen de l'empêcher.