Chapitre 10: Le secret de Quatre Winner

Prague

Il s'était levé de très mauvaise humeur et tous ses subalternes le fuyaient. Ils le connaissaient tous et savaient qu'il était préférable de rester loin de lui pendant ce temps. Malheureusement pour Forain et Gruant, ils avaient été convoqués dans le bureau d'El General. Schwarz ne bougeait pas. Il était assis à son bureau et les regardait droit dans les yeux chacun leur tour. Forain sentit la sueur qui lui coulait dans le dos. Schwarz lui en voulait plus qu'à Gruant. C'était lui le responsable des colonies, lui qui devait savoir tout ce qui se passait partout dans l'espace. Et pourtant, il n'était pas en mesure de trouver une dizaine de jeunes d'à peine vingt ans. Il serra ses mais plus fort l'une dans l'autre, Schwarz venait d'arrêter son regard sur lui. Il tenta de garder le contact visuel le plus longtemps possible mais n'y arriva pas très longtemps. Les yeux gris d'El General étaient trop perçants. Il tourna la tête pour regarder dans la direction de Gruant. Celui-ci se tenait droit, presque au garde-à-vous. Forain se demanda combien de temps il serait en mesure de garder cette posture. Il tenta à nouveau de regarder en face de lui, Schwarz était maintenant occupé à regarder Gruant qui ne cillait pas. Forain serra à nouveau ses mains. Il commençait à être vraiment tanné de ce petit jeu de regard mais n'osait pas commencer à parler le premier, cela signifiait qu'il serait le premier blâmé, et Schwarz avait l'habitude d'être plus dur avec le premier blâmé.

"J'attends des explications messieurs."

Gruant et Forain se regardèrent. Personne ne voulait commencer à expliquer pourquoi ils n'avaient pas réussi à capturer les jeunes. Gruant fit un signe de tête à Forain voulant lui faire comprendre qu'il devait commencer. Forain l'ignora.

"J'attends toujours!" La voix de Schwarz fut perçante et Gruant commença à parler.

"El Général, je vous prie de croire-"

"Je crois ce que je vois, Alter. Et d'après ce que je vois dans ce rapport," Il lança un rapport au visage de son subalterne. "vous ne les avez pas encore trouvés!"

"El Général, ils ont disparus. Mes troupes les cherchent dans tous les coins de toutes les colonies. Ces jeunes sont habiles et-"

"Taisez-vous! Je n'ai pas envie d'entendre vos excuses! Et le fils du Chinois? Vous m'aviez dit l'avoir trouvé."

"Il n'était plus là lorsque nous sommes arrivés." Schwarz tourna sa tête vers Forain qui se senti défaillir.

"Je m'en fous! Trouvez-le!"

Gruant regarda Forain d'un mauvais œil. Il savait que Schwarz détestait lorsqu'on s'introduisait dans une conversation.

Schwarz les regarda longuement chacun leur tour. Son visage était rouge de colère mais il semblait faire des efforts fantastiques pour se calmer un peu. "La prochaine réunion générale sera dans 3 mois. Je les veux. Me comprenez-vous bien, messieurs?"

"Oui, El General!" Forain et Gruant le saluèrent en même temps et s'empressèrent de sortir du bureau.

Forain et Gruant ne se s'adressèrent pas la parole en sortant du bureau. Au pas de course, ils se dirigèrent vers le port de navettes. Gruant ruminait dans sa barbe. Ces enfants seraient sa risée s'il ne s'en débarrassait pas. Il passa nerveusement sa grosse main dans ses cheveux noirs remplis de gel et regarda son subalterne. Comment allait-il s'y prendre? El General ne savait pas à qui il avait à faire. Et Forain qui ne cessait de regarder ces photos avec du désir et une haine jamais vue dans ses yeux. Il avait jusqu'à la prochaine réunion générale, cela lui laissait plus de 4 mois. Il avait le temps de les trouver.

Il tourna la tête vers le ciel gris pluvieux. Un sourire mauvais apparu au coin de bouche

J'arrive...

~*~

Vaisseau l'Esperanza

Malgré le message peu subtil qu'avait lancé Charlton à Esteban et Érick, les deux jeunes hommes ne semblaient pas faits pour travailler ensemble. Les entraînements physiques étaient commencés depuis 3 semaines et l'atmosphère ne s'améliorait pas. Les entraînements consistaient en périodes d'escrime, de karaté, de musculation, de course, de pilotage en simulateur et, à la grande joie générale, de basket ball. Le dernier entraînement était plus un jeu qui permettait aux jeunes de se détendre un peu et surtout, de travailler l'esprit d'équipe qui n'était vraiment pas fort.

Le premier accrochage sérieux entre Esteban et Érick avait eu lieu lors d'un entraînement de karaté. Esteban, au grand agacement d'Érick, était le meilleur de tous dans toutes les disciplines sauf dans celle de karaté où Érick et Tchen étaient les plus forts. La séance de karaté avait été extrêmement difficile et ils avaient tous été très heureux lorsque leur maître leur avait annoncé de la fin de la pratique. Le maître avait proposé un match entre Érick et Esteban. Aurore avait voulu s'objecter à cela mais les deux concernés avaient accepté aussitôt. Après plusieurs minutes, Érick était sortit vainqueur de la rencontre. Esteban avait fini la joute étendu sur le dos, le pied d'Érick sur la poitrine. Celui l'avait regardé en souriant d'une façon arrogante, puis, il avait tendu la main à Esteban pour lui offrir de l'aider à se relever. Esteban, insulté par l'attitude d'Érick avait repoussé violemment la main offerte et s'était levé brusquement. Aurore, choquée, s'était élancée vers Esteban et l'avait accroché lui demandant pour qui il se prenait. Esteban l'avait pris par les deux épaules puis avait approché son visage très près du sien. Il l'avait regardé dans les yeux avant de lui dire tout bas et durement qu'elle n'avait qu'à se mêler de ses affaires. Aurore était partie en le poussant vers le vestiaire des femmes et Érick s'était mis à l'engueuler de ne pas la toucher et qu'il ne savait pas vivre etc... Tchen était resté à l'écart de tout ça, ne sentant pas encore qu'il faisait partie du petit groupe avec qui il était. Seul Alejandro avait réussi à les séparer et malgré cela, Esteban était parti directement dans sa chambre sans leur adresser la parole. Érick était parti dans le vestiaire des hommes sans même accorder un regard à Alejandro. Celui-ci était resté seul avec Tchen qui, pour tout support, avait haussé les épaules et dit: "Ce n'est pas une équipe." Il n'avait rien ajouté puis était parti sans un bruit.

Alejandro avait erré dans les corridors du vaisseau pendant plusieurs heures. Il avait été voir les Gundams et avait été impressionné par la vitesse à laquelle ils se construisaient. Charlton et Isabelle étaient vraiment de très bons ingénieurs. Isabelle l'avait questionné sur la scène de l'entraînement mais Alejandro avait préféré ne pas en parler. Il ne sentait pas très confortable dans tout cela. Il était l'ami d'Esteban et avait compris la réaction de celui-ci face à Érick. Il ne voulait pas dire tout cela à Isabelle, elle aimait Érick, du moins, elle était intéressée par celui-ci, il ne se sentait pas le cœur de rabaisser ou de critiquer Érick devant elle. Son errance l'avait aussi amené vers le poste de commandement. La pièce était relativement grande et une foule de jeunes techniciens s'y trouvaient en permanence. La plupart semblaient éviter de parler aux enfants des pilots. Ils semblaient les considérer comme sacrés. Alejandro cherchait à tout prix à éviter cela et engagea de courtes conversations avec certains d'entre-eux. Malgré cela, ils semblaient toujours y avoir une certaine gêne envers lui. Alejandro avait décidé de parler de cela à Charlton à la prochaine réunion. Il avait continué sa visite au troisième étage. C'était drôle de voir les salles d'entraînement vides. Il était tellement habitué d'y être avec les autres. Il allait passer devant la palestre lorsqu'un bruit sourd l'attira à l'intérieur. Sans bruit, il était entré et s'était posté dans un coin.

Il ne savait pas qu'Aurore avait un véritable tallent pour ce sport. Elle était sur la poutre en Léotard noir, un bandage autour de sa cheville droite. Son visage semblait extrêmement concentré. Elle pointa gracieusement ses mains vers l'avant et son pied droit vers l'arrière. Soudainement, elle pointa ses bras vers le haut, se donna un élan et fit deux roulades vers en arrière avant d'en faire une dans vide et d'atterrir gracieusement sur le sol, les bras tendus vers l'arrière. Elle ne souriait pas. Alejandro applaudit doucement et Aurore se retourna brusquement vers lui. Elle fronça les sourcils et s'approcha de lui. Il cessa d'applaudir et alla la rejoindre en souriant.

"Tu es vraiment très bonne, ça fait longtemps que tu fais de la gymnastique?"

"Ça fait longtemps que tu es ici?" Le ton de sa voix était craintif.

Il sourit à nouveau. "Je n'ai vu que ta finale. Je m'excuse si j'ai vu quelque chose que je ne devais pas..."

Aurore se détendit, elle ne savait pas pourquoi mais elle n'aurait pas aimé ça qu'il soit là tout le temps. Sa routine servait à la calmer, mais pour cela, elle devait être seule. Elle lui sourit à son tour.

"Non, non, c'est correct. Je.... en tout cas. Merci pour le compliment, c'est gentil."

Alejandro lui indiqua le banc qui était au fond de la salle et elle accepta son invitation. Elle s'assit sur le sol alors qu'il s'assoyait sur le banc.

Il la regarda un instant avant de lui parler. Il avait de la difficulté à comprendre cette fille. Elle changeait tout le temps et semblait toujours vouloir repousser les gens. Elle le fascinait.

"Tu ne m'as toujours pas dit depuis quand tu pratiques la gymnastique."

Elle parue gênée. "Depuis que je suis très petite... j'ai....je ne veux pas avoir l'air de me vanter..."

Elle tourna la tête pour éviter son regard, pourquoi lui dire cela, il s'en fichait royalement. "De toutes façons, ça ne t'intéresserait pas."

"Ce n'est pas vrai." La réplique avait été raide et Aurore avait tourné la tête, surprise. J'aimais Alejandro n'avait été dur. "Si je t'ai posé la question, c'est parce que ça m'intéresse." Il la regardait droit dans les yeux et elle ne peut s'empêche de lui trouver quelque chose de spécial. Elle sourit.

"J'ai gagné la compétition internationale l'année passée." Alejandro afficha le plus grand sourire qu'elle ne lui avait jamais vu.

"Ce n'était pas trop difficile?"

Elle se sentie rougir comme une petite fille. "Non." Elle se tourna et appuya son dos sur le banc et regarda devant elle. Il l'a mettait à l'aise. Elle ferma les yeux et parla.

"J'avais 5 ans la première fois que je suis montée sur une poutre. Je n'ai jamais eu peur. Ma mère disait que je tenais ça de mon père." Elle se tue quelques secondes. Les souvenirs étaient encore douloureux. "Ma mère voulait que je fasse du ballet, mais lorsqu'elle m'a trouvé perchée sur la poutre entrain de faire une roulade, elle a accepté que je fasse de la gym. J'aimais ça, ça me calmait. Mon père aimait ça venir me voir. Il disait que j'avais la grâce de ma mère. Mon frère..." Elle avala péniblement sa salive. "Mon frère était bon en équitation, je ne l'étais pas. Ma mère pensait que j'étais un cas désespéré. En fait, je me débrouillais en équitation mais je n'aimais pas ça et si j'avais performé, je pense qu'elle m'aurait obligée à continuer. Elle était comme ça ma mère. C'était une bonne femme, une femme fière..." Elle se tue et ramena ses jambes vers elle. Alejandro le remarqua.

Il se leva et vint s'asseoir près d'elle sur le sol, lui aussi, le dos appuyé sur le banc. Comme elle il regardait en avant. Il baissa la tête et ferma les yeux.

"Je t'ai menti l'autre fois."

Aurore tourna la tête et le regarda surpris. "Que veux-tu dire?"

Il ne la regardait pas. Il n'était pas capable de tourner la tête. "Je sais pourquoi mon père ne parlait pas à Quatre Winner."

Aurore approcha sa main près de l'épaule d'Alejandro mais la retira aussitôt. "Ne m'en parle pas, tu vas regretter de me l'avoir dit, Alejandro."

Il la regarda surpris à son tour. Depuis leur arrivée sur le vaisseau, c'était la première fois qu'il l'entendait prononcer son nom. Il se mit à parler, la voix basse. Aurore n'eut pas le cœur de l'arrêter. En fait, elle voulait l'écouter.

"Mon père ne savait pas que j'étais au courant de tout ça. J'avais surpris la dernière conversation qu'il avait eue avec Winner avant qu'ils cessent de se parler pendant des années." Il tourna à nouveau la tête et ferma les yeux. "Catherine Bloom est morte parce que Quatre Winner a insisté pour que son enfant soit naturel. Elle est morte en couche."

Aurore senti Alejandro frissonner. "Mon père disait que c'était cela qui avait tué sa sœur. Winner savait à qu'elle point cela était dangereux et il n'a rien fait pour empêcher Catherine."

"Ta tante devait savoir comment ça devait être dangereux, pourquoi n'a-t-elle rien dit... ou fait?"

Alejandro sourit légèrement. "L'Amour... elle aimait Winner comme une folle."

"Et pourquoi ton père n'a-t-il rien fait, lui?"

"Il a essayé. Elle ne voulait rien savoir. Elle voulait plaire à Winner qui était riche, beau, intelligent, gentil etc..."

Aurore accota son menton sur ses genoux. "J'ai beaucoup de difficultés à croire que Winner aurait fait quelque chose dans le genre. Il était tellement... doux. Mon père l'aimait beaucoup."

"Il l'était. Winner était l'homme le plus gentil que mon père connaissait. Il aimait sa femme et voulait un enfant qui serait vraiment le leur, pas un modifié. Et pourtant... il savait que dans sa famille les grossesses naturelles étaient toutes des échecs. C'est drôle, "Il sourit à nouveau. "Quatre Winner était presque parfait génétiquement mais il ne pouvait avoir d'enfants naturellement... c'est ironique."

Aurore ne répondit pas. Elle avait serré ses bras plus fort autours des ses jambes. Elle comprenait. Esteban qui détestait son père. La tristesse constante de Quatre Winner. Son père qui ne lui avait rien dit... il devait savoir... il ne donnait pas la position d'Esteban à son père parce qu'il croyait que Quatre avait besoin d'une leçon. Tout ça, c'était trop horrible. Et ses parents, avaient-ils des histoires cachées? Et quoi maintenant? Il devait faire équipe? Mais comment? Schwarz, l'attentat, la mort de son frère. Elle ne pourrait jamais supporter tout ça!

Elle sentie une main lui toucher l'épaule mais elle la repoussa brusquement et se leva d'un bond.

"Ne me touche pas!"

Alejandro s'était levé également et la regardait tristement. Elle fuyait son regard. "Aurore, si j'ai dit quelque chose..."

"Je t'en prie.... laisse moi!" Elle le poussa et se mit à courir vers la sortie de la palestre. À la porte, elle fonça brusquement dans une personne et se retrouva sur le sol le coude en sang. Elle leva les yeux et rencontra le regard dur d'Esteban. Elle tourna la tête, se releva rapidement et sans s'excuser, s'enfuit à travers les corridors du vaisseau.

"Aurore!" Alejandro était arrivé à la porte une fraction de seconde après elle et ne trouva qu'Esteban qui le regardait.

"Tu espérais quoi avec ce que tu viens de lui dire?" Alejandro regarda son cousin mal à l'aise. Celui-ci avait tout entendu. "Je crois que nous devons parler tous les deux."