Chapitre 19: La fille du parfait soldat
Vaisseau l'Esperanza
Tchen arriva dans la cafétéria pour se rendre compte que presque tout le monde avait fini de déjeuner. Il soupira. Dommage, pour une fois qu'il n'avait pas envie d'être seul… Il sourit. Lui, Tchen Wou Chang, n'avait pas envie d'être seul? Et bien, c'était une première.
Il se dirigea vers le comptoir de service et se servit une généreuse portion d'un bon déjeuner gras américain. Érick avait eu plus d'influence qu'il ne l'avait cru sur la cuisinière. Deux rôties, deux œufs, du bacon, des saucisses et des petites patates dorées dans le beurre. Rien de moins pour vouloir s'endormir ensuite pendant leur réunion prévue à 9h. Il prit tout de même un verre de jus d'orange fraîchement pressé, question d'ajouter un peu de vitamine C à ce bon repas. Son verre dans une main et le plateau dans l'autre, il se dirigea vers les tables.
À sa grande surprise, Isabelle était également dans la cafétéria. Elle jouait avec sa rôtie qui de toute évidence était complètement froide. Tchen décida donc d'aller la rejoindre.
Isabelle semblait perdue dans ses pensées et Tchen hésita avant de la déranger. Elle voulait peut-être rester seule? Il allait faire demi-tour lorsqu'elle leva la tête et sourit. Ses longs cheveux bleu-nuit étaient attachés en chignon sur son cou et quelques mèches tombaient ici et là sur son visage. Tchen la trouva très belle et compris pourquoi Érick était fou d'elle. Tchen lui sourit en retour.
"Je peux m'asseoir?"
"Mais bien sûr!"
Isabelle ramassa les essuie-tout qui traînaient devant elle et poussa son plateau plus loin sur la table. Elle regarda l'assiette comble de Tchen et tourna la tête.
"Beuh! Comment fais-tu pour manger tout ça?"
"J'ouvre la bouche et je mets la nourriture dedans."
Isabelle se mit à rire. Elle n'était pas habitée à ce que Tchen fasse des blagues.
"Mais c'est tellement gras."
"Bah, ensuite je pourrais dire à Érick que sa nourriture américaine n'est pas bonne. "
"Il ne sera pas content… "
"C'est pas vraiment grave."
Isabelle se remit à rire et Tchen l'imita avant de remplir sa bouche de patates et d'œufs. Isabelle le regarda le temps qu'il mange son assiette. En moins de 10 minutes, il avait presque tout mangé ce qui s'y trouvait. Tchen s'étira longuement puis comme Isabelle, repoussa son plateau.
"Tu pensais à quoi avant que j'arrive?"
Tchen fut surpris de sa question. Il ne lui arrivait jamais d'être indiscret. Isabelle écarta les yeux quelques secondes puis tourna la tête d'un air songeur.
"Je pensais à la Baronne dont Charlton nous a parlé. "
"Ouais…"
Isabelle tourna la tête et regarda Tchen dans les yeux.
"Tu n'as pas confiance en elle. N'est-ce pas?"
"Je n'ai jamais confiance en quelqu'un que je ne connais pas."
Tchen croisa les mains sur la table et Isabelle haussa les épaules.
"Tu vois, moi je suis sûre qu'elle est avec nous. "
"Qu'est-ce qui te fait dire ça? "
"Sais pas. Une intuition. "
"Ah… l'intuition féminine… je connais… Et bien moi, je crois lorsque je vois."
Isabelle regarda à nouveau Tchen pendant quelques secondes. Elle sentit soudain une bouffée d'affection naître pour lui. Ce jeune homme avait tellement besoin de tendresse! Elle sourit.
"Mais, avoir confiance en quelqu'un c'est la plus belle-- "
"Vous avez vu Aurore?"
Alice était brusquement entrée dans la cafétéria et regardait Tchen et Isabelle chacun leur tour. Elle semblait énervée.
"Non. Pas depuis hier soir." Répondit Isabelle soudainement inquiète. "Pourquoi?"
"On ne la trouve plus. Elle n'a pas dormit dans sa chambre et personne ne l'a vue depuis hier. En plus, une des navettes--"
À cet instant, la voix impérative de Charlton retentit dans l'intercom.
"Attention! Attention! Isabelle, Érick, Esteban, Tchen et Alice sont convoqués d'urgence pour une réunion. Je répète. Convocation immédiate!"
Les trois personnes se regardèrent quelques secondes comprenant ce que cette réunion d'urgence signifiait puis ils foncèrent vers la salle de réunion.
~*~
L-4P20021
Aurore serra les dents. Elle en avait assez de se réveiller après avoir perdu connaissance. En plus, cette fois, elle savait qu'elle était prisonnière. Elle jura intérieurement. Beau travail ma fille! Et maintenant, elle devait faire quoi, se sauver? Elle frissonna. Non, ils allaient la torturer pour qu'elle parle. Mais elle ne parlerait pas. Jamais.
Elle tenta de se lever brusquement mais sa tête la fit tellement tourner qu'elle retomba sur son lit. Elle décida donc d'explorer les lieux qui l'entouraient avant de bouger. De toutes évidences, elle était dans une cellule. Plutôt moche comme cellule. Il y avait un lit qui grinçait dès qu'elle faisait un mouvement. Les couvertures sentaient la moisissure et la sueur. Pas vraiment génial. À côté du lit se trouvait une petite table avec une chaise qui, elle ne savait pas comment, tenait encore debout. Dans le coin opposé se trouvait le bol de toilette qu'elle n'osa même pas regarder tellement il semblait sale. Que de plaisirs en perspective! Pensa-t-elle.
Doucement, cette fois, elle se releva sur le lit pour s'asseoir. Elle tenta malheureusement sans grand succès de se recoiffer un peu. Elle devait tout de même avoir une certaine contenance lorsqu'ils viendraient la voir. Elle fit une longue tresse avec ses cheveux et coinça les quelques mèches qui lui tombaient sur le visage derrière ses oreilles. C'est à ce moment qu'elle aperçut ses mains. Elle avait un gros bleu sur l'avant-bras droit et ses mains étaient couvertes de boue comme si on l'avait traînée pendant un bon moment sur le sol. Elle jura à nouveau intérieurement contre l'Ordre. Pour l'instant, il n'y avait pas grand chose à faire qu'attendre. Elle ne connaissait pas la prison dans laquelle elle était enfermée et elle devait d'abord un peu se renseigner sur les changements de gardes et sur la sécurité avec de tenter une évasion. Elle prit donc son mal en patiente se s'appuya sur le mur en fermant les yeux. Le mieux était de reprendre des forces.
On ne la laissa pas seule très longtemps. À peine quelques minutes plus tard, on venait frapper à sa porte. Elle comprit que sa cellule était sous surveillance et qu'on était venu la voir dès qu'on l'avait jugé assez réveillée.
Elle décida de ne pas répondre. Après tout, s'ils avaient le culot de l'enfermer, elle n'allait sûrement pas leur dire "Mais entrez!" Avec son plus beau sourire!
Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrait.
L'homme entra dans la salle accompagné d'un garde qui la tenait en joue. Il fit une longue révérence puis l'observa pendant quelques instants. Elle ne devait pas être très belle à voir car l'expression de dégoût sur le visage de l'homme ne lui échappa pas.
"J'aurais aimé, Princesse, vous rencontrez dans d'autres circonstances. "
"Qui es-tu? "
"Je suis, Princesse, Gustave Graunt. Mon titre est celui d'Alter. Second en chef de l'Ordre. Comme je vous appelle par votre titre, je m'attends à ce que vous fassiez de même."
Aurore se sentie piquée mais la princesse en elle reprit le dessus. Elle ferait honneur à sa mère et se comporterait avec dignité.
"Veuillez m'excuser, Alter. "
"Bien. Maintenant, Princesse, je m'attends à un peu de coopération de votre part. "
"Je ne vous dirai rien, Alter, et vous le savez."
Elle s'était levée et se tenait bien droite, comme une reine. Graunt eu un sourire en coin. Il aimait parler aux gens distingués. Voilà pourquoi il n'aimait pas beaucoup Forain. Graunt plissa ses petits yeux cristallins.
"Princesse. Vous savez que j'utiliserai toutes les techniques possibles de torture pour obtenir ce que je veux."
Le garde près de Graunt changea de pied nerveusement. De toutes évidences, il ne pensait pas que son supérieur était aussi cruel.
Aurore redressa le menton plus nerveusement qu'elle ne l'aurait souhaité.
"Et vous savez, Alter, que la torture ne me fera pas plus parler. Vous savez de qui je suis la fille."
Graunt se mit à rire.
"Oh oui je sais! La fille d'une Reine morte assassinée par ses idéologies faibles et de son garde du corps trop amoureux d'elle pour bien faire son travail! Laissez-moi rire! Princesse."
Aurore serra les points.
"Ma mère avait des idéologies saines! Elle a voué sa vie à l'égalité et au bien-être de tous. Vous êtes des gens sans scrupule qui ne pensez qu'à vous-même. Vous êtes trop imbus de vous-même et cela vous perdra!"
Furieux, Graunt la gifla, plus pour lui blesser l'orgueil qu'autre chose. Aurore ne cilla pas.
"Merci, Alter, vous venez de me prouver que vous ne pouvez agir que par la force du corps et non de l'esprit, qui, on doit le dire, doit être trop faible."
L'expression sur le visage de Graunt devint encore plus sombre et Aurore eut peur. Non pour elle, mais pour les autres que ses secrets mettaient en danger.
"Vous allez parler Princesse. J'en fais le serment! Et alors, je tuerai devant vous tous ceux qui vous ont été chers et puis je vous tuerai en vous torturant pendant des heures!"
Aurore fut prise de panique mais ne le montra pas. À côté de Graunt, le garde semblait de plus en plus énervé et pendant quelques instants, il regarda son maître pour être sûr qu'il n'avait pas perdu l'esprit. Aurore profita de ce moment pour se jeter sur le garde. En quelques secondes, elle lui avait arraché son arme. L'entraînement de Charlon portait enfin fruit. Elle pointa l'arme sur Graunt.
"Je ne parlerai pas! "
Graunt avait également son fusil pointé sur elle et l'alarme qui retentissait à l'extérieur avertie Aurore qu'elle aurait bientôt de la compagnie. Graunt se mit à rire.
"Vous ne vous en sortirai pas!"
Aurore le regarda quelques instant puis brusquement, revira son arme contre elle-même. Graunt compris ce qu'elle voulait faire.
"NON!"
Mais Aurore n'eut pas le temps d'appuyer sur la détente car le garde s'était relevé et l'avait assommée. Son corps inconscient tomba sur le sol.
Graunt s'approcha d'elle et lui donna un coup dans les côtes pour savoir si elle était vraiment inconsciente. L'absence de réaction le lui confirma.
"Idiote." Murmura-t-il. "Tu m'aurais enlevé ma seule source d'informations." Il se tourna vers le garde en la pointa. "Allez chercher les médecins et endormez-la. Demain, je la ramènerai avec moi sur Terre et El General fera ce qu'il voudra avec elle. Après tout, elle est l'héritière du trône du Monde. "
Le jeune garde salut nerveusement son supérieur et disparu à travers le labyrinthe de la prison. Graunt essuya son front encore couvert de sueur puis quitta la cellule en refermant la porte.
