L'amour dans l'âme
Par Maria Ferrari
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Disclaimer : Les personnages de Vision d'Escaflowne ne m'appartiennent pas, pas plus que l'extrait du poème que vous pourrez lire dans cette fic, il s'agit de l'œuvre de Jean Genet "Le condamné à mort" que j'ai découvert par l'intermédiaire d'Etienne Daho. Je ne tire aucun profit financier de l'utilisation de ces œuvres.
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—Chapitre 7 – Te rejoindre—
Ô traverse les murs, s'il le faut marche au bord
Des toits, des océans, couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort…
Je sentais sa peau frissonner sous mes doigts. C'était du plaisir pur qu'il ressentait à présent. Ses yeux s'ouvraient et se refermaient sans cesse, ainsi que sa bouche. Il respirait bruyamment, je sentais son souffle brûlant sur mon visage. Il se mordit légèrement la lèvre et frissonna plus fort. Je lui donnais du plaisir. C'était moi, pauvre petit être insignifiant, qui lui offrait ces sensations. J'étais le premier… et le dernier ; cela, je ne le savais pas encore : je ne pouvais pas savoir à ce moment-là que je resterais à jamais son seul et unique amant.
Ses lèvres tremblaient légèrement ; il arqua son dos. S'il y avait quelque chose de plus fort que d'avoir un orgasme, c'était bien d'avoir le sentiment que l'on offrait l'extase à son partenaire ; c'était enivrant de voir ce que j'étais capable d'apporter à Dilandau.
C'est lorsque je l'ai senti trembler sous mon corps et qu'il s'est mis à faire des mouvements désordonnés avec sa tête et ses bras que tout s'est évanoui autour de moi ; je me suis senti partir pendant quelques secondes sublimes. Quand je retombai pour Gaïa, ce fut pour me retrouver nez-à-nez avec le visage rayonnant de Dilandau, un sourire de gratitude ornait ses lèvres ; je fus alors triste que cela soit déjà terminé, mais si fier de ce que j'avais accompli.
J'avais fait connaître le plaisir à mon Seigneur Dilandau. Ma plus belle victoire. La seule en fait.
~oOo~
Plus rien n'avait d'importance aux yeux de Van que Serena ; il vivait pour elle et par elle. La fascination et l'excitation qu'elle exerçait sur lui n'avaient pas d'égales. Il détestait revenir à Fanélia ; il haïssait le temps qui séparait les moments où il la voyait, plus resplendissante et ensorceleuse à chaque fois ; il se sentait vide dès qu'il était loin d'elle.
Ses conseillers lui jetaient des regards noirs, des bruits commençaient à courir sur une liaison ; dans un premier temps, les Fanéliens s'étaient montré ravis de cette nouvelle, jusqu'à ce que la rumeur se complète et qu'ils comprennent que ce n'était pas une Fanélienne, que ce n'était même pas une personne de sang royal.
« Tout le portrait de son père ! disaient les nobles. Parfaitement capable lui aussi de nous ramener une bergère, ou pire : une autre descendante du peuple maudit ! »
Van laissait les mauvaises langues parler et attendait patiemment son prochain retour dans les bras de Serena, bientôt… et cette fois, il y resterait ; il refusait de vivre loin d'elle.
~oOo~
Il passa ses mains derrière ma nuque, m'embrassa tendrement. Quand il retira ses lèvres des miennes, il parut triste et fatigué.
« Que se passe-t-il ? demandai-je.
— Il va falloir partir. Il est temps. »
J'avais complètement oublié ; était-il possible d'oublier une chose pareille ? Il fallait aller au combat ; il fallait que j'aille au devant de mon destin. Nous nous rhabillâmes en silence. Je crus apercevoir des larmes perler au coin des yeux de mon bien-aimé ; il se tourna, plaçant son visage hors de ma vue, quand il se rendit compte que je l'observais. Il avait renoncé à me convaincre de rester ici, comprenant sans doute qu'il ne fallait pas jouer à ce genre de jeu, qu'on ne savait quelles conséquences cela pouvait entraîner, que le remède pouvait être pire que le mal ; il essayait sans doute aussi de croire que je me trompais en se raccrochant au fait qu'il ne croyait pas au destin. Cependant, je l'avais convaincu malgré lui, il s'était résigné. Pendant que j'enfilais mes vêtements, je ressentis un besoin, celui de m'assurer que mon Seigneur serait heureux après ma mort. Comment faire ? Mes moyens étaient limités.
« Seigneur Dilandau ? »
Il eut un sourire fugace. Le fait que je l'appelle encore "seigneur" après ce qui s'était passé entre nous. S'il savait que je l'appelais ainsi même dans aux tréfonds de mon cerveau…
« J'aimerais que vous me promettiez une chose.
— Laquelle ? »
Il était prêt à tout m'accorder.
« Pendant que nous parlions et ensuite, lorsque nous avons fait l'amour, vous étiez plus beau que jamais… parce que vous vous étiez déchargé de vos haines. J'aimerais que vous me promettiez de toujours être aussi beau, de ne jamais vous laisser envahir de nouveau par la haine, même après ma mort. »
Il resta silencieux ; il était prêt à tout m'accorder… presque tout.
« Promettez-le-moi, s'il vous plait.
— Ce n'est pas si facile.
— C'est la dernière requête d'un condamné à mort : vous n'avez pas le droit de la refuser. »
Il mit ses mains dans les miennes, réfléchit un instant.
« Je te promets que je ferai tout ce qui est en mon possible pour lutter contre mes haines… ça n'aura rien de facile. »
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Ma prédiction se réalisa. Une heure après cette scène, j'étais mort… ainsi que tous les autres dragonslayers ; mon capitaine et amant fut le seul rescapé. Je ne peux m'empêcher de croire que ma présence lui a sauvé la vie, que si je n'avais pas été là, il serait mort car il y aurait eu une personne de moins et que Van aurait donc eu le temps de le tuer lui aussi. Je lui avais sauvé la vie… cela avait été réconfortant sur le coup. Finalement, ce n'est là qu'un cadeau empoisonné ; il aurait mieux valu qu'il meure en même temps. La haine n'aurait pas eu le temps de rejaillir, il aurait moins souffert.
Il aurait moins fait souffrir.
Après ma mort et celles de mes compagnons, il revint à la forteresse et tenta de ne pas se laisser envahir par la colère et par la haine malgré ce qui s'était passé, ce en vertu de la promesse qu'il m'avait faite. Dès le lendemain, la réalité des évènements, la vérité cruelle, le frappa de plein fouet. Il se débattit pour ne pas céder à ses vieux penchants. La haine lui rongea le corps ; il s'affaiblit ; les sorciers le reprirent en main.
Les enfoirés. Tout est de leur faute.
Quand il revint, quand il reprit sa place, il était redevenu le même Dilandau qu'avant notre histoire… en pire. Ma mort avait fait des ravages dans son esprit ; les sorciers s'étaient chargés du reste.
Je ne voulais pas qu'il fasse ça.
~oOo~
Van se précipita dans le manoir, pressé de retrouver sa Serena ; il lui dirait : « Je reste ! » ou bien : « Partons ! », il ne savait pas encore ; ce qui était sûr, c'est qu'ici ou ailleurs, ce serait avec elle. Allen était absent, comme toujours durant la journée, cela n'en rendait les choses que plus simple. Il ouvrit la porte, la referma derrière lui ; la chambre était sombre. Il vit la jeune fille assise sur sa chaise à bascule.
« Serena », murmura-t-il amoureusement en s'approchant. Une bougie était allumée auprès d'elle ; la faible clarté ne permettait pas de discerner les traits de la jeune fille. Elle se pencha vers la lumière afin qu'elle éclaire légèrement son profil droit ; Van ne vit plus qu'une chose : la marque qu'elle avait à sa joue droite, une marque qu'il connaissait bien puisqu'il l'avait lui-même infligée à Dilandau.
« Non, murmura-t-il comme pour nier la réalité.
— Si », détrompa Dilandau en se levant doucement. Van resta sans bouger, incapable de parler ; cela dura quelques secondes, le temps pour lui d'accepter la réalité. Dilandau promena un objet près de sa joue ; cet objet reflétait la lumière de la bougie ; c'était un couteau.
« Tu veux me tuer, c'est ça ? » s'exclama Van d'un ton froid et clair. Il avait recouvré ses moyens. « Encore et toujours !
— Te tuer ? Non. ça, c'était il y a longtemps. A présent, je veux juste te faire souffrir… te faire souffrir autant que j'ai souffert par ta faute. »
Van se sentit rassuré. Il voulait lui faire une belle cicatrice sur la joue ? à sa guise, ce n'était pas bien grave, il n'allait pas en mourir. Tout ce qui lui importait, c'était que Serena revienne. Peut-être Dilandau la laisserait-il reprendre le contrôle de son corps une fois sa vengeance accomplie ?
« Tu as la rancune tenace. Allez, fais-moi une jolie cicatrice et qu'on n'en parle plus !
— Qui a parlé de cicatrice ? »
Van perdit son assurance ; ce n'était donc pas ce à quoi il pensait. Si ce n'était pas ça et s'il ne voulait pas non plus le tuer, qu'est-ce qu'il restait ? Que voulait-il lui faire ? Et comment pouvait-il se défendre ? C'était à la fois Dilandau et Serena.
« Tu crois payer juste avec une cicatrice le mal que tu m'as fait ?
— C'est bien ça le problème, non ? Tu m'en veux parce que je t'ai défiguré.
— ça, c'était avant… avant que tu tues Gatti.
— Gatti ?
— Oui, Gatti, la seule et unique personne qui m'ait vraiment aimé… et mon seul et unique amour. Il faisait partie de mes slayers. Tu comprends maintenant Van ? Maintenant, il est temps pour toi d'apprendre combien j'ai souffert. Il est temps de connaître cette douleur à ton tour ! »
Quelques instants s'écoulèrent dans le silence ; Dilandau regardait amoureusement la lame de son poignard ; Van se demandait comment le désarmer sans risquer de le blesser.
« Tu aimes Serena, n'est-ce pas ? »
La voix de Dilandau était très douce. Van fronça les sourcils ; où voulait-il en venir ?
Intérieurement, Dilandau riait à en plus pouvoir de cet idiot qui ne comprenait pas que c'était lui qui les avait précipités dans les bras l'un de l'autre. Il aurait voulu dire à Van que ce qu'il aimait tant chez Serena, c'était lui : Dilandau. C'était lui qu'il aimait, il était l'adulte ; l'enfant Serena avait du charme, mais ce qui avait rendu Van fou d'amour, c'était son côté mature. C'était Dilandau qui avait tout contrôlé du début à la fin, laissant juste l'innocence et la pureté de Serena s'exprimer aux moments opportuns. Van l'ignorait : c'était de Dilandau dont il était fou, pas de cette gamine de Serena. Stupide Van. Oui, il aurait voulu lui dire ; sûr que cela lui aurait fait du mal ! Toutefois, lui tenir ce discours aurait pu aider Van à mieux supporter ce qui allait suivre, à relativiser un peu la vengeance de son adversaire, à l'amoindrir ; c'était hors de question, sa vengeance devait être complète.
Gatti lui avait dit d'abandonner sa haine, qu'il ne pourrait jamais être heureux s'il ne le faisait pas ; mais comment être heureux sans lui ? Et n'était-il pas normal que son assassin paye ? Il n'y pouvait rien ; il était comme ça ; il fonctionnait comme ça. Il avait énormément souffert ; il y avait des gens qui finissaient par accepter la souffrance comme si c'était normal, comme s'ils la méritaient ; et il y avait les personnes comme Dilandau qui, à force de tout endurer, avait décidé de rendre coup pour coup à l'univers tout entier.
Van l'avait fait souffrir.
Enormément.
Plus que n'importe qui.
« Oui, tu l'aimes passionnément, n'est-ce pas ? Peut-être autant que j'aimais Gatti. »
D'un geste rapide, Dilandau fit tourner l'arme dans sa main. Van comprit trop tard : Dilandau s'était déjà profondément enfoncé le couteau dans le ventre quand il tenta de l'arrêter ; Dilandau tomba à genoux.
« Tu vas… savoir… ce que… ça fait, articula Dilandau difficilement, les mains toujours cramponnées au poignard.
— Non ! Pas ça ! Serena ! »
Van se recula, tremblant, terrorisé par ce qu'avait fait Dilandau, ses yeux rivés sur la tâche de sang qui grandissait sur la chemise de l'ancien soldat. Comment pouvait-on en arriver à ça ? Comment pouvait-on pousser la haine si loin ? Ou l'amour ? Car chez Dilandau, amour et haine étaient indissociables depuis ce jour sanglant où il avait vu partir un à un ses slayers, dont Gatti.
« Bye bye Serena », murmura l'ancien Zaïbacher dans un sourire. Il ôta le couteau d'un geste sec pour l'enfoncer à nouveau dans sa chair.
« Arrête ! » hurla Van, collé contre le mur, incapable de réagir. Agir comment d'ailleurs ? Ils étaient seuls, loin de tout ; personne ne pouvait plus sauver Dilandau.
Personne ne pouvait plus sauver Serena.
Dilandau, écroulé sur le sol, agonisait ; son sourire restait imperturbable, nourri des pleurs et des hurlements de son ennemi. Il souffrirait à jamais. Son sourire s'accentua avant de s'évaporer en douceur à mesure qu'il sombrait dans l'inconscience.
« Gatti, j'arrive », murmura-t-il avant de rendre son dernier soupir.
—Fin—
