L'amour dans l'âme

Par Maria Ferrari

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Disclaimer : Les personnages de Vision d'Escaflowne ne m'appartiennent pas, pas plus que l'extrait du poème que vous pourrez lire dans cette fic, il s'agit de l'œuvre de Jean Genet "Le condamné à mort" que j'ai découvert par l'intermédiaire d'Etienne Daho. Je ne tire aucun profit financier de l'utilisation de ces œuvres.

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—Chapitre 2 – Qui es-tu ?—

Ô viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d'Espagne,

Arrive dans mes yeux qui seront morts demain,

Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main,

Mène-moi loin d'ici battre notre campagne…

Je pris une profonde inspiration avant de taper à la porte.

« Oui ? fit sa voix de l'autre côté du panneau.

— Sei… seigneur… c'est… »

La porte s'ouvrit brusquement. Mon Seigneur Dilandau faisait si rarement des gestes délicats et mesurés.

« Gatti, que fais-tu là ? » me demanda-t-il d'un ton agressif. Son regard était sévère ; cependant, j'étais décidé : « Il faut que je vous parle, seigneur Dilandau.

— Maintenant ?

— C'est très important.

— Tu as intérêt à ce que ça le soit pour venir me déranger en pleine préparation ! » assura-t-il en me tournant le dos. Il retourna à l'intérieur, je le suivis.

« Il fallait que je le fasse maintenant car, dans deux heures, il sera trop tard.

— Tiens donc, pourquoi ? Cela a-t-il un rapport avec l'attaque qu'on va mener ? me demanda-t-il d'un ton absent.

— Oui… dans deux heures, je serai mort. »

Il époussetait la veste qu'il comptait porter lors de la bataille ; il s'arrêta net au moment où je prononçai le mot fatal. Le silence s'installa. Il finit par le briser au bout de quelques instants.

« Qu'est-ce qui te fait croire ça ? » me demanda-t-il en murmurant. Il ne me regardait pas. Il regardait le mur ; j'étais convaincu qu'il ne le voyait pas, que sa vue était trouble.

~oOo~

Quelques jours avaient passé. Hitomi était partie. Van avait paru très triste. Allen lui avait expliqué où elle était partie. Elle avait cru comprendre qu'elle était morte car la façon dont Allen lui avait expliqué ressemblait à la façon dont il lui avait annoncé la mort de ses parents. Elle était morte donc. Allen lui avait dit qu'elle était partie sur la Lune des Illusions. Donc, le paradis d'Hitomi était cette planète bleue qu'elle pouvait voir en levant les yeux. Grand bien lui fasse.

La voix n'avait plus reparlé. C'est moi Dilandau. C'était la voix dans sa tête Dilandau ? La voix dans sa tête avait un nom et tout le monde semblait la connaître. Amusant.

Dilandau était-il une sorte de conscience ?

« On peut dire ça comme ça. »

Serena prit une profonde inspiration. La voix s'était de nouveau manifestée.

« Tu es ma conscience ?

Si c'est que tu veux. »

Amusant. Oui, c'était amusant. Elle pouvait dialoguer avec la voix dans sa tête. Elle laissa échapper un petit rire.

« Quand je vais dire ça à Allen !

Surtout pas, il ne faut pas lui dire, il te prendrait pour une folle ! »

Serena perdit son sourire. Dilandau avait raison. Il ne fallait pas le dire. C'était dangereux de dire ce genre de choses. Elle pensa à un homme que sa maman ne voulait pas qu'elle approche ; cet homme parlait tout seul ou plutôt on avait l'impression qu'il parlait avec quelqu'un, mais il n'y avait personne ; sa maman disait qu'il était fou. Si elle parlait de ça à Allen, il penserait qu'elle est folle, c'était sûr. Il fallait qu'elle évite de parler tout haut, il ne fallait pas qu'on l'entende parler toute seule. D'ailleurs, il n'y avait pas besoin de parler, Dilandau l'entendait penser ; c'était bien normal, il était dans sa tête.

C'était d'ailleurs étrange. Comment tout le monde pouvait connaître Dilandau puisqu'il était dans sa tête ?

« Je n'ai pas toujours été emprisonné dans ton cerveau.

— Qui es-tu exactement ? » demanda Serena, intriguée.

La voix ne répondit pas.

« Dilandau ? »

Toujours rien. La voix s'était tue. Dilandau n'avait plus envie de parler. Serena tira la langue.

« Je m'en fiche, j'ai pas besoin de toi ! »

Elle replongea dans ses pensées. Elle avait demandé à Allen de lui expliquer tout ce qui s'était passé pendant son "absence", mais elle avait senti qu'il édulcorait volontairement l'histoire pour l'adapter aux "oreilles innocentes" de sa petite sœur. Il n'avait plus parlé de Dilandau. Elle avait voulu le questionner sur lui, mais il noyait le poisson et n'en parlait pas. Il en avait parlé le jour de la bataille, mais avait apparemment décidé après qu'il valait mieux se taire sur ce sujet. Dilandau était donc tabou, pourquoi ?

« Pourquoi es-tu tabou ? » Un silence obstiné lui répondit. « Tu ne veux toujours pas parler ? Tant pis pour toi ! »

~oOo~

« Pourquoi crois-tu que tu vas mourir ? Ce n'est pas la première fois que nous partons en mission que je sache !

— Je ne crois pas que je vais mourir…

— Hé bien alors ! s'exclama mon Seigneur triomphalement en se tournant vers moi dans une volte-face théâtral.

— … j'en suis sûr. »

Cette parole jeta un nouveau froid entre nous.

« Tu en es sûr ?

— Oui. »

Je reçus la gifle avant même de m'apercevoir qu'elle était partie ; Dilandau était maître dans l'art d'envoyer des coups rapides et violents à ses slayers. Ma tête partit sur le côté sous la force du coup ; le temps de la ramener à sa hauteur et les larmes avaient empli ses yeux.

« Il ne faut pas dire des choses pareilles… jamais ! Tu entends ? m'ordonna-t-il en se dominant.

— Oui, seigneur Dilandau… mais je n'y peux rien, c'est la vérité. »

Sa main, fulgurante, vint une deuxième fois vers ma joue. Ayant anticipé que mes mots me vaudraient une deuxième claque, je réussis à parer le coup. Mon Seigneur parut déstabilisé par mon geste ; il ne s'attendait absolument pas à ça ; ses slayers ne l'avaient pas habitué à mon attitude présente, moi moins que quiconque ; c'était la première fois à ma connaissance qu'un de nous le contrait délibérément.

~oOo~

Van la regardait et lui souriait, un peu gauche. Il était débout au milieu de la bibliothèque du manoir, elle était assise sur un des sofas.

« ça va ? » lui demanda-t-il gentiment.

Si ça va ? Oui, très bien. Pourtant, elle ressentait quelque chose de bizarre dans sa tête depuis l'entrée de Van dans le manoir, elle se sentait fébrile et s'étonnait de réussir à rester sans bouger sur ce canapé ; elle finit par articuler sa réponse.

« Oui.

— Tu… tu ne t'ennuies pas trop ? »

Serena estima qu'il cherchait à grand-peine un début de conversation ; elle ne ressentait pas le besoin de l'aider.

« Non, je m'occupe », répondit-elle.

Il s'assit à côté d'elle, juste un peu à distance. Elle l'observa, puis se tourna vers lui, faisant passer ses pieds sous son derrière ; elle posa son coude sur le dossier du canapé et mit son visage dans sa main. Van la regarda faire.

« Cela fait maintenant un moment qu'Hitomi est partie. »

Van fronça les sourcils. Que voulait-elle insinuer ?

« Oui, ça fait un moment. Enfin… ça ne fait jamais que trois semaines.

— Elle te manque ? »

Van s'agita.

« Pas autant que je l'aurais cru.

— Ah ! Tant mieux ! Je veux dire : tant mieux pour toi…

— Oui, oui, c'est sûr, vu que je ne la reverrai… »

Il se tut quand elle l'embrassa sur la tempe. Une chaleur intense envahit son corps et son visage une fois ce baiser reçu ; il se rendit compte qu'il devait rougir comme jamais auparavant. Ce baiser qu'elle lui avait donné… était… particulier. On pourrait croire que ce n'était pas grand-chose ; c'était tout le contraire. Elle avait une façon de faire… Il n'aurait jamais cru qu'une fille qui pouvait être si enfantine, presque naïve, pouvait embrasser d'une telle façon.

Dire que ce n'était que sa tempe !

Il lui semblait que son cœur s'affolait, il trouva la force de tourner la tête pour la regarder. Les cercles rouges étaient là, autour des iris bleus. Ces deux cercles rouges… ils semblaient deux anneaux de feu ; c'était ensorcelant ; Van était fasciné.

« Serena, je suis là ! »

La voix d'Allen.

« Oui ! » répondit Serena en sautant brusquement du canapé. L'instant magique était fini ; Van se leva lui aussi. Ils allèrent trouver Allen dans le salon.

« Ah ! Van, tu es arrivé. Tu es le premier ?

— Heu… oui. »

Van se sentait un peu confus de la bonne humeur d'Allen après le moment intime qu'il venait de vivre avec sa sœur. Il n'était pas convaincu que celui-ci apprécierait.

« Serena, où est Carmenita ?

— Dans la cuisine, je suppose. »

Carmenita était leur servante. Allen recevait ce soir. Beaucoup de monde. Tout l'équipage du Croisée. Ainsi que Van, les sœurs Aston, Dryden et plein d'autres gens.

Allen partit dans la cuisine. Van en profita pour jeter un sourire à Serena, il se rendit alors compte qu'elle fuyait son regard ; et bien qu'elle soit à un mètre, Van avait l'impression qu'elle se trouvait à des kilomètres de lui. Il la sentait froide et distante soudainement. Il finit par en conclure que la présence d'Allen la gênait ; il hocha la tête et parcourut la salle du regard, compréhensif.

La nuit venue, Serena se fourra sous ses couvertures, après le repas, après le départ de tous les invités, pour la première fois seule depuis son entrevue avec le jeune roi de Fanélia.

« Ce n'est pas moi, Van, ce n'est pas moi », déclara-t-elle à la chambre vide, la prenant à témoin.