Chapitre 17

Clarissa avait tué son père, et la vie de Severus avait changé.

Il ne l'avait pas complètement réalisé jusqu'à tard cette nuit là où il était assis dans la chambre d'invité qui lui était assignée au Manoir Malfoy, essayant de se calmer et de reprendre le contrôle de son esprit travaillant frénétiquement. Trop de choses s'étaient produites au cours des douze dernières heures pour qu'il puisse trouver une seule minute pour penser clairement, logiquement. Severus était trop tendu même pour s'asseoir; il arpentait la pièce avec quelque chose d'apparenté à de la furie dans son attitude et quand cela s'avéra être inefficace, il agrippa un lourd manteau d'hiver, descendit et sortit dans le parc. L'air froid de la nuit qui mordait dans ses joues et ses mains accomplissait ce que tourner comme un animal en cage ne l'avait pas autorisé à faire. Il sentit progressivement son esprit se consolider et redevenir l'outil sur lequel il avait l'habitude de compter. Ce qui jusqu'ici avait été un tourbillon flou de formes et de bruits se transforma en succession d'images bien définies, presque trop vives, qu'il pouvait examiner et ranger dans sa mémoire.

Charles Rosier avait été tué en un acte de self-défense quand il avait essayé d'agresser sa fille, tout comme elle l'avait redouté. Cette fois, néanmoins, elle avait réagi à son agression au lieu de la supporter et avait mis toute sa haine et sa peur derrière le sortilège de mort. Cela avait été la première fois qu'elle l'avait utilisée sur un être humain, mais sa rage avait conpensé ce qui aurait pu lui manquer de capacité magique . Le sortilège seul lui aurait valu une condamnation à perpétuité à Azakaban, car peu importe pourquoi une personne utilisait un Sortilège Impardonnable, selfdéfense ou pas, le verdict serait toujours le même. Elle avait cependant considérablement aggravé la situation en laissant la marque sombre dériver en montant vers le ciel. Pire que tout, elle avait laissé tomber sa baguette au moment même où le système de Cheminette l'avait sucée hors de la cheminée de la salle de séjour.

La marque sombre voulait dire l'arrivée d'un bataillon d'Aurors sur la scène du crime quelques secondes après son apparition et, comme il n'y avait pas de coupables à arrêter, il était probable que les Aurors allaient transplaner dans toute l'Angleterre, apparaissant dans les maisons des suspects habituels afin de les interroger. Severus avait seulement tout juste eu le temps de jeter un sortilège d'invisibilité sur Clarissa et de lui ordonner de rester dans le jardin sans bouger et si possible sans respirer, quand la maison avait retenti d'un martellement furieux à la porte. Les trente minutes suivantes avaient été une épreuve.

Maugrey avait été seul cette fois. Mais la situation n'avait pas été grandement améliorée par ce fait. Severus ne lui avait, bien sûr, rien dit au sujet des raisons qu'avait Clarissa pour tuer son père-c'était de moins qu'aucune importance, maintenant que son allégeance à Voldemort avait été prouvée au moyen d'un simple sortilège inverse jeté sur sa baguette. Sa baguette officielle, heureusement. Si quoi que ce soit qui se rapportait à ce désordre épouvantable pouvait être appelé heureux. Clarissa était l'amie et la camarade de maison de Severus, et ainsi les soupçons déjà non démontrés de Maugrey à son sujet étaient devenus, du moins selon l'opinion de l'Auror, plus justifiés. Severus avait tenu bon son terrain, mais cela avait été juste. Habituellement, quand une attaque planifiée était mise en action, tout le monde-participant ou non-avait un alibi en béton préparé à l'avance. Aujourd'hui, Severus était sûr qu'il n'était pas le seul à avoir des ennuis à rendre compte de sa situation au cours des dernières dix minutes et des témoins de cela. A la fin, Maugrey avait dû quitter sa maison avec une frustration rugissante.

Immédiatement après son départ, Severus avait transplané Clarissa dans sa maison en Italie. Elle devrait y rester jusqu'à nouvel avis. Pour Severus, cela signifiait qu'il devait trahir Voldemort une fois de plus, car il n'avait aucun doute quant à la réaction de leur maître à ce que Clarissa avait fait. Non seulement elle avait attiré l'attention du ministère sur elle avec cette utilisation idiote de la Marque sombre, elle avait aussi mis le mouvement entier en grave danger . Severus était sûr que Voldemort la tuerait sur le champ s'il la trouvait. Pour avoir une chance raisonnable de survivre à son courroux, elle devait disparaître sans laisser aucune trace. Severus devrait à nouveau mentir.

Il venait juste de transplaner de retour chez lui et il lançait un sortilège de soin sur son épaule gauche que Maugrey avait luxée quand la tête de Lucius apparut dans la cheminée. Severus fut immédiatement alarmé par l'expression sur son visage-il l'avait vu à peu près dans cet état seulement une fois, lors de leur quatrième année quand les Aurors étaient arrivés à Poudlard pour enquêter sur Sibylle, mais il avait l'air bien pire maintenant.

" Lucius, " dit-il en s'approchant de la cheminée, " dis moi ce qui s'est produit, pour l'amour du ciel, tu as un air terrible!"

" Pourrais-tu-" sa voix se brisa et il se racla la gorge. " Pourrais-tu s'il te plaît Transplaner ici? Immédiatement?"

"Oui, mais dis-moi ce-"

" Mon père est mort."

Il n'avait jamais senti d'affection pour Julius Malfoy, mais au cours des derniers mois il en était venu à apprécier l'homme et quelques unes de ses qualités. Quels qu'aient été ses sentiments envers le père de Lucius, sa mort était un coup dur de plus d'une manière. " Que s'est-il passé?"

Lucius avala. " Oui peut-être est-il mieux que je te dise cela maintenant, il ne serait pas bon de le répéter en présence de ma mère et de Narcissa. Les Blacks sont venus ici pour poser des questions sur la mort du père de Clarissa, il semble que c'était de notre fait. Ils se sont comportés de manière pire que jamais, mon père a perdu son calme et a tiré sa baguette . Malheureusement-" Sa voix se brisa de nouveau. Severus regarda, incrédule, l'homme qu'il avait connu depuis tant d'années s'essuyer les yeux du dos de la main. " malheureusement il était près du grand escalier. Quand Black l'a désarmé, il a trébuché en arrière. Black était furieux et son sortilège a frappé mon père avec une énorme force. et mon père a été projeté en l'air contre le bord de la rampe d'escalier au niveau de la nuque. Il était. il est mort .c'était déjà fini quand je suis arrivé à lui. Nous n'avons rien pu faire."

Severus resta enraciné sur place, incapable de s'arrêter de secouer la tête. " Je ne peux pas y croire, " murmura-t-il, " je ne peux pas y croire . c'est si absurde qu'il-"

"Oui, " dit Lucius, ce mot suivit d'un rire forcé, "Oui, c'est vraiment absurde. Mais si tu veux vraiment m'aider, viens tout de suite. Je suis pas tout à fait au sommet du monde moi-même mais imagine ma mère et Narcissa. et je dois ammener ces deux.criminels au Ministère."

" Bien sûr. Je dois juste attraper mon sac. Je serai avec toi dans un minute."

Les larmes dans les yeux de Lucius l'avaient profondément déconcerté. L'impact de l'affliction et du désespoir des deux femmes avait presque été trop pour que Severus le supporte.

Un elfe de Maison prenait soin de ses bagages et de ses animaux ; Lucius vint l'accueillir avec une expression pas encore familière de détermination inflexible sur son visage plus pâle qu'à l'habitude, et après quelques paroles de gratitude, il alla directement au ministère par Cheminette avec les deux Aurors attachés et baillonnés dans son sillage.

Severus entra dans le salon. Yelena Malfoy était allongée sur un ottoman, apparemment trop épuisée pour pleurer davantage. Son visage était encore beau, mais elle semblait avoir vieilli de dix ans. Avec ses yeux différents de manière stupéfiante, elle regardait fixement quelque point au-delà du mur et probablement au-delà de l'univers, ses mains se serrant et se desserrant autour d'un mouchoir, elle était l'épitomé du désespoir impuissant. Narcissa était assise à côté d'elle sur le plancher comme une marionnette dont les cordes avaient été coupées, les jambes étendues sans cérémonie, des mains détendues drapées avec négligence sur ses genoux. Aucune d'elle ne faisait de bruit, ce qui prêtait d'une manière ou d'une autre une touche encore plus funeste à la scène entière.

Severus s'était occupé de Narcissa en premier, lui demandant d'essayer de se lever, car il avait besoin de son aide pour mettre sa belle-mère au lit. Elle avait obéi comme si ces cordes invisibles avaient soudainement été jointes aux mains de Severus. Il aurait été plus facile de simplement faire léviter Yelena, mais il décida de ne pas le faire-d'une certaine manière il semblait indigne de la faire flotter en haut des escaliers, sa tête pendant en arrière et ses bras pendant mollement en l'air au milieu. Alors il l'avait soulevée et portée, avec Narcissa qui le suivait comme un demi- fantôme. Obéissant à ses demandes chuchotées, elle avait apporté une robe de chambre et avait commencé à déshabiller l'autre femme, ce qui donna à Severus le temps de redescendre. Avec l'aide de Dobby l'elfe de Maison-la pauvre créature était complètement hors d'elle de terreur-il avait réussi à trouver les ingrédients nécessaires à une simple potion apaisante qu'il lui fallait dix minutes pour préparer.

Quand il était retourné en haut, il avait trouvé Narcissa étendue à côté de sa belle-mère, enroulée contre elle cherchant du réconfort et à l'évidence aussi de la chaleur, car elle frissonnait violemment. Il était chanceux qu'il ait préparé plus de la potion qu'il n'en aurait fallu pour seulement un patient, si bien qu'il put l'administrer aux deux femmes. Narcissa s'endormit presque immédiatement. Severus convoqua une chaise au chevet du lit, s'assit, et prit avec hésitation la main de Yelena . Le sourire qu'elle lui fit, quand elle tourna lentement la tête vers lui, lui fit mal au coeur. Ce fut alors que l'injustice et l'absurdité de cette terrible tragédie tout entière le frappèrent de plein fouet, et il dût se battre intensément pour garder son calme, surtout pour son intérêt à elle. Elle ne dit rien, le regarda seulement, souriant de ce sourire singulier et brisé, et lui pressa brièvement la main. Il garda ses doigts dans les siens et les caressa doucement jusqu'à ce que, un petit moment plus tard, elle s'endorme aussi. Après s'être assuré que toutes deux avaient chaud et étaient aussi confortablement installées que possible, Severus quitta silencieusement la chambre à coucher et descendit attendre Lucius.

Il était revenu peut-être une heure après son départ. Maintenant que la tension était partie, avait l'air entirèrement dévasté et répondit aux questions de Severus par de simples monosyllabes.

" Je crois que j'ai besoin d'un verre maintenant, " dit-il après quelques minutes de silence, car Severus avait finalement cessé de le questionner. "Ecoute Sev, pourquoi ne faisons-nous pas l'inverse? Dis-moi ce qui est arrivé à Rosier et laisse moi écouter un peu. Je ne suis absolument pas en état de parler maintenant."

Alors Severus lui raconta ce qui s'était produit dans la matinée, et ils furent d'accord tous les deux que Lord Voldemort devait être informé immédiatement. Prévenir Lestrange et Barty était trop risqué, étant donné que Lestrange était encore à Poudlard et Barty au ministère. Ils devaient y aller seuls.

" Et pour ta mère et Narcissa?" demanda Severus. "Nous ne pouvons pas les laisser ici avec seulement les Elfes de Maison pour s'occuper d'elles. Elles pourraient se réveiller et immagine seulement comment elles se sentiraient si ni toi ni moi n'étions là."

Alors ils avaient jeté un sortilège de sommeil sur les deux femmes et avaient transplané en Albanie, craignant tous les deux pour leurs vies. Ni l'un ni l'autre ne pouvait être blâmé pour ce qui s'était passé mais le courroux de leur maître ne distinguait habituellement pas coupable de non- coupable. Incapable de porter la charge entière de responsabilité et de souci pour Clarissa sur ses propres épaules , et aussi réticent à le faire, Severus avait décidé de dire toute la vérité à Lucius. Il avait besoin de partager ceci avec quelqu'un et Lucius était le seul en qui il pouvait suffisamment avoir confiance, même s'il était bien conscient que la vérité pourrait devenir un poignard dans son dos un jour.

On ne pouvait accuser ni Lucius ni Severus de manquer de courage; tous les deux avaient cependant reculé sous l'attaque de la furie de Voldemort. Ce qui leur avait sauvé la vie et la raison avait été le fait qu'ils avaient été les premiers à transplaner pour raconter l'histoire. Bien que tous les mangemorts ne soient pas classés comme suspects au ministère, beaucoup d'entre eux l'étaient et ainsi il était probable qu'il aient reçu des visites peu souhaitables d'Aurors eux aussi. Jusqu'ici, cependant, aucun d'entre eux n'avait trouvé le courage de faire face à leur maître et de lui dire les mauvaises nouvelles au sujet de Clarissa. Ainsi, Severus et Lucius ne furent pas punis et reçurent seulement l'ordre péremptoire de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour trouver Clarissa. La mort de Julius Malfoy ne pourrait pas être vengée pour l'instant, car n'importe quelle action punitive de leur part aurait confirmé les soupçons déjà existants du ministère à son sujet. Vrai, les morts étaient morts, mais Lucius aurait non seulement hérité de la fortune de son père mais aussi du poids entier de la répression ministérielle.

A leur retour, ils avaient ôté le sortilège de sommeil des deux femmes et les avaient persuadées de descendre pour un dîner léger. Narcissa s'était assez calmée pour faire un effort de normalité dans l'inérêt de sa belle- mère, et bien que leur repas n'ait absolument pas été une affaire enjouée, la mère de Lucius avait du moins mangé quelque chose et échangé quelques mots avec les autres. La suggestion de Severus qu'elles prennent un somnifère fut accepté avec reconnaissance et donc il était allé le préparer immédiatement -le propre laboratoire privé de Julius Malfoy était bien approvisionné et contenait tout ce dont il avait besoin. Yelena avait demandé à son fils si elle pouvait lui emprunter son épouse pour qu'elle partage son lit cette nuit, afin qu'elle se sente moins seule. Cette fois ci, ce fut Lucius qui les borda toutes les deux et leur donna leurs potions pendant que Severus attendait dans la bibliothèque, tenant dans ses mains un verre du cognac et laissant les vagues d'épuisement à la fois émotionnel et physique le submerger.

Quand Lucius s'était joint à lui, ils avaient parlé un moment, surtout de l'avenir immédiat, et alors avaient décidé qu'ils étaient trop fatigués pour continuer davantage; donc ils s'étaient retirés vers leurs chambres respectives. Severus savait que, malgré la fatigue de plomb qu'il sentait, le sommeil allait l'éviter ce soir, mais il commença à se préparer à aller au lit tout de même. Il y avait plus qu'assez de livres pour lui tenir compagnie et s'il en sentait le besoin, il pourrait toujours prendre un peu de la Potion de Sommeil qu'il avait préparée. Ils avaient dîner en tenue informelle, si bien qu'il avait seulement à enlever sa chemise et son pantalon. Avec sa chemise déjà déboutonnée, Severus luttait avec les poignets et s'approcha un peu du chandelier posé sur le buffet, car un des minuscules boutons refusait de glisser hors de son trou. Il se pencha en avant vers la lumière, et la chaîne à laquelle son médaillon et la clé de son coffre à Gringotts étaient suspendus se balança en l'air. Pendant un instant, le médaillon reflèta la lueur de la chandelle directement dans son oeil.

Ce fut alors que la prise de conscience le frappa. 'Tu auras une liaison amoureuse passionnée et tueras ton amant dans une crise de jalousie'. La voix voilée de Sibylle, le soleil couchant, la remarque acerbe de Lucius . Tout était de retour dans son esprit, vif et neuf, comme si la scène avait seulement eu lieu hier. La traduction de ce qu'elle avait vu avec l'?il de son esprit dans ces intestins de grenouilles n'avait peut-être pas été exacte. Mais Severus était sûr que la prédiction de Sibylle pour Clarissa n'avait pas été inventée. D'une certaine manière, il y avait eu de la passion -la haine passionnée que Clarissa ressentait pour son père et l'amour perverti de Charles Rosier pour sa fille. Jalousie et rage. faciles à confondre, particulièrement si on ne connaissait pas la situation. Sibylle avait vu un amant, de la passion et un meurtre commis avec une agitation extrême-seulement trop compréhensible qu'elle ait pensé à un crime passionel**, c'était l'interprétation logique.

Lentement, la main de Severus était montée pour agripper le médaillon qui contenait encore le parchemin que Sibylle lui avait donné après le festin de la remise des diplômes. La prophétie qu'il avait ignorée comme étant des foutaises, mais avait tout de même gardé. La prédiction. L'Oracle de la Sibylle. Et il avait commencé sa marche furieuse dans la pièce jusqu'à ce qu'il sente qu'il deviendrait fou à moins de descendre et sortir dans le froid.

Et maintenant après une vive marche dans la propriété, il se fortifia pour regarder la vérité en la face. A une chaîne autour de son cou, il portait un bref résumé de sa vie future. Il pouvait l'aimer ou non, c'était là. Dans le coeur de son coeur il savait que c'était aussi vrai que la prédiction pour Clarissa. Et cela changeait tout.

En haut dans sa chambre, il n'avait pas trouvé le courage de sortir le parchemin et de le lire-pas qu'il en ait besoin, car il connaissait les mots par coeur. Mais il ne pouvait pas résister au désir ardent de le regarder, juste pour s'assurer que c'était encore là avec chaque mot, chaque lettre fermement en place, lui parlant de sa destinée. Il devait le faire maintenant.

La mort et la renaissance . c'était encore comme il s'en rappelait. Pas un iota n'avait changé. Seulement il n'avait aucune idée de ce que cela voulait dire. La mort et la renaissance . les événements qu'elle avait prédits pour Clarissa s'étaient déjà passés. Cela impliquait-il qu'il était déjà mort-dans quel sens déformé, métaphorique avait-elle pu vouloir le dire ? La mort . cela pouvait-il avoir quelque chose à faire avec le fait d'être un mangemort? Etait-il déjà un mangemort? Dans son coeur il l'était, mais il lui manquait encore la marque sombre. Et si devenir un mangemort était vraiment ce qu'elle voulait dire par mort quelle allait être la renaissance ? Ce ridicule morceau de parchemin impliquait-il qu'il se détournerait de Voldemort? Pourquoi diable devrait-il faire cela?

Tu lui as déjà menti deux fois, lui dit sa conscience. Oui, c'était un fait indéniable. Il avait menti deux fois à son maître. Il avait été plus loyal envers Lucius et Clarissa qu'envers l'homme à qui il devait tout. Et oui, la culpabilité constante faisait de sa vie un enfer. Jusqu'ici la prédiction était juste. Et l'amour alors? Qu'en était-il de ce mystérieux compagnon d'âme, qui semblait destiné à lui servir comme une sorte de messie personnel? Une femme. les paroles du baron sanglant vinrent à son esprit, soudainement et spontanément. Seul l'amour pouvait ramener une âme morte à la vie.

Non. il refusait simplement de suivre cette ligne de pensée plus avant. La prédiction pouvait être véritable, mais elle était trop sombre, trop vague. Tout aurait pu déjà se produire et cela pourrait tout aussi bien faire partie d'un avenir proche ou distant. Et si cette dernière chose était vraie, alors il était inutile de consacrer le reste de sa vie à attendre sa mort, sa renaissance et sa rédemption par une femme qu'il ne connaissait probablement même pas encore. Il était idiot d'essayer de vivre selon une prédiction. Il n'allait constamment être là à guetter des preuves tangibles.

Redressant ses épaules, il refit rétrécir le parchemin et le remit dans le médaillon. Plus de pensées idiotes. Mais profondément en lui, il savait que désormais il attendrait.

~~~~*~~~~

Il aurait été difficile, sinon absolument dangereux, que Severus récupére de son coffre à Gringott une somme assez grande pour garantir une vie sans soucis à Clarissa au cours des prochains mois. Il y avait beaucoup d'argent, mais étant donné que leur liaison proche était de connaissance commune parmi les mangemorts, il n'aurait pas été sage de retirer une quantité exceptionnellement grande d'argent pour laquelle il n'avait ni explication ni preuve d'utilité. Lester Avery, père de Heather et chef du service des relations Moldues de la banque, était très utile quand il s'agissait de vider les coffres de leurs victimes ou de mettre un autre lot des fausses livres sterling sur le marché financier. D'un autre côté, il surveillait aussi de près les comptes de ses camarades mangemorts, et Severus était sûr que le sien était constamment contrôlé.

Les Malfoys avaient bien sûr un coffre à Gringott, mais ils gardaient aussi des sommes considérables dans leurs propres cachots. Ainsi Lucius suggéra qu'il avance à Clarissa tout ce dont elle avait besoin, car il pouvait le faire sans risque. " Tu dois effectuer la partie délicate de toute façon, " dit-il en passant la poche de cuir à Severus. Il l'avait fait rétrécir et avait jeté un sortilège de réduction de poids dessus, autrement elle aurait été trop lourde et trop remarquable. " Tu dois le lui apporter comme ceci, en espèces, il n'y a aucun autre moyen."

" Je sais " dit Severus " et j'espère que tu as conscience du fait que tu puisses ne pas la récupérer bientôt. Combien y a-t-il, de toute façon?"

" J'ai pensé que deux mille galions pourraient être suffisants pour l'instant. Tu dois bien lui faire comprendre, cependant, qu'elle ne doit ouvrir de compte nulle part . On ne peut pas faire confiance à ces gobelins. Quant à le récupérer, dis-lui de ne pas s'inquiéter. Où crois-tu qu'elle ira?"

" Je n'en ai aucune idée. Comme nous l'avons déjà dit, cela doit être hors de portée de hibou, car il serait trop facile de la localiser simplement en lui envoyant une lettre. Alors je suppose que cela devra être plutôt loin. Le plus loin, le mieux. Ce ne sera pas facile pour elle, mais c'est toujours mieux que d'être mort."

" Ou manchot."

" En effet. Je vais partir tout de suite, afin d'être de retour à temps pour les funérailles."

~~~~*~~~~

Il pouvait encore sentir les lèvres de Clarissa sur les siennes et ses bras l'étreignant pour la dernière fois quand il transplana devant le Manoir Malfoy deux heures plus tard. Les premiers invités arrivaient déjà, et il devait encore se changer et mettre ses robes de deuil. Il les portait beaucoup ces jours-ci, plus souvent qu'il ne l'aurait désiré. Les funérailles de Charles Rosier avaient été hier, et maintenant Julius Malfoy devait être enterré près de ses ancêtres. Tout en échangeant ses robes contre la tenue formelle, plus ou moins automatiquement, il pensa à combien Clarissa avait paru détendue et presque heureuse, comme si elle avait ôté un lourd poids de ses épaules. Ce qui était probablement exactement ce qu'elle ressentait. Ses projets d'aller aux Etats-Unis avaient trouvé son accord le plus sincère, d'autant plus qu'elle avait décidé d'essayer de vivre dans le monde Moldu, du moins au début, juste pour être en sûreté.

" A ce que j'ai entendu, " dit-elle, " Ils sont tout si complètement excentriques là-bas que mes problèmes initiaux avec leurs inventions étranges passeront facilement pour de l'excentricité. Et tu pourras m'envoyer des lettres via la poste Moldue."

Caressant ses cheveux, il remarqua, " C'est vraiment une bonne idée mais je ne peux pas recevoir de réponses. Sans compter que je ne connaîtrai pas l'adresse en premier lieu."

A la fin, ils avaient décidé qu'il allait inventer une histoire plausible à raconter au personnel de Foyle, pour qu'elle puisse lui envoyer des lettres là-bas. Un dernier baiser et elle avait été partie. Severus dût convenir qu'elle lui manquerait beaucoup. Pas autant qu'il ne l'aurait pensé néanmoins. Elle n'était pas la compagne promise de son âme, après tout, celle qui le serait -Non, se gronda-t-il mentalement, il ne devait pas laisser cette prophétie décider de sa vie. Il y avait des choses importantes desquelles s'occuper maintenant, dont les funérailles.

En bas, la grande foule des personnes en deuil était déjà assemblée. Il semblait y avoir moins de monde qu'aux autres funérailles importantes auxquelles il avait assisté, celles des Potters, mais il était toujours impressionnant de voir des centaines des gens former un cortège qui se déplaçait vers la partie nord-ouest de la propriété, où étaient enterrés tous les membres de la famille Malfoy depuis plus de trois siècles. Comme il y a trois ans aux funérailles des Potters, Severus était l'un des quelques élus installés sur l'une des chaises qui avaient été placées là pour les invités d'honneur. Son humeur, cependant, n'aurait pas pu être plus différente. Une sincère compassion pour Yelena Malfoy, qui avait l'air très petite et pâle dans ses robes noires et déchirées, mélée à un fort sentiment d'insécurité quant à l'avenir -il n'avait pas encore été décidé qui allait être le successeur de Julius Malfoy dans le noyau central des mangemorts-et à ses propres sentiments conflictuels à propos du départ de Clarissa, pesait lourdement sur lui. Et tout de même il vibrait de cette attente nouvellement trouvée, qui, il l'espérait, allait s'effacer avec le temps, car c'était beaucoup trop irritant pour son propre confort.

Le corps mort de Julius Malfoy fut mis en terre exactement au moment où le soleil descendait le long du coteau, baignant la maison et les terres de sa douce lumière rose orangée. Quand la dernière personne en deuil eut mis son cadeau d'adieu sur le tas qui scintillait d'or dans la lumière des torches, le monde était déjà enveloppé par l'obscurité; la zone éclairée par les torches formant une île illusoire de chaleur et de réconfort dans un vaste océan de froid nocturne.

Il avait été impossible que Lucius évite que le ministre de la magie exécutât la cérémonie. Il avait cependant réussi à éviter le repas officiel- dîner dans ce cas-qui suivait traditionnellement les funérailles en prétendant simplement que l'état de santé délicat de sa mère ne le permettait pas. D'une certaine manière, c'était vrai, parce que cela aurait été trop pour elle et tous les autres de recevoir le chef suprême de ceux qui avaient tué Julius Malfoy dans la propre maison ancestrale de ce dernier. Particulièrement parce que le ministre était responsable du traitement plus qu'indulgent des Blacks; ils avaient été suspendus de leurs devoirs d'Auror pour un mois et avaient été obligés de payer à la famille une indemnité qui pouvait leur faire mal, mais était une vétille pour les Malfoys. L'excuse officielle par le ministre lui-même ou par le chef de la commission de surveillance des Auror que Lucius avait demandée-il n'était bien sûr pas intéressé par l'argent-avait purement et simplement été refusée, de même que sa demande que les Blacks fussent dépouillés de leurs robes et privilèges d'Aurors et envoyés à Azkaban.

Ainsi il y eut seulement Yelena, Narcissa, Lucius, Severus et St. Jean Lestrange de rassemblés autour de la table du dîner. Lestrange devait partir tôt, parce qu'il avait encore beaucoup à faire à Poudlard avant de quitter l'école pour l'université d'Urqhart. Karkaroff s'était déjà installé hier, et les deux hommes avaient seulement trois jours pour examiner tous les détails, pour que Lestrange puisse cèder sa position de professeur et le Directeur de Maison à un successeur bien-informé

Après le départ de Lestrange, ils se retirèrent dans la librairie pour prendre un verre et allèger la tension que les funerailles leur avait causée à tous les quatre -serrer la main du ministre avait été une épreuve difficile pour le sang-froid de Lucius, et les condoléances, en partie sincères mais une simple formalité, de centaines de gens avaient terriblement ébranlé le self-control d'Yelena.

" J'ai une annonce à faire, " Sa voix argentine brisa le silence qui avait suivi la première gorgée de cognac. Trois paires d'yeux se tournèrent pour la regarder avec surprise.

" Une annonce?" fit écho Lucius . " Dites nous, mère."

" J'ai très précautionneusement considéré ma décision et il n'y a aucun moyen de m'en dissuader. Je retournai en Bulgarie demain. Continuer à habiter dans cette maison où j'ai passé vingt heureuses années avec Julius- " sa voix trembla mais elle réussit à poursuivre, même si avec un effort visible -" serait impossible. Tu-" elle regarda Lucius -" me le rappelles trop. Ta voix, ton port de tête, chacun de tes gestes. je sais que je m'enfuis et je n'exclus pas le fait de pouvoir revenir un jour. Mais pour l'instant j'ai simplement besoin de guérir. Et je sens que cela sera seulement possible sans un rappel constant de l'homme que j'aimais et que j'ai perdu."

Lucius était stupéfait. "Je. je ne sais vraiment pas quoi dire, " dit-il, après avoir récupéré du choc initial que l'annonce de sa mère lui avait manifestement fait. " Bien sûr je respecte votre décision. Et vous savez que je veux seulement le meilleur pour vous. Si vous croyez que retourner dans votre famille vous aidera vraiment à surmonter votre affliction, ainsi soit-il. Mais vous devez promettre que ce ne sera pas pour toujours."

Souriant à son fils, elle secoua la tête. "Non, ce ne sera pas pour toujours. Mais c'est tout ce que je peux dire tout de suite. Cela pourrait me prendre six mois ou dix ans pour me rétablir. L'âme a ses très particulières manières de guérir. Je vais me retirer dans mes appartements maintenant. La journée a été très fatigante, et j'ai beaucoup de choses à faire demain."

Elle se leva gracieusement et quitta la pièce; les trois autres restèrent là, la regardant fixement se retirer. L'atmosphère était lourde de tristesse et de perte, Severus pouvait le sentir presque physiquement- il pouvait uniquement deviner comment cela devait être pour Narcissa et surtout pour Lucius. La porte de la bibliothèque vennait tout juste de se fermer quand Narcissa commença à pleurer silencieusement, essayant de retenir les sanglots qui faisaient tressaillir son corps tout entier. Lucius se leva, mordant sa lèvre inférieure comme il le faisait toujours dans des moments de confusion et d'impuissance absolues.

" Je crois que nous devrions aussi nous retirer " dit-il, tendant sa main droite pour aider Narcissa à se lever de son siège. " Mes excuses, Severus pour toutes ces mises à nu d'âmes. Je te verrai demain au petit déjeuner."

Severus acquiesça. " Ne t'inquiète pas. J'ai beaucoup de choses auxquelles penser de toute façon. Je vais rester ici un moment puis aller au lit moi- même. Cela a été une journée difficile pour nous tous."

~~~~*~~~~

De nouveau, le sommeil s'avéra être un ami inconstant. A une heure du matin, Severus était encore tout à fait éveillé. Il n'y avait absolument aucun sens à prétendre qu'il s'endormirait bientôt et il décida de se lever et de retourner à la bibliothèque, afin de chercher quelque chose de suffisamment monotone pour engourdir son esprit en un sommeil paisible. La maison était complètement sombre mais les terrains étaient couverts d'une fine couche de neige, la lumière se reflétant dessus était suffisante pour qu'il trouve son chemin sans enflammer les bougies.

Les fenêtres de la bibliothèque faisaient face à l'est. Dans le faible éclat de la lune croissante, Severus pouvait presque discerner les titres des livres sans source supplémentaire de lumière. Mais il décida de rester ici un moment pour savourer la tranquillité et l'odeur du cuir et du parchemin. Esmeralda ne serait nullement heureuse de devoir rester dans son lit toute seule; il n'y avait pas eu beaucoup de temps pour des câlins ces derniers jours. Mais cette heure irréelle, argentée de la nuit était trop irrésistible; seuls les Dieux savaient quand il trouverait à nouveau une telle paix et tranquillité.

Il devait s'être assoupi dans son fauteuil et fut réveillé par le contact doux d'une main sur la sienne. S'il n'y avait pas eu la chaleur de la peau effleurant la sienne, il aurait cru qu'un fantôme se tenait devant lui, quelque Malfoy malheureux des années depuis longtemps passées, argenté et éthéré.

" Severus, " dit la voix harmonieuse " que faites vous encore ici?"

" Je suis désolé, je. je ne pouvais pas dormir."

" Ah, " dit-elle. " Moi non plus. Alors je suis descendue dire au-revoir à la maison. Mes affaires sont prêtes, et je partirai tôt dans la matinée avant que Lucius et Narcissa se réveillent. Partant furtivement comme un voleur."

Elle avait l'air presque translucide dans la lumière mystérieuse, diffuse. Severus était incapable de détourner ses yeux. Il secoua la tête. "Non, " dit-il. " Je comprends que vous ne puissiez pas supporter plus d'adieux. Cela fera peu de différence pour Lucius et Narcissa, car ils sont tristes de toute façon, mais ce sera une grosse différence pour vous." Elle hocha la tête. " Je vous laisse à votre tour alors. Bonne nuit."

La main de Severus était déjà sur la poignée de la porte quand il entendit de nouveau sa voix. "Vous prendrez soin de Lucius, n'est-ce pas?"

Il se retourna. " Je ne crois pas qu'il me laisse le faire, mais j'essayerai de garder un oeil sur lui. Croyez-vous qu'il ait besoin qu'on prenne soin de lui?"

Ses pas ne firent aucun son quand elle s'approcha de lui. " Les mères pensent toujours cela de leurs enfants, je suppose. Ai-je l'air ridicule?"

"Non. Bien que la pensée que je prenne soin de Lucius ne manque pas d'un certain. eh bien aspect comique ."

Ils avaient quitté la bibliothèque et étaient maintenant dans le hall d'entrée. Ici, il faisait presque complètement sombre.

" Je souhaiterais pouvoir d'une manière ou d'une autre supprimer cette image de mon cerveau, " dit elle d'une voix atone. " mais je crois que je me rappellerai toujours de lui étendu là, sa tête inclinée avec un angle si étrange et anormal."

" Vous pourriez demander à être mise sous oubliette."

Le doux froissement des cheveux contre la soie lui dit qu'elle secouait la tête. "Non. Ce serait faire une injustice, à lui comme à moi. Je regrette de ne pas avoir eu la force d'aller tuer ces deux Aurors."

" Autant que Lucius veuille de vengeance, je doute qu'il soit satisfait si le prix était une condamnation à perpétuité à Azkaban pour vous."

Elle soupira profondément. " En effet. Mais le désir est quelquefois écrasant. La furie, vous savez, et ce sentiment d'impuissance."

Instinctivement, Severus passa son bras autour de son épaule. Elle frissonnait. " Je sais. Mais ne confondez pas patience et impuissance. Les Blacks auront ce qui leur revient. C'est quelque chose que je peux vous promettre. Cela n'arrivera pas demain, mais la mort de Julius sera vengée. Peut-être cela rendra-t-il votre retour plus facile."

Le bras de Severus encore sur ses épaules, elle se retourna pour lui faire face. " Vous le promettez?"

" Je le promets, " chuchota-t-il, et il appuya un baiser sur son front.

Quand il la regarda depuis le sommet des marches, elle était encore debout là, une belle statue faite de platine, mais chaude et vivante.

~~~~*~~~~

Progressivement, presque imperceptiblement, la situation commença à se transformer en faveur de Voldemort. Un filet constant d'articles désapprobateurs dans la Gazette des Sorciers jetant une lumière impitoyable sur les carences du ministère; les allusions persistantes que la radio des sorciers envoyait à chaque heure tous les jours au sujet de l'autre grande puissance qui devait être crainte et respectée; tout ceci apportait finalement les résultats désirés. Les gens se moquaient des Aurors et des patrouilles de la mise en application de la loi et leurs jetaient des regards de travers où qu'ils passent; les gens étaient moins serviables quand il s'agissait de fournir des preuves contre les auteurs des raids de plus en plus nombreux, et la plupart du temps ils fermaient simplement les yeux, voulant seulement que la paix soit restaurée, sans se soucier qu'elle soit apportée par le ministère ou Lord Voldemort. Ceux qui étaient convaincus que le seigneur des ténèbres était celui qui avait le pouvoir de rétablir l'ordre et la loi dès que possible-et leur nombre augmentait d'une façon significative -commencèrent à apporter leur part, aussi petite qu'elle soit à la destruction du vieil ordre des choses, espérant que le nouvel ordre reconnaîtrait leurs mérites. Ste Mangouste recevait des médicaments et des potions qui ne marchaient pas correctement parce qu'ils avaient été trifouillés; les portoloins du ministère étaient soudainement enclins à des disfonctionnements mystérieux; des hiboux portant des messages importants étaient interceptés-l'atmosphère était devenue une atmosphère de danger, au bord de la guerre civile.

Le ministère réagit de la seule manière possible-jouant directement en faveur de Voldemort. Le salaire des représentants de la loi et des Aurors fut manifestement élevé, afin de sembler plus attrayant à ceux qui n'auraient jamais autrement rêvé de choisir cette profession. Bartemius Croupton Sr. gagna finalement sa croisade contre Roger Lovegood, le recteur de l'Académie des Aurors, et la période de l'entraînement des Aurors nouvellement recrutés fut raccourcie d'un an entier, si bien qu'elle durait seulement onze mois. Cela et la nouvelle motivation du salaire ridiculement haut produisit une nouvelle sorte d'Aurors, pour qui l'éthique traditionnelle n'était qu'une mauvaise plaisanterie. La spirale de la violence avait commencé sa rotation mortelle.

Lucius reçut la place de son père dans les rangs de Voldemort-au grand soulagement d'Owen, comme il l'avait dit à Severus. Il ne voulait pas d'une position qui, en dehors de l''honneur d'être un des quatre hommes de confiance du maître, signifiait aussi des responsabilités considérables avec toutes leurs conséquences. Pour Lucius, qui, avec la mort de son père, avait perdu beaucoup de sa nonchalance pleine de jeunesse, cela convenait parfaitement. Comment il réussissait à répartir son temps entre ses études, ses devoirs toujours-croissants de mangemort et son épouse était un mystère pour Severus. Vrai, il investissait beaucoup plus de temps dans ses propres études que Lucius -pour Lucius, aller à l'université était plus un passe- temps et un moyen très utile et pratique de rencontrer Lestrange. Ils devaient être plus prudents que jamais en arrangeant leurs réunions et en planifiant les attaques; en particulier, Barty avait beaucoup de mal à échapper à la constante vigilance de son père.

Lucius et Severus avaient donc suggéré à Voldemort qu'il serait plus sage de les laisser faire la plus grande partie du travail actif, commander les raids de mangemorts. Cela voulait dire beaucoup plus d'efforts et de péril pour eux, mais un risque considérablement plus faible pour le mouvement -Narcissa fournissant un excellent alibi pour son mari et à l'occasion pour Severus aussi, qui maintenant avait pris l'habitude de porter ses pyjamas sous ses robes de Mangemort et avait inventé un nouveau sortilège qui tout à la fois enlevait, faisait rétrécir et allait ranger ces preuves accablantes dans un compartiment secret de l'une des étagères à livres. Lestrange et Karkaroff faisaient un excellent travail pour attirer de nouvelles recrues Mangemorts, et Barty avait finalement réussi à convaincre quelques uns de ses collègues au Ministère qu'il était plus sage de s'associer avec la puissance qui allait probablement gagner, que de rester loyal à une gérontocracie déclinant rapidement, et dont le coucher de soleil jetait déjà de longues ombres sur tout le monde sorcier.

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Aujourd'hui, Severus n'avait pas porté de pyjamas sous ses robes; cependant le sortilège de déshabillage était devenu une seconde nature pour lui, et ainsi il se retrouva en chemise et pantalons sans presque le remarquer. Fatigué, il traversa la pièce vers la stéréo, installa un disque des sonates de Haydn pour pianoforte, se versa une boisson et s'effondra dans un des fauteuils près de la cheminée.

" Je sais, "dit-il à Esmeralda, qui tournait autour de lui, reniflant et émettant des miaulements plaintifs, " Je sais, ma douce. Tu n'aimes pas ce que tu sens. Moi non plus, je t'assure. Je ferai de mon mieux pour enlever ça avant d'aller au lit. Alors ne t 'inquiètes pas."

Il engloutit le cognac et se leva pour remplir son verre à nouveau. Merlin savait qu'il en avait besoin. Pas parce qu'il n'ait pas bu assez d'alcool ce soir; au contraire, il en avait bu plus qu'en abondance. Mais l'aiguillon agréable du spiritueux coulant dans son oesophage était le seul moyen de se débarrasser du léger goût cuivré traînant encore dans sa bouche. Il avait lu des livres au sujet des rites Beltanes mais la différence entre la description clinique donnée par un livre et l'événement véritable- réel et malodorant et sanglant-était sans fond et certainement pas en faveur du dernier. Son estomac s'irrita à la simple pensée, et il engloutit rapidement la seconde dose. Il devrait complètement se soûler la gueule pour avoir une chance de trouver au moins quelques heures de sommeil à moitié convenable.

Peu étonnant, pensa-t-il, que Julius Malfoy ait refusé ce rituel pour le mariage de son fils. St. Jean et Tabitha avaient néanmoins accepté avec joie. Au moins ils pourraient dire qu'ils avaient eu un mariage mémorable, pensa-t-il avec un sourire désabusé, étant donné que l'ambiguïté du terme laissait de l'espace pour plus que d'énormes gâteaux et des grands-parents pleurant avec une fierté nostalgique. Narcissa devrait être mise sous oubliette par son époux encore une fois néanmoins. La pauvre créature avait presque vomi ses intestins. En plus de tout cela, elle était aussi enceinte et, un moment, Severus frémit à la pensée que les émotions de la mère pouvaient influencer son enfant pas encore né. Lucius avait bien sûr essayé de son mieux de ne pas l'amener, mais Voldemort avait été inflexible. Severus supposait que c'était une sorte de vengeance pas trop subtile de la part de leur maître pour avoir été privé de son sang.

Ce soir tout le monde avait porté son masque, et Severus succomba presque à la nausée qui le submergeait au souvenir de lui-même, sautant stupidement une quelconque femelle en chaleur appuyée contre la surface rude d'une des pierres géantes. Un aphrodisiaque puissant que lui-même avait fabriqué sur l'ordre du seigneur des ténèbres avait été mêlé au vin; et baiser ce corps consentant si brutalement que cela faisait mal avait été un moyen bienvenu de se faire oublier le goût révoltant du sang frais et encore tiède. Le rite avait eu lieu sur l'île d'Orkney dans le même cercle de pierre que Voldemort utilisait pour l'initiation des nouveaux mangemorts. Et cela n'allait pas devenir l'un de ses souvenirs favoris. Il était parti dès que possible, mais cela n'aurait pas importé s'il était resté plus longtemps-le sentiment d'être sale, non seulement superficiellement mais jusqu'à la moëlle de ses os n'aurait pas pu augmenter davantage. Comment l'un de ses camarades mangemorts aurait pu avoir apprécié cela dépassait l'imagination de Severus. Même sous l'influence de l'aphrodisiaque, il avait été écoeuré. C'était cependant un fait indéniable que beaucoup d'autres avaient trouvé du plaisir à cette sorte d'accouplement bestial; il doutait qu'ils aient eu besoin de la potion. C'était l'une des préparations qu'il devait fournir en assez grandes quantités, pour qu'elle soit prise avant les raids. A son énorme soulagement, il était celui qui était aux commandes de ces opérations et ainsi devait garder un esprit sobre, ce qui excluait automatiquement les drogues ayant un effet sur l'esprit et les potions de toute sorte. C'était la justification parfaite, et il avait un fort soupçon que Lucius était également content d'être exempté de cet aspect particulier d'être un mangemort. Quoi qui puisse être fait avec une baguette était different-il n'avait pas de problèmes à torturer ou à tuer. Le viol était une chose entièrement différente et autant qu'il méprise secrètement ceux qui l'appréciaient, il était reconnaissant qu'ils fassent le sale travail pour lui.

Avec un sourire ironique, il immagina ce que Barty devait avoir ressenti, pauvre Barty, tendu, propre d'une manière presque compulsive. Il avait probablement eu besoin d'une dose double d'aphrodisiaque. Mais la position de Barty était devenue assez précaire, malgré son travail réussi au ministère. Severus était sûr qu'il aurait manqué la cérémonie de ce soir, si cela avait été possible. Il avait été assez sage pour ne pas exprimer ce souhait néanmoins.

Severus bâilla et jeta un coup d'?il à sa montre. Il devrait essayer de dormir maintenant; demain était une journée importante. McLachlan voulait faire l'essai d'une nouvelle formule qu'ils avaient développé pour la potion du loup-garou et à en juger par la version écrite, cela pourrait même réussir. La version écrite avant qu'il n'ait rajouté quelques petites erreurs bien sûr. Celle qu'il allait amener demain aboutirait à un échec spectaculaire, mais il était important de distraire le vieil homme pour qu'il ne puisse pas trouver les erreurs. Pas que Severus se soucie particulièrement du fait que la lycanthropie de Lupin soit adoucie ou non; c'était Voldemort qui lui avait ordonné de saboter les expériences. Après tant d'échecs, il était probable que le loup-garou soit déçu et amer-une nouvelle recrue idéale. Et une arme très efficace si elle était utilisée pendant la pleine lune.

**en français dans le texte.