Chapitre 27 : Couronnement

A.C. 220

Budapest

Aurore se tenait très droite, on aurait dit une statue de marbre. Ses cheveux étaient attachés sur sa tête sobrement mais quelques mèches étaient tombées et volaient au vent sur son visage. Son mince tailleur noir la réchauffait même si elle se sentait glacée jusqu'au plus profond de son âme. Des larmes coulaient sur ses joues et elle serra plus fortement la rose qu'elle tenait dans sa main droite. Elle sentit les épines lui entrer dans la peau et la percer. Machinalement, elle dépose la rose sur la tombe puis se redressa. Au même moment, l'hymne des morts s'éleva. Elle se sentit trembler et sursauta légèrement lorsque deux bras solides l'entourèrent doucement. Elle se laissa aller quelques secondes contre son ami puis, en relevant la tête, se dirigea vers la sortie du cimetière. Elle ne regarda plus la tombe, sachant trop bien ce qui y était écrit :

Sa majesté

Relena Catherine Peacecraft Yuy

et son époux

Heero Yuy

Ses parents étaient enfin enterrés dignement, pensa-t-elle. Comme ceux des autres jeunes. Ils avaient été enterrés hier mais pour ceux d'Aurore, on avait voulu faire quelque chose de spécial. Elle avait tout de même insisté pour que son frère soit enterré la veille car au fond d'elle-même, elle voulait faire ce geste avec les autres. Ils étaient tous ensemble. Pour les joies comme pour les peines.

Mais ils n'étaient pas tous là. Érick marchait à coté d'elle en lui tenant la main. Isabelle était un peu derrière. Tchen était là. Discret, comme toujours, mais il était là dans son costume noir trop sévère pour lui. Il marchait derrière eux. Alejandro aidait Felicity à marcher. Ils avaient retrouvé la baronne dans un bien piteux état. Elle avait été battue pendant deux journées consécutives et les nombreux coups qu'elle avait reçus marquaient encore son corps. Mais elle se tenait bien droite malgré son écharpe pour son bras droit. Ses longs cheveux noirs étaient montés élégamment sur sa nuque. Elle avait le regard fier des hispaniques. Mais, il n'était pas tous là... Aurore sentit son cœur se contracter. Esteban n'était pas là. Depuis leur attaque du Sénat, voilà deux mois, Esteban était dans un coma profond. Selon les médecins, les chances qu'il s'en sorte étaient bien minces. Aurore senti une larme brûlante lui couler le long de la joue. Esteban s'était jetée devant elle pour la protéger du coup de Schwarz.. Il avait reçu deux projectiles : un à la poitrine, l'autre à la tête. Les coups n'avaient pas été mortels mais celui à la tête l'avait plongé dans un coma et depuis, il ne s'était plus réveillé. Elle se souvenait de la sensation du sang chaud qui coulait sur elle. Elle avait d'abord cru que c'était la sien car le choc qu'avait provoqué Esteban en se jetant sur elle lui avait fait terriblement mal. Puis, elle était tombée, sa tête avait heurté le sol et elle avait perdu connaissance. Érick lui avait ensuite conté comment Tchen était apparu. C'était Tchen qui avait tiré sur Schwarz et l'avait tué. Tchen, que tous pensaient partis pour toujours, était revenu et les avait probablement sauvés. Érick avait pleuré lorsqu'il lui avait ensuite raconté pour Esteban. Elle ne se serrait jamais attendu à le voir pleurer pour le fils de Quatre. Mais, il avait bien changé depuis leur première rencontre. Elle n'avait pas pleuré, pas pour Esteban, elle n'en était plus capable. Et c'était bien pire que tout.

Aurore continua à marcher puis s'arrêta quelques secondes devant la tombe de son frère.

Aoki Devin Peacecraft Yuy

Elle aurait tellement aimé qu'il soit là.

Ravalent la nouvelle vague de larmes qui lui venait, elle redressa la tête puis sentit à nouveau les bras d'Érick l'entourer.

Aurore, tu dois aller te préparer.

Aurore lui sourit tristement.

Elle le savait. Aujourd'hui elle serait nommée Reine du Monde, comme l'avait été sa mère. Elle avait bien tenté de refiler ce titre à sa cousine, à la baronne, même à Charlon, mais rien à faire. Les sénateurs avaient insisté et elle avait finalement accepté, ne se sentant pas du tout à la hauteur de la tâche. Elle frissonna à nouveau et resserra le veston de son tailleur autour d'elle. Il faisait pourtant beau aujourd'hui. Puis, elle repris la direction de la sortie où sa limousine l'attendait.

Palais Royal, Budapest

La robe était beaucoup trop... trop tout! Elle était parfaitement blanche, avec des grandes manches, de la dentelle, un décolleté gênant et une traîne de dix kilomètres. Elle regarda avec regrets son tailleur du matin. Elle préférait de loin les habits simples. Mais une reine ne pouvait être couronnée dans une simple robe et elle le savait. Ses cheveux avaient été élégamment remontés sur sa nuque. Elle devait avouer que les coiffeuses avaient fait du merveilleux travail. À travers ses mèches brunes se mélangeaient des mèches dorées et des perles. Le tout, bien placé pour recevoir une couronne, pensa-t-elle. Elle avait vraiment l'air d'une princesse aujourd'hui et elle ne put s'empêcher de sourire.

Elle entendit un brut venant de la porte et dans un bruissement de tissus, elle se retourna pour regarder le nouvel arrivant.

Érick plus chic qu'elle ne l'avait jamais vu, entra dans la chambre. Il portait un complet bleu très sombre qui lui allait à merveille. Elle sourit à la vue de son ami. Lui, par-contre, la regardait fixement.

Qu'est-ce que t'as? Demanda-t-elle, un peu énervée. On dirait que tu regardes un revenant.

Il ferma finalement sa bouche puis la regarda en souriant.

Rien, en fait, je cherchais mon amie. Tu n'es pas très drôle. Répondit-elle, offusquée. Je sais que j'ai l'air folle avec tout ça mais— Non Aurore, au contraire! Tu es vraiment superbe!

Aurore regarda son ami bouche bée et se sentit rougir malgré elle. Érick éclata de rire.

Ne t'en fais pas, je ne quitterai pas Isabelle pour toi. T'es vraiment pas drôle! Lui cracha-t-elle avant d'aller se poster devant la fenêtre, les bras croisés. Elle faisait semblant de regarder les gens arriver.

Il y avait tellement de personnes qui arrivaient. Tous les dignitaires de la planète avaient été invités. Elle se sentit pris au piège et se retourna brusquement vers Érick. Elle voulut lui dire qu'elle ne voulait rien de ça, qu'elle voulait redevenir Aurore, la fille qu'il avait connue 18 ans plus tôt. Mais l'expression sur le visage d'Érick la figea. Il semblait contrarié.

Qu'est-ce que tu as? Demanda-t-elle soudainement.

Érick sembla sortir de ses rêves et la regarda mal à l'aise. Il se dirigea vers la porte.

Rien. En fait, je vais y aller, ça va bientôt commencer et Isabelle va me tuer si je suis en retard.

Il lui sourit puis ouvrit la porte. Mais Aurore l'arrêta.

Érick, ferme cette porte immédiatement et regarde moi.

Même Érick fut surpris du ton de son amie. Elle n'avait pas crié. Elle avait parlé... comme une reine. Malgré lui, il ferma la porte et se retourna.

Tu me caches quelque chose Érick, tu es venu ici pour une raison. Quelle est-elle?

Érick regretta amèrement d'être venu. Il aurait dû écouter Isabelle et Tchen.

En fait... je ne voulais pas t'inquiéter avec ça. Je t'en parlerai demain. Érick. Bon, d'accord. C'est que, je suis allé à l'hôpital pendant que tu te changeais et—

Elle devint si pâle qu'il se jeta sur elle pour la retenir, mais elle ne tomba pas et le regarda.

Esteban? Murmura-t-elle. Il est.... Non! S'empressa de répondre Érick. Non, il n'est pas mort. En fait... il n'est plus...là. Quoi? Qu'est-ce que tu veux dire? Je veux dire qu'il a disparu. Érick se pinça les lèvres. Il aurait dû écouter Tchen et Isabelle. Comme ça disparu? On ne perd pas quelqu'un dans le coma comme ça! On doit aller le chercher! On doit le trouver!

Elle avait repris quelques couleurs et se jetait vers la porte. Il la retint.

Non, tu dois aller te faire couronner Aurore. Il y a déjà des gens qui s'en occupent. Ils vont le trouver. Non! Je veux y aller! Elle tenta de libérer sa main mais Érick ne la serra que plus fort. Tu n'es pas raisonnable! Je m'en fous! Érick, je t'en prie! Elle sentit des larmes monter à ses yeux. Elle qui avait eut tellement de difficultés à pleurer un an plus tôt, et maintenant, elle pleurait pour tout. Elle allait ruiner son maquillage. Érick la regarda durement. Aurore, tu es la Reine du Monde, ton peuple passe avant tout, tu le sais. On retrouvera Esteban, il ne peut être bien loin. Fais-nous confiance et fais ce que tu as à faire.

Les larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme et elle les essuya rageusement. Il avait raison, elle le savait. Sa mère aurait fait la même chose. Elle le savait ça aussi.

Il sourit à son expression et déposa un léger baiser sur sa joue puis la laissa seule.

Lorsqu'Érick arriva dans la salle du couronnement. Alejandro était finalement arrivé et Félicity l'accompagnait. Ils étaient tous magnifiques et il s'empressa d'aller rejoindre Isabelle qui le fusilla du regard. Même s'il souriait, elle voyait bien que ça ne s'était pas passé comme il l'avait espéré.

Tu n'aurais pas dû. Lui dit-elle furieuse. Elle va penser à ça tout le long, tu le sais. Et j'étais censé rien lui dire alors que son ami à disparu?

Érick, énervé, lui fit une moue puis se tourna vers Charlon qui venait de les rejoindre. Le pilote de l'Esperanza avait été nommé chef de la défense et de l'ordre et portait maintenant l'habit du sénat. Il ne pouvait être plus fier de lui-même et cela paraissait. Érick plissa les yeux et Charlton hocha la tête en signe de négation. Toujours pas de nouvelle d'Esteban, pensa-t-il.

Puis, trois coups furent frappés et le silence se fit dans la salle. Les grandes portent s'ouvrirent et Aurore apparut. Elle rayonnait de beauté et chacun le savait. Elle sembla hésiter quelques secondes puis finalement, elle se mit à marcher lentement dans l'allée.

Ils avaient finalement réussi, pensa Érick. Ils étaient tous là. Lui, Isabelle, Alejandro, Félicity, Charlton, Tchen, même Alice, la seconde en chef de l'Esperanza était là. Ils avaient réussi.

Aurore arriva en haut de l'autel où elle s'agenouilla. Le prêtre commença la cérémonie. Pendant plus de dix minutes, le prête expliqua les différentes tâches d'une reine de ceux qui allaient l'assister. Il était vraiment ennuyant, pensait Érick, mais bon, comment rendre ce genre de cérémonie amusante? Peut-être qui s'il avait essayé... mais Isabelle lui tira la manche pour lui chasser ses idées. Non mais, comment faisait-elle pour savoir ce qu'il pensait?! Finalement, le prêtre déposa la couronne sur la tête d'Aurore qui se releva, bien droite puis se retourna pour regarder l'assistance. et celle-ci explosa sous les applaudissements. Pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans la salle, Aurore sourit. Elle dirigea son regard vers le petit groupe de pilotes et sourit encore plus. Elle aussi savait. Malgré tout ce qu'elle avait à endurer et toute la tâche qui l'attendait, ils avaient maintenant une chance de faire un monde paisible. Elle pensa encore à sa mère et si dit qu'elle serait fière d'elle.

Lorsque la salle se calma finalement, elle leva la main pour signaler qu'elle voulait parler. Tous se turent automatiquement. Aurore avait préparé un petit discours mais elle décida de ne pas le réciter mais plutôt de laisser aller son cœur.

Je ne vous ferais pas un discours long et ennuyant. Nous avons eu assez de jours tristes ces derniers temps. Je voudrais seulement vous dire à quel point je suis heureuse aujourd'hui. Pas d'être nommée Reine mais de vous voir, tous, sourire enfin librement. Je me suis battue pour cela et---

Mais elle s'arrête brusquement. Érick vit qu'elle s'était soudainement figée et semblait fixer un point très loin dans la salle. Elle était soudainement très blanche et elle vacilla un peu. La main qui tenait le sceptre s'ouvrit et elle le laissa tomber par terre dans un fracas incroyable. Les murmures commencèrent à devenir plus forts. Aurore était immobile. Érick poussa les gens autours de lui pour s'approcher de l'allée, il devait voir qui perturbait ainsi la cérémonie. Et si Aurore était en danger?! Esteban ne lui pardonnerait jamais s'il lui arrivait quelque chose – s'il se réveillait jamais- .Puis, Aurore laissa échapper un cri et dévala les marches de l'autel pour se jeter dans la foule. On s'écarta à son passage, Aurore traversa la salle en quelques secondes. Même la couronne tomba sur le sol mais elle ne s'en occupa guère. Puis, Érick vit ce qu'elle avait vu de l'autel. Un homme, appuyé sur une des colonnes du fond se redressa puis lentement, il ouvrit les bras pour les resserrer autour de la jeune reine. Le sanglot qu'elle émit fut taire tous les monde et chacun regardait le jeune homme blond, encore un peu pâle et maigre serrer la jeune femme de toutes ces forces contre lui. Il enfouit son visage dans le cou de la reine avant de s'écarter un peu. Puis il se mit ensuite à lui couvrir le visage de baisers. Puis, à nouveau, la foule explosa sous les applaudissements.

Aurore le regardait à travers ses larmes. Elle passa une main dans ses cheveux encore emmêlés puis enfouit son visage dans cou.

Tu es vivant. Tu es vivant. Murmurait-elle.

Esteban l'écarta de lui pour la regarder en face.

Je n'aurais jamais manqué ça. Lui dit-il, un sourire au coin de la bouche.

Elle se mit à rire puis la serra contre lui.

Érick, Alejandro et Tchen furent les premiers à les rejoindre. Érick donna un coup sur l'épaule de son ami.

Et bien, tu nous as fait peur! Esteban sourit. Même Tchen semblait heureux de le voir. Aurore se détacha de lui et essuya ses larmes. Tu vas ruiner ton maquillage. La gronda Érick. Mais Aurore se mit à rire, et les autres l'imitèrent. On a réussi, dit simplement Alejandro. Oui, répondit Tchen. Il tendit sa main vers le centre du cercle que les cinq pilotes avaient crée. Les autres l'imitèrent.

Puis Charlon arriva, et Isabelle aussi.

La soirée se poursuivit longuement dans la nuit. Esteban expliqua qu'il s'était réveillé pendant la journée et sachant que les médecins ne le laisserait pas sortir, il s'était sauvé en cachette. Aurore tenta bien de le gronder mais elle était si heureuse de la voir qu'elle n'y arriva pas réellement. Aurore ne put passer autant de temps qu'elle le désirait avec ses amis, ses tâches administratives l'attendant, mais Esteban ne la quitta jamais.

Les pilotes passèrent là leur plus belle nuit de leur vie. Les beaux souvenirs, comme les plus douloureux furent très présents. Mais ils avaient maintenant la conviction qu'ils avaient fait la bonne chose.

Et ainsi s'achève l'histoire des enfants des pilotes.

J'espère que vous avez aimé.

Merci de vos commentaires!

Maud alias Aeris Yuy