L'amour dans l'âme
Par Maria Ferrari
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Disclaimer : Les personnages de Vision d'Escaflowne ne m'appartiennent pas, pas plus que l'extrait du poème que vous pourrez lire dans cette fic, il s'agit de l'œuvre de Jean Genet "Le condamné à mort" que j'ai découvert par l'intermédiaire d'Etienne Daho. Je ne tire aucun profit financier de l'utilisation de ces œuvres.
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—Chapitre 3 – Excitations—
Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,
Ni les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire
Accueillir la rosée où le matin va boire,
Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir…
Il resta une minute à me fixer avant de dégager brutalement son bras ; il partit s'asseoir sur le lit, une lippe boudeuse aux lèvres.
« Pourquoi es-tu persuadé que tu vas mourir ? demanda-t-il d'un ton sec.
— Je le sens. La prochaine bataille sera ma dernière.
— Ce n'est pas avec ce genre de pensée qu'on gagne les guerres ! Si tu y vas dans cet état d'esprit, il est certain que tu y resteras ! »
Il fixait le mur tout en me parlant. Ce qu'il disait n'était pas faux : si on part avec l'idée qu'on sera défait, on perd son esprit combatif ; je savais que ce n'était pas mon cas. Ce n'était pas ma première bataille ; j'avais déjà été confronté à l'idée de la mort ; je m'étais déjà posé la question « Vais-je m'en sortir vivant ? » avant de partir combattre. Là, je ne m'étais pas posé cette question. Simplement, quelque chose était monté en moi, avait envahi tout mon corps, d'un seul coup, sans aucune raison, sans aucune cause particulière ; ce quelque chose, c'était la certitude de ma mort imminente.
J'étais sûr aussi d'une autre chose : mon commandant savait que je ne l'aurais pas dérangé pour un simple mauvais pressentiment. Ces choses-là étaient monnaie courante. Mon seigneur n'était pas de ceux qu'on vient voir au moindre tourment, il savait que j'en étais conscient ; par conséquent, il ne pouvait ignorer que si j'étais venu le voir pour lui annoncer ça, c'est que c'était sérieux.
Je ne répondis donc rien à sa dernière remarque.
~oOo~
Van longeait le domaine Schezar ; il réfléchissait à ce qu'il dirait à Serena lorsqu'il se tiendrait devant elle. Il avait un prétexte tout préparé au cas où Allen serait là ; mais Allen n'était pas là… normalement. Il devait être à Palas actuellement. Cependant, on ne savait jamais, il valait mieux être préparé à tout.
Il était très important pour Van qu'Allen soit absent, car sa présence gênait Serena lorsqu'elle était en sa compagnie, l'empêchait de faire ce qu'elle lui avait fait lors de leur tête-à-tête dans la bibliothèque, l'empêchait d'aller plus loin.
Et si c'était Serena qui n'était pas là ?
Van chassa cette idée.
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Il avait longuement réfléchi à ce qu'il devait faire, à ce qu'il était convenable de faire. Le départ d'Hitomi était récent ; était-ce correct de se remettre avec quelqu'un d'autre si rapidement ? Etait-ce là l'attitude d'un galant homme ? Ceci étant, il n'y pouvait rien si Hitomi était partie ; si cela n'avait tenu qu'à lui, elle serait restée. Et il n'allait pas rester toute sa vie célibataire.
Bien sûr, il n'était pas question de rester toute une vie tout seul, il fallait juste attendre un peu, comme s'il était veuf et qu'il se laissait un temps de deuil. Etait-ce vraiment indispensable ? Hitomi n'était pas morte. Surtout, Serena avait l'air de vouloir de lui maintenant. S'il l'obligeait à attendre, ne risquait-elle pas de changer d'avis ? Ne risquait-elle pas de se trouver un autre homme ? Un homme disponible immédiatement ? Il ne fallait pas laisser échapper une occasion pareille. Une jeune fille douce, belle, sensible… certes, elle était enfantine, mais elle mûrirait.
D'ailleurs, sous certains aspects, elle était déjà parfaitement mûre. L'aspect physique tout d'abord. Puis, il y avait le baiser qu'elle lui avait donné, sans compter l'attitude qu'elle avait lors de ce baiser : elle n'avait plus grand-chose d'une enfant à cet instant-là.
Elle était ensorceleuse.
Peu importait les convenances !
~oOo~
« Que veux-tu que je fasse ? Que je te fasse porter pâle ? »
Le ton de sa voix n'était pas ironique ; il ne se moquait pas de moi ; il me croyait et n'avait pas envie que je meurs. J'en fus touché.
« Non, ce n'est pas la peine, j'irai.
— Pourquoi ? Si tu es sûr que tu vas y mourir ?
— On ne peut pas lutter contre son destin.
— Stupide ! Le destin, ça n'existe pas ! Il n'y a que les imbéciles comme Folken pour penser que tout est écrit par avance !
— Moi aussi, je le pense.
— Alors, tu es aussi stupide que Folken. Non, tu l'es encore plus que lui ! Folken, lui, pense que tout est écrit à l'avance, mais qu'on peut modifier les écritures pour peu qu'on fasse ce qu'il faut pour ; il n'arrête pas de jouer avec le destin ; c'est le but de toute sa vie. C'est même le but de notre empereur. C'est d'ailleurs à cela qu'on sert dans cette armée !
— Il n'est pas bon de vouloir changer le cours du destin. Le seigneur Folken et les autres s'en rendront compte un jour. De plus, je pense que c'est un combat vain. On finit toujours par être rattrapé par sa destinée. »
L'agacement se lisait dans ses yeux, dans son attitude crispée… et aussi de l'inquiétude, du désarroi.
« Peux-tu m'expliquer à quoi ça peut bien servir de connaître son avenir si on ne peut le modifier ? Toi, tu sais que tu vas mourir et…
— Et cela va me servir à ne rien regretter. Seigneur Dilandau, si vous appreniez qu'il ne vous reste qu'un temps limité à vivre et que vous ne pouviez rien faire contre, est-ce que vous n'essayerez pas de réaliser vos rêves ? Afin de mourir sans regret et heureux ? »
Un temps s'écoula.
« Si », concéda-t-il dans un murmure douloureux.
~oOo~
Van venait d'actionner le lourd heurtoir de la porte du manoir Schezar ; il attendait, anxieux, de voir qui lui répondrait… et, si c'était Serena, dans quel état d'esprit elle serait. La poignée tourna, la porte s'ouvrit, Serena apparut. Elle portait un chemisier, un pantalon de toile et était pieds nus. Van se trouva ému de tant de simplicité.
« Bonjour », fit-elle. Sans lui laisser le temps de lui répondre, elle le tira à l'intérieur, ferma la porte et colla sa bouche contre ses lèvres. Van ne s'attendait pas à ça. Absolument pas. Ni à rien de ce genre. Il croyait qu'elle allait être gênée à cause de ce qu'elle avait fait la dernière fois. Il pensait qu'il allait avoir à la convaincre que ce n'était pas mal ou quelque chose dans ce goût. Il se disait qu'il faudrait lui faire avouer qu'elle ressentait un petit quelque chose pour lui, qu'elle prétendrait ne pas savoir pourquoi elle l'avait embrassé.
Et voilà qu'elle se jetait littéralement sur lui.
A bien y réfléchir, Van se trouvait bien naïf d'avoir pensé qu'elle n'assumerait pas son geste. Il n'avait rien eu d'impulsif, il avait été mûri, préparé ; elle s'était tourné tranquillement vers lui et l'avait embrassé délicatement lorsqu'ils étaient sur le sofa.
Cette fois, le baiser fut plus violent ; elle le plaqua contre lui et força sa bouche à laisser entrer sa langue. Ce baiser, c'était comme pour lui faire sentir qu'il lui avait manqué, comme pour lui faire comprendre qu'elle avait trop attendu et qu'elle ne voulait – ne pouvait – plus attendre. De surprise, Van se dégagea de son étreinte et rompit le baiser.
« Ne joue pas les pucelles effarouchées, Van », lui murmura-t-elle, taquine. Il put alors prendre le temps de la regarder, elle était comme l'autre fois. Non, pardon, cela allait encore plus loin que l'autre fois : elle n'avait plus rien d'une enfant à présent ; c'était une vraie femme qui se tenait en face de lui. Une femme sublime, fatale. Elle avait perdu son côté naïf et innocent à cette seconde. A croire… à croire que ce n'était qu'une façade pour les autres, qu'elle redevenait femme juste pour lui. La forme de sa bouche, le rouge de ses lèvres, la façon dont retombaient ses cheveux, son nez et… son regard, ses yeux qui le fascinaient tant : du bleu cerclé de rouge. Il avait dû mal à détacher les yeux de son visage ; il le fit quand elle déboutonna le haut de sa chemise, lui offrant un point de vue incomparable sur ses seins ronds.
Plus rien d'une enfant.
Van la plaqua brutalement contre lui pour dévorer ses lèvres.
~oOo~
« Quels sont tes rêves, Gatti ? » demanda-t-il en levant les yeux vers moi. La réponse était d'une telle évidence pour moi. Mes rêves ? D'abord, je n'en avais pas plusieurs, je n'en avais qu'un. C'était lui. C'était Dilandau Albatou, mon rêve : mon Seigneur et l'être que j'aimais.
« Si vous étiez capable de m'aider à réaliser mon rêve, est-ce que vous le feriez ? » demandai-je. Je ne voulais pas lui tendre un piège, ça n'était absolument pas mon but ; je sentais que ce que je voulais lui dire allait venir difficilement et préférais avancer pas à pas.
« Je ne me crois pas capable d'aider qui que ce soit à réaliser un rêve… si humble soit-il.
— Pourquoi pensez-vous ça ?
— Regarde-moi Gatti. Je suis un être égoïste et cruel. Tu crois qu'un type comme moi peut se mettre à jouer les bons samaritains ?
— Vous n'êtes ni égoïste, ni cruel et…
— Tu es aveugle.
— Non, au contraire, j'ai la vue perçante. Je vois à l'intérieur de vous. Vous n'êtes pas celui que vous voulez faire croire que vous êtes. Vous n'êtes pas quelqu'un de mauvais. Ne vous dénigrez pas ainsi ! »
C'est là qu'il s'est mis à me fixer intensément. Si intensément. Et d'une telle façon. Il y avait quelque chose dans son regard qui… Il se leva, se mit en face de moi. Tout près. Si près. J'étais en tête à tête avec lui, il était au bord de me frôler. J'en frissonnais presque, sentais une excitation venir. La façon dont il m'avait regardé, ajouté à la si courte distance qui séparait nos deux corps, c'était trop pour ne pas finir par durcir.
« Tu penses réellement ce que tu dis ?
— Bien sûr », articulai-je. C'était la vérité toute bête, cependant, à cause de la distraction causée par mon érection, j'avais eu du mal à articuler ces deux mots. Hélas, mon beau seigneur avait pris cela pour une hésitation. Il grimaça légèrement, regarda ailleurs.
« Oui, oui, je le pense, je pense tout ce que j'ai dit, je ne mens pas, je pense vraiment que vous êtes un être bon ! » paniquai-je. C'est à ce moment-là qu'il remarqua mon "émoi". Je rougis. Lamentable, je me trouvais lamentable. Il releva les yeux vers moi, sa bouche était entrouverte, il ne souriait pas. J'avais espéré l'espace d'une seconde qu'il rirait de mon état, que ça passerait comme ça. Mais il ne riait pas. Il y avait de l'interrogation, – pire ! – de la déception dans ses yeux.
« Ce n'est pas ce que vous croyez ! Je… je… je ne veux pas que vous croyez que c'est juste… oh mon dieu ! »
Je ne voulais pas qu'il croie que j'avais juste envie de tirer mon coup, pour parler vulgairement. C'était loin d'être le cas. Bien au contraire ! Je voulais juste lui avouer mon amour. Mon excitation avait été parfaitement involontaire.
« Je suis censé faire quoi ? Me mettre à quatre pattes sur le lit ? » demanda-t-il sèchement.
