Chapitre 5: L'Aube de l'Union

L3 -colonie A46733

Il roula par terre sans faire de bruit. Voilà deux fois en 20 minutes que les gardes passaient près de lui. Il devait faire attention pour ne pas être repéré. Il faisait une nuit d'encre à cette heure mais cela n'empêchait pas les gardes d'être très alertes. Il prit sa jumelle à vision nocturne et se remit à espionner la base. Il avait vu juste, la nouvelle association de l'Ordre avait décidé d'utiliser l'ancienne base d'Oz sur cette colonie. C'était plus facile que d'en construire une nouvelle. Ils semblaient tellement sûrs de leur coup, mais ils ne savaient à qui ils s'opposaient.

Alejandro tourna la tête pour s'assurer que les gardes étaient à nouveau loin de lui puis il se leva sans faire un bruit et de dirigea vers une autre section de la base. Il se mit à suivre la clôture en prenant soin de ne pas y toucher. Il regardait attentivement le sol, il ne fallait pas mettre le pied sur une brindille, le bruit alerterait les gardes. La base était grande et Alejandro savait très bien qu'il ne pourrait tout voir en une seule nuit. Il n'était d'ailleurs pas venu pour ça. Il voulait se faire une idée de la puissance de l'Ordre dans les colonies. Il savait que la Terre était maintenant sous son contrôle, mais il devait savoir à quel point les colonies l'étaient. Il s'arrêta une centaine de mètres plus loin et s'accroupie à nouveau. Ajustant à nouveau sa jumelle, il observa les activités nocturnes de la base. C'était pire que ce qu'il pensait. Des gardes étaient constamment en mouvement. C'était comme s'il n'y avait pas de différence entre le jour et la nuit, la base grouillait de soldats. Il espéra que ces activités étaient seulement passagères et que tout cela se calmerait dans quelques mois.

Il tourna sa tête vers la droite et remarqua un endroit qu'il semblait moins occupé de les autres. Ça devait être un endroit de rangement où les soldats n'avaient pas besoin de se rendre fréquemment.

Il se leva doucement sans un bruit, il en avait vu assez pour se donner une bonne idée. De toutes façons, cela devenait dangereux de rester ici, il ne connaissait pas encore bien les mouvements et changements des gardes et il ne devait pas être pris. Il s'assura que sa cagoule était toujours bien mise sur son visage et rangea sa jumelle dans le sac à sa taille. Son pistolet bien en main, il se mit en marche pour s'éloigner.

Une centaine de mètres plus loin, il enleva la cagoule et rangea le pistolet dans son pantalon. Il était rendu dans les rues de la colonie et le risque de se faire attraper avait beaucoup diminuer. Une cagoule attirerait beaucoup plus l'attention qu'un visage. Brusquement, il posa sa main sur sa taille, son avertisseur venait de vibrer. Il le retira et appuya sur la touche pour bien voir les indications sur le petit écran. Une série de chiffre et de lettre apparu 9D19363. Il effaça rapidement le message et rangea son avertisseur. Il savait où il devait aller.

~*~

Monaco

Isabelle regarda pour la quatrième fois en une heure la photo de ses parents. Ses longs cheveux bleu-nuit comme ceux de sa mère étaient montés en queue de cheval. Ses yeux bleu-crystal comme son père étaient humides. Une larme coula doucement sur sa joue, ses parents lui manquaient tellement. Après un an, elle avait réussit à faire son deuil mais l'attaque du sénat avait ravivé les blessures. Ses parents n'étaient pas morts au Sénat, ils avaient péri dans un accident de voiture alors qu'ils revenaient à la maison après une longue mission sur les colonies. Isabelle avait appris la nouvelle à la télévision et le choc avait été terrible. Elle avait toujours été proche de ses parents même si parfois son père semblait très distant. Elle l'aimait beaucoup et savait qu'il l'aimait également. Elle déposa le cadre où on la voyait alors qu'elle n'avait que 4 ans en compagnie de ses parents. À cette époque, sa mère avait les cheveux très courts à la garçonne et son père, au contraire, les portaient très longs. Elle avait toujours envié les longs cheveux blonds de son père. Ils semblaient si soyeux. Du revers de la main et oubliant tout les cours de bonne séance qu'elle avait suivit à l'école, elle essuya sa joue et renifla bruyamment. Elle n'avait pas du tout envie d'être la belle petite fille bien élevée ces temps-ci. Elle se promenait dans l'immense maison dont elle avait hérité et faisait les cent pas entre la piscine extérieure et le salon. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle devait faire. Personne ne l'avait appelé. Elle aurait cru recevoir un appel de ces amis ou du moins de ses cousins Aurore et Aoki mais elle n'avait rien reçu. Les journalistes se tenaient depuis l'attentat aux grilles d'entrée mais elle n'avait laissé entrer personne. Elle n'avait pas du tout envie de répondre aux questions stupides et indiscrètes de cette bande de fouines. Elle se dirigea vers le bar et se versa un verre de rhum. Elle ne savait pas exactement combien elle en avait pris pendant la journée mais après l'avoir avalé d'un coup, ça tête se mit à tourner dangereusement et elle dû s'asseoir pour ne pas tomber.

"Mademoiselle, vous devriez manger quelque chose."

Isabelle tourna la tête et regarda sa bonne. Elle posa une main sur sa tête étourdie et acquiesça. "Vous avez raison Anne, apportez-moi un petit quelque chose, je n'ai pas encore mangé aujourd'hui." La bonne fit une moue qui signifiait 'enfin', ramassa le verre qu'Isabelle avait laissé tomber par terre et se dirigea vers la cuisine.

Isabelle se retourna sur le sofa sur lequel elle était presque tombée et s'étira le bras pour prendre le contrôle de la télévision. Puis décidant qu'elle en avait assez de les voir répéter la même chose sans arrêt, elle jeta le contrôle au loin et s'étendit dans le sofa. Quelques minutes plus tard elle entendit sonner à la porte. Surprise, car elle croyait avoir interdit l'accès à tout le monde, elle se redressa et dut s'appuyer sur l'accoudoir car sa tête tournait de plus en plus.

Une main sur son front, elle cria: "Anne, je vous en prie, allez ouvrir."

Apportant un cabaret rempli d'un immense sandwich et d'un grand vers d'eau, la bonne se dirigea vers la porte. Elle déposa le cabaret sur une petite table près de l'entrée et regarda dans l'œil magique pour voir qui était de l'autre côté. Isabelle fut surprise de voir sa bonne sourire et ouvrir la porte sans lui demander son avis. Anne s'effaça pour laisser entrer un homme d'une trentaine d'année au cours cheveux bruns et aux petits yeux bruns. L'homme tendit sa veste noir à la bonne et se dirigea directement vers Isabelle qui le regardait incrédule. Elle voulu se lever pour l'accueillir mais oublia son état et ce fut l'homme qui l'empêcha de tomber par terre. Anne se précipita vers eux.

"Mademoiselle! Est-ce que ça va?"

Les puissants maigres bras de l'homme aidèrent Isabelle à se rasseoir et l'homme la regarda durement. "Isa, qu'est-ce que tu as?"

"Mademoiselle!"

Isabelle Peacecraft fit un geste vers sa bonne. "Je vais bien Anne, juste un peu étourdie. Amenez-moi mon cabaret et laissez-nous je vous pris." La bonne se précipita vers le cabaret qu'elle tendit à l'homme qui le prit pour le donner à Isabelle.

"Isa, ne me dit pas que tu n'as rien mangé de la journée?"

Souriant timidement, Isabelle acquiesça. "Charlton, ne me chicane pas, je n'en ai vraiment pas envie."

Isabelle regarda Charlton qui lui tendait son verre d'eau pour qu'elle puisse boire entre deux bouchées. Il ne ressemblait pas du tout à son père. Elle avait vu une seule photo du Docteur J. et ne savait toujours pas comment cela ce faisait qu'elle connaissait son fils mais Charlton était l'un de ses meilleurs amis et elle était très contente qu'il soit venu la voir. Elle aurait volontiers laissé tomber la deuxième moitié du sandwich mais le regard de Charlton lui indiqua très sérieusement qu'elle ne devait même pas y penser. Se forçant pour tout manger, elle finit son grand verre d'eau d'un trait et se laissa tomber dans le sofa. Charlton la regardait attentivement. On n'aurait pas dit qu'il avait 31 ans. Il avait l'air beaucoup plus jeune. Son visage était assez beau mais Isabelle trouvait qu'il était trop maigre. De plus, Charlton était beaucoup plus grand que son père, le Docteur J., et elle se dit qu'il devait plutôt ressembler à sa mère, heureusement pour lui d'ailleurs.

"Tu ne veux peut-être pas que je te gronde mais je vais le faire quand même. Est-ce que tu as suivit les nouvelles ces derniers jours?"

"Plus ou moins, j'en ai assez de voir cet homme constamment parler et brandir un petit livre."

"Est-ce que tu as écouté les paroles de cet homme?"

"La première fois, oui, mais je dois t'avouer que je ne me souviens de rien, j'étais tellement triste après l'attentat qu'Anne m'a donné un puissant somnifère pour que je dorme. Après ça, je n'ai pas eu le cœur de l'écouter, ça me faisait trop mal." Elle tourna la tête vers le cadre qu'elle avait tenu tout à l'heure.

Charlton ne se laissa pas amadouer et lui saisit le bras. "Je suis très triste pour tes parents et ta peine Isa mais pour l'instant, il y a plus grave."

Isabelle le regarda durement. Comment pouvait-il parler de la mort de ses parents ainsi?

"Isabelle, "fit-il, en tentant de la calmer un peu." L'attentat du sénat est un malheur terrible qui a causé le chaos sur la Terre et les colonies. L'homme que tu as vu à la télévision se nomme Schwarz et il est très dangereux! Il va instaurer des camps de concentration, tu sais comme ceux qu'il y a eu avant l'ère des colonies. Cet homme est fou. Nous devons l'empêcher de détruire la paix pour laquelle nos parents se sont battus."

Isabelle ne disait plus rien maintenant. Elle le regardait comme si elle était sous le choc mais qu'en même temps elle absorbait attentivement toutes ses paroles. "Tu es la meilleure mécanicienne que je connaisse Isa, même ton père n'en revenait pas de tes talents. À nous deux, nous pouvons construire les armes qui élimineront ce cinglé."

Isabelle avala avec difficulté sa salive. "Tu...tu veux dire....des ...Gundams?"

"Oui." Il s'avança vers elle et lui prit la main. "Isabelle, j'ai besoin de ton aide. Si tu ne le fais pas pour moi, fait le pour la mémoire de ton père et de ta mère. "

"J'accepte."

Charlton recula, il semblait surpris qu'elle accepte aussi rapidement.

"Est-ce que tu sais dans quoi tu t'embarque au moins?"

"Ne t'en fais pas Charlton, j'ai une très bonne idée. Mon père m'avait déjà décrit brièvement comment on en construisait un. Je veux t'aider. Tu peux me faire confiance."

Souriant, Charlton aida Isabelle à se lever. Isabelle pausa une main sur son front, sa tête tournait beaucoup moins et elle se sentait beaucoup mieux maintenant.

"Je te laisse une heure pour faire tes bagages. Une navette pour L8 -Y95534 nous attend dans 3 heures à l'aéroport."

Isabelle se dirigea vers l'escalier qui menait à l'étage où se trouvait sa chambre. Elle allait gravir la première marche lorsqu'elle s'arrêta brusquement pour le regarder.

"Au fait, comment est-ce que tu as fait pour entrer sur la propriété?"

Charlton sourit. "Hé! Hé!"

~*~

L9- colonie D19363

Lorsqu'Aurore était sortie de la chambre, Esteban n'était plus dans le couloir. Elle se hâta donc de se rendre à l'entrée principale. Encore une fois, elle ne le vit pas. Elle se rendit jusqu'au bord de la rue mais Esteban n'était toujours pas en vue. Ne comprenant pas comment il avait fait pour disparaître aussi rapidement, elle retourna dans l'hôtel. Érick allait passer un mauvais quart d'heure et elle y veillerait personnellement. Lorsqu'elle passa devant le bar de l'hôtel, une silhouette familière attira son attention. L'hôtel était sombre et elle dû s'avancer pour reconnaître qui était la personne assise au bar. À sa grand surprise, Esteban ne semblait pas avoir quitté l'hôtel. C'était lui qui était accoté sur le bar, une bière dans la main et qui regardait droit devant lui. Soulagée de l'avoir trouvé mais aussi nerveuse de devoir lui parler, elle s'approcha sans faire de bruit.

"Je peux m'asseoir?" Elle indiqua le banc à côté du sien.

Sans se retourner pour la regarder, il lui répondit. "Fais ce que tu veux."

Prenant une grande respiration pour ne pas lui crier un juron par la tête et pour ne pas lui donner une leçon de savoir vivre, Aurore monta sur le banc à côté d'Esteban et commanda un thé glacé. Le liquide brunâtre qu'on lui donna semblait douteux. Elle le porta à ses lèvres et fut surprise de voir qu'il était très bon. Elle ne chercha pas à lui adresser la parole. Elle était toujours mal à l'aise lorsqu'il était près d'elle. Elle fut heureuse lorsqu'elle l'entendit briser la glace.

"Ce n'est pas japonais."

"Quoi?" Elle le regarda.

"Ton prénom, Aurore, ce n'est pas japonais, c'est français."

"Je sais."

"Pourquoi?"

Aurore l'observa plus attentivement. Sous ses grands yeux bleus, elle remarqua deux grands cernes, preuve qu'il n'avait pas beaucoup dormi ces derniers temps. Elle ne pouvait lui en vouloir, elle était aussi fatiguée que lui. Ses cheveux blonds étaient magnifiques. Jamais elle n'avait vu des cheveux aussi dorés. À contre cœur, elle dû s'admettre qu'elle le trouvait de son goût, physiquement. L'attitude était toute autre chose...

"Ma mère. Sa mère était Française et avait appris sa langue maternelle à ma mère. Elle m'a donné un nom français pour se rappeler son origine."

Pendant toute leur petite conversation, Esteban ne s'était pas retourné pour la regarder. Il continuait à observer le mur devant lui. Aurore tourna la tête et pris une gorgée de son thé glacé. "Et toi, Esteban, c'est espagnol, non?"

"Oui."

"Ton père était arabe." Lorsqu'elle mentionna le mot père, elle le vit tressaillir.

"Oui, il était arabe, mais ma mère était Espagnole. Je crois que c'est en son souvenir que je porte un nom espagnol."

Aurore continuait d'observer son verre et eut un sourire en coin. "Je trouve ça comique."

Pour la première fois, Esteban se tourna vers elle pour la regarder. "Qu'est-ce qu'il y a de comique?"

Sachant qu'il la regardait, elle trouva des détails à son verre à observer encore plus attentivement. "Nos noms nous ont été donné pour la même raison: notre mère."

Esteban fronça les sourcils puis tourna la tête pour prendre une gorgée de bière.

"Pourquoi es-tu ici?"

Aurore fut surprise que la question lui soit posée aussi directement mais elle n'en montra rien. "Je te l'ai dit. Je veux venger mon père et sauver la Terre. "

"Des grands mots."

"Peut-être. Peut-être aussi que je m'exprime mal. Mais, j'ai...nous avons besoin de ton aide." Aurore plia un peu plus le torse. Elle était terriblement gênée et elle ne comprenait pas pourquoi.

Esteban la regarda longuement avant de lui répondre. "J'accepte de vous aider, pas pour ce que tu viens de me dire, mais parce que je sais qu'au fond de toi, la raison pour laquelle tu t'es embarquée dans cette galère est la bonne. Je ne sais pas encore c'est quoi exactement, mais je suis sûr que tu veux faire la bonne chose."

Pour la première fois depuis le début de leur entretien, ils croisèrent le regard. Ils se regardèrent longuement avant qu'Aurore détourna la tête pour murmurer: "Merci."